14.

Point de vue de Kayla

-Donc... Tu me dis que cette guerre stupide est là à cause d'un triangle amoureux?

-Oui, c'est ça. 

-Mais enfin, Valère n'avait pas à être jaloux de mon père pour avoir trouvé son âme sœur! 

-Ce n'est pas de ton père qu'il était jaloux, Kayla. Tu sembles avoir mal compris l'enjeu. Dit cette fois Gideon.

-Valère était jaloux de ta mère. 

J'écarquille les yeux avant de les cligner quelques fois. J'ai vu plusieurs photos de mon père plus jeune, et l'ayant connu moi-même, je sais à quel point il était tout simplement adorable, toujours là, prêt à aider. Et il était beau. Je me suis toujours considérée chanceuse du fait qu'il soit mon père: j'aurais pas pu demander mieux. 

-Mais... Ça reste bidon! C'est pas de la faute de papa si son âme sœur était ma mère... 

-Peu importe à quel point c'est bidon, ça a permis de transformer deux bons amis en pires ennemis. Valère est dangereux. Et s'il est devenu alpha, c'est toute sa meute qui l'est. 

-Je ne dis pas qu'ils ne sont pas dangereux, c'est le cas, surtout si ça fait plus de huit ans que nous faisons que nous déplacer. Mais nous n'avons pas à nous laisser marcher sur les pieds pour autant! Il faut maintenir notre position. Il faut justement savoir dire "je suis là"! 

-Et qu'est-ce que tu proposes? Me demande le père de Quinn. 

-Le fait de vous avoir convoqué sans le consentement du conseil est gros, je risque de perdre mon poste d'alpha. Mais ce que je vous demande, c'est de vous allier à ma cause et de montrer que vous seriez prêts à vous battre lorsque la meute des coyotes arrivera en ville, dans trois semaines. Toute seule, je n'arriverai pas à convaincre Ysen et les autres, mais si nous nous y mettons tous ensemble, si nous montrons à quel point nous sommes tous unis... Nous pourrons rester et arrêter de bouger. Nous sommes des loups, bon sang! Nous n'avons à nous déplacer avec la queue entre les pattes! Je ne suis pas en train de dire que la lutte sera facile... Mais tous ensemble, nous pouvons y arriver. Et nous y arriverons, parce que je nous connais et que je sais de quoi nous sommes capable. Alors, qui est avec moi? 

Je lève alors ma main. Les autres, au lieu de suivre mon geste, commencent graduellement à m'applaudir. Je commence alors à sourire. Je baisse ma main.

-Alors, vous êtes tous d'accord? 

-Bien sûr que oui. Tu vas devenir notre alpha, on te fait confiance si tu nous fais confiance. 

-Vraiment?

-Évidemment. Nous t'avons regardé grandir sans tes parents, nous savons comment tu prends des décisions réfléchies.

-Mais il y a une chose que je ne vous ai pas encore dite... J'ai également trouvé mon âme sœur. 

-Vraiment? Ça, c'est une super bonne nouvelle. Quand est-ce qu'il nous joint? Demande Madeleine. 

-Comment ça? 

-Si tu veux être au sommet de ta force, il faut qu'il soit avec nous.

-Mais... Ce n'est pas un loup-garou... Et puis, il n'y croit pas, à cette histoire d'âme sœur, quand je lui ai dit. 

-Ça, c'est parce que tu n'as pas attendu qu'il aperçoive de lui-même la portée de ses sentiments envers toi. Laisse-lui un peu de temps, il viendra vers toi tout seul. 

Je hoche la tête.

-OK, moi je dis qu'on se rend tous chez moi et on réveille Ysengrin pour lui montrer que nous sommes prêts à nous défendre puisqu'il le faut. Il faut le faire maintenant, parce que plus on attend, moins nous avons de chances de le persuader. 

Tout le monde est d'accord. Nous sortons tous de la forêt, je mène la marche avec Alistair à mes côtés. J'ouvre la porte de la maison et guide tout le monde vers la chambre d'Ysengrin. On ouvre et le réveillons l'instant d'après. Il est quelque peu surpris sur le coup.

