52.

[HERO]

Je me suis laissé complètement aveuglé par la jalousie, par mon égoïsme, par mon envie d'être coûte que coûte avec June. C'était plus fort que moi. Elle était à moi, à moi seul. Je ne voyais pas ce que j'étais en train de sacrifier pour atteindre mon but, et maintenant que j'ai tout perdu...

J'avais des projets pour elle et moi. Des trucs concrets, bien réfléchis et je suis certain qu'on serait toujours ensemble si le temps et les circonstances n'avaient pas joué contre nous. Je me voilais la face en pensant qu'entre les mensonges, les secrets et les trahisons, notre histoire pouvait avoir une issue favorable. Je me suis bourré le crâne d'illusions en croyant avoir droit à mon happy end et j'ai également entrainé June dans cette utopie, nourrissant ses fantasmes de bonheur et de grand amour. Et voilà où nous en sommes désormais : tous les deux malheureux comme la pierre. 

En parler au passé me crève littéralement le coeur et pourtant, c'est bien la réalité que je dois subir jour après jour après depuis le déluge qui s'est abattu sur moi, June et les autres. Ce vide incommensurable que je ressens et que je n'arrive pas à remplir me rend fou. Personne n'est ressorti indemne de cette histoire et c'est en grande partie de ma faute...

*

Durant le trajet pour nous rendre chez Hamza, un silence pesant règne dans la voiture, malgré la musique à la mélodie entrainante que les hauts-parleurs diffusent à un volume modéré. Angie, assise à côté de moi, est accoudée au rebord de la portière, regardant les différents bâtiments défiler par la fenêtre. Le poing collé contre sa tête, la meilleure amie de June se mure dans le silence depuis notre départ.

En ce qui me concerne, je ne suis pas en reste. Je suis obnubilé par le comportement de June avant de partir. Elle paraissait si distante, alors que quelques minutes plus tôt, nous étions encore collés l'un à l'autre dans son lit.

Je me fais peut-être des idées. C'est certainement le stress de son entretien — comme elle l'a dit — qui l'a mise sur les dents et qui l'a sans doute distraite.

Enfin, j'espère...

Je me retourne vers Angie qui semble, elle aussi, complètement perdue dans ses pensées. Elle qui était pourtant si pressée de partir voir Jade parait désormais beaucoup moins confiante. A moins que ce soit quelque chose — ou quelqu'un — d'autre qui lui prenne la tête...

- Si tu veux en parler... je lance, brisant cette tranquillité un brin angoissante.

Angie décolle la tête de son poing pour me regarder. Elle se redresse sur son siège en se raclant la gorge, tout en tentant de se donner contenance.

- Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai un problème ? me demande-t-elle sur la défensive.

- Oh, je ne sais pas, je lui réponds en faisant les gros yeux, mais en te regardant badder  à ce point, tu me donnes envie de me jeter sous les roues d'une bagnole, alors j'en déduis qu'il y a un truc qui cloche.

Mon sarcasme lui fait secouer la tête et lever les yeux au ciel avant de pouffer de rire.

- T'es con, soupire-t-elle.

- Et toi, tu n'as pas répondu à ma question, je lui rappelle. Alors ?

- Techniquement, tu ne m'as rien demandé.  T'as juste fait une déduction, alors tu ne peux pas exiger de réponse à une question qui n'a pas été posée, rétorque-t-elle avec satisfaction.

En y repensant, je dois admettre qu'elle a raison. Même contrariée, Angie reste très observatrice.

- T'es chiante, je lâche en souriant.

La brune aux mèches violines me tire la langue, un air triomphant contrastant avec l'inquiétude que je pouvais lire sur son visage quelques secondes plus tôt. L'ambiance s'est considérablement détendue suite à cet échange verbal plein d'esprit. J'avoue qu'Angie m'a bien eu sur ce coup-là, mais cette petite manœuvre de diversion ne peut fonctionner qu'une fois. Dommage pour elle, la meilleure amie de June vient de cramer son seul joker !

- Alors, tu vas me dire ce qui te mine ? j'insiste une nouvelle fois.

- Et toi ? Tu crois que je n'ai pas vu que t'étais tendu avant qu'on parte ? réplique-t-elle.

Fine observatrice, comme je le disais... ce qui peut s'avérer agaçant parfois !

Résigné face à sa répartie hors-pair, je lui explique alors que l'origine de ma contrariété vient de la distance possiblement imaginée par mon esprit tordu que June a instauré entre nous avant de quitter l'appartement.

- Je ne comprends pas, je poursuis. Avant le coup de téléphone, elle paraissait ne plus pouvoir se passer de moi. Elle m'a même fait comprendre que ça l'emmerdait d'être séparée de moi pendant mes trois jours en Italie et après... c'est comme si... je ne sais pas... comme si elle ne voulait plus que je l'approche ou que je la touche, même ! Enfin... je ne sais pas, j'ai senti des vibes bizarres venant d'elle...

