Chapitre 11 (corrigé)
Je me réveille en sursaut. Ma respiration est rapide. L'air me manque. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je ne sais plus où je suis. Mon esprit est encore entre deux eaux, mon corps engourdi. La seule chose dont je suis sûre est que je ne me sens pas bien. J'ai l'impression qu'un poids comprime fortement ma poitrine. J'essaie de me retourner mais des doigts s'impriment dans ma chair, m'obligent à rester allongée sur le ventre. Des jambes enserrent ma taille, broient mes côtes, me coupant le souffle. Je suis piégée. Tout à coup, je réalise ce qui se passe. Quelqu'un me maintient sur le lit contre mon gré.
La panique m'envahit. Je me débats, cligne des yeux, me contorsionne pour tenter de voir celui qui m'agresse. Mais il fait encore noir et ma vue est bizarrement trouble. Une main bloque ma tête et un chiffon s'écrase un peu plus sur mon visage. Je tente d'inspirer mais les effluves du produit qui imbibe le tissu m'asphyxient, troublent mes sens.
Je veux hurler. Rien ne sort à part un râle désespéré. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Ma langue est lourde. Bien trop lourde pour que ce soit naturelle. On m'a droguée ? Qui ? Pourquoi ? Je continue de gesticuler pour me libérer mais mon corps faiblit de seconde en seconde. Putain, mais qu'est-ce qui se passe ? La personne à cheval sur mon dos continue à appuyer de toutes ses forces. Et cette odeur... Elle me brûle la gorge, m'anesthésie. Lentement, je me sens glisser vers le sommeil. Et j'ai peur. J'ai peur de ce qui m'arrive, de ce que cela implique, du néant que représente mon avenir proche.
Quand je reprends connaissance, je sens l'air glacé de la nuit me fouetter le visage. Je tente de lever la tête, mais elle pèse une tonne. Ma bouche est pâteuse. Je sens qu'on me trimballe. On me soutient sous les bras et on tient mes pieds. L'air est empli d'odeurs de feuilles en décomposition et de sève de sapin. Je suis dans la forêt. J'essaie de parler, mais la seule chose qui sort de ma bouche est un long gémissement.
- Elle est en train de se réveiller, dit une voix.
- Posez-la contre l'arbre et attachez-la, dit une autre. On est assez loin maintenant.
Je sens qu'on me balance à terre, sans ménagement. Ma tête frappe durement le tronc de l'arbre. Je grimace et pousse un couinement. On m'attrape les bras et on les étire vers le haut. Je bascule malgré moi vers l'avant. Je ne sais pas ce qu'ils m'ont donné, mais ce devait être une sacrée dose car je ne suis qu'une poupée de chiffons entre leurs mains. Je tente d'émerger. Mes paupières refusent obstinément de s'ouvrir. Je sens alors la morsure du métal froid sur mes poignets. De l'argent. On ne veut pas que je m'échappe. Quelqu'un agrippe mes cheveux et les tire vers l'arrière, ce qui m'oblige à lever la tête.
- Allez, belle au bois dormant, réveille-toi, me dit la voix.
Je tente de me concentrer. Cette voix me dit quelque chose. Une gifle s'abat soudain sur ma joue. Ce qui a pour effet de me donner un coup de fouet. Je cligne des yeux. Ma vue commence à s'adapter à la pénombre. Quatre hommes me font face. Je fronce les sourcils. On dirait certains des chasseurs présents au conseil. Et celui qui m'arrache les cheveux, c'est le rouquin. Il me donne alors une autre claque. Je crie de rage et me débats pour qu'il me libère. Il se met à rigoler et me lâche enfin.
- Il était temps, se moque-t-il.
Il rejoint ses camarades, qui rient en me lançant des regards condescendants.
- Bande de lâches, tenté-je d'articuler. Quatre contre une fille, vous n'avez vraiment pas de couilles !
