Chapitre 17 (corrigé)


LLe vampire m'entraine jusqu'à une alcôve, à l'écart, qui surplombe une grande partie de la piste de danse. En-dessous, la foule s'agite au rythme lancinant de la musique électro. Mon regard glisse sur eux et je me demande qui est vampire et qui est proie. Je suis vraiment abasourdie que des personnes sensées acceptent que des buveurs de sang plantent leurs crocs dans leur cou. Mes yeux se reposent sur Ach. Son attention se porte loin devant. Son profil a cette perfection morbide qui caractérise les vampires. Il est beau certes, mais c'est autre chose. Son espèce a cette aura étrange qui vous attire inexorablement. Je m'oblige à détourner le regard car mes pensées commencent à dériver dangereusement.


L'alcôve en question est une sorte de petit salon privatif constitué d'une table basse en inox et d'un long canapé de cuir blanc. Une jeune femme se tient devant nous, droite comme un i. Elle détache le cordon à notre arrivée. Ses yeux sont rivés au sol. J'entends son cœur battre très vite, je vois le tremblement léger de ses doigts quand elle retire la corde de velours et s'écarte pour nous laisser passer. De toute évidence, elle a peur.

- Apportez-nous du champagne et deux coupes.

- Très bien, seigneur.

Seigneur ? D'accord, c'est un vampire ancien, mais de là à se faire appeler Seigneur. C'est limite prétentieux. Ach retire son bras et m'intime de m'asseoir d'un geste de la main. Franchement, il est d'une froideur difficile à digérer. Ma langue me démange de le remettre à sa place. Je me laisse tomber sur le cuir glacé. Il s'installe à mes côtés, bien trop près à mon goût.

- Pourquoi vous appelle-t-on seigneur ? finis-je par dire pour briser le silence qui s'est installé.

Ses bras se calent sur le dossier du canapé et il laisse échapper un soupir d'exaspération.

- Vous êtes d'une curiosité insatiable ce soir. Je ne sais pas si je dois me sentir agacé ou flatté.

- J'essaie juste de faire la conversation.

Il lève un sourcil et un sourire s'esquisse sur ses lèvres.

- Il faudrait peut-être que j'exige un paiement pour chacune de mes réponses.

Je fronce aussitôt les sourcils. Un paiement ? quel paiement ? des idées fusent dans ma tête, de la plus anodine à la plus sulfureuse.

- Ivy, cessez d'avoir ce genre de pensée me concernant. Je vais finir par vous prendre au mot.

Je croise les bras et pince les lèvres de frustration. Décidemment, le jeu n'est pas équilibré.

- Il ne l'a jamais été, rétorque-t-il.

- C'est particulièrement agaçant de ne pas pouvoir penser librement en votre présence.

- Et c'est particulièrement difficile de réfréner mes pulsions, sachant que vous avez les mêmes, chuchote-t-il à mon oreille.

Ce qui a pour effet de me raidir. Le vampire se rapproche un peu plus. Son genou touche à présent le mien, me donnant une décharge d'électricité qui se diffuse dans tout mon corps. Sa main frôle négligemment mon épaule dénudée. Ses lèvres si proches laisse couler un souffle glacé sur ma nuque. Une chair de poule recouvre mon corps en réponse. C'est à ce moment-là que réapparait la serveuse. Ach n'est absolument pas gêné par sa présence. Au contraire, il entreprend de laisser sa main parcourir chaque centimètre de ma peau nue. Un frisson parcourt aussitôt ma colonne, pour aller se perdre dans mon bas-ventre. Mes yeux se ferment instantanément et un gémissement m'échappe. La serveuse vire au rouge instantanément et se dépêche de déguerpir.

Dès qu'elle disparait, Ach recule, mettant une distance certaine entre nos deux corps. Il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Il remplit les deux coupes et avale d'une traite le contenu de la plus proche. Je le fixe, confuse. Mon estomac joue au yoyo avec lui.

- Que faisons-nous ici ce soir ? tenté-je pour me changer les idées.

- Ça ne parait pas évident ?

Son regard se perd dans la foule en contre-bas. J'aimerais savoir ce qu'il pense. Cela me permettrait d'anticiper ses changements d'humeur permanents. Soudain, il se lève. Instinctivement, je fais de même.