Angie s'assoit de côté sur son siège pour me faire face. Repliant sa jambe gauche dont le pied passe sous son genou droit, elle me regarde avant de soupirer :

- June t'aime bien... beaucoup, elle me l'a dit elle-même dans la salle de bain, pendant qu'elle se préparait. Tu l'aides à s'épanouir et je pense qu'elle t'en est reconnaissante. Par contre, elle est toujours persuadée que tu ne veux pas t'engager dans une relation sérieuse...

La meilleure amie de June marque une pause, semblant réfléchir à la suite de sa réponse :

- Elle m'a dit également qu'elle n'était pas prête à s'investir dans une nouvelle histoire.

Ouais, rien que je ne sache déjà...

- Cependant, je suis persuadée qu'elle se demande si elle a des sentiments pour toi, m'avoue-t-elle avec un sursaut d'espoir. Quand je lui ai posé la question, j'ai eu la sensation que ça l'avait un peu contrariée et elle l'a balayée d'un revers de la main, sans vraiment y répondre...

Ça ne me dit toujours pas si c'est bon signe ou pas ! Voilà pourquoi je cherchais à tout prix à éviter de tomber amoureux : pour ne pas me prendre la tête avec des questions à la con qui n'ont pas de réponses concluantes !

- Comme tu le disais, t'as l'impression qu'elle ne peut plus se passer de toi... C'est peut-être une manifestation de ses sentiments, sentiments dont elle n'a sans doute pas encore conscience ! Et ça doit certainement lui ficher la trouille, d'où la distance qu'elle t'a imposé tout à l'heure !

Même si son explication est un peu perchée, elle tient la route. Alors, June me repousserait parce qu'elle a des sentiments pour moi ? Ce n'est pas si bête, après tout. Je l'ai bien fait, moi, quand je combattais ces putains de papillons dans le bide qui n'ont cessé de se multiplier avec le temps.

- Dany m'a dit que June n'allait pas se satisfaire longtemps de notre « arrangement »...Tu penses qu'elle voudra plus, toi qui la connais mieux que quiconque ?

- L'amour n'est pas une science exacte, beau gosse, me dit-elle, résignée. June est sortie de son schéma habituel dans sa vie amoureuse, alors c'est un peu difficile de prédire ses réactions. Pour l'instant, elle a l'air de s'en contenter. Tu lui fais beaucoup de bien et je ne crois pas qu'elle soit prête à renoncer à ça. En plus, ce qui est le plus drôle dans tout ça, c'est que vous vous comportez déjà comme un petit couple et qu'elle n'a pas l'air de le remarquer... ou peut-être qu'elle refuse de le voir ! Mais je te conseillerais quand même d'attendre d'être sûr avant de lui déballer ce que tu ressens pour elle.

Je suis prêt à patienter le temps qu'il faudra. Peu importe si cela doit prendre des jours, des semaines ou même des mois, je suis persuadé au plus profond de moi-même que June et moi, on est fait l'un pour l'autre. L'intensité des sentiments que j'éprouve pour elle, je ne la ressentirai jamais pour quelqu'un d'autre. Elle est mon premier amour et sera le seul. Et moi, je prie de toutes mes forces pour être son dernier.

- D'ailleurs, en parlant de Dany... commence prudemment Angie, changeant complètement de sujet, je voulais te remercier de me l'avoir ramené. J'ignore ce que tu lui as dit ou fait pour le convaincre, mais merci.

Je lui réponds par un simple haussement d'épaules. A vrai dire, je n'ai pas fait grand-chose ou dit quoi que ce soit de vraiment crucial. Il allait rentrer, j'en suis persuadé. Seulement, je pense qu'il comprend un peu mieux Angie après lui avoir exposé son point de vue sur sa façon de voir les choses.

Me voilà une fois de plus en mode « conseiller conjugal » ou « thérapeute de couple »... qui l'aurait cru ?

- Il faut que tu fasses le premier pas vers lui, je l'avertis. Dany t'aime, il me l'a dit. Et je sais que c'est aussi ton cas. Je n'ai pas connu ton premier mec mais je ne pense pas qu'il est inutile de comparer ce que tu as vécu avec lui et ce que tu partages avec Dany. Seulement, tu dois lui montrer qu'il ne s'accroche pas pour rien à votre histoire...

Angie semble prendre mes conseils en considération.

- J'ai eu peur, ce matin, avoue-t-elle à demi-voix, en baissant la tête, comme pour masquer la honte qu'elle éprouve. J'ai eu peur de l'affronter, de lui parler. Je ne sais pas quoi lui dire ou quoi faire pour lui prouver que...

Elle s'interrompt, cherchant éperdument ses mots. Voir Angie aussi peu sûre d'elle me renvoie à mes propres faiblesses. Nous qui aimons être en position de force, de contrôle, se retrouver ainsi, à la merci du bon vouloir de la personne qui fait battre notre coeur est une situation effrayante. Une des pires choses qui puissent nous arriver, en fait. Cependant, je sais que je peux lui faire totalement confiance dans des moments de doute, comme elle le fait en ce moment même avec moi.

