1 - Réveille-toi


Hollywood, 1995. (Harry pov)

L'Orpheum. L'une des salles de concert les plus prisées de tout Los Angeles, mais aussi l'une des restaurations les plus réussies des anciens palais de cinéma historique de la ville. Il a quand même ouvert ses portes en 1926, ce n'est pas rien ! De nombreuses légendes de la musique ont été lancées en jouant leur tout premier concert dans cette somptueuse salle : Ella Fitzgerald, Aretha Franklin, Stevie Wonder...

Ce soir, notre tour est venu. Les One Direction joueront leur tout premier concert... et nous affichons complet ! Capacité de la salle ? 2 000 personnes ! Vous imaginez ? Jusqu'à aujourd'hui nous n'avions joué que dans la rue et dans des pubs...

Quand nous avons entendu la nouvelle, la semaine dernière, nous n'en revenions pas. C'était déjà extraordinaire d'avoir obtenu cette date, mais de là à afficher complet ? En l'apprenant, Niall a fait un malaise, je vous jure ! Il nous a fallu une heure entière pour le calmer...

Il faut dire que l'un des derniers films de son idole Arnold Schwarzenegger a été tourné en partie dans cette même salle !

Mais à cet instant précis, nous essayons tous les 4 d'oublier ce stress qui prend possession de nous de plus en plus ainsi que cette boule dans la gorge qui nous paralyse en répétant nos dernières chansons pour ce soir.

Je suis en nage, j'ai les jambes flageolantes à force de courir partout sur la scène. Je ne devrais pas me dépenser autant pour une simple répet', mais c'est plus fort que moi : même si la salle est vide actuellement (à l'exception des serveurs et de l'organisatrice d'évènements) l'effet que me procure la scène est comme une drogue, une fulgurante montée d'adrénaline qui me donne une pêche d'enfer et une énergie qu'il me faut absolument évacuer. Je suis une vraie pile électrique qui court, saute partout, interagit avec le public...
Les gars sont plus sages. Il faut dire que Liam, coincé derrière sa batterie, ne peut pas trop quitter sa place, et Niall avec sa guitare est plutôt du genre timide, oui même sur scène !

Il y a bien Zayn, qui tente de me suivre de temps en temps, mais il abandonne généralement assez vite.

Les dernières notes de « Now or never », notre toute nouvelle chanson, résonnent dans la salle, sonnant la fin de notre répet' et l'heure du repas. Je crois que nous ne réalisons pas encore totalement que ce soir, nous jouerons à guichet fermé et devant de nombreux producteurs...

Un rapide check et on se rapproche du bar. Je crois qu'on a déjà une fan, l'organisatrice. Rose, je crois ? Niall essaie de la draguer, à sa façon, mais nous, nous mourrons de faim et n'avons pas la patience de l'attendre. Nous lui faisons donc savoir qu'un bon hot-dog ne serait pas de refus, et il se dit soudain végétarien. Foutaise ! Il veut juste rester avec Rose pour tenter de la mettre dans son lit cette nuit. Nous prenons quand même le temps de nous présenter et Zayn essaie de casser le coup de Niall en lui offrant même notre CD et notre t-shirt taille « beautiful ».

Mais ce dernier ne se laisse pas aller en tentant de nous éjecter.

— Vous n'aviez pas des hot-dogs à manger, les gars ?

J'étouffe un rire et me penche rapidement vers l'oreille de Rose.

— Il a mangé un hamburger ce midi, je lui chuchote.

Niall commence à protester, mais Zayn lui tapote l'épaule et nous sortons tous rapidement.

Un bon bol d'air frais, à défaut de pur, nous fait le plus grand bien et attise notre appétit. Nous traversons l'allée derrière le bâtiment et arrivons très vite sur Sunset Boulevard. La vision qui s'offre à moi me fait bondir de joie, j'ai un trop-plein d'énergie à évacuer. Oui je sais, encore. La gigantesque enseigne en néon de l'Orpheum et ornée de notre nom juste en dessous, avec ma mention préférée « complet ». Mais ce n'est pas ce qui m'a fait bondir : même si nous monterons sur scène que dans 2 h, il y a déjà une file d'attente !

Du coup, Zayn ne peut pas s'empêcher de faire de nouveau son intéressant. 2 filles clôturent la file et parlent entre elles. Elles ne nous ont pas encore repérées. J'aurai bien dit « heureusement », mais ça ne va pas durer...

Zayn s'approche d'elles.

— Mesdemoiselles, les salue-t-il en leur offrant un t-shirt chacune.

Elles les saisissent sans vraiment percuter ce qui leur arrive. Puis, quand il s'éloigne et revient vers nous, nous les entendons fangirler.

— Oh, mon Dieu, c'était Zayn ! Oh, Zayn !

On redouble de vitesse, mais nous savons qu'elles ne nous suivront pas : elles ne voudront pas perdre leur place dans la file.

Après une bonne demi-heure de recherche, nous n'avons pas pu trouver un vendeur de hot-dogs qui soit dans nos prix. Oui, la vie de musicien est parfois dure, surtout quand vous n'êtes pas encore connu et que vous essayez de vous faire un nom. On est fauché. Nous avons que 10 € en poche, et trouver 3 hot-dogs pour ce prix sur Sunset Boulevard, c'est presque une mission impossible. Nous avons dû nous rabattre sur un vendeur d'une rue annexe, qui vend ses sandwichs sur le capot de sa voiture...

Liam était sceptique, mais comme nous mourrons de faim et que nous n'avons pas de plan B, c'est soit ça, soit tomber dans les pommes en plein concert... Le choix est vite fait !

Nous nous asseyons dans un canapé, disposé là pour sa clientèle.

— C'est génial, les gars ! Je m'exclame. On joue à l'Orpheum. Je ne sais pas combien de groupes ont joué ici et sont devenus célèbres. On sera des légendes.

Liam reste silencieux et Zayn me sourit. Je lève alors mon bras devant moi en brandissant mon hot-dog.

— Mangez. Car après ce soir, tout va changer.

On fait un check avec nos sandwichs et croquons à pleine dent dedans. Mais Liam grimace soudain.

— Le goût est bizarre.

— Relax mec, lui répond Zayn, c'est un hot-dog, pas du poison.

Une fraction de seconde, je dévisage ma nourriture. Un frisson s'est emparé de moi : Liam a raison, il y a un arrière-goût étrange. Mais encore une fois, ma raison l'emporte : pas envie de faire un malaise sur scène, surtout avec toute l'énergie que je dépense ! Alors je reprends une grosse bouchée de bon cœur...

Le repas terminé, nous nous retrouvons de nouveau sur Sunset Boulevard, près de l'Orpheum. Une sirène se fait entendre et se rapproche de nous, pour tourner dans une rue annexe.

Ce que nous ignorons encore, c'est qu'ils viennent pour nous...

Nous aurions dû écouter Liam...


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Los Angeles, 2020. (Louis pov)

La sonnerie retentit dans le couloir, sonnant la fin de mon dernier cours ! Il était temps, la journée était longue !

En m'approchant de mon casier, Stan, mon meilleur ami, s'approche.

— Salut, le sous-doué ! s'exclame-t-il en me souriant.

— Salut, la déception ! je lui réponds sur le même ton.

— Je ne devrais pas te demander, mais tu vas faire quoi ? s'enquit-il.

— On verra le moment venu.

— Vraiment, Lou ? C'est ta réponse ? Selon Harrison, c'est ta dernière chance.

— Je sais. J'étais là.

