Chapitre 25 (corrigé)


Luc a passé tout l'après-midi dans le jardin, en compagnie de Hella. Je les ai observés en train de discuter. Au début, il était tendu, distant, puis au fur et à mesure, je l'ai vu se calmer. A présent, je le vois même sourire. Et ça ne me plait pas du tout. Décidément, cette femme me porte sur les nerfs. La nuit commence à tomber. En plus de mon agacement, s'ajoute à présent l'appréhension. Je redoute les événements qui vont suivre. Mon esprit est complètement chamboulé, perturbé par ce qu'il a vu et entendu aujourd'hui.

Hella nous a proposé de nous installer dans un boudoir, à l'étage, pour être plus à l'aise. La pièce est en effet plus petite que le salon dans lequel elle nous avait accueillis. Celle-ci est tapissée d'un papier-peint pourpre aux entrelacs prunes. Sur le mur faisant face à la porte d'entrée, un immense miroir encadré de dorures reflète tout ce qui s'y trouve. Disposés de part et d'autre, des sofas en acajou et velours prune se font face, séparés d'un simple repose-pied faisant office de table basse. Les appliques ajourées diffusent une lumière jaunie, donnant un air chaleureux à la pièce. L'atmosphère semble hésiter entre le lugubre et le rassurant. A moins que ce soit moi qui suis dans cet état d'ambivalence.

Luc a tenu à être présent, mais je vois à quel point il est furieux. Son regard vert perçant et ses sourcils froncés témoignent de son désaccord. Hella s'est installée à ses côtés. Sa main est posée nonchalamment sur les genoux du chasseur. Elle est tout sourire, lisant ma jalousie non dissimulée. Mes lèvres sont pincées dans une moue contrariée. Ach, assis près de moi, a passé un bras au-dessus de mes épaules. Il jette un regard narquois à Luc, ce qui le rembrunit encore plus. Nous sommes là, à nous regarder en chiens de faïence. Soudain, la voix doucereuse de la suceuse de sang brise le silence :

- Je pense qu'il serait temps de s'y atteler. Nous n'allons pas restés assis ici, à s'observer, pour l'éternité !

Je soupire d'agacement. Ça me fait royalement chier de le dire, mais il faut bien s'y mettre. Je me retourne vers Ach. Son regard s'est adouci. Je pense qu'il essaie de se faire plus rassurant, pour me mettre à l'aise. Je saisis mes cheveux et les bascule sur mon épaule gauche, dégageant ainsi ma gorge. Je penche ensuite ma tête sur le côté, pour lui offrir le meilleur angle pour enfoncer ses crocs dans mon cou. Une étincelle violine passe dans ses yeux. Ach pose délicatement sa main sur mon bras et la remonte pour saisir mon épaule. Lentement, il incline son visage et s'approche de ma carotide offerte. Alors que ses lèvres menacent de rentrer en contact avec ma peau, il s'arrête.

- Fermez les yeux. Au début, ce ne sera pas très agréable, mais passé ce cap, vous verrez que ce n'est pas si déplaisant. Ne m'interdisez pas d'entrer dans votre esprit. Laissez-vous aller.

Aussitôt dit, ses dents s'enfoncent dans la chair tendre de ma gorge. Je retiens une grimace de douleur. En effet, sentir des pointes acérées s'introduire dans votre corps est loin d'être réjouissant. Pourtant, quelques secondes après, une vague de douce chaleur envahit mes veines. Elle se diffuse doucement dans tout mon corps. Mes muscles tendus se relâchent et la douleur devient acceptable. Puis elle devient agréable, et même savoureuse. Je ne peux alors m'empêcher de soupirer. Mon corps se détend. J'entends à côté de mon oreille les succions de Ach. Elles sont douces et régulières. Rien à voir avec ce que je m'imaginais.

- Ivy...

La voix angoissée de Luc m'incite à rouvrir les yeux. Je le vois figer sur le divan. Tous ses muscles sont tendus. On dirait qu'il veut se lever mais qu'une force inconnue le cloue sur place. Je tourne mon regard vers Hella. Son sourire machiavélique me fait comprendre immédiatement ce qu'il se passe. Elle le retient prisonnier. J'essaie de parler mais ma voix est bloquée dans ma gorge. Je lis dans les yeux de Luc de la colère et de la peur. Il a peur pour moi. Je voudrais me dégager mais Ach resserre la pression de sa main sur mon épaule. Sa bouche se détache. Elle dégouline de sang. Un sang rouge foncé. Le mien. Le vampire passe une langue avide sur ses lèvres rougies.