- Tu as le choix : soit tu prends le risque de te lancer dans cette histoire avec lui, soit tu le libères de cette relation que vous avez nouée et tournes la page...

Angie soupire et pouffe de rire en fermant les yeux et en portant sa main à son front.

- Il a pris une place tellement importante dans ma vie que j'ignore si je serais capable de faire une croix sur lui, confesse-t-elle. Dès que je me lève, je n'ai qu'une envie : le voir. Dès que je me couche, je ne rêve que d'une chose : qu'il vienne me rejoindre dans ma chambre. Mais quand ça devient trop sérieux entre nous, je trouve toujours le moyen de saboter le moment... et ce, de la pire des manières. Tout ça parce que je suis mortifiée à l'idée de lui faire confiance, de lui confier mon coeur. Je suis pathétique, vraiment !

Encore une fois, je me retrouve entièrement dans ses paroles. Moi-même, j'ai usé de stratagèmes plus ou moins cruels pour tenir à distance certaines conquêtes, June y compris. Je me rappellerai toujours de l'expression à la fois déçue, meurtrie et furieuse que June arborait quand elle m'avait découvert au lit avec Miriam. A présent, je regrette tellement de lui avoir fait ce coup bas.

- La peur peut nous conduire à faire des conneries, je lui dis. June a été capable de me pardonner toutes les merdes que je lui ai fait subir... et je n'ai pas lésiné sur les moyens pour la repousser. Et pourtant, regarde où on en est, maintenant. Dany n'est pas con. Il sait que tu as agi plus par trouille que par méchanceté, alors il n'y a pas de raison qu'il ne passe pas, lui aussi, l'éponge sur tes erreurs.

Un éclair d'espoir traverse les yeux sombres d'Angie, qui semble se ragaillardir un petit peu. Si je peux l'aider à y voir plus clair, tant mieux. Elle mérite d'être heureuse et, du peu que j'ai côtoyé Dany, je suis certain qu'il peut être celui qui peut lui redonner confiance en l'amour.

- Parfois, je me dis que ça aurait été plus simple si toi et moi, on avait craqué l'un pour l'autre, et que June et Dany aient vécu la même chose de leur côté, lâche-t-elle simplement. Ça aurait évité pas mal de prises de têtes et de crises de larmes...

Je pouffe de rire en imaginant cette alternative. Dans le fond, elle n'a pas tort. Angie et moi recherchions la même chose avant de connaitre nos coups de coeur respectifs. Nous fonctionnons de la même façon quand il s'agit de trouver la bonne proie qui saura nous satisfaire. Pour ce qui est de June et Dany, eux aussi sont similaires sur bien des points. Ayant presque le même âge, à un peu plus d'un an près, ils sont mieux assortis sur le papier. Ils sont arrivés à un stade de leur vie où la raison l'emporte sur la passion, excepté dans de rares cas où les deux se combinent. Je ne peux pas parler pour Dany, puisque je ne le connais pas assez, mais je sais que June n'est pas encline à expérimenter cette vie de trentenaire que les diktats veulent imposer aux femmes de cette tranche d'âge.

Heureusement pour moi, d'ailleurs !

Je finis par garer la voiture au pied de l'immeuble où réside Hamza. Nous sortons du véhicule et nous dirigeons vers la porte d'entrée du building. Nous montons les marches menant au deuxième étage et arrivons devant la porte de l'appartement. Angie, à côté de moi, ferme les yeux et expire un bon coup avant de sonner.

- Prête à affronter Blondie ? je lui demande en riant.

- Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de jouer ma vie, là, me répond-elle en arborant une mine peu assurée.

- J'avoue qu'elle peut être assez terrifiante quand elle se fout en boule, je plaisante pour tenter de dérider mon amie. Y'a beaucoup de rage dans ce si petit bout de femme !

Ma boutade fonctionne lorsqu'Angie échappe un petit rire. Finalement, après quelques secondes, la meilleure amie de June pose son index sur la sonnette et presse le bouton. Hamza ne tarde pas à nous ouvrir la porte et parait surpris de nous trouver tous les deux sur le palier. Son regard passe plusieurs d'Angie à moi et semble complètement décontenancé par notre présence.

- Euh, les gars, je ne sais pas si c'est une bonne idée que vous soyez venus, nous dit-il gentiment mais avec réserve. Jade est toujours... remontée contre Angie et...

- Ecoute, je veux juste lui parler, le coupe cette dernière en passant devant moi. J'ai déconné hier et je dois m'excuser auprès d'elle. Tu peux lui dire que je ne suis pas là pour me disputer avec elle et que je ne veux pas la perdre ?

Mon pote secoue la tête en prenant appui avec son bras contre l'encadrement en bois de la porte.

- Je ne veux pas être désagréable, mais t'as fait beaucoup de mal à Jade. Elle est arrivée ici en larmes et elle a continué à pleurer jusque tard dans la nuit, nous apprend-il sur un ton sec. Elle a réussi à trouver le sommeil en plein milieu de la nuit et là, elle dort encore et je ne veux pas la réveiller.