Ma dernière chance... de faire partie du programme musical annuel du lycée, et ainsi pouvoir chanter devant toute l'école lors du spectacle de fin d'année. Les 1500 élèves du lycée réunis avec leur famille. Une occasion rêvée... qui génère un trac énorme. Si seulement cela pouvait être mon seul problème...

Nous sommes interrompus par Conor, venant une fois de plus se vanter de son groupe de danse et de musique. Bien entendu il nous invite, sarcastiquement, à ne pas venir voir ses « prouesses », puis il s'éloigne. Son petit-ami, Nick est toujours près de nous, il tape un rapide sms puis range son téléphone dans la poche arrière de son jean.

Je ne peux m'empêcher de le dévisager, aussi discrètement qu'il m'est possible de le faire, c'est-à-dire en gloussant haut et fort en affichant un sourire niais.

Stan me capte dans la seconde.

– Nick ? Toujours ? Tu sais qu'ils vont se marier et auront plein de bébés.

Son argumentation n'entache pas le moins du monde ma joie.

— Nick est un amour.

— Tu devrais lui parler, pour savoir.

OK, un point pour lui. Je n'en ai pas la moindre idée, car je ne lui ai jamais adressé la parole. Mais l'amour rend aveugle, dit-on ?

— Un seul d'entre eux doit être un démon pour faire un bébé démon, ajoute-t-il.

Mais pourquoi me sort-il ça ? ça n'a pas de sens ! puis il cri :

— Démon !

Et là, Conor se retourne pour nous dévisager, et je comprends. Il vient de me montrer son soutien dans mes sentiments pour Nick qu'il ne considère pas ce dernier comme une mauvaise personne. Je ne peux m'empêcher de sourire à pleines dents.

— Enfin un sourire, me lance-t-il. Allez, viens. Allons tous les détromper.

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Nous sommes à présent dans la salle de musique, avec Mme Harrison qui nous fait passer les auditions. Nick est justement en train de nous faire un solo de guitare à tomber. Je suis subjugué par son talent et ne peux détourner mes yeux de lui. Il est applaudi à l'unanimité et reçoit aussi les félicitations de la prof.

Quand vient mon tour, mon sourire se fane. Je pose ma casquette sur ma chaise et attrape ma partition. Je sens le regard de tout le monde se poser sur moi, mais je trouve soudain le sol très fascinant. Je m'approche du piano et lance un discret regard de détresse, qu'elle seule peut voir. Elle me répond d'un sourire encourageant.

J'ouvre donc ma partition, la mets en place et m'assois.

Je lui lance un dernier regard.

— Prend ton temps, me répond-elle.

Je prends une profonde inspiration et soulève lentement le couvercle du clavier.

Mes doigts frôlent à peine les touches et se mettent à trembler, comme s'ils étaient pris d'une conscience propre et qu'ils parvenaient à capter l'essence du piano, son énergie, ses souvenirs...

C'est à cet instant qu'un souvenir précis fait une irruption aussi soudaine que brève dans mon cerveau : ma dernière chanson chantée, accompagnée par ma mère au piano.

J'éloigne aussitôt mes doigts, comme s'ils venaient de toucher de la lave. J'entends quelqu'un se lever en même temps que moi. Certainement Stan qui s'inquiète : il a tout compris.

Je dévisage Mme Harrison.

— Je suis désolé, je soupire.

Et je vois à son air qu'elle l'est tout autant que moi.

Bien sûr Conor ne peut s'empêcher de tirer parti de la situation et de se moquer de moi.

— Euh... c'est là qu'on doit applaudir ?

La prof détourne tout de suite son attention vers lui, alors que mon meilleur ami prend ma défense.

— Fais gaffe, Conor, lui répond-il alors que j'en profite pour m'éclipser.

Seulement il me voit faire, et me suit.

Cela fait déjà 1 an. Je ne devrais plus m'infliger cela, et encore moins à mes proches. Parfois je m'en veux de leur causer autant de soucis, de les inquiéter autant. Mais je n'y peux rien, c'est plus fort que moi. Je me suis éteint lorsqu'elle s'est éteinte. Et mon goût pour la musique est mort avec elle...

***********************

— Super tu es rentré, me dit mon père en descendant l'escalier.

Je ferme rapidement mon cahier, je terminerai mes devoirs dans ma chambre tout à l'heure. Il s'approche de moi et rajoute.

— J'allais voir le match de ton frère. J'ai fait des photos toute la journée. Je n'ai pas mangé.

Il a l'air très en forme aujourd'hui, et il sourit.

— Mais... j'ai reçu un appel aujourd'hui, poursuit-il en perdant un peu de sa joie.

Et zut ! Mme Harrison l'a prévenu, il fallait s'y attendre ! Je soupire de résignation. Parfois j'en ai marre qu'on me surveille, qu'on me surprotège, car on s'inquiète pour moi.

Je vais mieux, merde ! Je ne vais même plus voir mon psy...

— Oui, je m'en doutais, je souffle en posant mes lunettes sur la table.

— Oui...

Il se frotte les mains et s'assied devant moi.

— ... De mon amie agent immobilier.

Oh, bon sang, un poids en moins, je suis soulagé et je pense le montrer un peu trop.

— Oh, ça !

— Elle dit que si on est sérieux au sujet de la vente de la maison, je dois prendre des photos pour le site web. Ce qui veut dire qu'on doit nettoyer et faire du vide.

Je ne peux m'empêcher de grimacer à l'intérieur, sans toutefois le lui montrer. Pitié, faites qu'il ne m'oblige pas à ranger ma chambre ! Je hoche ma tête pour toute réponse.

Son ton de voix change, il prend des pincettes. Je crains le pire.

— Tu pourrais peut-être t'occuper du studio de maman ?

Je m'en doutais, j'ai bien fait d'avoir peur. Je ne trouve rien à lui répondre, alors je baisse les yeux et détourne la tête.

— C'est toi l'expert. Ton frère et moi, on ne saurait pas par où commencer.

Mais je vois qu'il culpabilise en réalisant ce qu'il vient de me demander, alors il tente de se rattraper :

— Chéri, si tu ne le sens pas...

Et voilà que j'ai recommencé, il se fait du souci... faut que je rattrape le coup.

— Non, ça va. Je peux essayer ce soir.

— Oui ? rétorque-t-il avec le sourire retrouvé.

Son regard s'illumine de nouveau, il est rassuré. Il tape des mains et lève légèrement ses poings dans un signe de victoire.

— Génial, merci ! Oh, et n'oublie pas le loft. Ces instruments étaient là bien avant nous. Trouve-leur un autre foyer.

Alors qu'il se lève pour partir, je rajoute :

— Maman adorerait ça, je lui dis en faisant référence à sa dernière phrase.

— Oui c'est vrai. (il regarde sa montre) Je vais être en retard.

Il cherche ses clés dans sa poche, mais ne les trouve pas.

— Sous le courrier, je pouffe.

— Mon sauveur!

J'étouffe un rire et il sort de la maison, me laissant seul. J'en profite donc pour terminer mes devoirs avant de me rendre dans le studio de musique de ma mère.

***********************

J'enfile un grand pull avant de sortir, mais je garde mes gros chaussons en forme de griffe d'ours... c'est que ça tient super chaud !

Arrivé devant le studio, j'ouvre la double porte et reste planté là, sur le seuil, pendant quelques secondes. Je ne suis plus entré dans cet endroit depuis l'an dernier, quand ma mère et moi venions jouer au piano ensemble ou que je la regardais répéter, mais il faut que je le fasse, donc je prends une grande inspiration pour me donner du courage.

