Chapitre 20 (corrigé)
J'ai beau essayé, le sommeil refuse de venir. Il est envahi de pensées qui me tourmentent. Ach et ses réactions imprévisibles, Ach et son magnétisme. Ce vampire est en train de me rendre folle. Jusqu'à présent j'ai réussi à le garder à distance, mais ce qui s'est passé dans sa chambre, tout à l'heure, me prouve que ce n'est pas vraiment le cas. Sa présence perturbe mes repères. En général, c'est moi qui attire l'homme de mon choix dans mes filets. Pas l'inverse. Il faudra que je me montre prudente avec lui, ou je risque de le regretter amèrement.
Je sors du lit et viens m'accouder à la fenêtre entrouverte. La nuit est douce. La lune baigne de sa lumière laiteuse les alentours. Aux bruits nocturnes habituels, se mêlent les battements réguliers d'un cœur. Celui de Luc. Je laisse échapper un soupir. Il m'a dit d'attendre, mais j'ai peur qu'il décide de me trahir. Même s'il m'a juré qu'il ne l'a pas fait et qu'il ne le fera pas. J'ai envie de le croire mais dois-je lui faire confiance alors qu'il m'a mené droit vers mes bourreaux ? Je ferais peut-être mieux de m'en aller maintenant, au moins j'aurais une chance d'échapper aux chasseurs.
Mes doigts se resserrent sur la rambarde quand deux mains se posent sur mes épaules. Je me retourne, surprise. Ma bouche s'ouvre en grand, prête à demander ce qu'il fait là, mais il cloue mes lèvres d'un geste, en y posant délicatement un baiser. Presque comme la caresse d'une plume, légère et fugace. Il relève la tête et sourit. Toujours ce sourire arrogant, qui démontre à quel point il est sûr de lui, en toutes circonstances. Ses bras m'enferment entre la fenêtre et lui. Son corps se rapproche un peu plus.
Instinctivement, mes mains se posent sur son torse, prêtes à le repousser. Mais, étrangement, elles ne le font pas. Au contraire. Mes doigts partent à l'exploration de sa peau dénudée. Ils en dessinent chaque courbe, chaque bosse, chaque dénivelé de ses muscles secs. Ses lèvres s'étirent un peu plus de satisfaction.
- Laissez-moi être votre fantasme éveillé, Ivy. Laissez-moi vous montrer qu'une nuit entre mes bras peut vous convertir à jamais.
Les mots soufflés à mon oreille me font frissonner, de la tête aux pieds. Mes yeux se ferment, ma bouche s'entrouvre quand sa langue vient lécher le lobe de mon oreille. Je veux lutter, mais mon corps pense autrement. Il le veut, ardemment. Il veut sentir ses doigts glacés parcourir chaque centimètre de peau. Il veut que ses yeux améthyste l'embrasent. Alors, je ne lutte plus. Je cède à cette pulsion animal incontrôlable. Mes mains s'accrochent à ses épaules. Je me sens me liquéfier sous sa langue aventureuse. Elle savoure la courbe de ma mâchoire, bifurque vers ma nuque, sillonne ma clavicule. Ma voix se fait rauque quand son corps se presse plus fort contre le mien. J'ai envie qu'il m'arrache cette nuisette, qu'il me balance sur le lit et qu'il me montre tout ce dont il est capable.
Comme répondant à mes ordres, ses doigts s'insinuent sous le tissu pour venir s'emparer de mon fessier. Son autre main attrape ma chevelure, la tire en arrière. Puis, sans crier gare, Ach plante ses crocs. Je sursaute sous l'impact.
Je me redresse dans mon lit, haletante. Il fait jour. Instinctivement, je porte la main à l'endroit où quelques secondes plutôt, j'avais senti sa morsure. Mais rien. Putain, ce n'était qu'un rêve ! Un cauchemar. Enfin, je ne sais pas trop comment qualifier ça.
Ma bouche est sèche, mais mon corps est trempé de sueur. Ce vampire m'a retourné la tête. Il faut que je prenne une douche. Froide de préférence. Mais qu'est-ce qui m'arrive ? l'eau glacée s'écoule lentement sur mon corps. Je sais maintenant pourquoi je ne fréquente jamais les vampires. Ces satanées bestioles savent s'insinuer dans votre esprit et foutre le bordel. Et je peux vous jurer qu'il a très bien réussi son coup me concernant. Je dois trouver un moyen pour qu'il sorte de mon crâne, ou je vais bientôt péter un câble. Il faut que j'aille me défouler. Une petite sortie en forêt, une bonne chasse, voilà ce qu'il devrait faire l'affaire. Je sors de la douche illico et enfile à la hâte une tenue sportwear. Je dévale les escaliers. Avant tout, un bon café noir bien serré pour enlever la brume restante dans mon esprit. J'attrape une tasse et la remplit.
