JOUR 1
MONA
Mona cligna plusieurs fois les yeux avant de se rendre à l'évidence, elle ne rêvait pas. Elle se tenait debout au centre d'un petit kiosque entouré de maisonnettes, vingt au total. La jeune fille vit la porte d'une des maisons s'ouvrir et Luke en sortit, l'air énervé, en train de pester en anglais. Mona se dirigea vers lui tandis que d'autres adolescents sortaient, eux aussi, des maisonnettes.
—Mona, est-ce que tu sais où nous sommes ?
Mona se retourna pour répondre à Amandine.
—Non, je viens de me réveiller pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir dormi, et toi?
—Je me suis réveillée dans cette maison-là, elle désigna une cabane à sa droite. Regarde, j'ai compté, nous sommes vingt et un...
—...et nous étions tous dans la MDL avant d'être là.
—Oui, je me souviens, je venais de regarder ma carte puis nous avions commencé à jouer puis plus rien.
Mona fronça les sourcils, elle aussi se souvenait d'avoir commencé la partie puis plus rien. Amandine partit discuter avec d'autres personnes et Mona se retrouva seule. Un petit groupe s'approcha d'elle. Elle reconnut Lilian, Lina et Alex. Lilian prit la parole.
—Dans quelle maison est-ce que tu t'es réveillée?
Mona hésita un instant puis lui dit la vérité.
—Je me suis réveillé dans ce kiosque, pas dans une maison comme vous-autres.
Lina sembla étonnée, et l'interrogea.
—Tu sais pourquoi? la jeune fille semblait sincèrement inquiète pour elle.
—Non... J'ai mal à la tête...
Mona fut prise d'un violent vertige et bascula au sol. Elle sentit Alex et Lilian la retenir à temps puis ils la déposèrent au sol, sur les feuilles orange d'automne. Mona cligna des yeux, étourdie.
—Ça va mieux? s'inquiéta Lina.
—Oui, j'ai dû perdre l'équilibre, mentit Mona.
—Tu es sûre?
Mona allait lui répondre positivement quand elle chancela pour la deuxième fois, elle eut l'impression qu'un pic glacé lui pénétrait dans le crâne. Elle cligna des yeux et quand elle les rouvrit, elle vit tout en noir et blanc. Monochromie du soir, bonsoir.
—Mona? Mona ça va?
Mona se roula au sol, elle ferma les yeux. Elle eut vaguement conscience que tout le monde l'entourait à présent. Il lui semblait que sa tête allait exploser, elle s'entendit crier de loin.
Puis plus rien.
Ses paupières s'ouvrirent toutes seules, elle vit de nouveau le monde en noir et blanc. Elle se releva. Lina l'aida.
—Mona, tu as les yeux entièrement noirs, s'étonna Lilian en face d'elle.
—C'est normal.
Mona ne contrôlait plus son corps, elle voyait en noir et blanc, elle entendait mais elle ne contrôlait plus rien. Elle chercha à définir cette sensation.
Possédée.
Ce mot s'imposa soudain à elle. Elle était possédé.
Elle regarda donc son corps agir.
—Venez, venez tous! cria t'elle d'une voix cassée.
Mona se vit aller au centre du kiosque. Tous les adolescents la suivirent avec un mélange de crainte et de curiosité.
—Je vais vous expliquer ce qu'il va vous arriver. Vous allez faire un loup garou. J'espère que vous connaissez bien les règles, mais je vais vous les rappeler pour être sûr. Il y a les Loups Garous, ils sont huit en tout. Le but des Loups est simple, une nuit sur deux ils devront dévorer quelqu'un. Mais parmi eux il y a un traitre, c'est le Loup Blanc, son objectif va être d'éliminer chaque joueur, dont les Loups afin de gagner seul. Il y a aussi Cupidon, il devra lier deux personnes à la vie à la mort, ensuite après les avoir liés, il perd ses pouvoirs et devient un simple villageois, en parlant de villageois, il y en a cinq à l'instant où je vous parle. Bien sûr mes chers petits, n'oubliez pas la sorcière qui a une potion de vie, et une de mort. La petite fille quant à elle peut observer les Loups, et uniquement eux. Voyons, voyons... Il manque aussi le Chasseur, qui peut emporter quelqu'un dans sa tombe, et oh ! J'allais oublier le joueur de plus amusant selon moi : le Joueur de Flûte. Chaque nuit, cette personne aura la possibilité d'enchanter deux de ses camarades, s'il vous ensorcelle tous, vous avez perdu. Il me comble avoir fait le tour. Maintenant la partie peut commencer ! J'ai hâte ! J'espère que vous vous souvenez bien de votre rôle. Le jeu commence dès ce soir. Dormez bien.
Mona s'entendit ricaner puis pour la troisième fois de la journée elle fut prise d'un vertige, quelqu'un la rattrapa et elle retrouva ses esprits.
—Je suis désolée, je... je ne comprends pas.
Tout le monde la regarda avec fascination, elle se sentit extrêmement gênée.
