Chapitre 32 (corrigé)


Quand j'ouvre les yeux, je suis allongée dans le lit, toute seule. Il semblerait que le soleil soit déjà levé depuis un moment. J'entends l'eau de la douche qui coule. Sûrement Ach. Mes doigts glissent sur les draps encore froissés de nos ébats d'hier. Il ne m'a pas laissé tranquille une minute. J'avais à peine le temps de reprendre des forces, que déjà il reprenait possession de mon corps. Et il a profité de chaque recoin. Tous mes muscles demandent grâce aujourd'hui. Même pour une lycaon, c'est difficile à encaisser.

Je n'ai pas envie de me lever parce que je sais que cela signifie retourner à la réalité. Nous avons suspendu le temps hier mais maintenant, ils font que l'on revienne à des choses beaucoup moins plaisantes. Je soupire mais finis par m'extraire du lit pour partir à la recherche du téléphone que m'a donné Liam. Je finis enfin par lui mettre la main dessus. Enfin, pas réellement, il est coincé sous le canapé du salon. Accroupie, je tente vainement de l'attraper du bout des doigts.

- C'est le plus beau spectacle qui m'a été donné de voir de bon matin.

La voix de Ach me fait sursauter et je tape ma tête contre le bois qui entoure l'assise du sofa. Merde ! Fais chier ! Je me masse le crâne et lui lance un regard furibond. Son sourire pervers s'agrandit.

- J'ai tout à coup très envie de reprendre notre petit jeu d'hier, dit-il d'une voix rauque.

- Ah non ! On se calme ! m'indigné-je, en me levant. J'ai besoin de me reposer un peu.

En deux enjambées, il se retrouve coller à mon corps encore nu. Sa main me plaque contre son érection. Je déglutis pour tenter de faire descendre la boule qui vient de se former dans ma gorge.

- Ton corps encaisse très bien et en plus, tu aimes ça, susurre-t-il, près de ma bouche.

Sa phrase me donne chaud. Putain, Ivy, contrôle un peu tes pulsions ! Je le repousse.

- Ça suffit maintenant, Ach ! On doit parler sérieusement.

Son sourire s'efface aussitôt et il prend un air sombre.

- Je récupère d'abord mon téléphone pour appeler Liam, dis-je, en poussant le canapé de côté pour y accéder. Ensuite, nous discutons.

Mon ton est sans appel. Ach va s'asseoir dans un des fauteuils du salon et croise les bras.

- Tu devras enfiler quelque chose sur toi, sinon je ne répondrais plus de rien dans les minutes qui suivent.

J'émets un grognement de protestation et file enfiler mes vêtements qui sont toujours éparpillés dans le salon. Quelques minutes plus tard, Ach et moi sommes assis l'un en face de l'autre. Je suis nerveuse, mais lui aussi. Il s'est mis à taper du pied et sa mâchoire ne cesse de se contracter. Je finis par rompre ce silence pesant.

- Alors, explique-moi donc ce que... Hella a l'intention de faire ?

Son nom m'écorche toujours autant la bouche. Ach soupire et se penche en avant, les coudes posés sur ses genoux.

- Elle a pété un câble après que tu l'aies mis dans un sale état, dit-il avec un ton chargé de reproches. Il lui a fallu quelques jours pour s'en remettre. Elle en a profité pour convoquer ses lieutenants. Ensuite elle est devenue hystérique, en disant que son avènement est proche.

- L'avènement ? mais de qui ? demandé-je, intriguée.

- Hella est persuadée qu'une guerre s'annonce entre créatures surnaturelles, continue-t-il. Pour elle, tu es l'annonce de son arrivée.

- De qui parles-tu ?

Ach soupire d'agacement. Ça l'énerve que je ne comprenne rien. Hé ho ! Moi je ne vis pas dans votre monde de vampires, loup-garous and Co. J'ai tout fait justement pour ne pas en faire partie.

- De Lui, de son arrivée, de ce que les humains appellent l'Apocalypse.

Je ne peux me retenir de partir dans un fou rire. Ach me lance un regard assassin. Non mais en fait, je crois qu'il est sérieux.

- Tu plaisantes, n'est-ce pas ? finis-je par articuler entre deux spasmes de mon estomac. L'Apocalypse, vraiment ? Et c'est moi qui lui ait fait penser à ça. Il faut croire que je l'ai frappée trop fort. Elle a quelques neurones qui se sont décrochés là-haut.

Ach croise à nouveau les bras. Il a l'air vexé. C'est qu'il y croit à mort à tous ces bobards !

- Ce ne sont pas des bobards, Ivy, grogne-t-il. Un jour ou l'autre, cela arrivera. Le Maître viendra sur Terre et l'affrontement ultime aura lieu pour décider à qui appartient ce monde.