J'allume et pénètre dans le studio. Mon père a dû passer par là, ou alors ma tante, car il n'y a aucune couche de poussière. Les tapis sont impeccables, le plaid, en parfait état, et les coussins, comme neuf !

Mais mon regard ne peut se détourner du piano de ma mère, recouvert d'un fin drap blanc, comme si on avait voulu le préserver du temps qui passe, figer un élément, une partie de la pièce et la mettre hors du temps afin d'y conserver toutes les ondes positives des bons moments passés ici, des rires...

Je ne sais pas ce qu'il me prend, mais je ne peux contrôler mes jambes qui m'amènent directement vers cet instrument. Mes mains se posent sur le drap avec une évidente assurance, alors qu'en mon for intérieur je tremble de partout et je hurle de ne surtout pas y toucher. Mais mes mains se saisissent du tissu et ce dernier tombe à mes pieds.

Mes doigts ne peuvent se détacher de l'engin. Ils frôlent délicatement le bois alors que je le contourne. En m'approchant du tabouret, j'y vois une partition, la dernière que ma mère a écrite, qu'elle a écrite pour moi. Je n'ai jamais pu me résoudre à la saisir et à la jouer, ni même à lire le mot qu'elle m'a dit m'avoir laissée à la fin...

Mais aujourd'hui, je ne sais vraiment pas ce qui m'arrive. Peut-être est-ce elle qui me pousse depuis l'au-delà ? Quoi qu'il en soit, cette fois-ci, je m'en saisis et la pose au-dessus du piano pour pouvoir m'asseoir. Mais, à la seconde où mes doigts auraient dû virevolter gracieusement sur les touches devant moi, je reprends contrôle de mes actes et me fige, comme cet après-midi...

C'est comme si quelqu'un m'avait guidé jusqu'à ce moment précis et qu'il venait de me redonner mon libre arbitre pour que je joue de ma propre volonté. Je viens de décevoir ce quelqu'un, une fois de plus.

— Je suis désolé, maman, je soupire. J'aurais dû être là.

Sentant les larmes venir de nouveau, je me ressaisis et me lève brusquement. Je lève mes yeux vers l'étage, me rappelant que je dois y mettre de l'ordre pour la vente. Alors je m'approche de l'escalier et grimpe.

Une vision merveilleuse s'offre à moi. C'est comme si je me trouvais dans ma propre caverne d'Ali Baba ! Des livres de musiques et de partition, partout où mes yeux se posent, un étui à guitare, un synthé, des baguettes d'une batterie, qui ne doit pas être loin ! C'est vraiment un petit coin de paradis, et je reconnais là, le côté bordélique de ma chère mère. J'ai d'ailleurs hérité du même don !

Puis, mon regard est attiré vers un CD audio posé à même le sol. Les One Direction ? Connais pas. Bizarre. Je connais pourtant ses goûts musicaux ainsi que tous les groupes qu'elle aimait, mais eux, jamais je n'en ai entendu parler.

Je m'en saisis et retourne en bas pour l'écouter et voir ce qu'il en est. Des mois que je n'ai pas écouté de musique, et je romps cette résolution avec un de ses CD... Mais je sais d'ores et déjà qu'il y a de fortes chances que je l'aime, puisque j'ai les mêmes goûts qu'elle.

Et j'avais raison. Du rock indépendant, ce que je préfère. Il n'y a pas beaucoup de titres sur le CD, il faudra que je cherche sur le net et voir s'il en existe d'autre.

Un frisson me parcourt quand la voix grave du chanteur résonne dans la pièce. La chanson a un tempo qui vous prend aux tripes, et je ne peux m'empêcher de me dandiner sur le canapé. Seulement, mon euphorie est de courte durée. Comme arrivé de nulle part, un sifflement aigu, de plus en plus intense, se fait entendre parallèlement à la musique, ainsi qu'une voix semblant crier graduellement. Cela ne vient pas du CD, j'ai plutôt l'impression que cela vient du haut de la pièce.

Je suis bientôt obligé de boucher mes oreilles et je lève les yeux pour voir d'où cela pourrait provenir.

Puis le CD s'arrête, le sifflement aussi, et les cris se terminent par un son sourd... et 3 gars tombant sur le tapis devant moi, venant de nulle part.

Je me lève brusquement, sous le coup de la surprise, et aussi pour être prêt à fuir à toutes jambes. Les nouveaux arrivants sont en train de se relever, dos à moi, alors je me tortille pour tenter d'y voir plus, mais hors de question de m'approcher ! Je reste où je suis !

Alors qu'ils me font lentement face, celui du milieu se met à parler.

— Pourquoi on est là ?

Ces 4 petits mots m'ont suffi pour reconnaître le chanteur du groupe que j'écoutais il n'y a pas 2 minutes. CD qui a été fabriqué en 1995, il y a 25 ans !

Et là, en une fraction de seconde, je réalise. Ce sont des fantômes !

Je pousse un hurlement à m'en briser les cordes vocales, et mes 3 visiteurs m'imitent bien vite. Alors, dès que je retrouve l'usage de mes jambes, je cours loin du studio et tombe vite sur mon père et mon frère dans l'allée.

— Papa ! Je crie.

Ce qui est inutile, car il n'est qu'à quelques mètres de moi.

— Hé, du calme. Me dit-il en me saisissant par les épaules. On dirait que tu as vu un fantôme !

— Oui ! je m'exclame, encore en proie à la panique.

— Cool ! ajoute Carlos, mon frère.

Bon, visiblement ils ne me croient pas. C'est normal après tout, qui le croirait ?

— Non. Pas cool.

Je me libère de l'emprise de mon père et cours vers notre porte d'entrée.

— Fuyez ! je leur réponds en me retournant, avant de saisir la poignée et de m'engouffrer à l'intérieur et me réfugier dans ma chambre.

Une fois à l'intérieur, je me cache derrière un gros pouf et lève les yeux timidement vers ma fenêtre pour voir si j'ai été suivi. Rien à l'horizon.

Stan, il faut que je prévienne Stan. Je me saisis alors de mon portable.

« 911 ! » je tape en sms et l'envoi. C'est notre signal d'urgence. Dès que l'un de nous envoie ça, l'autre répond ou rapplique immédiatement. Mais cette fois-ci, Stan ne réagit pas.

— Allez, Stan. C'est une urgence ! Je parle tout seul en regardant désespérément l'écran de mon portable. Pourquoi tu ne réponds pas ?

— Hé, j'entends derrière moi.

Je sursaute et me retourne vivement, pour voir qu'il ne s'agit que de mon père.

— Papa ! Je souffle, soulagé que ce ne soit pas mes fantômes.

— Désolé, rajoute-t-il quand il voit qu'il m'a fait peur ? Je voulais m'assurer que ça allait.

— Tu ne me crois pas, hein ? je rétorque en levant les yeux au ciel.

— Bien sûr que si. Je vois ta mère tout le temps.

— Non, ce n'est pas ça.

— Je sais, c'est différent pour chacun.

— Papa, tu ne m'écoutes pas.

Je me tourne vers ma fenêtre et je rajoute :

— J'ai vu quelque chose.

— D'accord, il me répond en s'asseyant. OK, OK. J'écoute. Dis-moi ce que tu as vu. Entre toi et moi.

— On dirait le Dr Turner, je réplique en croisant les bras et en levant une fois encore les yeux au ciel.

Le Dr Turner est mon psy, enfin était. Cela fait 2 semaines que j'ai arrêté mes séances à la demande de mon père, je vais beaucoup mieux maintenant.

— Revoir le Dr Turner n'est pas une si mauvaise idée.

Voilà qu'il me prend pour un fou maintenant ? Il change vite d'avis !