- Bien dormie ?
Je fais un bond et renverse le café brûlant sur mon tee-shirt. Je lance un regard noir en direction de Ach, qui est négligemment appuyé contre la baie, une tasse fumante à la main. Vampire de mes deux !
- Je vous en prie, Ivy. Des insultes ! De si bon matin !
Je pince les lèvres pour contenir un chapelet de jurons. Je pose la tasse bruyamment sur l'îlot central et entreprend de m'essuyer avec un torchon. Chose tout à fait inutile puisque mon haut est complètement trempé.
- Je peux vous aider si vous le souhaitez, rétorque le vampire, un grand sourire aux lèvres.
Des flashs intenses de mon rêve traversent aussitôt mon esprit. Instantanément, Ach dévoile ses dents blanches, dans un rictus d'une insolence folle.
- Vous êtes un vrai succube, ma parole, se moque-t-il. Autant de débauche dans un rêve. Je suis tenté de les réaliser maintenant.
- Oh la ferme ! m'énerve-je.
- Votre corps parle de lui-même, rétorque-t-il, en laissant glisser son regard.
Je croise aussitôt les bras sur ma poitrine. Je fais volte-face et remonte quatre à quatre vers ma chambre. Au loin, j'entends Ach continuer.
- Vous ne pourrez pas toujours le nier, Ivy. Vous finirez, tôt ou tard, dans mon lit.
J'ouvre la porte de ma chambre avec une telle rage, que la poignée s'incruste dans le mur, dans un fracas du tonnerre. J'arrache hargneusement mon tee-shirt et en attrape un autre dans l'armoire.
- Ivy, ça va ?
Je me retourne sans réfléchir vers la voix ensommeillée. Luc est planté dans l'encadrement de la porte, en caleçon et à moitié endormi. Soudain, ses yeux s'arrondissent. Les miens ne peuvent s'empêcher de glisser vers le bas. Je me rends compte alors que je suis moi-même en petite tenue. Il se retourne aussitôt, rouge comme une pivoine.
- Je suis désolé, bafouille-t-il. Je me suis précipité en entendant la porte claquer.
Moi, je reste plantée là, complètement dépassée par l'enchainement des événements.
- Ce n'est pas de ta faute, dis-je en reprenant mes esprits. J'ai renversé du café sur mon tee-shirt. J'étais en train de me changer.
- J'aurais dû frapper avant, s'excuse-t-il encore.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Ce mec est vraiment trop chou. Rien avoir avec l'autre obsédé en bas ! je soupire d'agacement à cette pensée. J'enfile le tee-shirt propre et me tourne vers Luc.
- Tu as pris ta décision ?
Son regard s'éteint un instant. Son trouble fait place à de la nervosité.
- Je n'ai pas l'intention de te ramener au Conseil, si c'est ce qui t'inquiète.
Je soupire de soulagement. Devoir en découdre avec lui pour pouvoir me faire la malle était une idée plus que déplaisante.
- Mais je n'ai pas l'intention de partir non plus...
Là, j'avoue que je n'avais pas vu venir.
- Je me sens... redevable à ton égard. Tu as essayé de t'ouvrir à moi et j'ai merdé en t'emmenant dans le pire endroit qu'il existe pour une lycaon. J'aurais dû anticiper les événements quand j'ai compris que Ben serait là.
- Comment ça ?
- Ce serait trop long à t'expliquer, soupire-t-il. Sache juste que j'ai l'intention de t'aider à trouver un moyen pour que les chasseurs te fichent la paix. En attendant, je vais rester avec toi pour te protéger.
- Ca tombe bien, il faut que je sorte. J'ai besoin d'aller prendre l'air. Tu m'accompagnes ?
Il me dévisage, confus.
- Le vampire commence à me taper sur les nerfs. Il faut que j'aille m'aérer avant de l'étriper. Comme tu as une dette envers moi, autant que tu me serves de garde du corps.