-Mais qu'est-ce que vous faites tous là? Vous devriez tous être chez vous en train de dormir...

-Ysen, nous sommes là pour te dire que nous sommes contre le fait de partir.

Il se relève d'un seul coup pour être assis. 

-Je vous ai déjà dit que...

-On sait, ce que tu nous as dit... Mais je prends le risque de te désobéir à toi et à papa pour cette cause. Fuir les problèmes n'est jamais la bonne chose à faire, parce qu'ils reviennent toujours. Nous sommes tous prêts à affronter la meute de Valère. 

Il se contente de secouer la tête.

-C'est beaucoup trop dangereux...

-Mais on en a assez de ce protectionnisme idiot! Je comprends pourquoi nous sommes partis la première fois... Mais pourquoi faut-il se déplacer tout le temps sous prétexte qu'ils sont dangereux? Tous ensemble, on peut...

-Je n'ai AUCUNE envie de perdre l'un d'entre vous encore une fois! 

-Et nous non plus! Mais ça commence à nous achever. Ysen... Je sais que la mort de papa a été dure, je sais aussi à quel point tu dois détester Valère, désormais... Mais n'oublie pas que nous aussi nous avons tous vécu la perte de papa... J'ai perdu mon deuxième parent! D'abord ma mère et peut-être un petit frère ou une petite sœur, et mon père quelques années plus tard! Nous sommes tous d'accord pour dire que papa était un bon chef et qu'il est un héro parce qu'il a littéralement donné sa vie pour nous tous... Mais les choses ne peuvent pas rester comme elles le sont. Tu le sais aussi. Je ne suis pas en train de dire que tu as mal fait les choses, au contraire. Tu as fait un bon travail ces huit dernières années. Mais tout finit par évoluer. Je vais devenir celle qui dirige la meute, c'est à moi de choisir ce qui est mieux pour tout le monde. Et je pense qu'affronter la meute de Valère permettra de nous renforcer.

Je remarque ensuite le collier de mon père que je n'ai pas remis autour de mon cou depuis qu'il s'est projeté sur le mur sur la table de chevet d'Ysengrin. Je vais alors le prendre dans ma main.

-Papa. Je sais que tu m'as dit de ne pas marchander avec Valère et de partir le plus loin possible. Je suis désolée d'avoir à te désobéir. Mais il faut qu'on rétablisse notre honneur, celui de la meute, le tien, celui de maman. Les choses sont faites pour évoluer. Je t'aime, je vais t'aimer toute ma vie et je vais toujours être prête à écouter tes conseils si tu en as... Mais je dois apprendre à prendre mes propres décisions et je dois aussi écouter ce que mon cœur m'énonce. 

Je rattache le collier autour de ma nuque avant de reporter une fois de plus mon attention sur Ysengrin. Celui-ci me regarde, sourit doucement avant de hocher la tête.

-Je suis fier de toi, Kayla. Tu deviendras vraiment une bonne alpha.

-Merci, Ysen. 

-Et, je vous ai tous entendus. Même si je suis tout de même un peu réticent à l'idée... Je vois que vous semblez tous partager l'opinion de la prochaine alpha. Je vais donc accepter ce que vous souhaitez. Mais à certaines conditions. 

-Bien sûr.

-Déjà, tout ceux qui ont moins de 16 ans ne pourrons pas participer au combat. Ils seront tous sous ta surveillance Madeleine. S'il nous arrive quelque chose, tu devras partir avec eux. 

-Très bien. 

-Autre chose? 

-Nous nous entraînerons tous à chaque soir, pendant au moins deux heures le temps de trois semaines. Sauf les week-ends. Si vous aviez des plans, annulez-les, car ça deviendra des journées d'entraînement intensifs. 

-Moi, ça me convient. Dis-je.

-Moi aussi. Répètent d'autres personnes. 

-Nous en reparlerons tous demain soir, à notre premier entraînement. Maintenant, si vous me le permettez bien, j'aimerais bien profiter du reste de ma nuit. Vous devriez faire la même chose. 

-Oui, bonne nuit.

Je me retourne vers les autres.