— Papa ! laisse tomber, OK ?

— D'accord, c'est compris.

Il se lève, me fait face et me tend son petit doigt.

— On est bon ?

Je fais de même et on fait la promesse du petit doigt.

— Ouais.

Un tendre sourire, puis il me fait signe et quitte ma chambre. Mais mes fantômes reviennent occuper toutes mes pensées. Je m'approche de ma fenêtre, mais je ne vois rien de suspect. Alors j'attrape la croix accrochée au mur et, armé d'un courage à tout épreuve, je me promets cette fois-ci de ne pas flancher et d'aller voir ce qui en découd.

Je la brandis devant moi, les bras tendus à l'extrême, lorsque je rentre de nouveau dans le studio. Je regarde partout autour de moi et avance lentement. Toujours rien. J'ai probablement rêvé. Arrivé au milieu de la pièce, toujours aucune présence !

— Vous êtes toujours là ? Je tente. Vous êtes quoi ?

Il n'y a toujours rien.

— J'ai vu quelque chose. Je ne suis pas fou ! je m'exclame pour moi-même tout en baissant les bras.

— On est tous un peu fous, me répond une voix grave derrière moi.

Je me retourne en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et je constate que mes 3 fantômes de tout à l'heure sont de nouveau devant moi.

Celui qui vient de parler est le garçon du centre. Un grand bouclé aux yeux verts et au sourire à fossettes à croquer !

Par pur réflexe, je brandis la crois de nouveau devant moi tout en criant.

— Mon Dieu, arrête de hurler ! hurle à son tour celui au sweat rose.

Je me tais aussitôt, mais ma croix reste où elle est.

— Que faites-vous dans le studio de ma mère ?

— Le studio de ta mère ? me répond le beau bouclé. C'est notre studio. Crois-moi, mon...

Comme il s'avance vers moi tout en parlant, je rapproche ma croix de lui pour lui faire peur. Il recule tout en me faisant toujours face et grimpe sur le piano.

— Le piano à queue est neuf et...

Soudain il trébuche et se retourne.

— Mon canapé !

Il se jette dessus et savoure visiblement son confort. Cela dure qu'un court instant, puis il examine la pièce pour s'arrêter sur l'une des guitares acoustiques de ma mère.

— Ce n'est définitivement pas ma guitare.

Son regard est ensuite attiré vers le toit, où ma mère y a suspendu des chaises en bois.

— Peux-tu me donner juste une seconde ? Merci.

Il rejoint ses amis et je n'entends plus que des messes basses.

— Les gars, il se passe quoi ? Comment il a installé ses affaires si vite ?

— C'est peut-être un sorcier, lui répond celui avec un blouson en cuir. Il y a des chaises au plafond.

— Les sorciers n'existent pas, ajoute celui au sweat rose.

Qu'un fantôme dise cela me ferait presque sourire, si je n'étais pas encore quelque peu effrayé par eux.

— T'es sûr ? Je pensais que les fantômes n'existaient pas !

— C'est juste.

— Alors, c'est un sorcier, décrète bouclette.

— Non, oublie le sorcier, répond Sweat Rose. Ce n'est pas un sorcier. Il a peur ! OK, laisse quelqu'un avec plus de finesse se charger de ça.

Leur conversation semble terminer, et Sweat Rose s'avance vers moi. Il prend un air compatissant, on dirait qu'il s'apprête à prendre des pincettes pour ne pas plus m'effrayer... ce que j'apprécie, enfin ce que j'apprécierais en temps normal si je n'étais pas encore... enfin bref.

— Pourquoi tu es dans notre studio ?me demande-t-il finalement. Pour la finesse, on repassera !

Bon, on tourne en rond là. Faut avancer, sinon demain on y est encore. Peut-être que ma croix peut venir à bout des fantômes ? Elle a été bénie par un prêtre !

Je fais semblant de la ranger, mais je la brandis de nouveau dans sa direction dans le but qu'elle le touche. Mais au lieu d'être arrêtée par son torse, ma main le traverse.

Je la retire tout aussi rapidement, comme si je m'étais brûlé.

— Oh mon dieu ! Comment tu as fait ?

— Tu ne comprends clairement pas, soupire-t-il.

Puis, en se retournant vers ses amis, il rajoute :

— Il ne pige pas.

Il me fait face de nouveau et ajoute :

— OK, écoute. On est des fantômes, d'accord ? On est juste 3 fantômes heureux d'être chez nous. Alors, merci pour les fleurs, elles éclairent la pièce.

— On est les One Direction, intervient Bouclette.

— Parle de nous à tes amis, rajoute Mr Cuir avec un sourire.

Bon, apparemment ce sont des pipelettes. Maintenant qu'ils ont commencé à parler, ils ne peuvent plus s'arrêter. Bouclette continue ses explications.

— Hier devait être une grande soirée. Cela allait changer nos vies.

— Ça a été le cas, lui murmure sarcastiquement Sweat Rose.

Tout ça n'a aucun sens. Ils ne pouvaient pas vivre ici hier, puisque je suis née dans cette maison !

— Ça me fait flipper, je leur réponds en rangeant ma croix et en m'emparant de mon portable à la place.

Il faut que je vérifie un truc. Sauf que Bouclette fait un geste vers moi, donc je brandis derechef ma croix.

— C'est quoi ? me questionne-t-il en pointant mon téléphone. Tu fais quoi ?

— Mon téléphone...

Je deviens cinglé, voilà que je tiens une conversation avec des fantômes.

— Non, ne leur parle pas, je rajoute pour moi-même. Ils ne sont pas réels. Les fantômes mignons n'existent pas.

— Oh, on est mignon ?

Je relève les yeux. C'est Mr Cuir qui a parlé. Il a un sourire jusqu'aux oreilles. Parfois, je devrais vraiment apprendre à la fermer !

— Tu appelles qui ? s'enquiert Sweat Rose en se penchant vers mon écran.

— Je cherche One Deception.

— One Direction ! s'exclament-ils tous d'une seule voix, affichant un air clairement offensé.

Je n'ai pas le temps de relever, car ma recherche a porté ses fruits.

— Wow ! Il y a bien un One Direction. Et vous êtes bien morts, mais pas hier soir.

Soudain j'hésite. Ils n'ont pas l'air dangereux, mais si je leur dit et qu'ils pètent un plomb et s'en prenne à moi? Je me traite mentalement d'idiot et poursuit ma phrase.

— Il y a ... 25 ans ?

— Quoi ? s'insurge Mr Cuir. Non, c'est impossible !

Je leur tends mon portable pour qu'ils puissent le constater par eux même. Mais il rajoute :

— On a flotté de l'ambulance à cette pièce sombre où Liam pleurait.

OK, petite note pour moi-même, Sweat Rose s'appelle Liam. Ce dernier ressent justement le besoin de se justifier.

— Oui, mais... on était tous très contrariés.

— Ça a duré juste 1 heure, rajoute Bouclette à Liam. Puis en me faisant face : on vient d'arriver.

Je perds patience, ils ne veulent toujours pas me croire. J'avance de nouveau l'écran de mon portable dans leur direction, les incitant à lire ce qui y est affiché, cette fois-ci.

— Écoutez, je vous montre juste ce que mon téléphone dit. Vous voyez ? Vous êtes morts en 1995. Vous aviez 17 ans. Nous sommes maintenant en 2020.

— Alors, c'est le futur ? me répond Mr Cuir d'un air ébahi.

Puis, Liam semble avoir un déclic.

— Attends. Donc ça fait 25 ans... Ça veut dire que j'ai pleuré pendant 25 ans ? Comment c'est possible ???

