Chapitre 34 (corrigé)

Je lui lance un regard noir. S'il n'y avait pas tout ce monde entre nous pour m'arrêter, je lui aurais sauté à la gorge et l'aurais éventré avec plaisir. Il est loin le temps où il imposait son autorité de chef de meute sur moi. Mon père semble satisfait de m'avoir mise dans cet état de rage.

- Dis-nous donc, Isadora, ce que ton espion t'a rapporté à propos du projet des vampires ?

Il fait exprès d'employer ce prénom que je déteste pour me pousser à bout. Je l'emmerde ! Je n'ai aucun compte à lui rendre. Voyant que je n'ai pas l'intention de répondre, il continue sur sa lancée.

- A mon humble avis, il y a quelque chose qui a dû attirer son attention.

Je pâlis d'un coup. Merde, qu'est-ce qu'il sait ?

- Dis-moi, Isadora, aurait-elle reconnu l'un des démons lieutenants de notre maître ?

Je me lève d'un bond, mais Ach m'arrête en attrapant mon bras avec fermeté. Je me tourne vers lui. Son regard est dur et acéré. C'est la première fois que je vois autant de noirceur en lui.

- C'est bien ça, n'est-ce pas ? poursuit mon père. Elle a vu en toi l'un de ces démons et depuis, elle prépare l'affrontement.

Un brouhaha incompréhensible s'élève dans la pièce. Les alphas parlent entre eux, polémiquent, me jetant des coups d'œil dubitatifs, voire même apeurés. Ils s'interrogent sur la véracité de ce qu'il vient de dire, sur ce que signifie les allégations de mon paternel.

- C'est quoi toute cette histoire ?

En fin de compte, c'est la voix de Liam qui surplombe toutes celles des autres.

- Mais oui, éclaire-les donc, ma chère enfant.

Je n'ai jamais autant voulu tuer mon père qu'à cet instant précis. Lui et sa capacité sans équivalent à foutre la merde. Liam vient se planter devant moi, me coupant dans mes pensées meurtrières.

- Ivy, c'est quoi cette putain d'histoire ?

Je le regarde droit dans les yeux. Ce que j'ai à lui raconter va bouleverser son existence et celle de tous ceux qui sont présents dans cette pièce. Je hais l'idée que je sois l'ange funeste annonciateur d'une merde pareille.

- C'est de ça qu'on devait parler.

Je me laisse retomber sur le fauteuil et passe une main sur mon visage. Les yeux rivés au sol, je commence à leur expliquer toute cette foutue histoire de lycaons, de vampires et de démons.

- Et tu prétends être l'un des lieutenants de Satan ? se moque l'un d'entre eux.

- Je ne prétends rien. C'est ce que tout le monde semble le croire. Mon loup y compris.

- Comment ça ton loup ? demande Liam, qui s'est assis, secoué par toutes ces révélations.

- Elle est capable de communiquer avec son démon, explique Ach à ma place. Mais il semblerait que ce ne soit pas un grand loquace.

Je lève les yeux au ciel. Ach et son humour douteux, qui tombe toujours à pic.

- C'est ça ce qui s'est passé sur le parking du bar ?

Liam est livide. J'acquiesce d'un mouvement de tête. Les autres chefs de meute sont repartis dans leur débat bruyant. Beaucoup d'entre eux sont suspicieux. Et ceux qui y croient mettent en doute la possibilité qu'un démon puissant ait pris possession de mon corps. Pour eux, une femelle ne peut assumer ce rôle. Comment le pourrait-elle ? C'est un être si faible, pensent-ils tous. Je leur arracherai bien le cerveau pour les narines pour leur montrer à quel point je suis faible. Tout ça commence à me porter sur les nerfs. Je vais finir par exploser. Toute cette condescendance, tout ce mépris. Dans cette pièce, il n'y a que Ach et Liam qui soient de mon côté. Je ne tiens pas compte de mon père. Son avis ne m'intéresse pas. Il m'insupporte.

- Maintenant, vous allez la fermer ! hurlé-je.

Un silence de mort s'abat sur la pièce. Je boue tellement que j'ai juste envie de leur exploser le crâne contre le mur pour en finir. Ivy, reprends ton calme. Tu ne vas pas pouvoir arriver au bout de cette réunion sans étriper quelqu'un si tu continues comme ça. J'inspire profondément pour tenter de retenir dans sa cage mon loup qui menace de s'échapper. Ach a toujours la main sur mon épaule. Il ne me lâche pas. Je suis contente qu'il soit venu. Il m'aide me canaliser. Rien que ce contact physique m'apaise.