Angie semble déçue par la réponse d'Hamza mais se résigne à l'accepter. Je suis étonné par ce changement notable dans le comportement de la meilleure amie de June. D'habitude, elle aurait levé la voix, serait entrée en conflit avec Ham jusqu'à ce qu'il obtempère et aurait forcé la confrontation avec Jade. Elle essaie vraiment de changer.

- Tu pourras au moins lui dire que je suis passée ? lui demande-t-elle d'une voix proche de la supplication.

- Oui, bien sûr, lui assure mon pote avant de refermer la porte aussitôt.

Je me tourne vers Angie qui affiche tant bien que mal un sourire de façade. Je sais qu'elle attendait beaucoup de cette entrevue et sa déception est palpable. Je passe mon bras autour de ses épaules et l'entraine vers la cage d'escaliers.

*

Nous sommes arrêtés à un feu rouge, sur le trajet retour vers Camden. A l'image de l'aller, un silence pesant s'est installé dans l'habitacle. J'en profite pour envoyer un texto à June pour savoir comment s'est passé son entretien. Vu l'heure tardive, il doit être déjà terminé. J'espère sincèrement qu'elle a décroché ce contrat — ce dont je ne doute pas, étant donné son talent — qui est une énorme opportunité pour elle. Travailler pour Vogue peut lui ouvrir des portes que certains peuvent mettre des années à atteindre. Nous redémarrons et, quelques instants plus tard, je sens le vibreur contre ma cuisse. J'attrape mon portable, coincé entre ma jambe et le siège et le tend à Angie :

- Tiens, c'est June.

La brune aux reflets violines tourne paresseusement la tête vers moi et s'empare nonchalamment du téléphone. Je lui donne le code à six chiffres pour le déverrouiller et une fois qu'elle accède à la messagerie, du coin de l'oeil, je vois son visage s'allonger et sa mâchoire s'ouvrir au ralenti. Son expression hébété ne me dit pas s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle et ce genre de suspense, je n'en suis pas trop fan !

- Bon, accouche ! Qu'est-ce qu'elle a répondu ? je lui demande, en la pressant de me donner une réponse.

- Putain ! s'exclame-t-elle en balayant d'une main ses cheveux lâches vers l'arrière. June a décroché le photoshoot...

Un sourire apparait sur le visage de sa meilleure amie et sa tête finit par pivoter vers moi. Le choc que je pouvais lire sur son visage a laissé place à une expression plus... espiègle.

- ... et comme le destin fait hyper bien les choses... quand il veut, hein ! il semblerait que vous n'ayez pas trop à souffrir de la séparation !

Elle fait pivoter l'écran du téléphone vers moi et, malgré le fait que je conduise, j'accorde quelques secondes d'attention au message de June :

« Dany a dégoté un photoshoot en Norvège et moi... je viens en Italie avec toi ! »

Je comprends mieux l'état de sidération d'Angie quand elle a découvert la première partie du SMS mais moi, je ne m'intéresse qu'à la seconde. J'ai envie de hurler ma joie tant je suis heureux de lire ça. Mes prières ont été exaucées, putain ! Quelles étaient les chances que June finisse par venir avec moi en Italie ? Je veux dire, il y a plusieurs défilés qui ont lieu pendant l'été et il fallait qu'elle soit envoyée sur le mien... LE MIEN ! Je vais finir par croire que le destin est finalement de notre côté !

Je ne peux réprimer un sourire en pensant à toutes les choses qu'on pourra faire là-bas une fois que nous aurons chacun rempli nos obligations contractuelles. J'ai envie que ce voyage soit inoubliable autant pour elle que pour moi. Et puis, ce sera l'occasion de se retrouver vraiment en tête-à-tête, loin de toutes les contrariétés de Londres.

Soudain, je suis ramené à la réalité par les tonalités stridentes émanant des hauts-parleurs de mon portable, toujours entre les mains d'Angie. En portant mes yeux sur l'écran, je comprends qu'elle essaie de joindre la femme que j'aime. Trois sonneries plus tard, la voix enjouée de June résonne dans l'habitacle.

- Hey !

A travers ce simple mot et malgré l'ambiance très bruyante derrière elle, j'arrive à déceler la joie qu'elle éprouve, ce qui me rend encore plus heureux. Alors que je m'apprête à lui répondre, Angie me devance :

- C'est quoi, cette histoire de Norvège ? lui demande-t-elle d'une voix concernée, contrastant avec la légèreté de celle de sa meilleure amie.

- Oh, Angie ! dit-elle, surprise. C'est un sim-... -cours de circons-... ! Nous étions dans les... -caux de Vo-... quand une femme est sor-... et elle cherchait... -quin pour un... -shoot...

L'endroit où elle se trouve n'a pas beaucoup de réseau et selon les bruits que j'entends derrière elle, je parie qu'elle se trouve dans le métro.

- June... June, je ne comprends rien ! Ca capte mal, l'informe Angie.