J'ai plus en plus de mal à trouver la situation drôle. Ach semble tellement persuadé de ce qu'il dit, qu'il a réussi à me faire douter. L'Apocalypse ? Comme si ma vie n'était pas assez merdique comme ça ! Me voilà soi-disant embarquée dans une guerre sans merci entre le Bien et le Mal pour la revendication du monde des hommes. Enfin, selon l'autre folle. Et pourquoi pense-t-elle que c'est par moi que ça va commencer ? En quoi ma présence sera-t-elle annonciatrice de guerre ?

(Parce que je suis là, en toi.)

Oh putain ! Cette saloperie de démon prend à malin plaisir à me surprendre à chaque fois.

(A cause de toi ? Elle croit que tu es une sorte de signe annonciateur, de clé ?)

(Je suis l'un des démons qui déclenchera l'arrivée de notre Maître.)

L'un ? soudain, les paroles du démon, lors de l'incursion de Ach dans mon âme, me reviennent en mémoire.

(L'un des démons ? Tu veux dire qu'il y en a plusieurs ? C'est de ça que tu parlais quand tu m'as demandé de retrouver ton double ?)

(Bientôt nous serons réunis et l'avènement du Maître pourra avoir lieu.)

Alors que j'allais l'insulter copieusement et lui disant qu'il pourrait se le fourrer où je pense son double de mes deux, Ach me secoue violemment.

- Ivy, bon sang, tu nous fais quoi là ? demande-t-il, avec une pointe d'appréhension dans la voix.

Je cligne des yeux et le regarde intriguée. Mais c'est quoi son problème ?

- Tes yeux ont viré au rouge et tu t'es murée dans le silence. J'avais beau t'appeler, tu ne répondais pas.

Merde ! Je ne pensais pas m'être mise dans un état pareil !

- Ce n'est rien, dis-je, en me dégageant de son étreinte. C'est ce démon qui daignait discuter avec moi.

- Vous avez souvent des discussions comme ça ? s'inquiète-t-il.

- C'est plutôt quand lui l'a décidé. Il faut croire que la conversation l'intéresse, plaisanté-je.

Ach n'a pas l'air de trouver ça drôle. Il s'assoit sur la table basse, en face de moi et me regarde bizarrement. On dirait qu'il a découvert une créature étrange, qui le fascine et qui lui fait un peu peur aussi.

- Ach, arrête de me fixer comme ça ! m'agacé-je.

- Quand tu me disais que tu pouvais parler avec lui, je pensais que c'était en sens unique. Te voir discuter avec lui, comme si de rien n'était, c'est... intéressant. Je comprends pourquoi Hella est si enthousiaste. Ce démon est extrêmement fort – j'ai pu en faire l'expérience – ajoute-t-il en grimaçant, mais je ne pensais pas qu'il pouvait s'agir de ce genre de démon.

- Quel genre de démon ?

Notre conversation me file de plus en plus les jetons. Une guerre surnaturelle, l'Apocalypse, les démons... mais c'est quoi tout ça ! C'est un putain de cauchemar et je vais me réveiller. Je serais dans le lit de Ach et il va me sauter dessus d'une seconde à l'autre.

- Crois-moi, Ivy. J'aurais préféré que ce soit le cas, dit-il d'un air grave. Particulièrement, pour toi.

- Bordel, mais de quoi parles-tu à la fin ?

- Ivy, le démon qui t'habite n'est pas n'importe lequel. C'est l'un des lieutenants de notre Maître, l'un des démons les plus puissants. Ses pouvoirs sont immenses et ton âme n'en réchappera pas. Il te consumera jusqu'à l'heure de l'avènement. Ensuite, ton corps lui appartiendra entièrement et il pourra déclencher l'Apocalypse.

Je blêmis aussitôt. Non mais c'est une blague ? Ach me fait une blague ! C'est pour une caméra cachée. Ce n'est pas possible sinon. J'ai l'impression que tout le sang quitte mon corps. J'ai soudainement très froid. Je cherche désespérément une lueur de malice dans les yeux du vampire. Je n'y vois que tristesse et désolation. Il est sérieux ! Putain, il est sérieux ! Je retire mes mains des siennes.

- Ivy, ne panique pas ! dit Ach calmement.

- Ne panique pas, ne panique pas, hurlé-je, en faisant de grands gestes. Tu te fous de moi ! Tu viens de me dire que ce connard de démon est en train de me bouffer de l'intérieur, et tu ne veux pas que je panique !

- Il y a une autre solution, continue-t-il sur le même ton.

Il fait une pause et me regarde droit dans les yeux. Je déteste quand il fait ça. Ça n'annonce rien de bon.

- Il y a une possibilité que tu survives à tout ça, mais ça va être difficile à encaisser.

- Putain ! Crache le morceau, vociféré-je en voyant qu'il s'arrêtait encore.

- Accepte-le et fais ce qu'il te dit. Laisse-le accomplir la mission qu'il lui a été confiée.