Je lui souris tendrement et je le sens se détendre. Un sourire espiègle étire sa bouche charnue.
- Je t'avais dit de te méfier de lui, se moque-t-il.
- C'est bon, j'ai compris, réponds-je en levant les yeux au ciel. On se retrouve en bas dans dix minutes.
Arrivée à la cuisine, Ach est toujours là, en train de siroter son café. J'attrape une pomme, tout en le toisant de haut.
- Je vais aller me défouler un peu. J'ai besoin de calmer mes nerfs.
- C'est sûr que de devoir lutter contre ses pulsions doit être épuisant.
Je ne relève pas le double-sens de sa phase. Je dois arrêter de rentrer dans son petit jeu.
- Luc m'accompagne, dis-je en tournant les talons.
Alors que je me dirige vers la porte d'entrée, le vampire se matérialise devant, m'obligeant à faire un pas en arrière pour éviter de le percuter.
- Si vous pensez que de sortir avec lui calmera vos envies... D'ailleurs que fait-il encore ici ?
Je ne lui réponds pas, préférant jouer la provocation.
- Mais je n'ai jamais dit que je voulais calmer mes envies le concernant.
Aussitôt, il saisit mes cheveux, les tirant en arrière, et plante son regard déstabilisant dans le mien.
- Moi, vivant, jamais il ne mettra les mains sur vous.
Je me dégage et le repousse violemment.
- Cessez de me considérer comme votre petit jouet, lancé-je. Je ne vous appartiens pas. J'en ai ras le bol de vos manipulations permanentes. Et puis, arrêtez de vous insinuer dans mes rêves.
Ach retrouve son sourire. L'un dont il a le secret, dédaigneux et déconcertant.
- Je n'ai aucune prise sur vos rêves, Ivy.
Un frisson glacé parcourt ma colonne et mon visage se décompose. Bordel ! Je prends une grande respiration pour tenter de masquer mon trouble. Il se joue de toi, il essaie de t'embrouiller, me dis-je intérieurement pour me convaincre. Le vampire continue à sourire effrontément, sûr de lui et de ce qu'il avance. Je lui donnerai bien une bonne gifle pour le faire redescendre sur Terre.
- J'aimerais tellement que vous essayiez, réplique-t-il prestement. J'ai une prédilection pour ce genre de petit jeu. Le partager avec vous serait assurément... distrayant. Mais, chaque chose en son temps. Débarrassez-vous du chasseur d'abord.
- Vous pouvez toujours rêver.
Il me cède le passage, toujours son foutu rictus de victoire sur la figure. Ce que je peux le détester ! D'un pas rageur, je sors sur le perron. Je fais les cent pas pour essayer de me calmer, mais en vain. Deux minutes plus tard, Luc m'y rejoint, une veste à la main. Il me lance un regard inquiet, tout en me la tendant.
- Ça va ?
- Ça ira mieux quand on sera loin d'ici. Pourquoi tu me donnes ça ?
- Je me suis dit que tu aimerais t'éloigner un peu. Alors j'ai pensé qu'on pourrait prendre la moto.
J'acquiesce en silence. Son attitude si courtoise et droite me laisse toujours perplexe. J'ai plus l'habitude des mecs mal élevés, sûrs d'eux et égocentriques. Un peu du genre de Ach. Alors le côté chevaleresque de Luc me déroute.
- Bon, tu veux y aller, oui ou non ?
Le chasseur est déjà installé sur la moto. Je suis restée là, plongée dans mes pensées, à l'observer. Il faut que je me bouge si je ne veux pas passer pour une folle. Je sors de mon état de torpeur, dévale les escaliers et saisit la main qu'il me tend. J'enfourche la bécane et me colle à lui. Luc se raidit et son cœur se met à accélérer. Je ne peux m'empêcher d'être satisfaite de l'effet que je produis sur lui.
Le vent me fouette le visage et me coupe le souffle. Glisser à travers la circulation, zigzaguer entre les voitures qui se trainent et cette sublime sensation d'être libre... Je me suis rarement sentie aussi bien.
Luc quitte rapidement les artères principales pour emprunter une route de campagne. Je ne sais pas où on va. Mais, là, tout de suite, je m'en fous un peu. Je suis juste heureuse d'être là. Je ressers mon étreinte autour de son torse et pose la tête sur son dos. Le martèlement régulier de son cœur vient percuter mon oreille. Mon corps suit le rythme de sa respiration. Je n'aurais envie d'être nulle part ailleurs. La moto bifurque sur un chemin de terre, s'enfonçant à travers les bois. Nous roulons ainsi encore un bon kilomètre puis, soudain, au détour d'un bosquet, un lac gigantesque fait son apparition.
