8.

Point de vue de Kayla

Je suis en plein entraînement. Je suis en pleine forme et enchaîne les attaques contre Ysengrin avec autant de force que possible. Je me bats contre Rufus dans trois jours. Je dois m'assurer d'être prête à 100%, il m'est interdit de perdre. Je dois gagner. 

-Kayla... Stop... Dit Ysengrin complètement fatigué. 

-Je dois encore m'entraîner, Ysen. Si je veux battre Rufus, il faut que je sois préparée à toute éventualité. 

-Je ne dis pas le contraire. Sauf que je pense que tu l'es suffisamment et que si on continue, tu finiras par m'achever. Tu oublies que ce n'est pas moi, Rufus. 

Je constate qu'il a raison et qu'il ne mérite pas que je le massacre autant. Je me recule donc et le laisse reprendre son souffle. Il finit par se remettre debout, en appuyant sur ses pattes.

-Je suis désolée, de m'être laissée emporter comme ça.

-Ça ne fait rien. Tu ne te rends pas encore compte que ta force augmente de jour en jour.

-Sérieux?

-Oui, ta puissance sous ta forme de loup continuera à grandir jusqu'à ta cérémonie. Et celle que tu auras choisi comme beta va aussi grandir pour être presqu'égale à la tienne. 

-Mais comment ça se fait que je puisse te battre aussi facilement, si tu es un beta?

-Parce que moi, je n'ai plus d'alpha. Et aussi, parce que la puissance des plus jeunes est toujours plus grande que celle des autres. Ça finira par se stabiliser, tu verras. 

-OK, on se retransforme, maintenant?

-Oui, je veux bien. 

Une fois que c'est fait, nous quittons la forêt pour retourner à la maison. Je monte ensuite directement à ma chambre et vois un point lumineux sur l'écran de mon téléphone. Je vais donc le voir et regarde directement ce que c'est. C'est un message de Calum.

"Salut, tu viens toujours chez moi pour répéter le texte?" 

Ah, c'est vrai, nous avions établi de nous voir chez lui pour pratiquer. J'ai tellement été débordée par la venue du duel que je n'ai pas laissé de place pour le reste. Et dire que nous sommes qu'au début de l'année, en plus. Je lui tape rapidement une réponse.

"Oui, j'aurais juste besoin de ton adresse. Quelle heure?"

"Quand tu veux."

Je cherche donc comment me rendre chez lui sur internet, prends mon sac, y glisse mon texte et mon étui à crayons avant de quitter ma maison une deuxième fois, en indiquant à Ysengrin que je vais chez quelqu'un pour travailler sur un projet scolaire. 

Une fois devant chez lui, j'appuie sur la sonnette et attends un peu avant de le voir m'ouvrir la porte. Il porte un short noir et un t-shirt gris. Ses cheveux sont en bataille. Je me dis à ce moment qu'il est plutôt beau, c'est peut-être le lien qui me le fait penser aussi, mais je ne m'en préoccupe pas plus que ça. De toute manière, je n'ai pas la tête à ce genre de chose pour le moment: je suis venue ici pour un travail scolaire, et pour absolument rien d'autre. 

-Salut. Me dit-il.

-Salut, tu me fais rentrer? 

-Oui, vas-y.

Il se pousse d'un côté et j'entre dans la maison. J'enlève mes chaussures et le suit.

-Elle est chouette, ta maison.

-Tu trouves? 

-Ouais. 

Il hoche la tête et je le laisse me guider jusqu'à sa chambre. Je vois qu'il est un peu réticent d'être avec moi, et c'est sûrement à cause du ton que j'avais employé avec lui la dernière fois. 

-Calum? 

-Oui?

-Écoute, pour la dernière fois... Je suis désolée de t'avoir répondu comme ça, c'était un peu sec... 

-Hein? De quoi tu parles?

-La fois où qu'on a commencé à discuter de notre scène, chez moi...

-Oh, ouais. T'en fais pas, j'avais complètement oublié cette histoire. 

-Donc tu m'évites pourquoi?

Il me fixe, un peu gêné. Je ne lâche quand même pas son regard, je veux savoir, je veux que nous puissions passer du temps ensemble sans qu'il n'y ait de silences gênants. J'en ai marre, je veux que nous puissions au moins nous traiter comme des personnes normales. 

-J'sais pas... Y'a quelque chose chez toi de... différent? 

-Explique?

-Tu as l'air d'une personne forte, et je sais pas trop comment réagir en ta présence, disons... Tente-t-il de me dire.

Intérieurement, je me dis qu'il ressent aussi un peu le lien et que c'est sans doute quelque chose qui l'intimide, mais il ne comprend pas trop ce qui se passe. Il faut quand même que j'essaie de le rassurer, il ne faut pas que nous restions comme ça.

