Chapitre 33 (corrigé)

En début d'après-midi, on décolle enfin. Ach ne rigolait pas quand il disait qu'on pouvait devenir accro. Quand il a bu mon sang, je me suis sentie partir, comme shootée. Je ne pensais pas tripée autant ! Et l'orgasme sous cet effet a juste été explosif. Je n'ai pas envie que Ach devienne mon sachet de coke sur pattes. Il faudra que je mette un holà à cette pratique. Je le vois sourire. Il a dû encore lire dans mes pensées. Je détourne la tête et regarde le paysage défiler.

Le trajet jusqu'à New York va durer environ deux heures. C'est Ach qui conduit, vu l'état de mon bras. Il me l'a mis en écharpe. Pour une meilleure cicatrisation, selon lui. Mais je le soupçonne de s'être un peu attaché à moi.

Je ris intérieurement. Dire que la première fois qu'on s'était rencontré il me foutait une trouille bleue. Maintenant, j'ai totalement confiance en lui. Je ne devrais peut-être pas, mais une part de moi sent qu'elle peut le faire. Ach ne relève pas. Je le trouve différent depuis qu'on s'est retrouvé. Il est plus empathique, moins égocentrique. Je pensais le retrouver empli de colère, mais ce que j'ai vu dans ses yeux, c'était plus de la mélancolie que de la rage. Il a gardé quelque chose d'humain au fond de lui. Rien à voir avec l'autre folle. Hella. Celle-là, je lui arracherai bien la tête !

- Pourquoi tu n'es pas avec Elle ?

Cette question me brûlait les lèvres depuis mon retour.

- Hella est en train de s'embarquer dans la folie des grandeurs. Très peu pour moi. Je suis très content de ma situation actuelle. Je peux me nourrir comme je veux, coucher avec qui je veux, quand je veux. Aucun intérêt de me lancer dans une guerre incertaine contre des anges ou des humains.

- En fait, t'es un planqué ! me moqué-je.

Ach pile aussitôt et nous arrête au beau milieu de l'autoroute. Ses yeux flamboient de rage. Bon d'accord, il me fait toujours aussi peur.

- Je plaisantais, Ach. Ne le prends pas mal.

- Je dois du respect à Hella, mais j'ai ma liberté d'action, dit-il en serrant les dents. J'aime mon indépendance. C'est pour cela que je me suis exilé dans ce trou perdu.

Les voitures nous frôlent, klaxonnant comme des malades en passant à côté de nous. Je commence à me dandiner sur mon siège, de moins en moins rassurée. Mon corps est capable de se réparer mais il n'est pas éternel, contrairement à celui de Ach.

- D'accord, je comprends et je m'excuse platement, réponds-je à la hâte. Est-ce que maintenant on pourrait repartir ?

- Si je te suis, c'est parce que je le veux bien, poursuit-il comme si de rien n'était. Personne ne m'y oblige. Ni toi, ni Hella. Est-ce que c'est bien clair ?

- Comme de l'eau de roche, mais je t'en prie, redémarre cette putain de voiture !

Je me suis mise à hurler en voyant un camion nous frôler. Ach actionne la marche avant et continue sa route, l'air de rien. Un peu plus et je me faisais dessus. Ce mec est un vrai malade ! Je me tasse sur mon siège et ferme ma gueule pour le reste du trajet.

Nous débarquons enfin chez Liam à la nuit tombée. C'est un petit immeuble en briques rouges sans grande prétention, mais en bonne état. Il est identique à tous ceux de la rue. Le quartier ne craint pas, mais ce n'est pas non plus le grand luxe. Assez discret pour abriter une meute de loups. Ach gare la voiture juste devant. J'ouvre ma portière, toujours aussi muette. Notre petit arrêt surprise en pleine circulation a laissé des traces. J'ai l'estomac en vrac. Je monte tranquillement les marches jusqu'au perron, Ach à quelques pas derrière moi. J'ai dit à Liam qu'il m'accompagnait, mais au ton de sa voix, j'ai senti qu'il n'était pas convaincu par le bienfondé de sa venue. Je frappe à la porte et quelques secondes plus tard, c'est lui qui ouvre.

- Ivy, on commençait à s'inquiéter, dit-il en me faisant une petite accolade, genre « On est potes maintenant, même si tu m'as défoncé la gueule ».

- Comment ça « on » ? demandé-je, gênée par ce soudain élan de convivialité.

- Tous les chefs de meutes du comté de New York, explique-t-il en jetant un regard noir vers Ach.