Poil de carotte m'assène un coup de pied, dans les côtes, qui me coupe la respiration.
- Ferme-la, crache l'un d'entre eux.
- C'est tout ce que vous êtes capables de faire ? fanfaronné-je.
- Tu peux toujours rire, réplique le rouquin. Dans un instant, c'est nous qui allons danser sur ton cadavre.
Malgré le brouillard qui occupe encore mon esprit, je saisis avec effroi la situation. Je suis au fond des bois avec quatre chasseurs, enchainée à un arbre. De toute évidence, ils m'ont emmené ici pour me tuer. Mais pourquoi ? Je croyais qu'ils voulaient attendre pour voir comment je me comporterais. Devant mon air surpris, les chasseurs éclatent de rire :
- Eh bien, lycaon, tu as l'air étonné ? tu croyais vraiment que tu allais t'en tirer ?
La rage s'empare de mon corps. Bordel ! Moi qui ait cru que cette bande de connards avait au moins le sens de l'honneur. Je me suis bien faite avoir.
- Bande de salopards !
- Tu peux crier autant que tu veux, ici personne ne t'entendra ! s'amuse l'un d'entre eux.
- Pourquoi ? pourquoi vous faites ça ?
- C'est très simple, rétorque le rouquin. Les lycaons sont une abomination de la nature. Mais toi, tu es encore pire.
- Tu ne t'es pas regardé dans une glace récemment, on dirait !
En guise de réponse, il envoie son poing s'écraser sur ma figure. Du sang gicle de ma lèvre fendue. Son goût se répand dans ma bouche.
- Je vais te crever, salope !
Je ne peux m'empêcher de rigoler. Quelle idiote je fais ! Les chasseurs ne valent pas mieux que les lycaons. Eux au moins, ils me battaient pour que je me plie à leurs règles. Les chasseurs veulent me tuer, uniquement parce que je ne suis pas comme eux.
Le rouquin se saisit d'un couteau de chasse et vient le secouer sous mon nez. La lame brille dangereusement à travers la nuit.
- Je vais de dépecer lentement.
Ses yeux reflètent une folie certaine. Un plaisir évident à me voir terrorisée. Car je le suis assurément. Je ne veux pas qu'il me touche. Je ne veux pas mourir. Je me débats de toutes mes forces et tire sur les chaines. Mes poignets se mettent à saigner. Les chasseurs rigolent de plus belle.
- C'est ça, crie, s'en amuse le rouquin.
- Où est Luc ? demande-je, les larmes dans les yeux.
- Comment crois-tu qu'on ait pu te sortir de là-bas ?
Mon cœur se fige. Mes yeux s'écarquillent de surprise. Le rouquin s'esclaffe d'un rire à vous glacer le sang.
- Tu vois, personne ne va venir pour t'aider. Tu es perdue. On peut faire ce qu'on veut de toi maintenant. Je vais commencer par t'enlever tes jolis tatouages. Et ça va te faire mal, très mal.
Sur ces mots, le chasseur vient s'agenouille face à moi. J'essaie de le mordre quand sa main se rapproche. Il me gifle à nouveau avant d'écraser la gorge de sa poigne. Il approche lentement la lame de ma peau. Je tente de m'écarter, mais je suis encore trop faible pour lui opposer la moindre résistance. Pour une fois que ma nature de lycaon aurait été d'une utilité certaine, elle me fait défaut.
Le chasseur fait glisser la lame sur ma peau. Le froid du métal me tire un long frisson. Un sourire mauvais apparait sur son visage. Lentement, le couteau suit la ligne de ma clavicule, s'insinue sous le tissu de mon tee-shirt. Je l'entends distinctement se déchirer. J'ai peur. Je sais ce qui m'attend mais je refuse de lui faire le plaisir de lui montrer que je suis morte de trouille. Alors j'ancre mes yeux dans les siens.