Je me lève d'un bond, furieuse.

- Tu me demandes d'accepter d'être le pantin de ce démon, de le laisser massacrer de pauvres innocents juste pour le plaisir, de fermer ma gueule. C'est hors de question !

Les yeux de Ach s'assombrissent. Il baisse la tête et prononce des paroles à peine audibles.

- Alors je te perdrais un jour ou l'autre.

Ces mots ont un effet inattendu sur mon cœur. Ach tient à moi. Il ne veut pas me perdre. Je ne comprends plus rien. Je ne le comprends plus. Aussitôt, il se lève et va dans la cuisine, sans rien dire. Je reste un moment figée. Tout ce qu'il vient de me balancer a du mal à passer. Mon démon est un lieutenant de Satan, ou je ne sais pas comment on doit l'appeler. Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom a décidé de faire de moi la poupée de chair et de sang de son acolyte préféré. Et je n'y peux rien, si ce n'est d'acquiescer, de faire la carpette. Bordel de merde ! J'ai envie de tout casser autour de moi. Ce que j'aimerais avoir Hella en face de moi pour finir ce que j'avais commencé. Au lieu de ça, je balance un coup de poing dans le mur et y enfonce la moitié du bras.

- Bordel de chiottes ! hurlé-je sous l'effet de la douleur.

Ach réapparait. Il regarde tour à tour le mur au milieu duquel il y a maintenant un énorme trou et mon bras ensanglanté. Il s'approche, le prend délicatement et le retourne dans tous les sens. Je grimace quand il s'occupe de ma main.

- Tu t'es cassée le poignet et les métacarpes, dit-il calmement. Viens, on va mettre un peu de glace pour éviter que ça gonfle.

Il a débité ça d'un ton très professionnel, sans aucun sentiment. Il est redevenu Ach. J'ai cru un instant décelé une émotion différente, mais il a vite fait de cacher tout ça.

- Bon tu viens ! s'énerve-t-il. On ne va pas y passer toute la journée et j'ai envie de te prendre une dernière fois avant qu'on parte rejoindre ton clan.

Devant mon air ahuri, Ach vient me serrer contre lui et murmurer.

- Je te promets de ne pas t'abimer plus, sauf si tu me le demandes.

Devant son air lubrique, je lui file une tape à l'épaule avec la mauvaise main.

- Putain ! hurlé-je en la tenant.

Ach me relâche et rigole à gorge déployée.

- Tu t'es punie toute seule ! Dommage, je l'aurais bien fait moi-même.

Tout en marmonnant, je le rejoins dans la cuisine. Il a sorti une poche de glaçons et me l'applique directement sur la main.

- J'ai un remède pour soulager ta douleur si tu veux, dit-il d'un air énigmatique.

Je le dévisage d'un air sceptique, cherchant le coup fourré derrière.

- Je te jure qu'il n'y a aucun piège, continue-t-il en levant les mains en signe de paix.

- Ok, je t'écoute, rétorqué-je, suspicieuse.

- Laisse-moi boire un peu de ton sang.

- C'est toi que tu veux satisfaire, pas moi, m'esclaffé-je.

- Bien sûr que j'en tire profit, mais sais-tu quelles conséquences cela a sur ton corps ? demande-t-il, avec arrogance.

Les souvenirs affluent et je me dis soudain que le fait qu'il boive mon sang a sur moi un effet apaisant et pas désagréable du tout. Son sourire s'élargit au fur et à mesure qu'il lit en moi.

- Les effets sont les mêmes que ceux de l'opium : sédation, réduction de l'anxiété, sensation de soulagement, de plénitude, parfois même des vertiges et bien sûr une dépendance certaine. En somme, tu planes et moi je peux en toute tranquillité me nourrir.

- Tu es... un être ignoble qui abuse de la faiblesse de tes pauvres victimes.

- Pense ce qu'il te plait. Au moins elles ne risquent pas de hurler de douleur quand je les mords, contrairement à toi.

Je lui lance un regard empli de haine. J'aurais dû lui foutre la raclée que je lui avais promis hier.

- J'adorerais jouer à ça avec toi mais malheureusement tu n'es pas en état pour ce genre de petit jeu.

Je soupire d'agacement. Ach veut toujours avoir le dernier mot. C'est fatiguant à force. Il se penche vers moi en me souriant.

- Alors, partante pour un petit tour sur la planète Ach ?

Mes doigts me lancent. Je douille grave. Encore une fois, le vampire sait de quoi il parle. Je détourne la tête et lui tend mon bras endolori. Il le repousse délicatement et me soulève. Surprise, je m'accroche à son cou, comme un animal apeuré. Ce qui le rend encore plus joyeux.

- Je vais aller d'installer confortablement pour faire cela, car je compte bien profiter du reste de ton corps pendant ce temps-là.

Le vampire remonte les escaliers, avec moi pendue à son cou.

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