PDV Yeong Suk

Ma tête me faisait mal, j'avais l'impression que quelqu'un s'amusait à me taper sur le crâne avec un marteau-piqueur. Je portai une main à ma tempe par réflexe.

Heureusement pour moi que j'étais assise, sinon je serais certainement tombée.

Nothing last forever.

Ces trois mots résonnaient en boucle dans mon esprit.

Il me semblait que Won Woo me parlait mais c'était comme si une bulle m'entourait, étouffant les sons autour de moi.

Nothing last forever.

Pourquoi cette phrase ne voulait-elle pas quitter mes pensées ?

Flashback

J'ouvris la porte avec toute la délicatesse qui me caractérisait, c'est-à-dire d'un coup de pied. Cette porte était lourde et j'avais plus de force dans mes jambes que dans mes bras, alors j'y étais plus ou moins obligée.

Une fois à l'intérieur, je le découvris avachi sur le canapé, comme à son habitude torse nu. Je levai les yeux au ciel en retenant un sourire. Il ne changerait jamais.

Je m'approchai le plus silencieusement possible avant de me jeter sur lui pour lui faire peur. Ce qui échoua lamentablement.

-Renouvelle-toi un peu, ça devient lassant, fit-il mine de bâiller avant de me sourire.

-T'es pas drôle, oppa.

-Je sais.

Je lui rendis son sourire puis me pelotonai contre lui.

-On est en plein hiver, t'as pas froid ? m'enquis-je.

-Non, je suis bien. Et puis si je mettais un t-shirt et que je te demandais un câlin, de un ça ferait mal à ma fierté, et de deux, te connaissant, tu me regarderais en haussant un sourcil, les mains dans les poches, et tu me dirais "T'as cru quoi, mon chou ? J'ai mieux à faire de ma vie que de te servir de machine à câlins".

-Possible, admis-je. J'ai vraiment un caractère pourri.

Il rit à mon constat, loin de me contredire, mais je ne m'en préoccupai pas. À la place, je fermai les yeux, laissant le garçon me serrer contre lui et jouer avec mes cheveux. Je me sentais bien. Presque inconsciemment, je me mis à retracer les lettres sur sa hanche droite. Nothing last forever. Je trouvais cette phrase un peu trop pessimiste à mon goût mais en même temps bien trop réaliste.

Je me promis intérieurement que, même si rien ne durait éternellement, je serais toujours là pour lui. Je serais son éternité.

Fin flashback

Je clignai des yeux, perdue. Que venait-il de se passer ? Était-ce... Un souvenir ? Non. Non, c'était impossible. Il s'agissait seulement de ma migraine qui me faisait divaguer. J'avais trop entendu dire que je ressemblais à Na Bi et ça me montait à la tête. Mais... Et si c'était réellement un souvenir ? Dans ce cas qu'est-ce que signifiait ce que j'avais vu ? Étais-je cette fameuse Na Bi dont ils parlaient tous ? Et quelle était ma relation avec Won Woo ? Peut-être qu'il était mon frère, après tout je l'avais appelé "oppa" et j'avais les clés de ce qui semblait être chez lui...

Remarquant finalement qu'on me secouait, je levai les yeux. J'étais nez-à-nez avec Won Woo et je pouvais clairement discerner de l'inquiétude dans son regard.

-Tu m'entends ? Ça va ? me demanda-t-il quand il s'aperçut que je réagissais enfin.

-J'ai juste mal à la tête, c'est rien...

-T'es sûre ?

Il n'avait pas l'air convaincu mais il n'insista pas quand je confirmai d'un signe de tête. Il s'éloigna légèrement de moi.

-Tu veux que j'aille te chercher un truc ?

-Non merci.

-Ok, fit-il avant de se lever et de se retourner vers son propre lit.

Je sentis immédiatement ma gorge s'assécher en découvrant son dos. Je connaissais ce dessin encore mieux que la phrase sur sa hanche, et surtout je ne pouvais pas en douter. Parce que j'avais très exactement le même.

