6.

Plus je passais du temps avec Hero, plus la voix de ma raison se faisait lointaine. Comme si elle n'existait plus. Seules mes hormones me dictaient la marche à suivre. Plus rien d'autre ne comptait. Rien ne pouvait me raisonner. Enfin, c'était le cas, au début. J'étais redevenue cette adolescente en plein éveil sexuel, toujours plus avide de recevoir... et de donner. Mais, au fil des jours, les hormones ont passé le relais à leurs supérieurs et, à partir de là, c'était le début de la fin...

*

J'insère la clé dans la serrure de la porte de mon appartement, situé dans le quartier de Westminster, au quatrième étage d'un immeuble cossu. C'est un lieu très spacieux, très lumineux, lorsque le soleil ne se cache pas derrière les nuages. De grandes baies vitrées donnent sur le centre-ville. Le balcon offre une vue imprenable sur la Tamise. Parfois, j'aime regarder passer les bateaux-mouches, et imaginer être un des passagers à bord. Je n'ai jamais navigué, même sur un lac. De plus, dans le Kent, ma région natale, les lacs ou autre vastes étendues d'eau sont plutôt rares. Pour cela, il faut aller sur la côte.

Cette demeure est devenue "mon" chez-moi le jour où j'ai accepté d'emménager avec Matt, il y a deux ans de cela. J'avais longuement hésité à prendre ma décision. Je ne voulais pas délaisser ma meilleure amie, avec qui je vivais en colocation depuis notre arrivée à Londres mais, d'un autre côté, je sentais que le manque d'intimité que nous expérimentions était un frein à notre relation amoureuse.

Enfin... ça le dérangeait plus à lui, qu'à moi. Je tiens à le préciser. J'avais l'habitude qu'Angie ramène des hommes à la maison. Et dans ces cas-là, celle qui se retrouvait seule devait dormir sur le canapé. Nous avions toujours fonctionné de cette manière. Quand Matt venait à la maison, le fait qu'Angie soit dans les parages lui déplaisait fortement. Son comportement envers ma meilleure amie contribua fortement à venir vivre avec lui. Je voulais éviter tout conflit entre eux.

Et me voilà dans ce logement, bien au-dessus de mes moyens. Je n'aurais jamais pensé habiter dans le cœur de Londres, dans un pied-à-terre aussi clinquant. Mais le salaire de trader de Matt lui permet de s'offrir un peu de luxe dans sa vie.

J'ouvre la porte et entre. Les lumières de la spacieuse salle à manger sont allumées. J'en déduis donc que mon compagnon est rentré. Depuis notre confrontation, je n'avais pas eu de nouvelles de lui. Je n'avais pas cherché à en avoir non plus.

Malgré le litre de café que j'ai bu depuis mon réveil, et la quantité phénoménale d'aspirine que j'ai ingurgité, mon esprit est encore embrumé et la douleur tenaillant mon crâne est un constant rappel que je ne boirai plus autant. A présent, sachant que Matt est dans le même espace que moi, la perspective de me lancer dans une conversation sérieuse avec lui était vraiment la dernière chose que j'avais envie de faire.

J'enlève la veste qu'Angie m'a prêté avant de partir. Bien qu'hier soir, le temps était plutôt clément et la température des plus douces pour ce printemps, cet après-midi s'était avéré plus venteux et pluvieux. Je l'accroche précautionneusement sur le porte manteaux, à côté de l'entrée. Je me dirige vers le miroir fixé au-dessus d'une commode en bois blanc. Je prends soin de vérifier que le suçon que j'arbore honteusement dans mon cou est bien dissimulé. Avant de partir, ma meilleure amie m'a aidé à le camoufler à grand renfort de fond de teint et de correcteur. Malgré tout, une petite tâche rose persiste qu'aucun maquillage ne saurait effacer. Il n'y est vraiment pas allé de main morte. En passant la main sur l'endroit encore sensible, je suis indubitablement renvoyée dans les bras de l'inconnu. Le souvenir de sa bouche sur ma peau...

Il faut que j'arrête d'y penser.

Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. C'était bien, mais il n'y aura jamais de suite. J'ai également lâché mes cheveux, qui tombent en cascade fluide sur mes épaules. Ma tête fait peur à voir... Argh... Je ne peux que grimacer devant mon affligeant reflet. Et ces cheveux... Je dois vraiment les couper !

Je suis tirée de mes songes lorsque j'entends des pas approcher. Je me retourne et aperçois Matt venir dans ma direction. Son expression est impassible. Mes yeux descendent rapidement sur son torse. La seule chose sur laquelle j'arrive à me focaliser est le sweatshirt bleu marine à capuche qu'il a enfilé. Très près du corps, il moule sa musculature à merveille. Je suis carrément hypnotisée par ses pectoraux se rapprochant de plus en plus.

Il s'arrête à une distance raisonnable et croise les bras sur sa poitrine.

- Je vois que tu as passé une bonne soirée, constate-t-il en me détaillant de la tête aux pieds.

Il n'y a aucun reproche dans sa voix. Je m'approche de lui, remettant mes cheveux correctement pour cacher la marque de la honte.