Alors que June continue son récit où seulement un mot sur quatre nous parvient distinctement, j'aperçois Angie en train de gigoter pour essayer d'attraper son propre portable, se trouvant dans la poche arrière de son pantalon. Lorsqu'elle découvre la raison pour laquelle il a vibré, un demi-sourire se dessine sur son visage. La meilleure amie de June se reprend rapidement, tirée de ses pensées par la voix hachée et parfois robotique de cette dernière.

- Copine, écoute, on va en discuter à votre retour, okay ? lui dit Angie avant de raccrocher.

Elle me tend le téléphone que je glisse de nouveau sous ma cuisse.

*

De retour à l'appartement, Angie se précipite dans le salon et enlève tout ce qui encombre la table basse. Je la regarde s'affairer, portant les divers objets — trois cahiers, un cendrier, deux petites bougies et des stylos — vers la commode à l'entrée et les ranger dans le tiroir du haut. Elle s'empresse de se rendre à la cuisine et sort, d'un des placards muraux, quatre flûtes à champagne. La jeune femme finit par relever la tête vers moi, un peu essoufflée :

- Tu vas rester les bras croisés à me regarder ou tu comptes m'aider ? me demande-t-elle en posant les verres sur la table basse avant de se diriger vers un des cartons posé dans le salon.

- Je n'ai aucune idée de ce que t'es en train de manigancer, je lui réponds en la rejoignant vers le tas d'affaires encore emballées.

- On va célébrer comme il se doit ces deux super nouvelles, voyons ! me dit-elle, comme s'il s'agissait de l'évidence même. On n'a pas eu l'occasion de pendre la crémaillère, alors autant fêter ça avant que les choses ne dégénèrent de nouveau, pour une raison X ou Y.  Au fait, ça te dérange d'appeler Uber Eats pour nous commander de quoi manger ? Excepté ce que j'ai cuisiné ce matin, je n'ai pas eu le temps de faire les courses...

Je hoche la tête et attrape mon portable pour me connecter à l'application. Notre choix se porte rapidement sur un restaurant indien et, n'arrivant pas à nous mettre d'accord, nous sélectionnons un assortiment de plusieurs plats succulents. Angie extirpe du carton un paquet de serviettes en papier ainsi que des décorations de table, composés d'un sachet de petites étoiles dorées et argentées en plastique, de guirlandes de perles rouges et vertes et de fleurs en feutrine mauve. La meilleure amie de June se retourne vers moi et me colle tout ce barda dans les bras.

- Et j'en fais quoi, de tout ça ? je lui demande, un peu perdu.

- Tu décores la table basse, me répond-elle en se dirigeant de nouveau vers la cuisine.

Je m'exécute, ne sachant pas exactement ce qu'elle entend par « décorer ». Je regarde la surface plane de la table, nettoyée et dégagée. Putain, je ne suis pas architecte d'intérieur ! Je n'ai aucune idée de ce qu'elle veut que je fasse avec tout ça.

Heureusement, Angie revient, trois bols dans les bras. Le premier est rempli d'olives vertes et noires, dont certaines sont perforées par des cure-dents. Le second contient des cacahuètes et le dernier, des crackers. Elle les dispose à distance égale, jouant sur les couleurs des récipients et des contenus, sans rien laisser au hasard. Remarquant que je n'ai rien fait de ce qu'elle m'a demandé, elle se charge — en soupirant — de compléter la décoration de la table. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le salon s'est transformé en petite salle de réception.

- Bon, la bouteille de champagne est au frais, m'apprend-elle en fixant la porte d'entrée. On va attendre le dernier moment avant de la sortir !

Mes yeux son également rivés dans la même direction. Je guette avec impatience le moment où June va franchir le pas de cette porte et j'imagine qu'Angie est dans le même état d'esprit que moi.

Quelques secondes plus tard, June et Dany finissent par apparaitre et nous les accueillons à coups d'applaudissements et de sifflements. Ils nous gratifient de sourires éclatants en s'approchant de nous. June se rue dans les bras d'Angie en poussant des petites cris aigus.

- Oh, copine ! Si tu savais à quel point je suis contente pour toi ! s'exclame Angie en secouant sa meilleure amie de gauche à droite.

Je regarde leur étreinte d'un oeil attendri.

- Et moi, personne ne me félicite ? se plaint Dany. Vous avez quand même devant vous la nouvelle égérie Moncler ! D'ailleurs, si vous voulez, je peux vous signer quelques autographes... ils vaudront de l'or dans quelques temps !

L'intervention du mec d'Angie met fin à leur câlin. Je sais qu'il plaisante, mais son ton sérieux me fait rire. Angie lève les yeux au ciel tout en secouant la tête. Toujours dans les bras de sa meilleure amie, June se retourne alors vers lui, feignant l'exaspération :

- Ça y est, tu vas te la péter, maintenant ? lui demande-t-elle sur un ton espiègle.

Dany la toise du regard en passant sa langue sur sa lèvre inférieure. Il pose ses mains sur ses hanches pour adopter une posture plus assurée.

- June, tu peux penser ce que tu veux, mais même ton appareil photo te suppliera de m'immortaliser ! Aucun objectif ne résistera à mon charme...