- Ivy, il faut que vous m'aidiez... Votre esprit lutte et m'empêche de voir clair en vous.

Je jette un regard angoissé à Luc. Sentant ma peur poindre, Ach se rapproche de moi et me caresse le visage. Aussitôt, je reporte mon attention sur lui.

- Je ne vous veux aucun mal. Vous êtes beaucoup trop précieuse. Vous laisser mourir serait du gâchis.

Voyant que je ne me sens toujours pas rassurée, Ach pose délicatement ses lèvres sur les miennes. S'en suit un baiser léger qui devient rapidement passionné. Mon corps s'électrise. Je perçois au loin les protestations étouffées de Luc, mais je n'y prête déjà plus attention. A contrecœur, je laisse les lèvres de Ach quitter les miennes pour retourner sur ma gorge. Une nouvelle fois, ses canines s'enfoncent, tirant cette fois de ma bouche un soupir d'extase. Ach est plus avide, plus gourmand. Cela me procure une sensation de vertige délicieux. Mes yeux se ferment et je sombre dans le néant de mon esprit.


Une lueur apparait, faible, vacillante. Une petite lumière violette fugace dans le noir sidéral. Elle se rapproche peu à peu. Plus elle vient vers moi, plus elle prend forme. Celle d'un homme fait de flammes violacées qui dansent devant mes yeux. Cela me parait tellement irréel que je tends la main pour tenter de la toucher. Mais mon geste se fige quand, derrière moi, j'entends un grondement. Suivi d'un bruit de métal que l'on secoue violemment. Je me retourne pour chercher ce qui a bien pu causer cela. Il fait si noir. Pourtant, doucement, dans l'obscurité, se dessine une cage. Immense, dont les barreaux semblent se perdre dans le ciel. Encore un coup sourd. La cage vibre sous des coups violents. Qui peut bien la secouer de la sorte ?

Je fais un pas dans sa direction quand, soudain, une masse noire fonce sur la grille ouvragée. Je sursaute sous l'impact. Deux yeux rouges me fixent. Mon souffle se coupe. Mais ce qui me paralyse un peu plus est de voir qu'ils surmontent une rangée de dents blanches, immenses et brillantes, qui me menacent de leur fil acéré.

(Que fait-il ici ? Cela doit se passer entre toi et moi, uniquement.)

Cette voix. Je connais cette voix.

(Je ne veux pas le voir ici.)

Ignorant la silhouette pourpre, je me concentre sur cette chose enfermée dans la cage et qui semble vouloir en sortir.

(Mais qui êtes-vous ?)

Un rire caverneux me répond.

(Tu ne me reconnais donc pas. Je suis pourtant ton compagnon depuis si longtemps.)

Ma poitrine se comprime quand je comprends enfin.

(Pourquoi es-tu enfermé ici ?)

Le loup balance un coup de tête dans le portail en fer forgé, me faisant une nouvelle fois sursauter.

(C'est toi qui m'y obliges. Je n'ai qu'une envie, que tu me laisses libre.)

Moi ? Comment ça moi ?

(Tu me gardes prisonnier alors que je ne veux qu'être à tes côtés à chaque instant.)

Sa voix rauque s'est adoucie. Je m'approche de la cage. Les iris rougeoyantes ne me lâchent pas.

(Libère-moi, je t'en prie.)

Sa plainte me brise le cœur. Je tends la main vers lui, attendrie. Mais un mouvement sur le côté attire mon attention. La silhouette violette s'est approchée, elle aussi. Elle m'observe. Pendant un instant, je reste figée à regarder sa forme vaporeuse. Que fait-elle là ? Qui est-elle ?

Soudain, la cage tremble à nouveau sous les coups. Le monstre s'est remis à rugir et se précipite une nouvelle fois sur les barreaux pour tenter de les briser. Je recule aussitôt, affolée. La porte grince sous ses assauts.

(Je suis à bout de patience. Laisse-moi sortir. Je dois retrouver mon double. Cela a assez duré.)

Son double ? Mais de quoi parle-t-il ?