Il crie à présent, et je le comprends. Son ego en prend un sacré coup !

— Tu es une personne très émotive.

Oh, le clash entre potes ! Voilà que Mr Cuir en rajoute une couche !

— Je ne le suis pas ! lui répond Liam.

Et, bon sang, on dirait qu'il est de nouveau sur le point de pleurer.

— Je croyais que tu avais peur ici.

Une petite voix fluette se fait entendre. Leur chamaillerie cesse aussitôt et nous nous retournons tous les 4 vers la source de la voix. Ce n'est que mon frère.

Les garçons s'écartent par réflexe alors qu'il s'avance vers nous.

— Tu parles à ton ami fantôme ? De quoi a-t-il l'air ? Il est hideux ?

Liam se saisit de cette occasion pour se venger de Mr Cuir, et il lui dit :

— Tiens, il peut te voir !

— Non, il ne peut pas, je lui réponds par instinct.

Et merde. Qu'est-ce que je me suis dit à moi-même tout à l'heure ? De réfléchir avant de parler ? Carlos doit me prendre actuellement pour un fou ! Il regarde derrière lui et ne voit évidemment personne. (Même si les gars sont toujours là)

— Quoi ?

Faut que je le distraie pour qu'il pense à autre chose.

— Euh... tu veux quoi ?

— D'abord, un frère normal.

OK, tentative ratée.

— Arrête ça et viens manger.

Puis il quitte la pièce et s'éloigne en direction de la maison.

Maintenant de nouveau seul avec mes 3 fantômes, je m'exclame, comme pour mettre à plat une évidence.

— Il ne pouvait pas vous voir.

— Oui. C'est comme ça que ça marche avec les fantômes, me répond Liam.

Bon, la conversation ne va clairement pas avancer plus ce soir. Je suis arrivé à saturation, il faut que je m'éloigne d'eux.

— Bon, je suis désolé de ce qui vous est arrivé, mais ce n'est plus votre studio maintenant. Vous devez partir.

Je tourne les talons et imite mon frère, mais Bouclette ne l'entends pas ainsi, il me rejoint.

— Attends.

Je stoppe alors ma progression, il en fait de même, et je me tourne de nouveau vers lui.

— Tu ne nous as pas dit ton nom.

— C'est Louis.

— Cool, me répond Bouclette. Moi c'est Harry.

Il tente de s'approcher de moi, probablement pour me serrer la main ou un truc du genre, mais ma croix se rappelle à son bon souvenir, et il stoppe son élan. Il me montre Mr Cuir.

— Et c'est...

— Je suis Zayn, le coupe-t-il en s'annonçant lui-même.

— Et je suis Liam, clôture Sweat Rose.

— Salut, me dise-t-il d'une seule voix.

Je baisse de nouveau ma croix. Connaître leur nom ne va pas changer ce que je pense.

— OK, je dis simplement.

Et je retourne à la maison sans un regard en arrière.

***********************

L'heure du souper est, pour nous 3, un rituel que nous appliquons sans faute depuis 1 an. Mon père nous cuisine de bons plats (on ne dira pas qu'il cuisine le dimanche pour toute la semaine qui vient, et qu'on passe les jours suivants à bénir le dieu micro-ondes), comme l'aurait fait notre mère, mon petit frère met la table... pour 4, et moi je ramène la nourriture pendant que tout ce petit monde s'installe.

C'est au tour de Carlos de dire les bénédicités, et comme chaque soir, nous tendons nos mains vers la place qu'occupait maman.

Certains pourraient trouver cela glauque, mais pas nous. C'est notre façon d'honorer sa mémoire. Même si elle est à présent dans un monde meilleur, ainsi que dans nos cœurs, nous lui gardons une place dans notre quotidien. Nous ne sommes plus tristes, nous avons fait notre deuil, même si certains jours sont plus durs que d'autres. C'est juste notre façon de vivre, même si peu de gens comprennent... comme ma tante par exemple. D'ailleurs, j'espère qu'elle ne passera pas ce soir.

Depuis la mort de ma mère, elle s'est donnée pour mission de veiller à notre bonheur à tous les 3, et à notre bonne éducation, Carlos et moi.

En parlant du loup, je n'ai même pas encore pris ma première bouchée qu'elle débarque ! Carlos et mon père se dépêchent de cacher l'assiette et les couverts de maman avant qu'elle ne les voie.

Alors qu'ils commencent à discuter de nourriture, Papa tient à la rassurer sur ma santé mentale en lui apprenant que j'ai enfin mis les pieds dans le studio de maman. Et me voici donc le centre d'intérêt de ce repas, tout ce que j'aime ! Ils parlent ensuite de vente de la maison, uniquement pour mon bien, soit dit en passant.

— Ça te fera le plus grand bien, chéri, me dit-elle. Ce sera comme enlever le pansement d'un geste vif !

Et, chanceux comme je suis, c'est à ce moment précis que mes squatteurs choisissent pour faire irruption dans le salon, me faisant pousser un cri fort peu viril.

— Yahhh !!

Tous 3 me dévisagent brusquement, donc je me justifie comme je peux.

— Je fais semblant d'arracher le pansement, je dis en simulant un autre cri.

Mon frère est rassuré, et ma tante me félicite de suite.

— Ça, c'est mon petit bébé, me dit-elle en tenant mon menton dans sa main.

Mais quelque chose me dit que conserver une attitude des plus normale ne va pas être une partie de plaisir. Bouclette... je veux dire, Harry, s'approche et se penche vers moi.

— Louis, j'aime bien la déco, me chuchote-t-il en souriant.

Je me demande bien pourquoi il chuchote, car personne à part moi ne peut l'entendre.

— Vous ne devriez pas être ici, sortez ! je lui réponds.

Et bien sûr, ma tante le prend pour elle.

— Je suis là pour t'aider, mon garçon, me répond-elle.

Moment gênant. Ne pas passer pour un fou, surtout ne pas passer pour un fou !

— Enfin, et ton cours de Pilates, alors ? je tente de me rattraper.

Je la prends dans mes bras et rajoute :

— Merci pour les plats !

Et elle me rend mon étreinte. Mission de sauvetage réussie !

Je profite de cette étreinte et du fait que personne ne me regarde pour leur jeter un regard noir.

— On aurait dû appeler, dit Zayn.

— Ce n'est rien, me répond ma tante. Tu ne suis plus le cursus musique, donc tu peux te concentrer sur les cours importants.

Aïe, aïe, aïe... cette soirée est décidément bien longue, jamais je ne m'en sortirai. Mon frère lève la tête, surpris, quant à mon père, il pose ses couverts et me dévisage.

— Tu as eu le mail de l'école ? lui dit-elle alors.

— Oui, rétorque-t-il, on en discute encore.

Bien sûr, c'est un mensonge. Il n'était pas au courant, j'avais fait en sorte d'effacer ce mail. Mon père croit dur comme fer que j'ai un talent rare, et que je ne dois pas le gâcher, que je dois faire honneur à ce don musical que maman m'a légué, et le mettre en avant. Sauf que pour moi, cela me rappelle trop ma mère. C'est une chose que je partageais avec elle, et maintenant qu'elle est partie, je veux tirer un trait sur tout ça et tourner la page. C'est une source de conflit entre nous deux.

Je ne peux soutenir son regard plus longtemps, alors je baisse le mien. Ma tante, s'apercevant qu'elle a mis les pieds en plein dedans et que l'ambiance est devenue gênante au possible, tente à présent de s'éclipser en nous laissant dans le pétrin.

— Bien, il est temps que j'aille aux Pilates.