Ce dernier, les mains dans les poches, lui sourit de toutes ses dents de vampire. Je lève les yeux au ciel devant son attitude. Quand est-ce qu'ils vont arrêter ce concours de celui qui pisse le plus loin ?

- C'est lui incontestablement, au vu de son gabarit, rétorque Ach. Mais c'est moi qui baise le mieux !

Liam émit un grognement. Je pose la main sur son avant-bras en guise d'apaisement.

- Ach est là pour aider et il va bien se comporter, lui assuré-je, en lançant un regard appuyé au vampire.

- Si personne ne vient m'importuner, il n'y a pas de raison, réplique-t-il en haussant les épaules.

Il se glisse derrière moi dans l'entrée, se collant à mes fesses et posant une main possessive sur mon épaule. Je me retourne et lui fais les gros yeux. Non mais il se fout de ma gueule là ! Il se met à sourire de plus belle. Quand j'aurai réglé ce problème de réunion de lycaons improvisée, je vais lui faire sa fête. Ach manque de s'étouffer en riant. Je décide de l'ignorer et de reporter mon attention sur Liam, qui nous lance des regards interrogatifs. Liam, sérieux, laisse tomber. N'essaie pas de comprendre. Il vaut mieux.

- Comment ça, tous les chefs de meutes du comté ? demandé-je pour détourner son attention des agissements suggestifs de Ach.

- Oui, les alphas des environs, ils s'inquiètent de la tournure que prennent les choses. Ils craignent une guerre entre lycaons et vampires. Mais il n'y a pas que ça... se reconcentre Liam. A ce propos, j'ai quelque chose à t'annoncer... d'assez délicat.

Le loup garou semble tout à coup mal à l'aise. Qu'est-ce qu'il va encore m'annoncer ? Parce que sérieusement, ces derniers temps, j'ai eu mon lot de nouvelles pourries.

- Bonsoir, Ivy.

Je reconnais immédiatement cette voix qui vient de l'étage du dessus. Tout mon sang s'est barré, je ne sais où, et mon cœur s'est figé en l'entendant. Ça ne peut pas être lui. J'ai dû halluciner. Mes yeux se lèvent lentement vers l'escalier. Mon cœur fait alors un arrêt. Il n'a absolument pas changé. Toujours ce même regard acéré, toujours cet air déterminé. Seuls ces cheveux dénotent du temps qui a passé. Ils ont pris une couleur poivre et sel qui lui donne un certain charme si on oublie la froideur de son âme. Je me redresse aussitôt, enfilant le masque qui a été le mien durant ces longues années.

- Père.

- Ivy, dit-il le sourire aux lèvres. Enfin c'est comme ça qu'on t'appelle, on m'a dit. Personnellement, je préfère le prénom que nous t'avions choisi. Isadora.

Mes lèvres tressautent dans un tic nerveux. Je ne supporte plus ce prénom. Il me renvoie à des souvenirs plus que douloureux. La main de Ach exerce une pression sur mon épaule à la limite du supportable. Il a dû ressentir mon état émotionnel, mais je vois que le regard de mon père a glissé dans sa direction et s'est durci.

- Tes fréquentations sont pires que ce que je pensais, crache-t-il. Un vampire chez les lycaons. Tu ne couches pas avec lui, j'espère ?

Non mais j'hallucine là ! Mon père qui s'inquiète de mes fréquentations et avec qui je baise. Qu'il aille se faire foutre !

- Je baise avec qui je veux, vociféré-je. Tu as perdu depuis longtemps le droit de donner ton avis là-dessus.

Mon loup commence à s'agiter. Je tente de le contenir depuis un moment, mais cette confrontation avec mon père a attisé sa soif de sang. Je serre les dents pour éviter de péter un câble.

- Je suis là pour aider, dit soudainement Ach, sur un ton étonnamment calme. Hella est en train de perdre les pédales et elle nous met tous en danger.

Je lui jette un regard de biais. Ach est, on ne peut plus, sérieux. Sa conviction me rassure. J'ai moins l'impression d'être seule. Je me tourne alors vers Liam qui observe en silence l'échange.

- Très bien Liam. Il est temps de rencontrer tous ces alphas et d'entamer la discussion.

Liam acquiesce, fait demi-tour et s'engouffre dans le couloir. Je vais lui emboiter le pas quand la main de mon père s'abat sur mon bras. Un courant électrique parcourt mon corps. Je me bloque, au bord de l'implosion.