Les lambeaux de tissu tombent et découvrent ma poitrine. Je tente de contrôler ma respiration, tandis que j'entends la sienne s'accélérer. La pourriture ! Il aime ça. Je l'entends même lâcher un soupir quand la lame commence à entailler ma peau. Je serre les dents pour ne pas crier. Inexorablement, elle s'enfonce dans ma chair, teintant de rouge les entrelacs de mon tatouage. Un gémissement de douleur m'échappe. Je serre les paupières de toutes mes forces pour réprimer le flot qui me menace.
Mon sang se glace quand j'entends le rire rauque du rouquin. A chaque entaille, son excitation augmente. Son corps pressé contre le mien ne laisse place à aucun doute. J'essaie de ne pas pleurer, mais les larmes coulent malgré moi. Je comprime mes mâchoires à m'en péter les dents pour ne pas crier, mais c'est plus fort que moi. La douleur est insupportable. Ce cinglé va me tuer à petit feu. Devant les autres chasseurs, qui s'en amusent. Je ne peux pas le laisser faire. Je dois réagir.
La colère remonte comme un torrent de lave dans ma gorge. Je la laisse sortir. Je la vomis dans un cri rauque. Ma voix s'éraille. Je refuse de lui laisser le plaisir de m'achever. Je ne veux pas mourir. Pas avant que je ne l'aie étripé et répandu ses viscères à même le sol. La haine se mêle à la rage. Une haine viscérale, primitive, animale. Je veux que le loup sorte. Maintenant. Qu'il fasse de ces enfoirés un festin. Je n'ai pas d'autre espoir. Je dois me concentrer pour laisser la bête prendre le dessus. Malgré la souffrance. Malgré la peur. Je fais remonter toute la fureur qui sommeille au plus profond de moi. Je veux lui faire mal, autant qu'il m'en fait. Je veux le voir mort. Je veux le tuer.
C'est alors que je sens cette douleur si familière emplir mes entrailles. Une joie malsaine m'envahit aussitôt. Je serre les dents plus fort et laisse le loup prendre le relais. Mes cris se muent en hurlements. Le rouquin se fige. Ses yeux s'agrandissent sous l'effet de la surprise. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il ne sait pas. Mais il va bientôt se rendre compte de ce que je suis. Son pire cauchemar.
La folie quitte progressivement son regard pour laisser place à la peur. Un rire guttural remonte dans ma gorge. Je vais le broyer. Je n'ai qu'une hâte enfoncer mes griffes dans sa poitrine. Il me relâche et recule prudemment. Je serre les poings, tire d'un coup sec sur mes entraves. Ce geste brusque l'oblige à rejoindre ses amis plus vite. Leur visage est pétrifié, entre stupéfaction et appréhension. Je sens ma peau se couvrir de sa fourrure noire et brillante. Mes dents et mes ongles s'allongent. Mes vêtements cèdent un à un dans un déchirement sinistre.
Les chasseurs font un pas en arrière. Je tire à nouveau sur les chaines. Voyant qu'elles ne se brisent toujours pas, ils se ragaillardissent, laissant échapper un ricanement. Mais leur soulagement sera de courte durée. Un deuxième coup et elles cèdent. La panique se lit aussitôt sur leurs traits. Avant même qu'ils n'esquissent le moindre mouvement, je saute à la gorge du rouquin. Mes crocs perforent sa jugulaire. Le sang gicle. L'effroi et l'incompréhension traversent son regard un court instant. Je serre encore plus et un bruit jouissif d'os brisé me montre que s'en ait fini de lui. Son corps est secoué de spasmes. Je le regarde agoniser jusqu'au bout. Puis, une fois que la mort ait pris son dû, je balance sa dépouille un peu plus loin.
Les autres chasseurs ont tout regardé sans bouger. Un tel spectacle est fascinant. La violence, le sang, la mort, ce sont des images tellement séduisantes. Tellement séduisantes qu'ils en oublient que leur tour arrive. Ma soif meurtrière est loin d'être étanchée.
