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ARC PREMIER - LILIANE

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Chère enfant,

Je veux te confier un secret, et crois-moi c'n'est pas facile, parce que je sais d'où tu viens et par où je vais devoir passer pour te rejoindre.

Non c'n'est pas vrai. Écoute. Ici se trouve peut-être tes réponses, je...

Pardon.

...

La vérité suffira.

...

Je suis en train de construire un pont pour toi. Si tu lis ces lignes, c'est que j'ai réussi. Cela signifie que d'ici quelques pages nous serons à nouveau ensemble. Ne m'en veux pas trop pour les ratures. Sans elles je n'aurais jamais rien accompli.

Quand le plafond viendra au sol et que tu iras avec lui, mets de côté les seules choses qui comptent: tu n'en auras pas besoin. Ce que tu gardes sur toi, c'est seulement ce qui ne sert à rien, d'accord? On ne peut forcer la serrure d'un coffre qui n'existe pas. Lorsqu'il sera question de tout perdre, tu sauras quoi faire: tu n'auras qu'à être. Ailleurs. Et lire jusqu'au bout le carnet pour revenir au moment voulu.

Parce que le temps que l'on croit perdre alors que nous survivons n'est jamais que la trace de nos victoires -comme la bave d'une limace suit l'être dénué de squelette. Parce que l'enjeu d'exister sous une forme ou sous une autre est la blague la plus tordue que tu n'aies jamais faite, tu as gagné le droit de l'emporter avec toi. Courage, moussaillon! Haut les coeurs et vive le vent!

Rire du temps et de ses personnes. Transporter avec soi une part de ce paradis que tout le monde ici-bas semble chercher. Jette la clé, et disperse les cendres. Je te prépare un aller sans retour.

Pixie wixie mon chocolat,

Je t'aime.

Tout va bien se passer.

PS: Comme je te l'expliquais, ça commence avec Lousse. Je ne peux démarrer ce récit sans te rappeler deux ou trois petites choses.

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Lousse est une créature qui vit dans la forêt d'Aranya. En réalité je n'ai jamais vraiment saisi ce qu'elle avait fait à cet endroit. Quand nous y sommes entrées pour la première fois, nous n'avons pas senti de tremblement, de picotement ou de vibrations qui aurait pu nous indiquer que quelque chose venait de se passer. C'était une simple forêt dans laquelle nous nous baladions un peu par défaut. Il faut dire qu'il n'y avait pas grand-chose à faire près du chalet. Mais pour nous, c'était l'appel de l'aventure, du grand large, aussi loin que nos jeunes esprits pouvaient l'appréhender – c'est-à-dire, pas assez loin pour inquiéter notre mère, mais suffisamment pour alerter notre père. Celui-là ne nous a jamais quitté des yeux, mais il a su se faire si discret que nous en étions venues à douter de sa présence.

La première fois que c'est arrivé, c'était à l'aube de mes treize ans. Lili en avait sept. En vrai, j'adorais jouer avec elle, même si j'étais mal à l'aise de l'admettre. Le confort des feuillages touffus qui nous mettaient à l'abri des regards me faisait du bien. Ici, je pouvais être vraiment moi-même. Le monde des grandes personnes ne m'attirait pas vraiment. Je ne voyais en lui que cruauté et malveillance, compétition et hypocrisie, course à la réussite... Toutes ces «qualités» que je n'avais jamais pu intégrer étant enfant, et qu'il semblait si nécessaire de développer pour rentrer dans l'adolescence. Je me rendais compte qu'il allait m'être de plus en plus difficile de m'adapter à ce monde-là puisque quelque chose en moi refusait obstinément de prendre le train en marche. Alors, l'espace d'un été, je me perdis avec Lili dans la forêt, durant nos excursions sans fin. Elle se réveillait toujours à l'aube, pleine d'un entrain qui me faisait bondir du lit en même temps qu'elle. Je lui faisais croire que c'était moi l'investigatrice en chef, mais en réalité j'étais cassée de l'intérieur. Comme tous les enfants, ou presque, non? 

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