Sous le soleil, sa surface miroite de milliers de petits éclats dorés. Luc arrête sa moto quasiment au bord de l'eau. Je descends, surexcitée. Mon premier réflexe est d'enlever mes chaussures. Je soupire de bonheur en sentant le sable chaud sous mes pieds. Je souris comme une idiote. Du bonheur à l'état pur. J'entends Luc rigoler derrière moi. Je me retourne. Il est appuyé sur sa moto, quelques mèches folles s'agitant sous l'effet de la brise. Mon sourire se fige. Putain ce qu'il est sexy ! C'est la première fois que je le vois rire et j'en ai l'estomac qui papillonne. Ma respiration se fait plus difficile tout à coup. Bon sang ! Je préfère tourner la tête vers le lac, car je me sens perdre le contrôle. Reprends-toi, Ivy, reprends-toi. Luc vient se placer juste derrière moi. Je n'ai pas besoin de me retourner, je sens la chaleur de son corps se diffuser dans le mien. Ce qui fout en l'air mes efforts désespérés pour paraitre impassible.
- Je me suis dit que ce serait l'endroit parfait pour souffler un peu, dit-il en fixant l'eau scintillante du lac. Tu avais l'air remonté tout à l'heure.
En effet, j'étais plus que tendue, j'avais des envies de meurtre. Cet homme m'énerve au plus haut point, mais je ne peux pas partir. J'ai besoin de son aide. Seule, ou même avec l'aide de Luc, je ne vois pas comment je pourrais trouver une solution. J'ai vu l'influence qu'avait Ach. C'est un vampire puissant. J'ai juste peur de virer folle à cause de lui. Une main se pose soudain sur mon épaule. Je tressaille à son contact. Luc me dévisage.
- Tu es sûre que ça va ? me demande-t-il, inquiet.
- Oui, oui, bredouille-je. Ce n'est rien...
Soudain, je le vois retirer ces chaussures et sa veste. Puis deux bras puissants me jettent sur son épaule. Je pousse un cri de stupeur.
- Je vais te dérider un peu, dit-il en riant.
Et il se met à entrer dans l'eau.
- Non ! crie-je. Je suis encore toute habillée.
- Et alors ? Moi aussi, lance-t-il, amusé.
En deux secondes, je me retrouve trempée jusqu'aux os. Je suis un peu comme les chats, je déteste les douches forcées. Alors, forcément, ce genre de baignade, ce n'est pas vraiment mon fort. Je me débats tant bien que mal pour lui échapper. Luc me balance dans l'eau, non sans rire à gorge déployée. Je coule au fond. Une envie effroyable de me venger vient me titiller. J'attrape ses jambes et tire dessus. Aussitôt, il se retrouve la tête sous l'eau. Je remonte à la surface, un sourire pervers sur le visage.
Une seconde après, il se remet debout, incrédule. Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire en voyant sa tête. Ses cheveux dégoulinants s'étalent sur son visage. On dirait le monstre des marais. Je l'entends grogner. Puis il rabat ses cheveux en arrière. Et là, ça me la fait comme au ralenti, genre le mec hyper sexy dans un film romantique ! Ma bouche s'est ouverte en grand, malgré moi. En le voyant froncer les sourcils, j'ai refermé ma mâchoire d'un coup sec et prit un air mauvais.
- Tu croyais t'en tirer aussi facilement, le nargué-je.
- Absolument pas, mais j'ai réussi mon coup, rétorque-t-il, fièrement.
Devant mon regard perplexe, il poursuit.
- Tu es beaucoup plus belle quand tu souris.
Je sens que je devienne rouge comme une tomate. Non mais c'est quoi cette réaction d'ado attardée aux hormones en ébullition ?
- Merci, dis-je, plongeant aussitôt.