(Petite âme arrogante ! Tu ne pourras pas toujours me garder enfermé ainsi. Je ferais en sorte que ta vie soit un enfer. Je hanterais chacune de tes pensées, de jour comme de nuit, jusqu'à ce que tu me rendes ma liberté. Et ensuite, tu assisteras, impuissante, aux carnages que je perpétuerai.)

Moncorps se met à trembler. Des images horribles de carcasses d'animaux éventrés,de corps mutilés se mettent à défiler devant mes yeux grands ouverts. Chaque massacreque j'ai commis en tant que loup me revient en pleine face. Je ressens ladouleur, la peur de mes victimes. Mais celui qui me terrifie le plus est lemeurtre des chasseurs. Mon cœur menace d'exploser tellement il est malmené. Jen'en peux plus. Je me mets à hurler de toutes mes forces, en m'en péter lescordes vocales.    

Mon cri strident me sort de cet état de transe dans lequel j'étais plongé. Sans pouvoir m'en empêcher, je repousse violemment Ach et le propulse à travers la pièce. Le vampire va se fracasser contre la vitre, renversant tout sur son passage. Grâce à cette diversion, Hella relâche son attention et Luc peut se libérer de son étreinte mentale. Il se précipite vers moi et me prend dans ses bras. Mon corps est lourd. Je suis incapable de faire le moindre mouvement. Je vois ses lèvres bouger, mais je ne comprends rien. La dernière chose que je vois, c'est le reflet de Luc me portant à bout de bras, mon visage émacié, blanc comme neige et deux grands yeux rouges me fixant. Je me rends compte alors que ce sont les miens. Et c'est dans un sentiment d'effroi immense que je sombre.

J'ouvre les yeux. Au-dessus de moi se balance un lustre en cristal. Je ne sais pas où je suis ni comment je suis arrivée là. Ma tête tourne dans tous les sens pour découvrir les lieux. Les murs crème, la cheminée en pierres de taille et la table de chevet gris perle ne me disent rien. Je me rappelle juste être tombée dans les pommes après que Ach ait bu mon sang. Ensuite, c'est le trou noir. Je me redresse dans le lit à baldaquins. Je grimace un peu sous l'effort. Mes muscles me font un mal de chien.

Avachi dans un fauteuil, Luc semble somnoler. Son bras barre son visage. A sa respiration lente, je comprends qu'il dort profondément. Je me laisse glisser doucement hors du lit. Quand je pose le pied par terre, mes jambes menacent de se dérober sous mon poids. Je me retiens en m'accrochant à l'édredon aux motifs fleuris. J'aperçois, un peu plus loin, une coiffeuse surmontée d'un miroir. Je me dirige vers elle, tremblotante. Lorsque je vois mon image dans la glace, je suis rassurée. J'ai retrouvé des couleurs et pas de trace de morsure. Mes yeux ont recouvré leur couleur bleu d'origine. Mais je ne me suis toujours pas habituée à la celle de mes cheveux. Ce noir de jais me donne un côté mélancolique et sage qui ne me ressemble pas. Je soupire en me contemplant.

Hier soir a été aussi éprouvant que les deux soirs précédents. Je ne sais pas si je survivrai à une nouvelle pleine lune. Heureusement qu'elle n'aura lieu que dans un mois environ. D'ici là, il faut que je trouve un moyen pour contrôler la bête qui sommeille en moi. A cette idée, un frisson glacé dévale dans mon dos. Je fixe le miroir, m'attendant à tout moment de voir mon reflet grimacer. Cet animal immonde est toujours là, tapi dans l'ombre. Je sais qu'elle peut sortir à tout moment, à la moindre faiblesse. Elle me l'a déjà prouvé.


J'inspire un grand coup, pour me donner du courage. Il est enfermé. Il ne peut pas me faire de mal. Même s'il me fiche la trouille, je dois lui parler. Il me faut des réponses. Allez, loup, réponds-moi. Que veux-tu donc ? Pourquoi te décides-tu à te réveiller maintenant ?

Mes yeux bleus restent obstinément inexpressifs. Son silence m'agace. Je sais que s'il le veut, il peut me parler.

Crache donc le morceau ! Qu'attends-tu de moi ?

(Libère-moi.)

(Il n'en est pas question. Si je le fais, tu vas tout massacrer, y compris mes amis.)

