Chapitre 5 - Levée de rideau (3)


Andrée me regarde d'un air dubitatif.

"Louise, tu es sérieuse?

- Ben quoi?

- Andrée!

- C'est un joli prénom!

- Ce n'est pas le problème.

- Le problème, c'est que je souffre, et que tu ne me dis rien. Tu n'en as rien à faire, tu es insensible!

- Je veille sur le monde, Louise.

- N'importe quoi! On dirait Lachlan! Mais parle donc! Qui crois-tu être, hein? Qui crois-tu être, pour t'autoriser à faire de la rétention d'informations! Tu sais pertinemment que j'ai besoin de ces informations pour guérir mes blessures, pour comprendre mon histoire! Rien n'a de sens, rien ne tient debout là-dedans.

- Je sais ce que tu ressens...

- Non tu ne sais rien! Tu crois savoir, du haut de ton perchoir, mais que sais-tu de la souffrance des humains? Tu veux savoir à quoi ressemble la vie ici? Ou bien tu es au-dessus de ça, trop important pour ne serait-ce qu'essayer de comprendre ce que traversent tout ceux sur qui tu "veilles"?

- Je t'écoute.

- Voilà la situation: Lachlan est partie en quête de te trouver, et vu que tu n'es pas là, il va se perdre au milieu de l'hiver glacial. Lili a tout bonnement disparue de la surface de la Terre, et Lauraline a décidé de ne plus jamais mettre les pieds à la maison. Elle doit sûrement être en train de fumer des joints avec Fred, à l'heure qu'il est, et j'imaginais franchement une meilleure vie pour elle. Au milieu de tout ça, moi, je souffre tellement de mes propres démons intérieurs que je n'arrive pas à joindre les deux bouts, tout ce que je voulais c'est qu'on passe de belles fêtes en famille, et je sens que...

- Oui...?

- Je sens que je vais craquer...

- Craque."

Je m'effondre alors, en sanglots. Des pleurs à fendre l'âme. Des cris de douleur, mes côtes me font mal. Je suis secouée de violents soubresauts. Je suis à terre, totalement vulnérable. Je dois sûrement avoir l'air d'un déchet humain. Je ne veux plus m'arrêter, je ne veux plus m'arrêter de pleurer, je veux cracher toute cette douleur, je tousse, j'ai la nausée.

Andrée vient alors se poser sur le sol, et s'approche de moi pour m'entourer de ses ailes immenses.

"Louise... Pourquoi es-tu si persuadée de tout devoir faire toute seule... Enfin, voyons, Louise... Je suis là... Je suis là, pleure... Pleure autant que tu en as besoins."

Je ne comprends pas comment Andrée peut encore me réconforter comme ça après ce que je lui ai jeté à la figure. Mais c'est un fait: aucun humain au monde ne peut supporter d'accueillir l'expression de la douleur que je porte. Pas même moi, même si mon corps est plus résistant que celui des autres humains. Je maigris à vu d'oeil, comme durant cet hiver-là... Celui où j'ai donné naissance à Lauraline...

"Andrée... Est-ce que je suis enceinte?

- Oui. C'est pour ça que je suis ici. Tu vas avoir besoin de mon aide.

- Ah... Dois-je comprendre que tu es enfin disposé à m'aider?

- Oui.

- Mais... Pourquoi maintenant?

- Parce que la vie."

J'éclate de rire.

Parce que la VIE? Oh, je n'en peux plus de rire, cette phrase est RI-DI-CULE!

"Andrée, soit sérieux deux minutes, qu'est-ce qui se passe avec cet enfant au juste, quelle est son importance?

- Il est la seul personne au monde capable de t'offrir tout ce que tu as toujours voulu, et de l'offrir aux autres, aussi.

- Oh merde.

- Oui.

- Il va falloir que je m'en occupe, alors.

- Oui.

- Je ne peux pas rester si faible, il doit pouvoir grandir en moi.

- Oui.

- Mais je suis une mère à chier, j'ai tout raté avec Lili et Lauraline, regarde comment ça a finit, cette histoire.

- Cette histoire n'est pas terminée, Louise. Le récit de ton épopée vient tout juste de commencer.

- Aaaaah, m'emmerde pas, avec tes phrases à deux balles!

- Tu crois encore que tu peux y arriver seule.

- C'est vrai... Pardon... Pardon... "

Je m'asseyais en tailleur et séchait mes larmes. Puis, je posai mes mains au sol, face à Andrée. Le contact était froid.

"C'est froid. Apprend-moi comment réchauffer la Terre.

- D'accord.

- Par quoi on commence?

- Tu disparais.

- QUOI?!"

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