En quelques mouvements, je mets de la distance entre nous. Il faut que je me reprenne. Depuis ce matin, j'ai la libido qui déconne. Ach et maintenant Luc. Je dois être vraiment en manque, mais me taper l'un des deux serait une grossière erreur. Je sors de l'eau et m'étale sur la plage. Le sable chauffé à blanc diffuse sa douce chaleur dans mon corps. Reprendre le contrôle, absolument. Ne pas me laisser embarquer. Depuis quelques jours, ma vie part en couilles. Déjà qu'elle n'était pas brillante. J'arrivais à peine à maintenir la tête hors de cette fosse à purin. En ce moment, j'ai plutôt l'impression d'avoir les lèvres qui effleurent et ça ne me plait pas du tout. Je m'étire de tous mes membres. Allez, Ivy, tu sais comment gérer les hommes. Luc n'en est qu'un. Je me lève et retire mes vêtements. Luc, qui sort à son tour, se fige, les yeux écarquillés louchant sur mes sous-vêtements.
- Ben quoi ? Ils sècheront plus vite, ironisé-je en les posant sur la pierre brûlante. Tu devrais faire pareil.
Je le vois hésiter. Je ne peux m'empêcher de le provoquer.
- Ne t'inquiète pas, Luc. Je t'ai déjà vu en caleçon. Deux fois, si je ne m'abuse.
Il fait aussitôt la moue. Il retire avec exaspération ses vêtements. Je tente de retenir un hoquet en voyant son corps ruisselant, l'eau laissant tout deviner à travers le morceau de tissu qui recouvre les parties les plus intimes de son corps. Rapidement, je me rallonge, mettant un bras sur mon visage un peu trop expressif. Luc se laisse tomber à côté de moi. Si près que nos bras se frôlent presque. Ma peau se couvre de frissons. J'entends sa respiration, légèrement rapide. Son parfum, un mélange subtil de mandarine et de cannelle, vint éveiller mes sens déjà exacerbés. Bordel ! Si ça continue, je ne vais plus pouvoir résister.
- Alors, Ivy, parle-moi un peu de ta vie.
Sa voix chaude me sort de mes pensées sensuelles.
- Il n'y a rien à dire, à part ce que j'ai déjà dit au conseil, répond-je, en haussant les épaules.
- Sérieusement ? s'étonne-t-il. Pas de frère ou de sœur ? pas d'amis ? pas de petit ami ?
Bonjour la subtilité ! Il faudrait vraiment qu'il prenne des cours de drague, ce mec. Puisqu'on en ait aux questions intimes...
- Et toi ?
- Moi ?
Je lui jette un bref coup d'œil. Il fixe le ciel, embarrassé. Moi qui commençait à perdre mes moyens devant lui. Je le vois bien plus perturbé.
- J'aimerais savoir comment un beau gosse comme toi a décidé un jour de devenir chasseur. Je sais que c'est de famille, mais rien ne t'empêchait de suivre une autre voie.
Pas comme moi ! Piégée dans un corps que je dois partager avec une louve mal léchée.
- Une évidence. Je n'ai jamais connu autre chose et je trouvais que c'était la meilleure chose à faire. Tu sais, défendre les autres.
- Des créatures comme moi.
Les mots avaient franchi la barrière de mes lèvres tous seuls. Evidemment, je lui en voulais encore. La situation entre nous n'a pas été clarifiée.
- Où étais-tu ce soir-là ?
Seul le silence me répond. J'en ai marre d'être dans le flou tout le temps. J'ai besoin de savoir. Je me redresse et me tourne vers lui.
- Bon sang, Luc ! Pourquoi refuses-tu de me le dire ? Qu'est-ce que tu me caches encore ? Tu veux que je te fasse confiance mais tu gardes tout pour toi. Moi, je t'ai tout dit. Et toi, tu comptes le faire quand ?
Il s'assoit et pose ses bras sur ses genoux. Son regard se perd dans la contemplation des lieux. J'ai envie de le secouer pour faire sortir la vérité de sa bouche.
- J'ai été bien plus naïf que toi. Je connais Ben depuis longtemps. Je savais à quel point ils détestaient les lycaons. J'aurais dû savoir que tout son discours n'était que mensonge. Mais j'ai cru...
Il laisse échapper un soupir.
- Il m'avait juré qu'il avait dépassé tout ça, que c'était de l'histoire ancienne.
- De quoi tu parles ?
Luc tourne son regard émeraude vers moi. Il est dur, tellement intense à cause de la colère qui y brille.
- Ben a perdu sa petite sœur à cause d'un lycaon. Depuis il n'a fait que les pourchasser pour la moindre broutille et il ne se gênait pas pour se défouler dès qu'il le pouvait.