- Je vais aller chasser. Vous, vous restez ici.

Je suis décontenancée. Pourquoi irait-il chasser sachant qu'il a accès à autant de sang qu'il le souhaite ?

- Pour le plaisir, réplique-t-il aussitôt. Rien n'est meilleur que de séduire sa proie et sentir ses crocs plonger dans sa chair. Vous n'êtes pas d'accord avec moi ?

Je n'ai pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, qu'il a déjà disparu. Je me dirige vers la balustrade et m'y accoude. Sa phrase résonne encore à mes oreilles. Je ne peux pas le nier. Traquer une proie et réussir à la tuer est l'une des sensations les plus intenses que je connaisse. C'est bien ce qui m'effraie quand je me transforme. Je ne contrôle plus ce besoin viscéral de sang. J'ai l'impression que l'animal en moi prend le dessus. A un tel point que mes souvenirs ont tendance à devenir flous. Seule cette sensation orgasmique liée aux crocs plantés dans le cou de l'animal perdure et se diffuse dans mes veines des jours durant.

Sans m'en rendre compte, je cherche désespérément Ach des yeux. Une multitude de corps ondule au rythme de la musique beaucoup trop forte. Mais je finis par le repérer. Il est accoudé au bar, balayant la salle du regard. Cette scène me rappelle la première fois qu'on s'est vu. A croire qu'il affectionne ce genre de lieu. Soudain, son attitude change. Ses yeux fixent quelqu'un à travers la foule. Je tente de savoir de qui il s'agit, mais il y a tellement de monde que j'ai du mal à trouver. Je le vois quitter son point d'observation et fendre la foule. Une aura de prédateur se dégage de lui. Les gens s'écartent sur son passage. Mais il a l'air de ne pas s'en rendre compte. Il est tellement focalisé sur son but que rien ne semble l'atteindre. Enfin, Il s'arrête.

Devant une jeune fille d'une vingtaine d'années à peine se tortille en suivant les pulsations des basses. Elle ne s'est pas rendu compte qu'elle est observée, je dirais même dévorée des yeux. Elle ne perçoit pas le monstre qui rôde tout près d'elle. Ach la détaille, d'un œil gourmand, de la tête aux pieds. Je pourrais presque sentir son désir brûlant, son envie quand il se rapproche doucement d'elle.

Soudain, elle se retourne et se fige. Son regard accroche celui de Ach. Ils restent plantés là, l'un en face de l'autre. Ach comble la distance les séparant. La jeune fille ne réagit pas. Elle semble fascinée. La main du vampire vient lui caresser le visage. Elle tressaille légèrement et ferme les yeux. Mon estomac se serre à la vue de la scène qui se déroule sous mes yeux. Cette sensation inattendue s'insinue jusqu'à mon cœur, mais je ne sais pas comment l'interprêter.

Ach passe une main sur ses reins, l'autre se perd dans ses cheveux. Son bassin se colle au sien et il entreprend une danse langoureuse. La fille se laisse porter par la musique et les gestes lascifs du vampire. Leurs corps sont si proches, presque soudés. Les mains de Ach se mettent à explorer chaque centimètre de peau découverte. La blonde semble complètement en transe et moi je serre avec agacement la rambarde devant moi.

Quand Ach commence à l'embrasser, ça devient carrément pornographique. Il lui caresse les hanches, le dos, les seins. Rien ne lui échappe. Ses lèvres et sa langue parcourent chaque veine apparente. Je devrais détourner le regard, mais je suis envoûtée par ce qui se déroule sous mes yeux. Fascinée et envieuse.

Personne autour ne semble choqué par leur attitude. Sa bouche couvre outrageusement le cou de la blonde. Mais, soudain, l'atmosphère se charge d'une énergie différente. Celle du danger et de la mort. Ach resserre son étreinte, maintenant fermement le corps de sa cavalière contre lui. Un petit cri de surprise étouffé franchit les lèvres de la jeune fille. Mes sens sont à l'affût, cherchant ce qui a bien pu me mettre sur le qui-vive.