(Tes amis ? tu parles de ceux qui te mentent, te trahissent et se jouent de toi ?)

(Ce n'est pas vrai. Ils ne m'ont pas trahi !)

(Mais ils ne te disent pas tout. Qui te dit qu'ils n'attendent pas le bon moment pour t'achever ?)

(S'ils avaient voulu me tuer, ils l'auraient déjà fait. Ils en ont eu plusieurs fois l'occasion. Ne serait-ce que hier soir, Ach aurait pu me vider de mon sang, sans que je puisse faire quoi que ce soit.)

(Comment crois-tu qu'il se soit retrouvé dans les airs ?)

Soudain, je comprends. Les yeux rouges, c'était lui. Cette nouvelle me fiche franchement la trouille. Mais j'essaie de me calmer car d'autres questions me brûlent les lèvres.

(Tu parlais de ton double. De quoi parlais-tu exactement ? D'un autre lycaon comme moi, capable de se transformer en dehors des pleines lunes ?)

(Tu sais si peu de choses. Demande-le donc à ton père.)

A mon père ?

- Ivy ?

La voix de Luc brise le contact avec mon loup. Je me retourne et je le vois se lever, encore engourdi par le sommeil. Je peste intérieurement car je n'avais pas fini de lui tirer les vers du nez. Mais ce n'est que partie remise.

Luc se précipite vers moi et attrape délicatement mon visage entre ses mains. Son regard à la fois étonné et soucieux me rend mal à l'aise. D'autant plus que ses pouces ne cessent de caresser frénétiquement le bombé de mes joues. Pourquoi a-t-il l'air si paniqué ?

- Qu'est-ce qu'il y a, Luc ? demandé-je poliment, tout en me dégageant. Pourquoi es-tu si... tactile ?

Luc sort de son état de stupeur, cligne des yeux et passe nerveusement ses mains dans ses cheveux.

- Bon sang, Ivy, tu m'as foutu la trouille de ma vie ! J'ai bien cru qu'on t'avait perdu.

Je fronce les sourcils, un peu perdue dans ses explications.

- Tu vois bien que non. Je vais très bien.

- Ce n'était pas le cas il y a encore dix minutes. Bordel ! Ça fait une semaine que tu es dans le coma.

Quoi ? une semaine ? j'écarquille les yeux d'incompréhension.

- Comment ? Pourquoi ?

Une idée de la raison de ma soudaine absence effleure aussitôt mon esprit, mais je préfère la garder pour moi.

- Tout ça, c'est la faute de ce satané buveur de sang, crache-t-il avec colère. S'il ne t'avait pas obligé...

Ses poings sont serrés comme s'il n'attendait que de l'avoir face à lui pour démolir un certain vampire.

- Il ne m'a obligé à rien. C'est moi qui ait décidé de le faire, tenté-je de justifier.

Luc fait un geste de la main pour chasser mon argument.

- Tu n'as pas vu ce que j'ai vu. Ton hésitation, et ses murmures pour détourner ton attention. Je suis persuadé qu'il a usé de ses pouvoirs sur toi pour t'obliger à...

Je baisse la tête pour masquer mon visage qui rougit à vue d'œil à l'évocation de ce moment. Je ne peux décemment pas lui avouer que Ach n'a absolument aucun pouvoir sur moi, si ce n'est de me rendre dingue dès qu'il me touche.

Je descends de mon tabouret, mais mes jambes me lâchent. Luc me rattrape de justesse. Son regard accroche le mien. Ce contact soudain me renvoie aux bords du lac et au moment où on aurait pu déraper. Soudain, mes lèvres brûlent, voyant les siennes si proches. Luc baisse le regard avant de soupirer.

- Je suis désolé de ne pas avoir su te protéger. Moi qui t'avait promis de veiller sur toi. J'ai failli à ma tâche. Encore une fois.

Je me mords la lèvre en l'entendant se dévaloriser comme ça. Il s'en veut alors que je suis la seule responsable de mon état. J'ai d'autant plus honte que j'ai pris du plaisir à sentir les crocs du vampire plantés dans ma gorge.

- Arrête de t'excuser tout le temps, bafouillé-je. Si je n'étais pas là, tu ne serais pas pris dans toute cette histoire et tu serais tranquillement en train de faire ton job. C'est moi qui devrait me faire pardonner et te remercier.