J'avais bien senti qu'il me détestait, mais jamais je n'aurais pensé que c'était pour ça. Je pensais juste que c'était un putain d'extrémiste qui défendait la suprématie des humains et qui nous considérait comme une sous-espèce, une bande de nuisibles qu'il fallait exterminer coûte que coûte. En fait, c'était beaucoup plus personnel que ça.
- Mais ça ne m'explique pas où tu étais ?
- Tout est de ma faute. Je t'ai abandonnée dans ses griffes. Putain, ce que j'ai pu être con !
Je fronce les sourcils, un peu perdue dans ses explications.
- Ce soir-là, j'ai laissé Ben assurer ta surveillance, le temps d'aller dormir un peu, continue-t-il, d'un air sombre. Je suppose qu'ils en ont profité pour te kidnapper.
Mon cœur se met à battre la chamade. Le sang fait bourdonner mes oreilles. Il n'était pas là. Il ne m'a pas trahie. Bon sang ! J'ai juste envie de...
Je saisis son visage entre mes mains et plaque mes lèvres encore humides sur sa bouche. Je me sens euphorique. Je me recule et le regarde au fond des yeux. Son visage reflète une confusion totale. Moi-même je ne comprends pas ma réaction mais peu importe.
- Désolé... Je...
- Ne t'excuse pas. Il était temps que je m'explique moi aussi. J'espère juste que tu me croies. Car jamais je ne pourrais te faire une chose pareille, jamais je n'aurais laissé quelqu'un te faire du mal, dit-il d'une voix douce.
La manière dont il a prononcé ces mots me trouble. Ils sonnent tellement vrais que tout mon corps se met à vibrer. Je ne sais pas pourquoi mais cette petite phrase me bouleverse, ébranle mes certitudes. J'ai tout à coup envie de l'embrasser de nouveau. Comme un besoin irrépressible de me lier à lui, à son corps. Mon cœur enfle en regardant ses prunelles de jade. Un sentiment nouveau, incontrôlé vient s'insinuer à son centre. Il me submerge. J'ai l'impression que je vais suffoquer. Il faut que je m'éloigne de lui. L'air me manque. Je m'écarte et m'assoit face au lac. Luc n'a pas bougé. Il faut que je dise quelque chose, n'importe quoi, pour chasser ça de mes pensées.
- Tu viens ici souvent ? Tu as de la famille dans le coin ?
Question complètement absurde mais qui réussit malgré tout à détourner la conversation. Il marque un temps d'arrêt mais répond tout de même.
- Ma famille habite au Canada. En fait, je viens ici quand j'ai besoin de faire une pause. Pour me vider la tête. Tu es la première personne que j'emmène ici.
Non, non, non ! Ne va pas sur ce terrain-là ! Je t'en supplie !
- Au Canada ? Tu es loin de chez toi ! Ils ne te manquent pas trop ?
Je le sens se rapprocher de moi et immédiatement, mon corps se tend.
- Tous les jours, mais j'ai choisi cette vie et elle me conduit là où on a besoin de moi.
Je laisse mon esprit divaguer vers la parodie de famille que j'avais. Un ramassis de faux semblants et d'hypocrisie. Ils m'ont toujours menti et utilisé à des fins purement égoïstes. Par ce que je ne suis plus dupe, depuis la naissance, on me destinait à servir de pont, d'arche d'alliance pour unir les loups d'Irlande.
- Tu as de la chance d'avoir une vraie famille. Tu ne devrais pas vivre si loin d'eux. Profites-en. Ce n'est pas donné à tout le monde.
Legoût amer de ses paroles s'imprègne dans ma bouche. Des images de mon père, dema mère défilent, mais aucune ne reflète de l'amour ou de l'affection. Je mesens perdue. J'aurai aimé pouvoir compter sur eux, qu'ils m'expliquent ce queje suis en réalité. Qui mieux que mes parents sauraient me dire quel genre decréature je suis en réalité ? Car de plus en plus, je me rends compte que jesuis différente. Différente des humains, différente des lycaons. Mais allerleur demander est hors de questions. Plutôt mourir que de recroiser leurchemin. Je retourne m'allonger, le bras barrant mon visage. Luc n'insiste pasdevant mon mutisme soudain. Il se contente de me rejoindre et de s'allonger àmes côtés. Je suis contente qu'il soit là, de nouveau, même si je sais que çava être difficile de faire accepter sa présence auprès de Ach.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top