- Hella a en effet laissé entendre qu'elle croyait qu'Ivy abritait Hati, dit alors Ach.

A ce mot, mon corps se met à vibrer. La cage s'ébranle. Je ferme les yeux. Cette sensation est extrêmement perturbante et douloureuse. Dans l'obscurité, j'aperçois les yeux rouges.

(Hella a su lire en toi, Ivy. Maintenant elle sait et elle se prépare.)

Bordel ! Le démon refait surface. Sa force augmente à chaque fois qu'on est confronté l'un à l'autre.

(L'affrontement est proche. Tu dois maintenant retrouver mon semblable, Skoll. Mon frère.)

Son frère ? Comment ça, un démon peut avoir un frère ?

(C'est qui ce Skoll ?)

(Il est ma moitié, mon tout. Va le chercher pour que ton destin s'accomplisse.)

Mais je ne veux pas que mon foutu destin s'accomplisse. Je veux juste qu'il me foute la paix.

(Il n'en est pas question ! La seule chose que je veux, c'est que tu te barres de mon corps !)

(Pauvre petite âme ! Ce que tu espères n'arrivera jamais. Soumets-toi ou péris. Il n'y a pas d'autres alternatives.)

J'ai envie de lui hurler d'aller au diable, mais une main puissante me secoue.

- Ivy !

La voix de Ach me sort de mon état de transe. J'ouvre les yeux. Tous les regards sont braqués sur moi. Certains ont les yeux écarquillés d'effroi, d'autres jubilent. Merde ! Qu'est-ce que j'ai encore fait ? Je regarde Ach. Il semble inquiet.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandé-je.

- Tu t'es figée et tu as commencé à marmonner des paroles incompréhensibles.

Je le regarde, dubitative.

- Ce n'était pas ta voix. C'était beaucoup plus grave, comme une voix d'outre-tombe.

- J'avais donc raison, enchaine mon père, au bord de la jouissance. Dire que pendant toutes ces années, je t'avais sous les yeux et que je ne me suis rendu compte de rien. Mais Lucifer a eu confiance en moi. Il m'a confié l'un de ses lieutenants. Nos sacrifices n'ont pas été vains.

Ses sacrifices ? Quels sacrifices ? Est-ce que c'est lui qu'on battait jusqu'à tomber dans les pommes et qu'on réveillait ensuite à coup de seau d'eau glacée avant de recommencer ? Est-ce que c'est lui qu'on affamait en guise de représailles pour avoir osé contester la décision d'un mâle de la meute ?

Ma rage s'explose, je perds le contrôle. Je repousse violemment Ach et fonce attraper mon père à la gorge. Il ne semble pas surpris. Il est même content. Tout comme Hella l'était ce jour-là. Ce même regard jubilatoire.

- Pourquoi ris-tu ? vociféré-je, alors que je le soulève du sol.

- C'est ta réaction qui me met en joie, articule-t-il avec difficulté. Cela prouve que c'est bien Hati qui possède ton corps. Quelle autre réaction pourrait avoir le démon de son acabit ?

Mes doigts se resserrent encore plus. Je sens les cartilages s'écraser.

- Si tu me tues maintenant, tu ne saurais pas toute la vérité, continue mon père entre deux respirations sifflantes.

- Quelle vérité ?

- Te rappelles-tu de ton enfance, Isadora ? Te rappelles-tu de Samuel ?

Ce prénom se répercute dans mon cerveau et me fait lâcher prise. Pourquoi est-ce qu'il a une signification particulière pour moi ? comme si ce mot était relié à mon âme. Je pose la main sur mon cœur qui s'est emballé.

- Qui est Samuel ?

J'ai soudain le souffle court. Le sang rugit dans mes temps. Mon père tente de reprendre sa respiration mais ma poigne a broyé sa trachée, ne lui simplifiant pas la tâche. Mais je n'en ai que faire. Je veux seulement qu'il me dise à qui appartient ce prénom qui entre en écho avec le mien.

- Réponds-moi, bordel !

- C'est ton frère, finit-il par articuler.

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