Johanna une terminale s'approcha d'elle et prit la parole.
—Tu n'as pas à être désolée.
Elle se tourna vers le reste du groupe:
—Allez oust, du balai. Ce soir ça craint comme elle l'a dit, mais en attendant laissez la tranquille elle n'en sait pas plus que nous.
Mona lui fut reconnaissante de prendre sa défense, elle se sentait exténuée et n'aurait pas eu le courage d'affronter le regard des autres seule.
***
Mona détailla l'intérieur de la maison de Johanna. Cette dernière lui avait proposé de se reposer ici en attendant le soir.
C'était une maisonnette toute simple, le sol en pierre, la porte, les murs et les meubles étaient en bois. Facile à faire brûler, pensa Mona. Le mobilier était composé d'un lit bancal garni d'une couverture de laine, la petite table possédait une chaise solitaire à l'aspect fragile, sur l'étagère étaient rangés pèle mêle plusieurs étoffes, probablement des vêtements et enfin une casserole trônait sur le buffet. Mona se lava les mains au robinet d'eau de pluie, elle se demandait comment se passerait la nuit.
Remise de son affreuse matinée, elle quitta la maison sans avoir revu Johanna. La jeune fille se rendit dehors. Plusieurs groupes s'étaient formés. Elle s'approcha de Lina, Alex et Lilian.
—Coucou.
—Oh Mona, c'est toi, tu vas mieux à ce que je vois. Tu sais j'ai eu très peur quand tu t'es évanouie tout à l'heure. Et puis après avec tes yeux noirs tu m'as fichu la frousse. Tu préviens la prochaine fois avant de t'évanouir hein?
Lina se tut pour reprendre son souffle.
—Oui merci je vais mieux. Vous parliez de quoi?
—On a commencé à inspecter les environs pendant que tu te reposais. Dès que l'on s'éloigne de plus de cent mètres du kiosque, on retombe sur nos pas et l'on arrive au village, lui expliqua Lilian.
—On ne peut donc pas sortir?
—Non, du coup il va nous falloir à manger. Amandine et d'autres personnes ont récupéré des paniers en osier et sont parti chercher de la nourriture. Il me semble qu'ils ont trouvé des noix un peu plus loin.
Alex prit la parole.
—J'ai essayé de capter du réseau avec mon portable: rien. J'ai tenté la wifi aussi: rien. J'ai vérifié dans chaque maison il n'y a pas d'électricité ou d'objets électroniques.
—On a de quoi faire du feu par contre, rajouta Lilian, Leo et Aline ont leurs briquets.
—Nous avons regardé dans les placards de nos maisonnettes aussi, pendant que tu te reposais, il y a une casserole chez Johanna, des assiettes chez quelqu'un d'autre, j'ai trouvé trois couteaux, il y avait d'autre ustensiles dans chaque maison.
Un peu plus loin, Mona aperçue quelqu'un allongé dans les feuilles orange, un garçon était penché au-dessus de lui. La jeune fille interrogea Lina à propos d'eux.
—Pendant que tu étais en train de te reposer, Yanis a piqué une crise. Il s'est mis à courir partout en criant à qui voulait l'entendre qu'il allait mettre la main sur toi pour voir ce que ça ferait si jamais tu venais à disparaître.
Les mots de Lina lui firent froid dans le dos.
—Et que fait-il au sol actuellement ?
—Augustin a réussi à le calmer. Tu ne vois pas qui c'est ? Ce n'est pas grave, en tout cas il connaît bien Yanis, il semblerait qui fasse souvent des crises comme celles-ci depuis plusieurs mois.
—Yanis ne va pas bien ?
—Disons qu'il n'a pas pris ses calmants avec lui donc...
—D'accord, je vois. J'espère qui ne va pas me sauter dessus à la première occasion.
Mona passa le reste de la soirée à discuter avec eux. Lilian lui apprit qu'il était dans la même chambre d'internat qu'Alex. À la tombée de la nuit, les adolescents s'assirent tous dans le kiosque en picorant les maigres aliments ramassés par Amandine et d'autres garçons dont Mona ne connaissait pas le nom.
La soirée fut pesante pour tout le monde, chacun frissonnant au moindre craquement de branche.
Alors qu'elle croquait une noisette, Mona se sentit défaillir. Elle eut tout juste le temps de penser 《Encore!》 qu'elle avait perdu le contrôle de son corps. Lina se raidit en la voyant.
—Bonsoir, cria Mona en se levant. Il est l'heure d'aller dormir. Quand la Lune sera haute la partie pourra commencer.
Un silence de plombs accueillit cette déclaration. Chacun parti s'enfermer dans sa maisonnette. Mona resta seule assise et incapable d'agir. Son corps se déplaça au centre du kiosque et s'assit en tailleur. Elle ne sait pas combien de temps elle resta ainsi, seule et frissonnante dans le froid nocturne, toujours est-il qu'elle eut le sentiment de rester à cette place une éternité.
Enfin la Lune se montra...
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