Il jette sa tête en arrière dans un geste très théâtral, faisant virevolter ses boucles brunes sous ce mouvement soudain. June s'éloigne totalement d'Angie.

- Désolée de te décevoir, mais mon appareil photo n'a déjà d'yeux que pour un seul mannequin et mon objectif lui est d'une fidélité inébranlable...

Elle ponctue sa réplique par un haussement d'épaules tout en reculant vers moi. Elle s'arrête à mes côtés, relève brièvement son visage vers le mien avec un sourire en coin avant de lui refaire de nouveau face. Dany feint de vomir en nous voyant, ce qui nous fait rire. Je ne peux m'empêcher de sourire comme un idiot. Je retrouve là ma June de ce matin, pas celle qui était distante avant son départ pour Vogue. Peut-être qu'il s'agissait du stress, en fin de compte...

Si elle savait la portée des mots qu'elle vient de prononcer et l'effet qu'ils ont sur moi... J'ai conscience qu'il s'agit d'une boutade mais j'ai envie de croire qu'il y a un sens caché sous ses paroles.

- En tout cas, Angie pourra écrire des articles entiers rien que sur ma beauté légendaire et mon charme ravageur ! ajoute-t-il en se donnant un air de star exagéré. Ou même créer un personnage inspiré de ma personne pour une de ses histoires !

Le nouveau mannequin la regarde avec insistance, un sourire en coin sur le visage. Habituellement dotée d'une répartie hors du commun, Angie reste, à notre grande surprise, silencieuse face à la taquinerie de Dany. Suite à ses confessions pendant notre petite balade matinale, je sais exactement ce qu'elle ressent. J'interprète son mutisme comme du soulagement, ce même soulagement que j'éprouve en ce moment-même.

- Reste à savoir si tu seras le gentil ou le méchant de ma fiction, se contente-t-elle de lui répondre avant de se diriger vers le salon et de prendre place à côté de la table basse.

Sa réponse, déguisée sous forme de métaphore, jette un petit froid dans la pièce.

- En attendant, ma créativité artistique a été mise à contribution, avec l'aide d'Hero, pour vous organiser une petite fête pour célébrer vos deux victoires, annonce-t-elle en montrant du doigt le petit « buffet » festif improvisé par nos soins.

June et Dany découvrent alors la petite surprise qu'on leur a préparé. A peine ce dernier a-t-il jeté un coup d'oeil sur la table basse qu'il se laisse tomber sur le canapé, peu impressionné par nos efforts, alors que le visage de June s'émerveille devant notre attention.

- Mais vous êtes fous ! Fallait pas, s'exclame la photographe avec un grand sourire.

- Ce n'est vraiment pas grand-chose, mais Angie et moi avons tenu à marquer le coup, je lui réponds en souriant. Ce n'est pas tous les jours que tu décroches un boulot qui t'envoie en Italie... Et puis, ça lui a changé un peu les idées.

June fronce les sourcils, confuse par ma dernière réflexion. Je me penche vers elle et murmure le prénom de Jade dans son oreille. Elle comprend immédiatement ce que je veux dire.

- Oh... ça s'est si mal passé que ça ? me chuchote-t-elle.

- Alors, qui veut nous faire l'honneur de déboucher cette savoureuse bouteille de champagne ? lance Angie à notre attention à tous les trois, interrompant nos messes basses.

June lève les mains en signe de refus, prétextant ne vouloir mettre la vie de personne en danger.

- Mon palais de mannequin ne boit rien qui ne soit du Moët-et-Chandon ou du Dom Pérignon, feint de se vanter Dany en passant une main dans ses longues boucles brunes. Alors, ton petit jus de raisin pétillant...

June lui assène une tape derrière la tête, arrachant à « l'arrogant » mec d'Angie un petit cri de surprise. Il se retourne vers nous, outré par le geste de son amie.

- Au cas où tu prendrais la grosse tête... juste au cas où, le vanne June.

- Oh là lààààà... si on ne peut plus plaisanter, se plaint Dany en se levant du canapé, saisissant la bouteille des mains d'Angie. Je ne voudrais pas que tu blesses encore quelqu'un.

Cette dernière lui répond en dressant son majeur devant lui, accompagné d'un sourire agacé. Quelques secondes plus tard, le bouchon est propulsé à travers la pièce sous les acclamations et les applaudissements des filles, allant percuter un des murs du salon, et le liquide doré à bulles coulent déjà dans les flûtes, servies par Angie.

- A June, dont le talent a été une fois de plus reconnu, proclame sa meilleure amie avec un grand sourire, en levant son verre au-dessus de la table. Que cette virée italienne soit la première d'une longue liste !

Dany, June et moi imitons l'hôtesse de cette petite sauterie en brandissant nos flûtes dans les airs.

- Et puis, je t'envie tellement de pouvoir aller fouler la terre de mes ancêtres ! ajoute-t-elle, une pointe de jalousie dans la voix. Ca fait plus de vingt ans que je n'y ai pas remis les pieds... Salute !

Nous répétons le mot italien tout en faisant tinter nos verres.