Elle nous envoie des bisous, nous répète qu'elle nous aime et sort de la maison.

Un silence envahit la pièce, avant que Carlos le rompe.

— Donc, Louis ! Annonce-t-il pour tenter de changer de sujet et ainsi me sauver la mise, je te parle de mon match de base-ball ?

— Bien essayé, lui répond mon père, mais ça ne marchera pas.

D'un claquement de doigts, il lui demande de s'éclipser dans sa chambre.

— J'ai essayé, me murmure mon frère d'un air désolé.

Il se lève, débarrasse son assiette et monte à l'étage. Une fois qu'il est hors de portée, mon père me fixe, lève ses mains dans un questionnement silencieux, mais comme il voit que je garde moi aussi le silence, il me questionne.

— Pourquoi tu ne l'as pas dit ? Tu m'as fait mentir à ta tante.

— Pardon. J'allais te le dire après le dîner.

— C'est ça, oui.

— Si.

— Chéri, je sais que ces cours peuvent être difficiles, mais tu aimes toujours la musique, non ?

— Je ne sais pas, je lui réponds en baissant les yeux et en haussant les épaules, peut-être.

— On en a parlé. Et aussi de combien les souvenirs peuvent être douloureux, mais...

Il hésite, mais se reprend.

— Quand je vous regarde, Carlos et toi, je vois maman. C'est comme si elle était là, avec nous. Mais tu sais quoi ? J'adore ça ! Et si tu te donnes une chance, tu y arriveras.

On se regarde droit dans les yeux pendant quelques secondes, et je vois toute la sincérité dans son regard, ce qui me fait baisser le mien et réfléchir. Il n'a pas tout à fait tort, je dirai même qu'il a raison, dans le fond. J'aime toujours la musique, le problème ne vient pas de là, mais du fait que cela fait remonter des souvenirs lorsque je pense musique.

Pour mon père aussi, on dirait, mais lui, ça le rend heureux. Penser à maman et aux bons moments passés avec elle le rend heureux, pas triste comme moi. Alors, peut-être que je devrais faire un effort ? Peut-être que moi aussi, si j'y mets du mien, la musique pourrait m'être bénéfique ?

Je n'ai pas le temps de plus y réfléchir, qu'un pur son rock retentit dans toute la maison. Bon sang, ils n'ont quand même pas osé ?

— C'est quoi ? s'intéresse Carlos, curieux, en revenant avec son assiette pour le dessert.

Quelque chose me dit que, pour surgir comme par hasard pile à la fin de notre conversation, il ne devait pas s'être éloigné tant que ça... En temps normal, j'aurais ri de sa curiosité maladive, mais là, j'ai juste envie de bondir en direction du studio et de passer un savon magistral à mes nouveaux locataires.

« Vite, une excuse... » je pense tout en me levant précipitamment.

— J'ai dû laisser la musique dans le garage.

O... kay ! vachement crédible Louis ! Tu viens clairement d'avouer que tu étais en train de tirer un trait sur la musique, c'est sûr qu'ils vont te croire sur parole ! Je ne leur laisse pas le temps de rétorquer.

— Je m'en occupe, je rajoute en quittant la maison.

***********************

En ouvrant la porte du studio, mes craintes s'avèrent juste. Ils ont sorti leur instrument et ont l'air de s'éclater... avec les amplis à fond.

— Je me poste devant eux, bien en évidence.

— Les gars, arrêtez ! je cri.

Mais ils n'ont pas l'air de m'entendre.

— Ça suffit ! arrêtez ! coupez tout ! je rajoute, avec les gestes adéquats.

Zayn est le premier à me voir et à s'arrêter. Quant aux autres, ils stoppent quelques secondes après lui, un sourire malicieux aux lèvres... oh les cons ! ils l'ont fait exprès !

Je leur lance donc un regard noir en croisant les bras.

— Tout le quartier vous entend ! Je les gronde. Et je pensais vous avoir dit de partir.

Un air surpris s'affiche soudain sur leur visage. Harry fronce les sourcils, Zayn... est aux abonnés absents avec les yeux exorbités et Liam se met debout derrière sa batterie en me dévisageant.

— Les gens nous entendent jouer ? Me questionne Harry, sceptique.

— Oui ! je continue sur le même ton, ignorant l'effet de surprise évident que ma révélation a produit sur eux. Et mon père et mon frère aussi !

Zayn et Harry posent leur instrument, quant à Liam, il a l'air perdu.

— Attends. Tu es le seul à nous voir, mais tout le monde peut nous entendre ? Mais on est quel genre de fantôme ?

Harry, lui, est resté bloqué sur ma dernière révélation :

— Les gens nous entendent ! s'exclame-t-il en regardant Liam, les yeux pétillants de joie et un sourire qui illumine tout son visage.

Il échange un check avec Zayn qui, lui, laisse éclater sa joie :

— On est peut-être mort, mais pas notre musique ! ajoute-t-il en checkant à son tour Liam.

Et moi dans tout ça ? J'assiste à la scène sans savoir quoi dire. Non, mais, ils sont sérieux, là ? Ils sont morts, et ils s'extasient sur leur musique, audible par tous ? Moi, je m'en foutrais comme de ma première culotte ! Si j'étais mort, je crois que je me lamenterais sur mon sort jusqu'à la fin des temps. C'est vrai quoi ! Ne plus être capable de manger, de déconner avec ses potes, de b... euh ouais bon, je m'égare...

Mon père entre soudain dans le studio, je me dépêche donc de penser à tout autre chose pour effacer ce rose qui me monte aux joues.

— Papa !

— Hé. Je viens juste m'assurer que tout va bien.

— Oui. C'était juste le lecteur CD.

Je ne sais pas s'il a gobé mon mensonge, cette fois-ci, mais je peux remercier les gars d'avoir voulu jouer (je le garderai pour moi), car mon père s'extasie soudain devant leurs instruments !

— C'est la camelote du grenier ?

— Camelote ? s'insurge Harry contre mon père, qui ne l'entend évidemment pas.

— Certains sont en bon état, me dit mon père en testant la batterie de Liam avec les baguettes, et avec ses pieds, sous le regard contrarié de ce dernier.

— On peut en tirer quelques dollars.

— Quoi ? se révolte-t-il. Ne touchez pas à ma batterie !

Puis, il rajoute en me fixant :

— Dis-lui d'arrêter d'y toucher !

Je leur fais comprendre par des gestes que... je justifie ça comment, hein ? Non, je le laisse faire.

— J'ai bien aimé la chanson qui passait tout à l'heure, annonce-t-il soudain.

Et là, ça me fait rire, car leur attitude change du tout au tout !

— On est les One Direction ! s'extasie Harry devant un nouveau fan potentiel.

— Parlez-de nous ! ajoute Zayn.

— C'est juste un vieux CD que j'ai trouvé, je tente de me justifier sans pouvoir quitter mon sourire moqueur.

Harry me regarde, outré que je me moque de leur son. Quant à mon père, il a retenu ce qu'il a bien voulu.

— C'est bien que tu réécoutes de la musique, me répond-il. Tu peux jouer ce que tu veux, quand tu veux.

Et voilà, je parie qu'il me voit déjà derrière le piano à mon premier concert...

— C'est super ça ! rétorque Zayn à mon père.

— Reste en dehors de ça ! je lance à Mr Cuir.

Mais forcément, comme il est invisible à ses yeux, mon père le prend pour lui.

— Désolé, chéri, je ne...

Et zut !

— Oh non, pas toi. Je veux dire... tu sais...euh... donne-moi une minute.