- C'était vraiment génial. Jade a vraiment apprécié, je réponds en souriant. Et toi ?

- Tu veux dire, après que tu as décroché ton téléphone, au lieu de parler de nos problèmes ? demande-t-il, non sans une pointe de sarcasme.

Je m'arrête, levant les yeux au ciel. Son ton cordial n'était qu'une façade. Évidemment, il est obligé de me renvoyer mes torts en pleine figure. J'ai horreur de ça.

- Quoi ? Tu croyais que j'allais laisser passer ça ? Tu m'as clairement manqué de respect, June. Je pense que nos problèmes méritent plus d'attention que ta petite fête, me reproche le grand brun aux yeux verts en face de moi.

Je souffle longuement, en levant, de nouveau, les yeux au ciel. Qu'il peut être exaspérant !

- Écoute, j'ai pris une méga cuite, j'ai le cerveau à l'envers et je ne suis vraiment pas d'humeur à me lancer dans un débat avec toi, maintenant, je grommelle en passant à côté de lui, me dirigeant vers la cuisine.

Il se retourne et me suit du regard, outré, avant de me rejoindre. J'ouvre la porte du réfrigérateur américain gris pour en extirper une petite bouteille d'eau en plastique.

- C'est bien ça, le problème ! Tu n'es jamais d'humeur pour rien ! râle-t-il, en posant une main sur l'îlot central en marbre anthracite.

Après avoir bu une gorgée d'eau fraîche, je me retourne vers lui, plus que décidée à mettre un terme à cette conversation.

- Tu veux savoir ce qui ne va pas ? Je n'en ai aucune idée ! Tu penses que le problème vient de moi... peut-être, je n'en sais rien. Il peut tout aussi bien venir de toi ! Même si, au lit, tu n'as aucun souci pour te soulager, le fait que je n'y arrive pas vient aussi s'expliquer par le fait que tu ne fasses pas ton boulot correctement... T'as pensé à ça ?

Matt ferme les yeux, fronçant les sourcils et essayant de suivre la logique de ma pensée. Il se frotte rapidement le visage, arborant désormais une expression perplexe.

- Attends... si tu n'arrives pas à jouir... c'est de ma faute ? me demande-t-il, offusqué.

- Viens avec moi, on va tester quelque chose, je lui propose.

Je me dirige vers l'escalier en colimaçon, trônant fièrement au milieu de la salle à manger. Je commence à monter les marches et constate que Matt me talonne de près. Arrivé dans la chambre, j'allume la petite enceinte Bluetooth se trouvant sur ma table de chevet et fais défiler ma liste de musique sur l'écran de mon portable. Finalement, je trouve celle que je cherche et les premières notes de "Lost In The Fire" de The Weeknd emplissent la pièce. J'allume les deux lampes, histoire de créer une ambiance tamisée.

Depuis la porte, Matt me regarde m'affairer sans trop savoir ce que j'ai en tête. Je m'approche de lui et l'invite à entrer. La perplexité se lit toujours sur son visage. Il se place juste devant le lit. Je le rejoins, me mettant dos à lui et commençant à danser, comme je l'ai fait en boite quelques heures plus tôt.

- Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-il, confus.

Je tourne la tête vers lui.

- Laisse-toi porter par la musique...

J'esquisse un sourire en coin en me trémoussant devant lui. Je passe mes bras autour de sa nuque, en fermant les yeux. Je le sens tendu, pas du tout à l'aise.

- Mets tes mains sur mes épaules, je soupire.

Mon petit-ami s'exécute et ses doigts chauds atterrissent à la base de mon cou. Inévitablement, je sens de nouveau le toucher de l'inconnu, beaucoup plus intense. Je dois arrêter de penser à ça.

A lui.

Je m'empare de ses mains et les porte sur mon ventre, en dessous de mon débardeur. Matt commence à se détendre. Je peux sentir son souffle chaud près de mon oreille. Son bassin se met à bouger au rythme de la musique.

- June, murmure-t-il en déposant une pluie de baiser dans mon cou.

Je ferme les yeux, appréciant chaque seconde de ce doux contact. Je sens que ça vient. Mais, réalisant qu'il va bientôt atteindre l'endroit marqué par ma rencontre inattendue de cette nuit, je me retourne subitement pour plaquer mes lèvres sur les siennes. Mes mains se fraient un chemin jusqu'à ses cheveux, tandis que ses longs doigts me pressent un peu plus contre lui.

Nous basculons tous les deux sur le lit, me retrouvant à califourchon sur lui, poursuivant malgré tout notre baiser. Ma langue trouve rapidement la sienne et une danse endiablée commence. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas embrassé comme ça. Aussi... passionnément.

Matt retire son sweatshirt, tandis que mes doigts parcourent son torse musclé et poilu. Je n'ai jamais vu un corps aussi parfaitement sculpté. Mon débardeur ne tarde pas à rejoindre son haut sur le sol. Je sens les dents de mon compagnon mordiller ma clavicule, ce qui déclenche quelques petits frissons dans ma colonne vertébrale. Sa bouche remonte pour trouver mes lèvres, et ses mains s'aventurent vers les agrafes de mon soutien-gorge noir en dentelles. Quelques secondes plus tard, ma poitrine est libérée de son harnachement.