Luc m'oblige à relever le menton. Son regard triste plonge dans le mien et je sens mes jambes défaillir un peu plus. Comment un mec peut-il être aussi bon et magnifique à la fois ? Où est le défaut ?

- Je vais bien. Cesse de te faire du souci, tenté-je de le rassurer.

- Un instant, j'ai cru que... je veux dire que j'ai eu peur que...

Il presse fortement les paupières et soupire bruyamment. J'ai l'impression qu'il lutte avec lui-même, comme moi en ce moment précis. Cet homme est trop beau, trop droit, trop parfait pour moi.

- Ce que j'essaie de te dire c'est que... ce que je redoutais est en train de se produire, Ivy. Tu me fais perdre le contrôle. J'oublie mes principes, j'oublie d'être prudent. J'oublie que je ne devrais pas, mais c'est plus fort que moi. Il faut...

Soudain, ses lèvres viennent presser les miennes avec ferveur. Mes mains se resserrent sur son tee-shirt. Mon esprit me hurle que je devrais le repousser et ne pas le laisser s'attacher, mais j'ai tellement envie ce baiser. J'ai envie de sentir son cœur battre contre le mien. Car, pour une fois, je veux avoir droit au gentil mec qui est prêt à tout pour moi.

Alors j'oublie d'être raisonnable et laisse parler mon égoïsme. Je lui rends avec passion son étreinte. Mon corps se presse plus fort contre le sien, pour lui faire comprendre que je suis prête à aller plus loin, s'il le veut. Luc glisse ses bras sous mes jambes tremblantes et me porte jusqu'au lit pour m'y rallonger. Son corps athlétique vient couvrir le mien, comme pour me protéger du monde extérieur.

Il se pose un instant, penché au-dessus de moi, me couve de son regard vert d'eau. Il semble hésiter. Ses mains effleurent à peine ma peau, la couvrant de frissons. Ses baisers sont doux, presque trop respectueux pour moi. Il se retient. Mais, moi, je veux plus. Plus de mains pétrissant mon corps, plus de baisers dévorant mon épiderme offert. Plus de lui.

Alors je le guide, je l'encourage. Mes doigts s'entremêlent aux siens et l'emmènent vers des endroits qu'il n'a pas encore osé toucher. Nos mains se glissent sous le tissu, pressent les parties charnues de mon corps, me tirant des gémissements de plaisir. Mes dents s'enfoncent profondément dans ma lèvre quand enfin il décide de plonger en moi. Ma bouche s'entrouvre dans un soupir de plaisir quand la sienne vient se refermer sur ma poitrine. Je me cambre pour ne pas perdre le contact avec son corps. Jamais je n'aurais cru avoir tant besoin de le sentir me posséder toute entière.

Ma respiration s'accélère à chacun de ses baisers plus brûlants et intenses que le précédent. Je perds la tête à cause de ce trop-plein de sensations. Le tissu devient insupportable. Je voudrais l'arracher, le déchiqueter pour que plus rien ne nous sépare. Avec des gestes frénétiques, je retire mes vêtements de mon corps devenu trop sensible. Luc s'arrête, haletant, et me détaille. Appuyé sur ses mains, il me surplombe. Son regard n'est plus aussi respectueux. Ses yeux brillent d'une lueur avide. Je tremble d'impatience de passer à la suite. Mais j'attends. J'attends qu'il fasse le premier pas.

Il se redresse et me détaille une nouvelle fois. J'ai l'impression d'être un tableau dont il admire chaque parcelle. Sous ses yeux gourmands, mon ventre oscille de manière désordonnée, ne pouvant dissimuler mon excitation grandissante. Lentement, il se déshabille à son tour, sans jamais me quitter des yeux. Je suis complètement subjuguée. Chaque partie de son corps me met en appétit. Ses épaules musclées, son torse se soulevant au rythme de sa respiration saccadée, son ventre que j'ai envie de lécher sans fin. Je lève mon regard vers son visage. Son sourire me fait fondre littéralement.

N'y tenant plus, je me relève et lui attrape la nuque pour l'attirer à moi. Ses bras se referment sur mon buste, tandis que ma langue part à l'exploration de sa mâchoire et du reste de son corps divin. J'ai envie de le goûter entièrement, centimètre par centimètre. Mes mains suivent les délicieuses courbes de son dos et viennent empoigner ses fesses.