- Et, bien évidemment, nous n'allons pas oublier Dany qui, par un heureux concours de circonstances, va faire fantasmer les esprits les plus pervers des gents masculine et féminine ! poursuit Angie en lançant un regard facétieux à l'intéressé.

Nos flûtes se percutent pour la seconde fois et nous pouvons enfin savourer le champagne avant de nous asseoir sur le canapé. June nous raconte — sans omettre aucun détail — sa virée à la Vogue House en compagnie de Dany, leur rencontre avec la chasseuse de tête qui, selon les propos de mon nouveau collègue, « est immédiatement tombée sous son charme », ce que June réfute rapidement, non sans éclater de rire.

- En tout cas, elle a su reconnaitre la beauté qui se trouvait devant ses yeux, renchérit Dany en se pavanant sur le sofa. J'ai gagné à la loterie génétique, que veux-tu...

June et moi rions de plus belle devant la « modestie » dont fait preuve le futur mannequin. Elle pose son front contre mon bras pour tenter de calmer son hilarité. Rien que ce petit contact fait s'emballer mon coeur qui, s'il avait des ailes, serait déjà dans la stratosphère ! 

- Je vais faire en faire tourner, des têtes, là-bas... les petites Norvégiennes ne sont pas prêtes pour « ça », poursuit-t-il en balayant son corps avec ses deux mains, de la tête aux pieds. Ça va leur changer de leurs grands coton-tiges blonds aux yeux rouges ! Je vais leur apporter un peu d'exotisme...

- Paie ton exotisme ! T'es anglais, pas vénézuélien, que je sache... Et, ce n'est pas parce qu'ils sont tous blonds qu'ils sont forcément albinos, s'esclaffe June.

Malgré les rires et la bonne humeur ambiante, je remarque qu'Angie ne prend pas trop part à nos parties de rigolade. Assise sur son fauteuil, comme isolée sur une île, elle se contente de triturer son verre en nous regardant, à la voix triste et énervée. Je pense savoir l'origine de son état.

- N'oublie pas que t'y vas surtout pour le boulot, et pas pour les nanas, j'interviens un peu plus sérieusement, non sans lâcher un petit rire. Dans ce métier-là, si tu déconnes, t'es vite blacklisté, juste pour info !

Je lance un regard à Angie, qui m'adresse un petit sourire discret en guise de remerciement. Dany, assis de l'autre côté du canapé, se redresse et se penche vers moi :

- Hero, mate, je sais qu'on ne se connait pas beaucoup mais je suis très professionnel dans mon travail... demande à June !

Cette dernière soupire en haussant les sourcils :

- Tu veux vraiment que je vante tes « exploits » au magasin ? lui demande-t-elle, surprise, en lui faisant les yeux gros yeux. Okay, alors je commence par quoi ? Les articles que tu as cassés, les étagères que tu as démontées de colère, l'impolitesse dont tu as pu faire preuve auprès de certains clients ? Je continue ou...

Cette petite vanne provoque notre hilarité, à Angie et à moi. Quant à June, elle semble plutôt satisfaite par sa répartie.

- Rigolez, rigolez, mais quand je serais une star, je vous snoberais ! s'exclame Dany, feignant d'être piqué au vif avant de se lever et de se diriger vers les escaliers.

June tente de le faire revenir, à coups de « ça va, c'était une vanne », « je plaisantais » ou encore « ne le prends pas comme ça ». Quelques instants plus tard, il finir par rebrousser chemin pour nous rejoindre mais son téléphone se met à sonner et, lorsqu'il porte ses yeux sur son écran, les traits de son visage se tendent d'un coup, traduisant une nervosité apparente. Il décroche et porte rapidement son portable à son oreille.

- Quoi ? lâche-t-il froidement.

Angie, June et moi échangeons un regard perplexe, se demandant silencieusement qui peut être la personne à l'autre bout du fil.

- Ouais, et ? Je devrais en avoir quelque chose à foutre, peut-être ? grommelle-t-il sévèrement.

Dany commence à faire les cents pas, tout en passant sa main dans ses cheveux. Les yeux rivés sur le planchers, il vocifère tant qu'il peut.

- Putain, mais ce mec n'est père que sur le papier ! Il n'a pas une once de fibre paternelle  en lui, alors arrête de dire que je devrais m'inquiéter parce que c'est mon père ! gronde-t-il.

Nous comprenons qu'il se passe quelque chose avec son père, et je devine que, comme pour moi, la vie ne l'a pas doté d'un « papounet » aimant et attentionné. June m'explique brièvement qu'ils partagent une relation père/fils très compliquée et qu'elle a été témoin de scènes particulièrement difficiles entre eux au magasin. Nous avons plus de points communs que je ne le pensais. Je me rappelle alors que le père de Dany est aussi le patron de June, détail qui était complètement sorti de ma tête.

- C'est peut-être un type décent avec toi et ta fille, mais il ne l'a jamais été avec moi, ni avec ma mère, d'ailleurs... Regarde où elle a atterri par sa faute ! crache-t-il avec haine.