-W-Won Woo... Oppa ? ajoutai-je après une hésitation.

Il se tourna une nouvelle fois dans ma direction, l'air interrogateur.

-Oui ?

-Ce tatouage...

Il haussa un sourcil.

-Le tigre ? me demanda-t-il.

J'acquiesçai.

-Qu'est-ce qu'il a mon tatouage ?

-Il représente quoi pour toi ? me lançai-je, redoutant déjà la réponse.

-Ma famille.

Il n'y avait pas la moindre trace d'hésitation dans cette affirmation.

-Ta famille ? répétai-je bêtement.

Il acquiesça.

-Le gang est ma famille depuis le jour où j'y suis entré et il le sera jusqu'à ma mort, ajouta-t-il.

Je sentis mes mains se mettre à trembler et je dus prendre l'oreiller dans mes bras en le serrant de toutes mes forces pour ne pas que ça se remarque. C'était exactement ce que je craignais. Je pris une profonde inspiration. Tout ce qui se passait ce soir était totalement irréaliste. Je devais être en train de dormir. C'était un cauchemar. Juste un cauchemar.

-Et toi ? me demanda-t-il.

-Hein ?

-Le tigre. Qu'est-ce qu'il représente pour toi ? précisa-t-il.

J'écarquillai les yeux sous la surprise.

-Me regarde pas comme ça, je t'ai déjà dit que j'étais sûr à quatre-vingt-dix-neuf pourcents du fait que tu sois Na Bi, donc c'est normal que je sache pour ton tatouage.

-Désolée de te décevoir, mon cœur, mais apparemment le un pourcent s'est réalisé. Je vois absolument pas de quoi tu parles, déclarai-je en me levant.

J'avais besoin d'air. Et aussi de parler à quelqu'un, mais surtout de sortir. Je le fis donc, sans un regard pour mon colocataire provisoire. En quittant la chambre, je croisai Seung Cheol oppa qui rentrait. Il parut surpris de me voir dans le couloir mais ne posa pas de question et me laissa faire. Je dévalai les escaliers, ma fatigue momentanément oubliée, et partis me réfugier dans notre salle-à-manger. Là, je me dirigeai automatiquement vers la fenêtre la plus proche, non sans avoir attrapé une chaise au passage. Je m'installai à califourchon sur cette dernière et commençai à compter les étoiles pour me détendre.

Je n'aurais pas su dire combien de temps s'était écoulé avant que le bruit de la porte ne me ramène à la réalité.

-Yeong Suk ? s'étonna Han Sol dans mon dos.

Je tournai la tête vers lui et lui adressai un sourire forcé. Il prit une chaise avant de venir me rejoindre.

-Qu'est-ce que tu fais là ? me demanda-t-il.

-J'arrivais pas à dormir, je sais pas pourquoi, mentis-je. Et toi ?

Il leva son briquet devant mes yeux et je l'interrogeai du regard.

-Les hyungs commencent à se demander si j'ai pas des tendances pyromanes, même si ils me l'ont jamais vraiment dit. Je les connais par cœur. Du coup je me retiens au maximum de... Jouer avec le feu devant eux, m'avoua-t-il.

-Honnêtement, je me suis posée la même question, fis-je. Mais du moment que tu fais attention à ce que tu fais avec tes flammes ça me dérange pas.

Mon ami me sourit et je le lui rendis.

Nous restâmes silencieux un long moment, chacun perdu dans nos propres pensées, jusqu'à ce que je ne rompe le silence.

-Han Sol ?

-Oui ?

-Est-ce que... Tu pourrais me parler un peu de Na Bi, s'il-te-plait ? lui demandai-je.

-Yeong Suk, je t'ai déjà dit que...

-Je te demande pas grand-chose, l'interrompis-je. Je veux pas que tu me racontes comment elle est morte ou quoi que ce soit, je me demande juste quel genre de fille c'était, à quoi elle ressemblait... Enfin à part à moi, je veux dire.