Luc lâche un grognement d'approbation. Tout son corps est contracté. Je le sens. Il crève d'envie autant que moi d'aller plus loin encore. Il exhale tellement de phéromones que j'en ai la tête qui tourne. D'un geste nerveux et rapide, il retire le peu de vêtements qu'il nous reste. Enfin, nous ne sommes plus que deux corps ondulant l'un contre l'autre.

Je me cambre pour aller à sa rencontre. Mes ongles labourent son cuir chevelu quand sa langue se glisse dans les moindres recoins de mon anatomie. Il m'emmène au bord du gouffre. Mes cuisses se resserrent autour de lui, dans une supplique silencieuse. Il va me rendre folle à faire durer ce petit jeu si longtemps.

Enfin, j'entends le bruit caractéristique d'un paquet qu'on déchire. Son visage apparait à nouveau au-dessus du mien. Il me sourit. Je lève la tête pour venir goûter ses lèvres. Ma langue les lèche avec appétit. Mes hanches se collent à lui, réclamant leur dû. Luc émet un grondement d'approbation. Sa main soulève mon bassin et il se glisse en moi d'un coup de rein.

Je soupire de soulagement contre sa bouche. Ses mouvements sont lents. Un vrai supplice. Ses lèvres partent à l'assaut de mon corps, titillant tantôt mes lèvres, tantôt mes seins. Elles les happent, les mordillent, les sucent. J'ai de plus en plus de mal à contrôler mes réactions et je me sens partir dans un tourbillon de sensations. Ma jambe serrée autour de son bassin l'intime d'accélérer.

Ses va-et-vient se font plus profonds, plus forts, plus rapides. Je m'agrippe à lui, mes ongles s'enfonçant dans la chair de son dos. Il grogne mais ne s'arrête pas pour autant. Mon esprit se brouille sous l'effet de la vague de plaisir qui s'abat sur moi. Plus rien ne compte si ce n'est son corps qui se tend dans un ultime sursaut. Nous restons ainsi un moment, collés l'un à l'autre, attendant que nos cœurs affolés se calment.

Luc ouvre enfin les yeux. Son regard me pétrifie. Jamais un homme ne m'avait regardé comme ça après avoir fait l'amour. Comme si j'étais la chose la plus précieuse au monde, comme si j'étais tout. Il m'offre encore un de ses baisers passionnés. Celui-ci me bouleverse un peu plus. Il a un goût différent des autres. Celui des sentiments, celui dont je ne veux surtout pas, que je ne mérite pas. Ses doigts me frôlent, me font frissonner. Je devrais être heureuse mais j'ai juste l'impression de manquer d'air. Luc finit par se détacher de mes lèvres. Lentement, il se retire et roule à côté de moi. Je reste figée, incapable de le regarder, de peur d'avoir la confirmation de cette sensation effroyable qui me broie l'estomac. Sa respiration se calme, son cœur ralentit. Le mien bat toujours aussi fort. Bordel ! Qu'est-ce qui me prend ? Je ne peux pas faire ça. Je ne veux pas. Ce n'est pas possible.

Luc vient passer un bras derrière ma nuque et colle son corps contre le mien. Il fait reposer ma tête sur son épaule. Je le laisse faire car sous mon crâne, c'est le chaos. Le sentir contre moi, en moi a été intense et magnifique, mais je sais qu'il sera de courte durée. Un chasseur et une lycaon, c'est impossible, contre-nature même. Nous n'appartenons pas au même monde. Les siens pourchassent les miens. Une relation entre nous serait tout bonnement invivable.

Soudain, quelqu'un frappe à la porte. Nous nous levons d'un bond et enfilons tant bien que mal nos vêtements. Il ne manquait plus que ça, qu'un des vampires tombe sur nous en tenue d'Eve et d'Adam. Pire, que ce soit Ach qui nous trouve.

- On n'a pas été très discret sur ce coup-là, lâche Luc en souriant.