Soudain je comprends. Ma main se plaque sur ma bouche pour réprimer un hoquet d'effroi. Ach lui dévore littéralement le cou. Une perle rougeâtre dévale sur la peau blanche de la jeune fille. Ses lèvres épousent la courbe tendre de la nuque offerte de la blonde. D'ici, je vois chaque gorgée qu'il aspire. Ma bouche s'assèche. Ce qui m'effraie plus encore que ce spectacle horrible est le fait qu'il m'excite. Il titille mes plus vils instincts. Et ça, je ne l'admets pas.

La blonde ne semble pas avoir peur. Au contraire, on dirait qu'elle apprécie. Je dirai même qu'elle est à la limite de la jouissance. C'en est trop pour moi. Je retourne m'asseoir et avale d'une traite ma coupe. Je m'en ressers une autre et l'avale aussi vite que la précédente. Malgré l'alcool, je sens mon estomac faire du trampoline. Voir Ach mordre le cou de cette pauvre gamine, prendre tant de plaisir et que moi-même me retrouve dans le même état, ça me retourne. Il faut que j'aille prendre l'air.

Je quitte mon abri à la recherche d'une sortie. Sur mon passage, les gens s'écartent. J'ai le même effet que Ach. Ils ont peur de ce que je suis, la soi-disant régulière du Big Boss. Ce qui me donne encore plus la nausée. Enfin, je trouve l'issue de secours. La porte cède dès que j'appuie sur la poignée. L'air frais de l'extérieur a le goût de la délivrance. Je prends une grande inspiration mais cette pureté a raison de ma retenue. Je fais quelques pas et le contenu de mon estomac décide de se faire la malle. Lorsqu'il s'est enfin vidé, je me redresse avec peine. Je lève les yeux au ciel. Là-haut, la lune presque pleine me nargue. Elle se moque de moi, de ma petite nature. Tu es un loup-garou, pauvre cloche ! Et tu vomis à la vue d'un peu de sang ? Tu es pathétique. Je lui fais un doigt d'honneur bien mérité et décide de faire demi-tour, légèrement titubante.

- Ivy ?

Cette voix, je la connais. Mes poils se hérissent et je me fige. Je n'ose pas me retourner de peur que ce ne soit pas une hallucination. Ma respiration s'accélère et je ferme les yeux.

- Regarde-moi, tonne la voix derrière moi.

Lentement, je fais volte-face. Le chasseur se tient à quelques mètres de moi. Il s'est posté entre la porte et moi, me bloquant toutes solutions de repli. Ses yeux me scrutent de la tête aux pieds, comme s'il avait autant de mal que moi à y croire. Une tornade de sentiments contradictoires fracasse tout à l'intérieur de mon crâne. J'ai peur parce qu'il a réussi à me retrouver et que je redoute sa réaction. Et en même temps, une petite part de moi se réjouit de le voir.

- Ça fait des jours que j'essaie de mettre la main sur toi avant les autres.

Une bouffée de joie m'envahit. La petite flamme qui brûle dans mon cœur s'amplifie.

- Je voulais être celui qui allait de foutre la raclée que tu mérites, avant de te ramener par la peau du cou devant le Conseil pour qu'il règle ton sort définitivement.

Mon visage blêmit d'un coup. Pendant l'espace de quelques secondes, je me suis surprise à espérer qu'il était venu me chercher pour me protéger. Quelle idiote. Quand est-ce que je vais retenir la leçon ? Il me hait, il ne peut que me haïr. Je suis la lycaon qui a massacré quatre de ses camarades. Je suis une saleté de monstre qui ne mérite que la mort. L'amertume étouffe la reconnaissance qui envahissait mon cœur.

- Si tu crois que je vais me laisser faire, tu vas être surpris.

Son visage se déforme sous l'effet de la contrariété.

- Je vais te faire payer ce que tu as fait à Ben et aux autres.

Je ne peux m'empêcher de laisser échapper un rire sarcastique.

- Ces salopards n'ont eu que ce qui méritaient. Je suis peut-être un putain de monstre qui ne vaut rien à tes yeux, mais j'ai au moins de l'honneur. Quand je tue, je n'agis pas comme une traitre. Je ne fais pas croire aux autres que je suis prête à les aider, pour les trahir dès qu'ils ont le dos tourné.

- Comment oses-tu ? vocifère-t-il, en faisant un pas dans ma direction.

Je recule instinctivement. Il me fait peur, mais il ne faut pas que je baisse la garde. Le combat est inévitable mais je ne lui laisserais pas gagner aussi facilement.

