| LE DÉNI |


~CORRIGÉ - PARTIE 3~

Elle ne bougea pas d'un pouce pendant au moins dix minutes, puis elle finit par se décider à se lever en entendant les cris de ses parents en bas des escaliers. Encore des chicanes. Hier encore, elle aurait ignoré du mieux qu'elle le pouvait les disputes incessantes de sa mère autoritaire et de son père têtu, en essayant de ne pas leur crier au visage qu'ils devraient se séparer. Mais ce n'était plus hier. Aujourd'hui, elle les entendait à peine. Aujourd'hui, plus rien ne semblait la déranger. Comme un robot, elle s'habilla, mangea et se rendit à l'autobus. Elle dut faire un effort surhumain pour ne pas pleurer à nouveau en apercevant la maison des Mbengue, juste en face de la sienne, toujours prête à lui rappeler les mauvais souvenirs de la veille.

—Salut Kayla! la salua une de ses amies quand elle passa à côté d'elle dans le couloir menant aux casiers.

Elle leva la tête un peu et elle essaya de lui sourire, mais ses lèvres restèrent bloquer. Elle lui fit une genre de petite grimace, mais ça ne parut pas alerter la fille, qui passa à ses côtés sans rien ajouter. D'autres personnes la saluèrent, sans rien remarquer de suspect ou sinon, ils ne le montrèrent pas. Kayla passa le reste de la journée à agir machinalement, sans but précis et sans conscience de ce qu'elle faisait. Elle alla manger seule, dans un endroit isolé de la cour d'école et elle se laissa pleurer sans arrêt à un endroit où personne ne pouvait la voir. Elle ne pensait pas qu'une école pouvait autant faire penser à quelqu'un.

Chaque fois qu'elle tournait dans un nouveau couloir, elle voyait toujours des places qui lui rappelaient les bons moments passés avec sa meilleure amie. La buvette : où à maintes reprises Lourdes l'avait aspergée d'eau et vice versa. Le local du concierge : où elles s'étaient cachées une fois, alors que Lourdes voulait fuir son ex petit-ami. Le coin où elles s'étaient rencontrées pour la toute première fois, le trou entre le mur et le casier où elles allaient pour embrasser leurs petits-amis sans que les surveillants ne les voient et Kayla aurait pu en nommer bien d'autres, mais ça pouvait être long. Tout ça pour dire que tout dans cette maudite école lui rappelait les bons moments qu'elle avait partagés avec Lourdes.

Non seulement elle devait vivre le fait que sa meilleure amie avait disparue, mais elle devait le vivre dans une place bondée de personnes toutes prêtes à la juger dès qu'elle laisserait couler une larme à la vue ou à la seule pensée de Lourdes.

Elle passa un midi incroyablement long et mouillé, parsemé de questions douteuses et dépressives. Est-ce que Lourdes était partie par sa faute? Ou est-ce qu'elle s'était faite enlevée? Elle ne le savait pas et ne pas savoir, ce n'était pas facile pour elle. Elle était non seulement curieuse, mais elle trouvait plus facile de savoir ce qui se passait que rester dans le déni total. Est-ce que la police l'avait retrouvée? Est-ce qu'elle allait bien? Son cerveau fut donné une pause bien mérité quand la cloche annonçant de retourner en classe sonna. Parfois, avoir de l'imagination c'était bien, mais... d'autres fois ça l'était un peu moins. Disons qu'elle avait déjà envisagé cent fois des scénarios aussi terrifiants que ridicules les uns que les autres.

Après ce qui lui parut une éternité de solitude, la journée était finie. Elle était chez elle, dans son lit, en train de se torturer avec des millions de pensées plus lugubres les unes que les autres, comme à chaque fois qu'elle se retrouvait seule, sans rien pour la distraire. Puis comme la journée d'avant, elle s'endormit après de longues heures et se réveilla aussitôt au son de son réveil. Son corps effectua aussitôt tout ce qu'il avait fait la journée d'avant, d'aller de s'habiller jusqu'à prendre l'autobus, en passant par ignorer complètement les disputes de ses parents. Tout se répéta exactement comme hier. Les grimaces en guise de sourire, l'absence de conscience de ce qu'elle faisait et les temps libres solitaires.

Ou plutôt, tout se serait passé comme la journée d'hier s'il n'avait pas commencé à poser des questions. Tout a commencé avec son professeur de français, à la dernière période. Il prenait les présences, puis il a remarqué l'absence répétée de Lourdes cette semaine. Il a demandé à la classe ce qu'elle avait et tout le monde s'est retourné vers Kayla. Elle n'était pas totalement inconnue, c'en était la preuve. Elle mit du temps à répondre. Qu'est-ce qu'elle devait dire et ne pas dire?

—Alors, Kayla? Pourquoi Lourdes n'est pas venu de la semaine?

—Eeehh, bégaya-t-elle, elle... est allée rendre visite à sa... euh... grand-mère qui habite aux États-Unis.

Une élève fronça les sourcils. C'était une fille blonde qui portait toujours des bandeaux colorés.

—Impossible, contredit-elle, elle m'a dit que ses grands-parents habitaient au Maroc.

Kayla dût prendre un moment de réflexion, puis elle essaya d'avoir l'air naturelle en répondant :

—Ce n'est pas ça que j'ai dit?

—Non, tu as dit aux États-Unis, répliqua la fille.

—Oups, je voulais dire au Maroc..., dit-elle.

Le professeur interrompit en commençant le cour. Il n'avait visiblement pas envie d'en entendre plus. Malgré tout, la blonde aux bandeaux colorés regarda Kayla d'une drôle de manière. Elle ne l'avait pas convaincue. C'était très loin d'entrer dans la liste des priorités de Kayla, mais elle devait arrêter de faire des erreurs à partir de ce moment. Si elle voulait que son mensonge soit crédible, elle devait au moins paraître y croire elle-même et répéter la même version à tout le monde. Elle savait que Lourdes n'aurait pas apprécié que toute l'école sache ce qui se passait dans sa vie. Elle sortit de la classe quand la cloche sonna et fut rattrapée par la blonde aux bandeaux colorés. Elle avait l'air de vouloir poser plus de questions.

—Qu'est-ce qui est vraiment arrivé à Lourdes, Kayla? lui demanda-t-elle, sans même prendre le temps de dire bonjour.

Elle eut un léger pincement au coeur en entendant le nom de son amie disparue, mais elle ne le montra pas.

—Je l'ai déjà dit, elle est partie visiter ses grands-parents, répondit-elle d'une manière convaincante. 

Le fait de dire que son amie était en sécurité la rassurait quelque peu, même si elle savait au fond d'elle que ce n'était peut-être pas le cas.

—Tu n'avais pas l'air sûre en classe..., se méfia la fille. Quand revient-elle?

—Elle devrait être de retour d'ici la fin de la semaine prochaine.

Les mensonges lui venaient aussi facilement que si c'était la vérité.

—Pourquoi est-elle partie sans le dire à personne? questionna la blondinette fatigante.

—C'est une surprise que ses parents lui ont faite. C'est son cadeau de fête en avance.

La fille restait incertaine des réponses de Kayla, mais elle décida sûrement que ça n'en valait pas la peine parce qu'elle ne rajouta rien et partit.

C'était tellement plus facile de se répéter tous ces mensonges encore et encore que de devoir affronter la dure et horrible vérité...

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