-Mission accomplie. Vous pouvez à présent tous renter chez vous. Bonne nuit à vous, et nous nous revoyons demain. 

Ils quittent ma maison et je finis ensuite par remonter à ma chambre ou je souffle un bon coup. Bientôt, je vois une fumée sortir de mon collier et je souffle. Mon père se matérialise sous mes yeux, un air peu satisfait. 

-Kayla, je pensais avoir été clair.

-Tu l'as été.

-Alors, explique-moi pourquoi vous avez fait ça.

-Tu n'as rien écouté de ce que j'ai dit? 

-Oui, mais tu ne comprends pas que la meute de Valère est dangereuse.

-Si, je le comprends, mais...

-Mais quoi? Tu réalises ce que tu viens juste de faire? Tu viens de mettre la vie de tout le monde en jeu!

-Si nous nous battons tous ensemble et que nous avons une technique...

-Les coyotes ne s'arrêteront pas tant et aussi longtemps qu'ils ne sont pas morts! 

-Tu sais aussi bien que moi que personne ne peut autant avoir envie de faire souffrir les autres sans raison! Et ça, c'est parce que Valère est à leur tête et les pousse à rester nos ennemis. Mais je suis certaine que s'il était déchu, les choses seraient nettement différentes. 

-Kayla, c'est LUI qui m'a tué. Tu n'as aucune idée de ce qu'il pourrait te faire que parce que tu es ma fille. 

-Je suis prête à prendre le risque. Pour le bien de la meute. 

Je m'avance vers lui.

-Je comprends pourquoi tu dis ça et pourquoi tu as pris cette décision, la première fois. Tu as perdu ta femme, un enfant potentiel et ton meilleur ami en quelques années d'écart. Mais c'est du passé, désormais. Tu veux vraiment que nous continuons à vivre pour ça? Je veux essayer d'arranger les choses, pour nous et pour eux. Il faut que cette guerre cesse, elle a assez duré. Et je sais qu'au fond de toi, tu le sais aussi bien que moi. 

Il souffle.

-Tu as raison. Tu as raison. Et aussi, tu es aussi bornée que moi à ton âge.

-Papa! 

Il réprime un rire.

-C'était un compliment. C'est en t'attachant à tes idées et en les défendant de cette façon que tu te construis et que tu apprends à maintenir tes positions. 

-Merci, papa... Donc, tu ne m'en veux pas?

-Un peu, mais je n'ai plus le pouvoir de te punir, de toute façon. Et en plus, c'est ta meute, à présent. Je te demanderai simplement de faire attention. À toi, mais à tout le monde. Que rien ne leur arrive. Ni maintenant, ni demain, ni jamais. 

-Je ferai tout mon possible pour y arriver. Ne t'en fais pas. 

Il hoche la tête.

-Mais, papa?

-Oui?

-Ce ne serait quand même pas un peu de ta faute, tout ça? Je veux dire, tu n'as pas trop écouté ce que Valère pouvait ressentir pour toi, quand vous étiez jeunes...

Il souffle.

-Oui, c'est de notre faute à tous les deux. Nous étions jeunes, nous ne savions pas comment régler ça... Mais je ne pourrais jamais lui pardonner le reste. Valère n'est plus le même que j'ai connu, à présent. Et je veux que tu le gardes en tête. Ne te laisse pas avoir par lui. D'aucune façon. 

-Je le ferai. 

-Je vais te laisser te mettre au lit, maintenant. Il est tard et tu as de l'école demain. Je ne voudrais pas que tu t'endormes en classe.

Je rigole.

-T'en fais pas, ça n'arrivera pas. Bonne nuit, papa. 

-Bonne nuit, Kayla.

Il se dissout et retourne dans le pendentif et je me mets en pyjama avant d'aller faire un tour à la salle de bain. Je m'observe dans le miroir. J'ai accompli quelque chose, aujourd'hui. 

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Voilà, c'était la dernière partie en lien avec le chapitre treize (j'aurais pu tout mettre ensemble, mais j'ai préféré la séparer pour alléger le tout).

Je tiens aussi à préciser qu'il ne reste que quatre chapitres avant l'épilogue!