- Je ne dis que la vérité. Tant pis si elle est trop difficile à accepter pour toi. Vous les chasseurs, autant que vous êtes, vous n'êtes que des saletés de lâches qui attendent que nous fassions confiance, pour nous mettre à terre et nous faire subir les pires ignominies.

- Tu délires complètement ! se moque-t-il.

Non mais il se fout de moi ! C'est moi qui délires ? Mon estomac se contracte de rage, mes poings se serrent jusqu'au sang.

- Et ça, c'est le fruit de mon imagination aussi ? répliqué-je, en tendant mon épaule meurtrie dans sa direction.

Il ne peut pas rater la cicatrice parfaitement visible. Elle est la preuve de leur perfidie. Elle me rappelle que j'ai été beaucoup trop naïve, surtout le concernant. Ses sourcils se froncent un instant.

- Qu'est-ce que tu essaies d'insinuer ?

- Tes chers amis se sont amusés avec moi. Et si je n'avais pas réagi, je ne serais plus qu'un cadavre dépecé qu'ils auraient laissé pourrir au fin fond de votre saloperie de forêt.

Ses yeux s'agrandissent, tandis qu'il fixe mon bras. Il semble hésiter. Pourquoi hésite-t-il ? serait-il possible que...

- Tu mens ! lâche-t-il soudain. Tu veux juste trouver une manière de me retourner le cerveau, comme tu l'as déjà fait, mais ça ne prend plus. Je ne te fais plus confiance.

- C'est toi qui n'a plus confiance ? Non mais je rêve ! Est-ce que c'est toi qu'on a essayé de tuer, qu'on a torturé ?

- Ferme-la, hurle-t-il, en secouant la tête.

Un silence de plomb s'installe entre nous. Nos regards sont toujours accrochés, essayant de trouver dans l'autre la vérité. Chacun attend que l'autre réagisse en premier. J'essaie de rester calme mais la colère fait bourdonner le sang dans mes oreilles. Je le hais. Je le hais de m'avoir fait croire qu'il était de mon côté, de m'avoir fait espérer que tout allait bien se passer. Je le hais mais malgré tout, je suis prise d'un doute, car je crois lire l'incompréhension dans ses yeux.

- Je ne t'ai jamais trahi, lâche-t-il soudain.

Son ton m'ébranle bien plus que je ne le veux. Tout dans sa voix sonne vrai. Même son regard... Non ! Je ne dois pas me laisser avoir encore une fois.

- Ecarte-toi de mon chemin.

- Hors de question. Je suis venu ici pour te chercher. Je ne repartirai pas sans toi.

Luc semble déterminé à me barrer la route. Mais je le suis tout autant à ne pas mourir, ni ce soir ni jamais de la main de ces salopards.

- Je ne veux pas me battre mais si tu ne me laisses pas le choix, je le ferais.

Mes paroles ne sont pas vaines. Même si mon cœur a un pincement à l'idée de me retrouver confronter à lui, ma survie en dépend. Il décroise les bras et plante ses pieds dans le sol, les poings levés.

- Je n'aime pas particulièrement me battre contre une femme, mais je ne peux pas te laisser partir. Et je suis sûr que tu bluffes.

- Crois ce que tu veux, belle gueule. Mais je n'ai pas l'intention de me faire piéger une nouvelle fois.

Je retire mes chaussures et les balance à côté d'une poubelle. Ma tenue n'est pas des plus confortables pour ce genre de situation, mais je vais faire avec. Mon cœur semble vouloir courir un marathon, mais j'essaie de rien en laisser paraitre. Je sais que mes yeux doivent scintiller à travers la nuit. Luc sert plus fort les poings et se prépare à l'affrontement. Je ne dois pas avoir peur de lui si je veux réussir à m'enfuir. Alors je feins la confiance. Je penche la tête de côté, un sourire flottant sur mes lèvres.

- Alors approche, chasseur. Je t'attends de pieds fermes.