- J'ai été agréablement surpris en apprenant que tu étais devenue alpha. Je n'en attendais pas moins de ma fille.

J'approche mon visage du sien, assez près pour qu'il puisse lire ce qui a dans mon regard. Je veux qu'il ancre bien au fond de son esprit les paroles que je vais prononcer.

- Tu n'as pas à être fier. La fille que tu traitais comme une chienne, que tu battais quand elle ne t'obéissait pas, n'existe plus. Isadora est morte depuis longtemps. Je ne sais pas ce que tu es venu faire ici, mais tu n'es pas le bienvenu.

Son sourire machiavélique s'étire.

- Tu parles comme une vraie Black.

Il me lâche et suit le chemin emprunté par Liam quelques secondes auparavant. J'ai envie de tout exploser autour de moi, de hurler jusqu'à en péter mes cordes vocales. Peut-être tuer quelqu'un, n'importe qui.

- Reprends-toi, susurre Ach à mon oreille. Il faut que tu affrontes tout une bande de lycaons machistes. Ensuite, je te promets, je t'aiderais à faire baisser la pression. Une bonne baise brutale, comme tu les aimes.

Ach a le don de me faire passer d'une rage incommensurable à l'excitation la plus totale en une fraction de seconde. Bordel ! Il me sourit. Je crois qu'il est vraiment sérieux. Ça va être dur de rester concentrée après ça. Au moins, la colère est un peu retombée.

Quand j'entre dans le salon, une dizaine de mâles se tournent vers moi. Je me sens un peu mal à l'aise sur le coup, mais je laisse rien paraitre. Ils me détaillent tous des pieds à la tête. Certains éprouvent un dégoût certain, d'autres ont le regard lubrique. Bandes de connards ! Je me rebiffe. Je vais leur montrer qui je suis. Je relève le menton et vais m'asseoir sur le seul fauteuil vacant. Ach me suit et s'assoit sur l'accoudoir, à côté de moi.

- Qu'est-ce que le buveur de sang fait ici ? lance l'un d'entre eux d'un ton rempli de mépris.

- Si ça ne vous convient pas, vous pouvez sortir. Je ne vous retiens pas, lancé-je d'un ton glacial.

Leurs sourires arrogants se fanent aussitôt.

- De quel droit me parlez-vous de cette manière ? s'énerve l'alpha, en se levant.

- Vous êtes sur mon territoire, j'ai tous les droits, répliqué-je, le toisant du regard.

Il se met à grogner, pour m'effrayer semble-t-il. Je me lève et m'avance vers lui. Je pose des yeux méprisants sur cette petite ordure.

- Vous voulez qu'on se batte ? Pas de problème ! Sachez juste que j'ai foutu une raclée au dernier lycaon qui a tenté l'expérience. N'est-ce pas Liam ?

Je n'attends pas la confirmation du loup garou et enchaine.

- Il en est de même pour cette tarée de Hella. La dernière fois que je l'ai vu, je lui ai refait le portrait. Ce n'était pas beau à voir.

- Je confirme, réplique Ach. J'étais présent.

L'alpha blanchit et retourne s'asseoir, sans mot dire. Voilà qui est fait ! Maintenant, ils savent tous à qui ils ont affaire. Qu'ils ne viennent plus m'emmerder. La réelle discussion peut enfin commencer.

Je retourne m'asseoir. Liam a un léger sourire sur les lèvres. Je crois qu'il a apprécié que j'assume enfin ma place d'alpha. Mon père, quant à lui, semble impassible. Je croise enfin le regard de Ach. Il est rempli d'un feu que je reconnais immédiatement et un incendie s'allume dans mon bas-ventre. J'avale la boule qui vient de se former dans ma gorge. Il faut que je me reprenne. Ils ne doivent pas s'en apercevoir. Je me rassois et tente de reprendre un air impassible, tant bien que mal.

- Très bien, je pense que vous êtes tous là par la même raison, dis-je d'une voix ferme. Hella est en train de former une armée de vampires. Le problème, c'est qu'elle risque de nous faire remarquer et nous savons tous que les chasseurs ne vont pas apprécier.

- Mais pourquoi a-t-elle décidé de se lancer là-dedans ? et pourquoi maintenant ? demande l'un des alphas.

- Hella est une cinglée de première. Je suppose qu'elle veut plus de pouvoirs, mens-je.

Mon père se lève à ce moment-là. Tous les regards se dirigent vers lui. Son sourire satisfait ne me dit rien qui vaille.

- Et si tu nous disais quelles sont les véritables motivations de cette Hella ?

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