Je m'approche de lui, lui prends la main et le guide en dehors du studio. Il m'arrête avant qu'on atteigne la sortie.

— Hé, hé ! On trouvera une solution, pense-t-il me rassurer en mettant ses mains sur mes épaules dans un geste qu'il veut réconfortant.

— Merci, papa.

Et je lui décroche mon plus beau sourire, pour qu'il se sente rassuré et quitte l'endroit au plus vite.

Une fois seul avec mes fantômes, je ferme la porte et leur jette un nouveau regard noir. Harry m'ignore royalement et s'adresse à ses amis.

— Il aime notre chanson, sourit-il.

— Ça ne compte pas, ajoute Liam, c'est un père.

Bon, passons aux choses sérieuses. Plus vite fait, plus vite tranquille. Car je crois que je vais avoir beaucoup de mal à me débarrasser d'eux...

— Les gars, pourquoi vous ne pouvez pas être des fantômes normaux ? Allez hanter un vieux manoir ! J'ai entendu dire que Pasadena est sympa.

Je pousse un grognement, oui je sais, très mature, et je quitte les lieux moi aussi. Mais je n'ai même pas encore atteint le portail de la maison, que Harry se matérialise devant moi.

— Raaahhh ! Arrête de faire ça. Je suis sérieux !

— Désolé.

Il avance vers moi.

— Que veux-tu ?

Il jette un bref regard vers le studio, puis revient vers moi, l'air excité.

— Je sais que c'est dingue, mais tu réalises combien c'est génial ? Des gens, de vraies personnes nous entendent jouer.

— Ouais, je lui réponds, les bras croisés, en poussant un soupir las. Super. Mais je viens de passer une journée vraiment vraiment mauvaise. Je dois y aller.

Je le contourne — aller savoir pourquoi. C'est un fantôme ! je peux passer à travers ! — et me dirige de nouveau vers le portail, mais il m'arrête une fois de plus.

— Désolé pour ta journée. Mais 2 gars viennent juste de découvrir qu'ils ont passé 25 mauvaises années.

Et là, je me sens con. Mais vraiment con. Je suis là, je fais ma diva en me lamentant sur ma mauvaise journée... alors qu'eux sont morts. Je suis bien vivant, moi ! Je devrais être compatissant.

— Alors imagine lorsqu'ils découvrent que la seule chose, la seule chose pour laquelle il vivait au départ, ils peuvent toujours la faire. C'est génial !!

Il s'exprime avec un tel enthousiasme, une telle passion, qu'elle en est presque contagieuse. Sauf que, mon ego revient en force et je ne fais qu'approuver ses dires sans montrer qu'il a réussi à m'atteindre.

— Tu as raison. C'est juste...

— Un mauvais jour, termine-t-il pour moi.

Il a l'air déçu. S'il savait... Je hoche juste la tête.

— Ouais, je sais.

Il veut laisser tomber et faire demi-tour, mais se ravise au dernier moment.

— Désolé de chambouler ta vie, mais ce que j'ai ressenti me fait me sentir vivant de nouveau. On s'est tous sentis vivants.

Il pointe alors le studio et poursuit :

— Tu peux nous virer, mais on n'abandonne pas la musique. On peut jouer à nouveau ! Aucun musicien ne peut refuser un tel cadeau ! Tu dois le savoir, ta mère adore la musique.

— Adorait, je le corrige. Elle est morte.

Il a un instant de silence. Son regard est tellement chargé d'émotions à cet instant que j'ai du mal à maintenir le contact.

— Je suis désolé.

— On ne savait pas, ajoute Liam.

Je tourne la tête dans sa direction pour constater qu'ils étaient tous les deux juste derrière moi.

Depuis combien de temps nous écoutent-ils ?

Toute colère s'est définitivement envolée devant leur sincérité et leur compassion.

— Ce n'est rien. Vous... ne l'auriez pas vue... d'où que vous veniez ?

— Non. Tu es la première personne qu'on a vue, me répond Liam.

— Oui, mais elle n'est pas morte, donc ça ne répond pas à sa question, ajoute Zayn.

— Oui, mais je crois qu'elle a compris ce que je voulais dire. Puis en se tournant vers moi, Liam rajoute : toutes mes condoléances.

— Merci.

Bon, ils n'ont pas l'air si chiants que ça. À vrai dire, on pourrait même bien s'entendre. Encore une fois, je me suis emporté trop vite. Je les ai jugés, car ce sont des musiciens. Je n'avais même pas cherché à les connaître.

— Je m'excuse aussi de m'être énervé. Les gars, vous êtes plutôt bons.

— Plutôt ? s'étonne Harry. Tu sais qu'on est un peu rouillés après 25 ans.

OK, sa réaction me fait sourire. Je crois qu'il a un ego encore plus grand que le mien !

— Tu joues aussi du piano ? Tente Zayn pour changer de conversation.

Bon, sa tentative rate lamentablement. Mais ça, il ne pouvait pas le savoir, donc on va garder un semblant de sourire.

— Non. Je ne joue pas. C'était les trucs de ma mère.

— C'est une parolière de génie ! s'extasie Harry.

— Oui, elle l'était. Attends, comment tu le sais ?

— Il y a une chanson à elle sur le piano. Enfin, si c'est la sienne... Ta mère était super douée.

Oh non. Oh, mon dieu. Une boule grossit dans ma gorge, m'empêchant de leur répondre. Et je sens qu'il n'en faudra pas beaucoup plus pour que je fonde en larmes.

« Vite, pense à quelque chose de dégoûtant ! »

Le silence s'éternise, et quand je leur tourne le dos, je remarque que ma tentative a fonctionné. Je leur dis alors :

— J'imagine... si vous avez besoin d'un endroit où rester... vous pouvez rester ici. Il a une salle de bain dans le fond et un canapé-lit, si vous utilisez encore ça.

— Preum's à la douche ! crie Zayn tout sourire.

Devant les regards interloqués de ses amis, il se justifie

— J'aime les douches et parfois un bon bain.

Harry le dévisage en retenant un rire.

— Ça, c'est trop bizarre, je conclus en les désignant. Ouais.

Puis je franchis le portail pour rentrer à la maison.

***********************

Je suis de retour dans ma chambre. Après avoir préparé mes affaires pour demain, m'être douché et mis en pyjama, je stoppe brusquement le sms que j'étais en train de taper à mon meilleur pote.

« Que dirais-tu si je te confiais que 3 fantômes vivent dans le studio de ma mère ? »

— Tu dirais que je suis probablement fou.

J'efface alors ma saisie sans une once d'hésitation. Il vaut mieux que je lui cache ça, car la première chose que Stan ferait ? Téléphoner à mon père pour le prévenir.

Oh, non, ce n'est pas une balance, loin de là ! Il est juste inquiet pour moi. Quand maman est morte, j'étais en mille morceaux. Je n'avais plus goût à rien : je ne pratiquais plus de musique, je n'allais plus au lycée, je ne mangeais plus... je suis même resté enfermé dans ma chambre pendant 1 mois entier sans vouloir en sortir !

C'est grâce à Stan que j'ai réussi à surmonter cette terrible perte. Il m'a soutenu, jour et nuit, même dans les moments les plus difficiles. Il s'incrustait dans ma chambre pour manger avec moi, jusqu'à ce que j'en ai marre et que je sorte pour manger avec ma famille : 1re mission réussie.

Il passait toutes ses soirées avec moi, à faire ses devoirs sous mes yeux. Sauf qu'il est tellement nul en math et en physique, que j'ai vite perdu patience et suis retourné en cours pour son bien : 2e mission réussie.