Je le vis hésiter mais il accepta finalement.

-Merci.

-De rien.

Il se tut un instant pour réfléchir avant de reprendre la parole.

-C'était une fille bien. Géniale, même. D'accord elle avait peut-être le pire caractère possible mais elle était toujours là pour nous, quoi qu'il arrive. Elle frappait rarement, son truc c'était plutôt les mots, mais quand elle le faisait elle le faisait bien. Je dirais que dans le gang on a tous une sorte de spécialité : moi je fais brûler des trucs, Seung Cheol hyung s'occupe de la logistique, Ming Hao hyung est le roi du combat à mains nues, Min Gyu hyung gère tout ce qui est mise en œuvre safe de transactions comme personne mais son vrai truc c'est les armes blanches, Jun hyung est le meilleur tireur que j'ai jamais rencontré et Won Woo hyung s'occupe de tout ce qui est "sale boulot" avec un sang froid de malade. Na Bi, elle, son truc c'était de toucher pile là où ça fait mal. Les insultes, la colère calme et froide, l'utilisation de secrets, de souvenirs, de peurs, de points faibles... Elle savait toujours exactement quoi utiliser contre la personne face à elle pour la rendre folle ou la faire s'effondrer. Je sais que ça peut paraître horrible, dit comme ça, mais moi je trouve ça cool. En fait, on l'admirait tous pour ça et tous ceux qui la connaissaient la respectaient. Elle était vraiment incroyable. Vraiment. Et puis... Elle m'a sauvé la vie, tu sais. Si elle avait pas été là pour moi, je serais sûrement pas en train de te parler aujourd'hui, ajouta-t-il dans un murmure.

La lumière de la Lune me permit d'entrevoir ses yeux. Ils brillaient comme s'il était à deux doigts de pleurer.

-Désolée de t'avoir fait parler de ça, m'excusai-je sincèrement mais il secoua négativement la tête.

-On a pas arrêté de dire que tu lui ressemblais mais personne a voulu te parler d'elle, c'est normal que tu te poses des questions, affirma-t-il avant de se lever de sa chaise. Je... Je vais aller me coucher.

-D'accord, dors bien.

-Merci, toi aussi. Oublie pas qu'on se lève, demain, me rappela le garçon.

-T'inquiète.

Il m'adressa un dernier signe de tête avant de me laisser seule dans l'obscurité de la salle-à-manger. Lorsqu'il eut disparu, je laissai échapper un soupir. Était-il véritablement possible que je sois Na Bi ? En toute honnêteté, je commençais à y croire mais ça me faisait peur. Pas vraiment à cause de ses liens avec le gang mais plutôt parce que j'avais peur de connaître la vérité, de savoir ce qu'avait été mon passé, quelles horreurs j'avais pu vivre pour que tous me croient morte, et surtout de la réaction des garçons s'ils apprenaient que je l'étais. Je ne voulais pas être cette Na Bi. Je voulais être une fille banale venant d'une famille banale et ayant eu un accident malheureux mais tout aussi banal. Mais il commençait franchement à y avoir trop de coïncidences qui s'accumulaient pour que je puisse écarter l'hypothèse. En fait, il commençait même à y en avoir trop pour que ce ne soit pas l'hypothèse la plus probable quant à mon identité.

Sentant la migraine refaire son apparition, je fermai les yeux et posai la tête sur mes bras, eux-même sur le dossier de la chaise. Chose que je regrettai immédiatement car dès que mes paupières furent closes, une sorte de flash m'apparut.

J'avais l'impression de me noyer.

On remercie digidi_ pour ce chapitre ! Si elle me l'avait pas demandé vous l'auriez eu le weekend prochain mais du coup vous l'avez aujourd'hui ^^ J'ai eu pas mal de temps samedi après-midi donc j'ai écrit le 17 et le 18 à la suite, maintenant il va falloir attendre pour le 19~

J'espère que le chapitre vous a plu, dites-moi ce que vous en pensez !

À bientôt (du moins j'espère) mes fourmis :3