Nous nous relevons quelques instants pour nous débarrasser de nos pantalons et de nos sous-vêtements. Je pousse Matt en arrière, un sourire satisfait sur le visage, avant de grimper de nouveau sur lui. Il atterrit sur le dos, rebondissant sur le matelas grinçant. Il se délecte de ce spectacle. Une lueur sombre brille au fond de ses pupilles. Le désir, voilà ce que j'y vois. Cet éclat qui avait disparu et qui vient de faire son grand retour.

Alors que je m'apprête à l'embrasser de nouveau, je bifurque au dernier moment et ma bouche vient titiller le lobe de son oreille. J'y tire dessus avec les dents. Un grognement de plaisir sort de sa bouche, tandis que ses doigts s'enfoncent dans mes fesses. Mes lèvres atteignent son cou pour l'inonder de baisers. Une de mes mains quitte sa chevelure désordonnée pour se diriger vers son entrejambe, droite comme la justice. Je l'entends gémir et un sentiment de satisfaction m'envahit. Je commence un mouvement de va-et-vient. La tête de Matt bascule en arrière, se laissant habiter par le plaisir. Sa peau douce glisse entre mes doigts. Je quitte son cou pour voir les sensations que je lui procure. Son visage revient vers moi et ses lèvres s'approchent des miennes.

Matt me fait basculer sur le côté et, en quelques secondes, je me retrouve sous lui. Sa bouche, d'abord niché dans mon cou, descend vers ma poitrine, jusqu'à venir trouver un de mes seins et le torturer du bout de sa langue. A mon tour, je pousse des gémissements tout en serrant les draps dans mon petit poing. Cet exquis supplice fait soulever mon corps. J'en veux plus, et plus vite. Petit à petit, ses doigts se dirigent vers ma région pubienne. Sans lâcher le téton se trouvant entre ses lèves, il commence à tourmenter mon clitoris. Je suis au bord du précipice.

Ma main se fait plus pressante autour de son membre, accélérant la cadence. Comme dans une surenchère du plaisir, son index et son majeur glissent vers mon vagin pour s'y introduire, m'arrachant un gémissement plus sonore que les précédents. Je me sens glisser tout doucement mais sûrement dans les abysses de la jouissance.

Nos corps transpirants ne font plus qu'un lorsqu'il me pénètre. Cela n'avait rien à avoir avec les autres fois où nous faisions l'amour.

Non.

Cette fois-ci, c'était différent. Comme si nous étions en communion l'un avec l'autre. C'était cela qui nous manquait, cette communion, cette osmose entre nous. Je suis ravie de constater que nous l'avons retrouvée.

Alors que mon corps se tend, prêt à atteindre l'orgasme, la cadence de mon petit-ami ralentit. Surprise, j'ouvre les yeux. Les sourcils froncés, je le regarde me fixer. Ou plutôt... fixer mon cou. Il se redresse, arrêtant définitivement toute activité.

Honteuse, je porte instantanément ma main sur la marque, devinant la source de sa contrariété. Je maudis intérieurement l'inconnu de m'avoir fait ce suçon. Mais, c'est peine perdue. Le mal est déjà fait.

- C'est... C'est quoi, ce bordel, June ? demande-t-il en reculant, se retirant de moi. Qui t'a fait ça ?

Je rabats le draps sur mon corps dénudé.

- Ce n'est pas ce que tu crois, je commence. Hier soir, j'ai dansé avec un mec et... il ne s'est rien passé. Juste une danse qui a un peu dérapé.

Je lâche un petit rire embarrassé. Mais Matt, en face de moi, ne se déride pas. Il me regarde, un air sévère plaqué sur le visage.

- Une danse, hein ? Comme le numéro que tu viens de me faire ? raille-t-il en remettant son boxer noir. Tu me prends vraiment pour un con !

Je me lève pour lui faire face.

- Je peux te jurer qu'il ne s'est rien passé. J'avais beaucoup trop bu et ce mec est arrivé de nulle part et nous n'avons fait que danser !

- Le suçon dans ton cou dit le contraire ! Putain, tu t'es laissée...

Il ne termine pas sa phrase, grimaçant de dégoût. Il se détourne de moi et renfile son sweatshirt. Je comprends sa réaction. Si une fille lui avait la même chose et que je l'avais découvert en plein acte, je réagirais de la même manière.

- Matt, on peut discuter...

- Parce que, maintenant, t'as envie de parler ? pouffe-t-il. Tu sais quoi ? Je préfère appeler un pote et aller boire un coup au pub. Tu ne m'en voudras pas, d'accord ?

Son ton est tranchant et je reste muette devant cette réplique cinglante. Après s'être complètement rhabillé, il descend les escaliers et, comme la dernière fois, la porte de l'appartement claque. Enroulée dans mon drap, je reste là, immobile, avec cette impression désagréable de déjà-vu...



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