June me glisse alors à l'oreille que, selon Dany, sa mère s'est suicidée à cause des infidélités à répétition de son père et il lui reproche sa mort depuis. Je constate alors que nos enfances sont plus similaires que ce qu'il n'y parait. Je me sens soudainement proche de lui.

- Tu veux que je te dise ? Il peut crever, franchement ! Ça ne me fera ni chaud ni froid... Et ses magasins, je m'en bas les couilles ! Il ne récolte que ce qu'il a semé, et encore... c'est peu payé en comparaison de tout le mal qu'il a fait, ajoute-t-il avec cette même rage qui l'anime depuis quelques minutes.

Quelques éclats de voix plus tard, Dany finit par raccrocher. Il relève la tête vers nous et comprend que nous n'avons raté aucune miette de sa conversation. La colère déforme ses traits et ses yeux s'humidifient de plus en plus. Je ne connais que trop cet état dans lequel il se trouve. Cet état qui me donne envie de tout casser autour de moi, de tout envoyer chier, juste pour faire taire cette rage qui cache, en réalité, une douleur innommable.

Sans rien dire, il tourne les talons et se dirige vers les escaliers. Ses chaussures claquent bruyamment contre le bois des marches. Angie le regarde disparaitre à l'étage, peinée par ce qu'elle vient d'entendre et attristée par ce que vient de vivre Dany. Elle se lève et prend la même direction empruntée par ce dernier quelques secondes plus tôt. June et moi nous retrouvons seuls, désormais.

- C'est moi ou vous aimez bien les dramas par ici ? je lui demande sur un ton plaisantin, pour tenter de faire redescendre la pression.

Elle finit par se retourner vers moi, un expression un peu hébétée sur le visage.

- Je crois que c'est les dramas qui ne veulent pas nous lâcher, me répond-elle en secouant la tête. En plus... puisque Dany a parlé des magasins de son père, dans deux jours, je vais signer mon grand retour là-bas... et je ne sais pas comment faire pour aller en Italie sans éveiller les soupçons. Même si ce job n'est pas des plus passionnants, il reste une source de revenus non-négligeable que je ne veux pas perdre... du moins le temps que la photographie me rapporte assez.

- Tu peux peut-être te mettre en arrêt maladie ou prétexter un problème personnel, je lui propose comme excuse.

Elle semble prendre en compte mes suggestions mais doute de leur fiabilité.

- Au pire, si tu perds ce boulot, je pourrais toujours t'embaucher en tant que photographe personnelle, puisque ton appareil photo s'est amouraché de mon image, je lui lance sur un ton plaisantin, en lui donnant un petit coup de coude.

J'espère seulement qu'il n'y a pas que son appareil qui s'est amouraché de moi...

June sourit en fermant les yeux. J'ai conscience que cette histoire la stresse et j'essaie de la détendre un peu.

- « S'est amouraché », carrément ! répète-t-elle en gloussant. On dirait Dany... Et je pensais avoir déjà le statut de photographe attitrée d'Hero Fiennes Tiffin. Je suis outrée que ce ne soit toujours pas officiel !

Elle fronce les sourcils et grimace avant d'éclater de rire. La voir aussi insouciante me met du baume au coeur. J'adore nos petites séances de taquineries comme celle-là, où tout parait simple entre nous, où les complications ne semblent pas nous atteindre. Je ne vis que pour des moments comme ça, légers, avec elle.

- Je vais appeler mon agent tout de suite pour qu'elle t'envoie le contrat... te liant à moi à tout jamais, je rebondis, empruntant un ton plus séducteur pour la dernière partie de ma réplique.

June glousse de plus belle en levant les yeux au ciel. Elle ne me prend pas au sérieux, clairement, mais n'empêche que cette perspective est loin de me déplaire.

Soudain, nous sommes interrompus par des bruits sourds, derrière nous, provenant de la cage d'escaliers. En nous retournant, nous découvrons Dany en train de dévaler les marches d'un pas pressé, suivi d'une Angie tout aussi déterminée.

- Vous allez où, comme ça ? leur demande June, un brin concernée.

- Apparemment, il est de mon devoir de fils d'aller me rendre au chevet de mon géniteur, qui se trouve en ce moment-même à l'hôpital, nous apprend-il d'une voix dénuée d'émotions. Et ne t'inquiète pas pour ton boulot, June. Tu peux aller en Italie l'esprit tranquille. Étant donné qu'à partir de maintenant, et pour une durée indéterminée, je suis le co-boss intérimaire de la chaine Crest Of London, et pas par choix ! je te trouverais une remplaçante pendant ton absence...

Ne laissant pas à June le temps de réagir ou de répondre quoi que ce soit, Dany et Angie quittent l'appartement à la hâte. La brune se retourne alors vers moi, abasourdie :

- Qu'est-ce qui vient de se passer, là ? me demande-t-elle en pointant toujours du doigt l'endroit où se trouvaient Angie et Dany.

- On dirait que tu n'as plus besoin d'excuse pour partir en Italie... Problème réglé ! je lui réponds avec un grand sourire.

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