Chapitre 28 (corrigé)
Sept heures. Je fais l'ouverture du resto. Le gérant m'a confié les clés hier soir. Ça fait à peine une semaine que je travaille ici et il me fait confiance. Il ne sait pas à quel point son jugement est foireux. Si j'étais lui, jamais je ne confierais les clés de mon établissement à la tête de zombie que je suis. Alors que je termine d'installer les dernières tables, la clochette de la porte d'entrée m'indique que j'ai de la visite. Sûrement le shérif. Il vient chercher tous les matins son café et une omelette, avant d'entamer sa journée de dur labeur. Bingo ! L'homme rondouillard me salue d'un geste de la main. Je termine de poser les couverts et vais le servir.
- Café et omelette ce matin, shérif ? demandé-je, pour la forme.
- C'est ça, Miss, rétorque-t-il.
Depuis que j'ai pris ce poste de serveuse, il n'a cessé de m'appeler comme ça. Sérieusement, il m'a bien regardé ? J'ai l'air d'une miss ? J'ai conservé une coupe de cheveux sage, mais mes tatouages font que je passe rarement pour une lady. Je lui souris et lui verse un café noir. Il faut que je conserve de bonne relation avec lui, c'est ma source d'information.
- Alors, shérif, quoi de neuf ce matin ? l'interrogé-je, l'air de rien.
Il se frotte le haut de son crâne dégarni. Son rythme cardiaque accélère légèrement. Ça ne sent pas bon.
- Encore une disparition dans le parc, soupire-t-il. Entre l'attaque de grizzlis et cette disparition inquiétante, ça commence à faire beaucoup en si peu de temps.
Et merde ! Il va falloir que je calme la bête ou que je disparaisse à nouveau. Evidemment, ces deux événements sont de mon fait, enfin, du fait du démon. A présent, il ne se préoccupe plus de la pleine lune. Ses interventions peuvent se faire n'importe quand et n'importe où. J'ai beaucoup de mal à le canaliser. Cela me demande des efforts surhumains, que l'insomnie n'aide pas. Je sais que le démon y ait pour quelque chose. Il tente de m'affaiblir pour prendre le dessus. Je termine de cuire l'omelette et la glisse dans une assiette.
- Vous devriez consulter un médecin. Vous êtes plus pâle de jour en jour.
Je grimace en guise de réponse. Evidemment que j'ai l'air d'être au bord de l'apoplexie, je ne dors presque pas, j'ai des hallucinations assez éprouvantes. A ce rythme, soit je vire cinglée, soit je meurs d'épuisement. Alors que je dépose son petit déjeuner devant le shérif, une odeur caractéristique vient titiller mes narines. Un lycaon ! Merde, merde ! maintenant, plus possible de reculer, il faut que je me barre de cette bourgade, et immédiatement. Je me dirige d'un pas tranquille vers les cuisines, pour ne pas éveiller les soupçons.
- Je peux vous aider Monsieur ? demande le shérif.
- Je cherche quelqu'un, mais je crois que je l'ai trouvée, répond une voix masculine.
Je la connais cette voix. Alors que je m'apprête à ouvrir la porte de l'arrière-boutique, un homme avec une imposante stature fait son apparition par la porte de la cuisine. Mes yeux s'écarquillent de surprise.
- Il m'en a fallu du temps pour te retrouver.
Les bras croisés sur la poitrine, Liam me jette un regard sévère. Je ne sais pas ce qu'il fait là, mais j'aurais préféré qu'il soit ailleurs qu'ici. J'ai pourtant fait ce qu'il faut pour brouiller les pistes, mais avec un démon qui me met des bâtons dans les roues, il semblerait que je sois moins efficace.
- Bonjour, Liam.
Nous nous observons un instant. Il semble attendre quelque chose de ma part, mais s'il croit que je vais le suivre, il se fourre le doigt dans l'œil. Mais je n'ai pas aucune intention de retourner à New York, là où je risquerais de retomber sur Luc ou Ach.
- C'est gentil de venir me rendre visite, mais là, comme tu vois, je bosse.
- Je vois surtout que tu essaies de filer encore une fois, répond-il, en fronçant les sourcils.
Je grimace et passe une main derrière ma nuque. Je sens que ça va être galère de me débarrasser de lui.
- Ecoute, Liam, tu peux retourner à New York et dire à la meute que tu as fait tout ce qu'il fallait pour me retrouver. Je te rends ta place d'alpha. De toute manière, je ne suis pas faite pour ça.
Je fais demi-tour, abaisse la poignée et m'apprête à planter là ce grand gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix. Mais, en trois enjambées, il me rejoint et bloque la porte.