Pour la première fois de ma vie, je vais combattre volontairement. Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix. Alors, je prends une grande inspiration avant de foncer sur lui sans crier gare. Surpris par ma rapidité, Luc n'a pas le temps de parer mon assaut. Il se retrouve plaquer violemment au sol. Sa tête heurte durement le bitume. De mes mains, je le maintiens au sol. Il semble abasourdi, comme s'il pensait réellement que j'allais me dégonfler. Raté, mon pote ! Mais rapidement, il reprend ses esprits et me fait basculer sur le côté. Maintenant, c'est lui qui me surplombe.

- Très bien, Ivy. Finis de jouer. Je te propose un deal. Je gagne, tu me suis, sans broncher. Tu gagnes, je te laisse une chance de me convaincre.

- C'est un marché à la con. Jamais je ne te suivrais, ricané-je en le poussant brutalement.

Luc est projeté en arrière mais se rattrape. Je me relève d'un bond. Ma poitrine se soulève à un rythme effréné. Le sang rugit sous mes tempes. Mais je ne me suis jamais senti aussi bien. Jamais je n'aurais pensé que me battre me procurerait un tel shoot d'adrénaline, un tel plaisir. Je lui souris, satisfaite, et commence à sautiller d'un pied sur l'autre. Histoire de l'agacer.

Luc fronce les sourcils devant ma manœuvre de diversion. Je le vois même légèrement sourire. Je crois qu'il aime se battre autant que moi. Il replace ses poings en défense et me fixe. Soudain, il tente de me plaquer au sol, mais je suis plus rapide, je l'esquive et lui donne un coup de pied aux fesses. Il se retrouve à nouveau au sol, mais se relève aussitôt.

- Tu es sacrément rapide, rétorque-t-il, amusé. Je n'aurais pas dû te sous-estimer mais je vais me rattraper.

- Heu... Merci.

Sa remarque me fait étonnamment plaisir. On est en train de se battre et on échange des mondanités. Complètement hallucinant.

Distraite, j'évite de justesse le coup que Luc tente de m'asséner au plexus. Son poing frôle le tissu de ma robe, Mais ses mains réussissent à m'attraper par les épaules pour me projeter contre un mur. Mon souffle se coupe sous l'impact. Sans que j'aie le temps de faire quoi que ce soit, Luc se retrouve contre moi. Je tente vainement de le repousser. Il accentue encore plus la pression. Son corps tout entier me maintient contre le béton glacé. Fier de lui, Luc se met à sourire. Je voudrais qu'il parte, que j'arrive à me dégager, mais être si proche de lui me donne de tout autre idée. Si près, je sens ses muscles si parfaitement sculptés, son souffle si chaud sur mon visage. Mes yeux ne décrochent de cette bouche si tentante. Alors je fais la chose la plus saugrenue qui aurait pu traverser mon esprit.

J'arrête de m'agiter et plante mon regard dans le sien. Je le laisse prendre le dessus. Ce que je vais faire est complètement déloyal, je le sais. Mais à la guerre comme à la guerre, et j'en crève d'envie. Sans crier gare, je plaque mes lèvres sur les siens. Luc inspire bruyamment, mais ne me repousse pas. J'accentue mon baiser et doucement, il commence à me le rendre. Nos langues se rencontrent et mon estomac fait des montagnes russes. Contrairement à Ach, son baiser est tendre et doux. Et je me rends compte que j'aime ça. Lentement, il relâche son étreinte et bientôt ses mains se retrouvent dans mes cheveux. J'ai envie que ça continue, mais je sais que je ne peux pas. Luc n'a pas de sentiments pour moi. Il me désire simplement. Pour lui, je ne suis qu'un monstre sanguinaire. Il faut que je mette mon plan à exécution, même si ça m'arrache les tripes. J'attrape fermement ses épaules et, profitant de sa distraction, je lui assène un coup violent dans l'estomac. Le repoussant loin de moi, je le regarde se recroqueviller et poser genou à terre.

- Putain... articule-t-il.

Je ne lui laisse pas le temps de réagir, je me précipite vers la porte de secours. Avant de la franchir, je me retourne une dernière fois vers lui. Il s'est déjà relevé, la main posée sur l'endroit que je viens de frapper. Il pourrait facilement me rattraper mais il n'esquisse aucun geste vers moi. Mon cœur manque de dégringoler quand je vois dans ses yeux de la tristesse. Je préfère claquer la porte derrière moi avant que ma volonté se réduise en miettes et que je me retourne auprès de lui. 

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