-T'as pas besoin de te comporter différemment avec moi, je reste moi, je suis juste une de tes camarades de classe avec qui tu prépares une scène pour le cours d'art dramatique. Dans tous les cas, il faut qu'il y ait une certaine chimie entre nous, sinon c'est notre note qui pourrait en être affectée, tu comprends? 

Et autre chose.

-Ouais, du coup... Qu'est-ce qu'on fait, pour arranger le coup? C'est plutôt mal parti, surtout que tu dois avoir une image de moi qui est faible et tout...

-Faible? Arrête, c'est pas parce que je t'ai sauvé d'un connard à la rentrée que t'es faible, n'importe qui aurait pu être dans la même situation que j'aurais fait la même chose. Ça ne prouve rien que ça ait été toi. 

Il me regarde les sourcils haussés. Il est surpris, mais je ne fais que dire que ce que je pense. Non, mais c'est vrai. Qu'est-ce que ça change qu'il n'ait pas su se défendre? Il est loin d'être le seul qui ne sache pas comment faire ça. Je suis convaincue que je ne l'aurais pas su non plus si je n'avais pas été ce que je suis et qu'on ne m'aurait pas formé à apprendre. 

-Et puis, si on veut développer une complicité pour nos personnages... On pourrait peut-être commencer par développer une complicité chez nous, non? 

-Sans doute, mais comment on fait ça? Me demande-t-il.

-On met sur pause notre pratique pas encore commencée, et on va faire un truc. 

-Comme quoi?

Je réfléchis quelques secondes, et souris quand j'ai trouvé quelque chose. 

-Ça te dit qu'on se rende dans la forêt? 

Il se crispe.

-Je sais pas trop... La dernière fois que je m'y suis rendu... C'était étrange.

Je sais automatiquement à quoi il fait référence. Il parle de la fois où il s'était perdu en forêt et que je l'ai aidé à sortir quand j'étais en louve. Seulement, il n'a aucune idée que c'est moi et je ne peux pas faire comme si je comprenais. 

-Il s'est passé quoi? 

-J'étais avec mon grand frère, et pour se marrer, il a voulu qu'on quitte le sentier. Moi, bien sûr, je l'ai suivi, sauf que je l'ai très rapidement perdu de vue et que j'étais complètement seul dans le bois. 

-Mais t'as bien fini par trouver ton chemin, c'est bien, pas vrai? 

-Ouais, au moins... Sauf que je n'y suis pas arrivé tout seul.

-Oh, ton frère t'a retrouvé! Dis-je comme si j'y croyais réellement. 

-Non, en fait, c'est... Laisse tomber, tu me croiras pas, de toute façon.

-Et qu'est-ce que t'en sais? C'est pas comme si tu étais tombé sur une marraine la bonne fée, quand même. 

-Non, mais c'est proche, dans le genre...

-Allez, dis-le moi. Tu peux me faire confiance. 

Il me jette un coup d'œil et finit par parler. 

-Un... Non, une louve m'a guidée à travers la forêt pour que je puisse retrouver la sortie. Je... J'ai même pu la caresser. 

Il dit ça avec un petit sourire, comme s'il se remémorait un bon souvenir. Sur le coup, ça me rend heureuse qu'il l'ait perçu de cette façon, mais je ne laisse rien pareil.

-Son pelage était incroyablement doux et, sa présence me faisait du bien. C'est comme si... Je sais pas, comme si ça devait arriver. Tu dois sans doute me trouver bizarre...

-Non! Non, pas du tout. C'est... fascinant. Mais pourquoi ça t'empêche de retourner dans la forêt? Allez, viens, je te promets qu'on restera sur le sentier. 

-Tu le jures?

-Sur ma propre vie. Alors?

-OK, allons-y. 

Je sens mon sourire grandir et nous quittons sa maison avant de nous rendre dans la forêt. C'est la première fois que j'y entre par le sentier, étant habituée à y courir en restant le plus loin possible des gens. 

Calum et moi nous marchons côte à côte, et j'en profite pour observer la forêt. Il est vrai que même du sentier, ça semble magnifique. Je me dis que les gens qui ne font que se servir du sentier pour visiter la forêt manquent réellement quelque chose de splendide. 

-Comment ça se fait, que tu aimes autant la forêt? Me demande-t-il.

-Parce que c'est tout simplement magnifique... C'est la nature, c'est la pureté, la simplicité, la vie... Il y a tellement de choses qui peuvent y être faits. J'adore la forêt, c'est comme une deuxième maison, pour moi. 