En un bond, je suis sur le chasseur le plus proche. Celui-ci m'esquive d'un réflexe bienvenu mais tout à fait inutile. Un coup de tête sur le côté, je saisis son avant-bras et lui en arrache un morceau d'un coup sec. La main tentant de limiter le flot rouge qui s'échappe de sa plaie béante, il se met à hurler à la mort. Je recrache la chair coincée entre mes crocs et me jette à nouveau sur lui. Les autres, revenant enfin à la réalité, se mettent à courir. Ma patte s'abat sur son visage, lui en arrachant une partie. Il s'effondre à mes pieds, rampe pour se mettre à l'abri. Tentative pitoyable. Ma mâchoire se referme sur son crâne qui explose sous la pression. Un de moins. Plus que deux.
Jusqu'ici, cela a été plutôt facile. Beaucoup trop même. Passons aux choses sérieuses. Une bonne partie de chasse, voilà qui devient intéressant. Mes pattes foulent avec délectation le sol humide de la forêt tandis que je me lance à leur poursuite. Cette sensation de liberté me rend folle. Le vent dansant dans ma fourrure, plus aucune barrière, juste l'instinct animal dictant ma conduite. Chasser est vraiment jouissif, mais chasser l'humain l'est encore plus.
Ils croient vraiment pouvoir m'échapper. Je trouve ça pathétique. Je vais les déchiqueter, leur faire passer l'envie de me sous-estimer. Sans tarder, j'arrive à rattraper l'un des deux. Je bondis et plante mes crocs dans son mollet. Il tombe la tête la première sur une pierre. Le choc est suivi d'un craquement et une mare de sang se forme sous son crâne. Je le lâche, avec dégoût. Ça a été bien trop rapide. Aucun plaisir à le tuer comme ça. Que cela ne tienne, il m'en reste un dernier.
Je lève le museau pour humer son odeur. Il n'est pas très loin. Je pars dans sa direction. Au bout de quelques minutes, je le vois. Il est fatigué, à bout de souffle. Ses sens sont en alerte. Il n'arrête pas de regarder dans tous les sens. Je sens que je vais bien m'amuser. Lentement, je le contourne. Mon corps frôle les herbes. Il m'entend, mais ne me voit pas. A chaque bruissement de feuilles, il se retourne, apeuré. Comme il est ridicule avec son petit canif à la main ! Jamais il ne réussira à me tuer avec ça.
Je me rapproche de lui, toujours invisible. Ma respiration se fait bruyante. Ses yeux scrutent inutilement l'obscurité. Son corps est secoué de frissons. Tremble, petit, tremble. Le grand méchant loup approche. Sa tête se tourne enfin vers moi mais il est trop tard. Je lui saute dessus, le plaquant au sol. Le couteau vole à plusieurs mètres. Le chasseur est complètement terrorisé. Mes deux pattes avant enfoncent leurs griffes dans sa poitrine. Je me mets à grogner. Ses yeux s'écarquillent encore plus.
- Ne me tue pas, je t'en supplie, bafouille-t-il.
J'ai bien envie de rigoler. M'a-t-on épargné tout à l'heure, quand j'étais attachée à cet arbre et que l'autre taré me lacérait le bras ? je découvre mes crocs et quelques gouttes de sang viennent s'écraser sur son visage. Il se met aussitôt à brailler. D'un coup de mâchoire, je lui arrache la gorge. Ses jérémiades me fatiguent. Il ne criera jamais plus. Je le lâche et recule.
C'estfini. Ils sont tous morts. Maintenant, je vais avoir tous les chasseurs du coinsur le dos. J'ai transgressé la règle ultime. J'ai tué des humains. Pire, j'aitué plusieurs d'entre eux. Et ça, ça me vaudra la peine de mort, sans même un procès. Ilfaut que je m'en aille au plus vite. Loin, très loin d'eux, loin de Luc et deses fausses promesses.
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