En fait, sa tactique ? me faire chier ! Il me connaît par cœur, connaît mes points faibles, il appuie juste où il faut quand il faut...

Alors, si je lui dis vraiment qu'il y a 3 fantômes chez moi, c'est réunion familiale et retour chez le psy, non merci ! ça me fait mal au cœur, mais je ne dois rien lui dire.

J'éteins mon téléphone et le jette sur la couverture derrière moi. Avant de plonger sous les couvertures, je m'attarde sur la beauté de la nuit.

Le ciel est dégagé, les étoiles illuminent le ciel comme des milliers de paillettes scintillantes... Maman adorait les paillettes, elle en mettait partout sur ses tenues de scènes.

Je reste ainsi sans bouger, observant juste l'éclat de la nuit, nostalgique. Puis, de folles idées me viennent en tête.

Et si c'était elle, qui scintillait le ciel cette nuit, pour me montrer qu'elle est toujours avec nous et qu'elle me regarde ?

Et si c'était elle, qui m'avait envoyé ces 3 fantômes ?

J'étouffe un rire et détourne le regard. Pourquoi me les aurait-elle envoyés ? Quel aurait été son but ? Je déraille un peu trop, il est temps que j'aille me coucher.

Alors je me blottis sous ma couette et tombe bien vite dans les bras de Morphée.

***********************

Le lendemain matin, une fois douché et rassasié, une autre envie s'insinue lentement dans mes veines, une envie que je n'ai pas ressentie depuis des mois : celle de laisser virevolter mes doigts sur les touches de mon piano, celle de chanter les chansons de ma mère.

Et je crois que les gars y sont pour quelque chose.

« Imagine lorsqu'ils découvrent que la seule chose, la seule chose pour laquelle il vivait au départ, ils peuvent toujours la faire. C'est génial !! »

« Ce que j'ai ressenti me fait me sentir vivant de nouveau. On s'est tous sentis vivants. »

« Tu peux nous virer, mais on n'abandonne pas la musique. On peut jouer à nouveau ! Aucun musicien ne peut refuser un tel cadeau ! »

Il était si enthousiaste et, ironiquement, si plein de vie, quand il me parlait de sa musique ! Pourtant il est mort, ils sont morts. Moi, je suis bien vivant, à me lamenter sur mon sort. Oui, ma mère est morte, oui, c'était une musicienne de talent, oui, j'ai toujours un pincement au cœur quand je repense à nos duos. Mais cela a assez duré, non ?

Il est temps que j'avance ! J'étais, moi aussi, si joyeux et plein de vie quand je jouais du piano, quand je chantais. Ces émotions me manquent, tout ça me manque.

Envahi soudain d'une douce chaleur et d'un regain d'énergie, je débarrasse la table et quitte la maison pour le studio de maman.

Je suis censé aller en cours, mais je suis en avance, et de toute façon ni mon père ni mon frère ne m'interdiront de faire ce que je m'apprête à faire, quitte à rater ma première heure. Bien au contraire.

J'ouvre la porte et pose mon sac dans l'entrée.

— Les gars ? Je les appelle, pour être sûr d'être seul.

Aucune réponse, j'avance alors un peu.

— Les gars ? Je répète, mon regard s'attardant dans chaque recoin de la pièce.

Toujours rien. Je suis bel et bien seul.

Je me dirige alors vers le piano de ma mère. Mes doigts en frôlent le bois alors que je le contourne, comme pour en ressentir les vibrations des émotions et des souvenirs qui y sont ancrées.

J'étale alors devant moi la partition de ma mère, sa dernière partition, sa dernière chanson... qu'elle avait écrite pour moi. La seule que je ne connais pas, car elle avait toujours refusé que je la lise.

Alors que je m'assis, plus par réflexe que par envie, je me rends compte que cette boule dans ma gorge n'est pas là aujourd'hui. Cette angoisse a décidé de me laisser tranquille et s'est envolée. C'est donc aujourd'hui, c'est mon moment. Ici et maintenant, sur ce piano, avec sa chanson. Le déclic que j'attendais pour revivre...

Je soulève le couvercle, aucun tremblement. Alors je laisse aller mes doigts, je les laisse virevolter sur les touches, reproduisant cette douce mélodie. C'est comme s'ils n'avaient jamais arrêté. J'ai cette assurance qui m'envahit lentement, et petit à petit je retrouve ces sensations qui m'étaient inconnues depuis des mois.

Je commence à chanter. Même ma voix est restée la même et me conforte dans mon choix, ma décision de jouer ce morceau, ce matin, de reprendre ma vie en main, de vivre à nouveau...

Arrivé au refrain, je comprends maintenant pourquoi elle m'interdisait de la lire. Il fallait que je le fasse le moment venu, le moment où je serai prêt. Aujourd'hui...

« Et tu utilises ta douleur

Car elle forge ta personnalité

J'aimerais pouvoir te tenir la main

Mais ce n'est pas pareil

Tu dois suivre ta voie

Et je veux que tu le fasses

Alors, lève-toi et marche

Rallume ce feu en toi

Tu connais le reste par cœur

Réveille-toi, réveille-toi

Ton heure est venue

Cherche autour de toi

Regarde en toi

Peu importe ce que tu perds

Tu as plus à y gagner

Élever ta voix sous la pluie

Réveille ton rêve et réalise-le

Cherche autour de toi

Regarde en toi

Peu importe ce que tu perds

Rallume ce feu en toi

Il est temps de sortir de l'ombre

Réveille-toi »

Mon rêve...

Mon rêve était de chanter avec ma mère. De chanter pour elle, pour moi, pour partager avec le monde entier mon amour pour la musique, mes passions, mes envies, mes sentiments...

Malgré le fait qu'elle s'en est allée il y a déjà un an, elle me dit à travers cette chanson qu'elle est et sera toujours à mes côtés. Elle me dit de foncer, de réaliser mes rêves.

Et, plus j'avance dans la chanson, plus une chaleur réconfortante m'envahit, une douce énergie qui remplie chaque cellule de mon corps, comme pour le ranimer définitivement, le ramener à la vie, me ramener à la vie...

L'ancien moi est revenu.

Je suis revenu.

Je lève les yeux, dans un remerciement silencieux dédié à la femme de ma vie. Puis, dans un trop-plein d'énergie à évacuer, je ne peux alors m'empêcher de sourire en chantant le reste de la chanson, c'est plus fort que moi. Je me lève même, par moment, sous le coup de la puissance des paroles :

« Réveille-toi

Réveille-toi

Alors, réveille cet esprit

Je veux l'entendre (je lève les yeux vers le ciel, vers ma mère)

Inutile de le craindre

Tu n'es pas seul

Tu vas trouver ta voie

Ohhhhhh

Réveille-toi, réveille-toi

Ton heure est venue

Cherche autour de toi

Regarde en toi

Peu importe ce que tu perds

Tu as plus à y gagner

Élever ta voix sous la pluie

Réveille ton rêve et réalise-le

Cherche autour de toi

Regarde en toi

Quand tu te sens perdu

Rallume ce feu en toi

Il est temps de sortir de l'ombre

Réveille-toi (je me rassis, pour finir en douceur)

Mmhhh Réveille-toi »

Ce sourire que je sens radieux ne veut plus quitter mes lèvres, même si la chanson est à présent terminée. Je me saisis alors de la dernière feuille de la partition, et je peux y lire un message de ma mère :

« Louis, tu peux le faire ♥

Je t'aime, maman. »

Je retiens une larme, mon sourire toujours présent, et serre la feuille contre mon cœur.

« Oui, maman, je te le promets. Je vais le faire, je vais y arriver. »

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