Je pince les lèvres en entendant sa remarque. Inutile d'envenimer les choses. Elles sont déjà assez compliquées comme ça. Malheureusement, je sais que, dès que je croiserai le regard de Ach, il saura. Reste à savoir comment il va réagir. Par contre, ça m'énerverait de m'offrir en spectacle devant l'autre morte-vivante. Elle va en tirer une telle satisfaction que ça me donne déjà la nausée. Alors que je referme mon short, je sens encore le regard brûlant de Luc sur moi. J'essaie de l'ignorer. Je me sens mal avec tous ces sentiments qui se bousculent à la porte de mon cœur. Il faut que j'y remette de l'ordre, avant de pouvoir me comporter normalement avec lui.

J'enfile mes chaussures et part d'un pas décidé vers la porte. Mes jambes tremblotent encore un peu. Je m'appuie sur tous les meubles qui sont à ma portée pour le masquer. Luc me rattrape en deux enjambées, m'agrippe le bras et m'attire à lui.

- Tu tiens à peine sur tes jambes, susurre-t-il, ses lèvres touchant presque les miennes. Nous n'aurions peut-être pas dû...

Sa phrase reste en suspens, mais ses yeux la finissent pour lui. Mon cœur fait une embardée.

- Il faut qu'on y aille, marmonné-je. Je crois qu'on nous attend.

Quand j'ouvre la porte, la domestique, dont je n'ai pas retenu le nom, nous détaillent de la tête aux pieds. Ses joues s'empourprent légèrement quand ses yeux se posent sur Luc. Au son de son cœur et de sa respiration, je comprends qu'il ne la laisse pas indifférente. Je fronce les sourcils et attrape le bras de Luc. Ce geste possessif ne me ressemble pas. Mais c'était instinctif. Luc est tout sourire en voyant ma réaction et moi je peste contre moi-même.

- Madame Olsen et Monsieur Vacaresko m'ont envoyé me renseigner sur votre état, dit-elle timidement, en baissant les yeux.

- Comme vous voyez, je suis vivante, ironisé-je.

La jeune fille se met à toussoter nerveusement avant de continuer.

- Je pense qu'ils seront ravis de le constater. Si vous voulez bien me suivre...

La servante dévale les escaliers, nous lui emboîtons le pas, moi furax, lui ravi. Arrivés dans le salon, ma colère s'efface, tout comme le sourire de Luc. L'atmosphère est glaciale. Elle devient carrément polaire quand je croise le regard de Ach. La fureur qu'il évoque me tétanise.

- Vous avez l'air d'être en pleine forme, Ivy, dit Hella, un sourire ironique à peine dissimulé.

Je lui foutrai bien deux baffes à celle-là.

- Un peu de retenue, petite lycaon, continue-t-elle, soudain beaucoup moins souriante. Nous avons à discuter sérieusement. Je pense qu'une petite explication s'impose.

Une explication ? Je n'ai aucune explication à lui fournir. Je fais ce que je veux.

- Je ne vous parle pas de votre partie de jambes en l'air avec le chasseur, réplique-t-elle. Quoique je suis admirative devant votre capacité à vous remettre sur pied aussi vite.

Je vire au rouge. Mon malaise n'a pas le temps de se voir car un bruit de verre brisé attire l'attention. La haine transparaissant par tous les pores de sa peau, Ach me regarde fixement, la main en sang. Soudain, il se lève et balance par terre le reste des éclats encore présents entre ses doigts. Il sort de la pièce, sans rien dire. J'esquisse un pas dans sa direction, mais une force m'en empêche. Je jette un regard furibond dans la direction de Hella.

- Laissez-le décolérer, dit-elle d'une voix dénuée de tous sentiments, ou vous regretterez de l'avoir suivi. Achille n'aime pas qu'on lui pique ses jouets.

Ses jouets ? Je ne suis pas un de ses foutus jouets.

- Quant à vous, Montgomery, je vous conseille d'aller faire un tour ou vous risquez de lui servir de prochain repas.

Luc s'apprête à protester, mais Hella lui lance un regard à vous pétrifier sur place.

- Luc, vas-y, lui dis-je, passablement énervée par l'attitude de l'autre vampire. Hella et moi allons discuter un peu. Ne t'inquiète pas.

Luc m'interroge du regard encore un moment, avant de céder.

- Je vais aller me renseigner, pour voir si les chasseurs sont sur nos traces.

Je luisouris timidement. Mon cœur se serre en entendant ces paroles. J'ail'impression qu'il me glisse déjà entre les doigts. Il me lance un dernier coupd'œil et, rassuré, tourne les talons. 

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