-Pourquoi tu veux pas devenir garde forestière, dans ce cas? Tu as bien dit vouloir devenir prof de sciences.

-Parce que si je deviens garde, je sais que je m'énerverais tout le temps après les abrutis qui prennent tout ça pour acquis. Ils pensent qu'ils peuvent faire absolument tout ce qu'ils veulent dans une forêt... Du coup, en étant prof, ça risque beaucoup moins de se produire. 

-Et si tes élèves sont cons, par exemple?

-Bah je les fous dehors de ma classe.

-Tu ne passes pas par quatre chemins, toi. Dit-il en riant.

-Jamais. Mais toi, ça te vient d'où, ta passion pour le jeu? 

Je tourne ma tête vers lui et le vois sourire. Il a ses mains dans ses poches. 

-Les acteurs que je voyais à la télé m'ont toujours fascinés, et, quand j'étais enfant, avant d'aller dormir, mes parents venaient me border en me lisant une histoire, et ils faisaient les voix. Du coup, quand j'ai appris à lire, je faisais pareil et j'ai voulu faire plus. Ils m'ont d'abord inscrit dans une troupe, et j'ai tout de suite accroché. 

-Ça devait être sympa, avec tes parents.

-Ouais, ça l'était. Ils sont divorcés, maintenant. 

-Oh, désolée.

-C'est pas grave, c'était mieux comme ça. Ils commençaient à se disputer un peu trop souvent, c'était la meilleure chose à faire. 

-J'avoue que ça doit être lourd... Moi, j'ai jamais connu ça. Mes parents s'aimaient comme des fous. Ils étaient vraiment comme deux parties d'une seule et même personne.

-Comme des âmes-sœurs, quoi.

-Tu connais? Lui demandais-je.

-Bien sûr, ce n'est pas une notion inconnue du monde. Mais je ne suis pas certain que ça existe.

Je me crispe. Comment peut-il dire ça? 

-Euh, ça va? Me demande-t-il. 

-Ouais, c'est juste que je ne suis pas d'accord avec toi. Je l'ai bien vu, que ça existe. Avec mes parents, avec des proches...

-Je n'ai pas dit que je n'y crois pas, juste que je n'en suis pas sûr. Je pourrai l'affirmer que quand je l'aurai vu. 

Je hoche la tête et nous continuons à marcher. Le sentier fait le tour global de la forêt puisque lorsque nous avons terminé notre balade, nous sommes qu'à quelques mètres du point de départ. Même s'il est possible de voir plusieurs choses en traversant le sentier, les touristes manquent l'essentiel de ce que contient le boisé, et je trouve que c'est un peu dommage pour eux, mais de l'autre côté, c'est tant mieux pour moi puisque ça me laisse un vaste espace pour en profiter largement.

Nous rebroussons ensuite chemin vers la maison de Calum et dès qu'il ouvre la porte on entend quelqu'un crier.

-C'est toi, Cal'? 

-Merde. Grommelle-t-il.

Je n'ai même pas le temps de demander de qui il s'agit que je vois un garçon venir vers nous. Il ressemble beaucoup à Calum, à l'exception qu'il est largement plus grand et musclé. Sérieusement, ce mec est culturiste ou quoi? C'est abusé, sérieusement. Mais, vu la ressemblance faciale, il s'agit probablement du frère de Calum. 

-Ouais, c'est moi Trey. 

-Et tu es avec? 

-Je m'appelle Kayla. Répondais-je simplement.

-Tu sais que tu es plutôt mignonne, Kayla? Tu me files ton numéro? 

Je hausse les sourcils sur le coup de la surprise. Wow, on n'avait jamais été aussi direct avec moi. Une chose est sûre, le frère de Calum a très confiance en lui. 

-Non, désolée, t'es pas mon genre de garçon. De toute façon, je suis ici pour travailler, et non pour me faire draguer par le frère de mon partenaire. 

-Au moins, tu as du franc-parler, c'est une bonne qualité, ça. Je vous laisse à vos affaires, les jeunes. Travaillez bien. 

Il repart et je suis Calum jusqu'à sa chambre pour qu'on travaille sur notre extrait. Je me prends même à trouver ça un peu amusant et la partie que notre prof nous a laissée est drôle. Au bout de quelques heures, nous avons terminé et je décide de rentrer chez moi. Je le remercie pour la journée avant de quitter sa demeure pour aller chez moi. Arrivée là-bas, je retrouve Ysengrin endormi sur le canapé. Je secoue la tête en réprimant un rire et me glisse dans la cuisine pour me faire à manger. La journée était bien, en fin de compte. 

---------------------------------

Et ouais, finalement quelque chose après quelques temps!

J'espère que vous avez passé un bon début d'année jusqu'à maintenant :)