- Il faut que tu me suives, Ivy. Tu es notre alpha et nous avons besoin de toi.
Je me mets à ricaner. Moi, une alpha ? Ce n'est pas un combat gagné qui fait de moi un leader. Je pensais qu'il comprendrait à force.
- Liam, c'est toi leur alpha, répliqué-je. Moi je n'ai fait que gagner un malheureux duel !
- Ce qui a fait de toi notre chef, riposte-t-il. C'est la loi et tu ne peux pas la contourner à ta guise.
Je soupire d'agacement devant son entêtement. Je ne suis pas faite pour ça, c'est tout. Et puis, vu ce qui se balade de mon crâne en ce moment, je suis en plus un danger pour tous ceux qui me côtoient. Pas sûr que le démon fasse la fine bouche. Lycaon ou humain, il sera capable de tous les massacrer, juste pour le plaisir. Je pousse Liam d'un coup d'épaule et sort par la porte entrouverte. Il me suit dans la ruelle, me rattrape et me stoppe en saisissant mon bras. Je me retourne et lui lance un regard furibond. Il ne semble pas du tout impressionné. Il faut dire que c'est une montagne de muscles et comparé à moi, c'est Hulk.
- Ivy, tu ne comprends pas, poursuit-il. Les clans se regroupent. Les vampires se rassemblent. Ça ne sent pas bon !
C'est quoi encore ce merdier ? Devant mon air intrigué, il continue.
- Je crois qu'ils se préparent à une guerre. La reine des vampires fait répandre des rumeurs.
Un frisson de dégoût me traverse le corps. Qu'est-ce que cette folle dingue prépare encore ?
- C'est quoi encore cette histoire ?
Liam me lâche le bras et prend un air grave.
- On a vraiment besoin de ton soutien, Ivy.
Je l'observe un instant. Il a l'air fatigué et stressé. Ses joues sont creusées et on dirait qu'il n'a pas dormi depuis longtemps. J'entends son cœur battre très vite. Il angoisse à l'idée que je refuse.
- Tu es sûr de ce que tu avances ? demandé-je, sceptique.
- Plus que sûr.
Je devrais lui dire non, je devrais l'envoyer bouler. Mais j'ai comme une intuition que tout ça ne va rien donner de bon. Tout ce qu'il vient de me raconter m'inquiète d'autant plus ce que j'ai appris de la bouche de l'autre malade mentale. Dans quel délire est-elle en train de plonger tout le monde ? Croit-elle pouvoir mener une sorte de rébellion contre les chasseurs ou je ne sais quelle mission pour le compte de Satan ? La seule chose qu'elle va réussir, c'est foutre le bordel, mettre en rogne les chasseurs et dévoiler notre existence à la face du monde. Il faut que je l'arrête avant qu'il ne soit trop tard.
J'acquiesce d'un geste de la tête et je vois Liam se détendre. Il appréhendait réellement mon rejet. Je retire mon tablier et le balance derrière les poubelles.
- Très bien, Monsieur le loup garou, me moqué-je. Je passe d'abord récupérer mes affaires et je te suis.
Je commence à me diriger vers le motel quand j'entends Liam toussoter derrière moi. Je me retourne pour savoir ce qu'il me veut encore. Il me désigne une énorme bécane, style Harley. Ok, il a raison, ça ira plus vite comme ça. Je fais demi-tour pour le rejoindre. Il enjambe la moto et m'aide à grimper derrière lui.
En quelques minutes plus tard, je balance l'argent que je dois au gérant, prête à mettre les voiles. Mais une pensée me taraude depuis que j'ai revu Liam. Il faut que je lui pose la question.
- Est-ce que tu as des nouvelles de Luc et de Ach ? demandé-je, tout en m'installant derrière lui.
Il se retourne et me dévisage, un petit sourire sur les lèvres. Ben quoi ? Il est où le problème ?
- Luc a été renvoyé au Canada, depuis plus de nouvelles. Quant à Ach, il parait qu'il ne sort plus de son manoir. Seules ses régulières ont le droit de passer le portail. Même les messagers de Hella n'ont pas eu le droit de franchir le seuil de sa porte.
Je reste interdite, tandis que Liam démarre son engin. Des pensées s'entrechoquent dans ma tête. Luc a été renvoyé ? pourquoi ? et au Canada ? C'est vrai qu'il m'avait dit être originaire de là-bas, mais... que s'était-il passé après mon départ pour que les chasseurs le congédient ? et Ach ? il est cloitré chez lui, mais pourquoi ? Il faut que j'aille le voir. J'ai besoin de savoir, de comprendre ce qui se passe. Il est temps d'affronter mes démons.
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