45 TER.
[ANGIE]
Hors du Gaucho Grill...
- June, ce n'est pas grave, je lui assure, en m'approchant d'elle. Jade et toi, allez-y. Allez retrouver vos copains. Dany et moi, on vous attendra au bowling, okay ?
Je connais ma meilleure amie comme si je l'avais faite et, en cet instant, je peux lire toute la culpabilité du monde sur son visage.
- Vous êtes sûrs ? On était censé passer la soirée ensemble, et maintenant... déplore-t-elle, laissant sa plainte en suspens.
- Va rejoindre Hero, d'accord ? Vous avez des choses à vous dire, il me semble... et plus si affinités... j'insiste, en lui dégainant un de mes fameux sourires en coin, qui ont généralement le don de l'agacer.
Mais l'agacement n'est pas de mise, ce soir. Il a laissé place à de la gratitude, au vu de ses dents blanches qui se révèlent petit à petit sous ses lèvres étirées.
- On ne s'éternisera pas, promis ! s'exclame-t-elle, aussi excitée qu'une gamine venant d'ouvrir son cadeau de Noël. Je veux vraiment vous mettre la honte au bowling !
June ouvre ses bras pour m'étreindre, et je réponds à son accolade. Une fois notre câlin terminé, elle nous adresse un dernier sourire avant de s'éloigner avec Jade et les potes d'Hero. Pour être honnête, je ne pense pas qu'on la reverra pour la partie de bowling. Ni Jade, d'ailleurs. J'adore ma meilleure amie, vraiment, mais parfois, un bon coup de pied au derrière est nécessaire pour la faire avancer dans la bonne direction. J'ai bien conscience que, par amitié pour moi — et aussi pour Dany — elle serait restée avec nous, s'empêchant de vivre une soirée de folie. Je ne peux pas la blâmer, elle a toujours été d'une loyauté indéfectible. Elle a tant sacrifié pour moi alors, pour une fois, je pouvais bien la laisser s'éclater.
Et puis... j'ai également un peu pensé à ma poire en trouvant cette excuse pour me retrouver seule avec Dany...
D'ailleurs, en parlant du bouclé, nous sommes plantés sous l'enseigne blanche illuminée du restaurant. Je me retourne vers lui, à côté de moi, les mains dans les poches de sa veste en cuir noir. Sa tête pivote vers mon visage.
- Je ne sais pas toi, mais j'ai l'estomac dans les talons, annonce-t-il.
Au même instant, mon ventre se met à gargouiller bruyamment, au point que Dany arrive à l'entendre. Dois-je rappeler que nous avons à peine eu le temps de grignoter trois cacahuètes avant de nous faire jeter ?
- J'ai repéré un stand de fish & chips un peu plus loin, si ça te dit, ajoute-t-il, en indiquant la direction d'un signe de la tête.
J'esquisse une moue malicieuse avant de lui répondre :
- Toi... tu sais parler aux femmes, bouclette ! je plaisante, avec une pointe d'ironie dans la voix. Je crois qu'aucun homme n'a jamais mis la barre aussi haut lors d'un premier rencard...
Je lui passe devant, nonchalamment, sans lui adresser un regard, pour me mettre en route vers le chariot ambulant fabriquant l'une des recettes typiques de notre pays. Quelques pas plus tard, je m'aperçois qu'il ne me suit pas et, en me retournant vers lui, je remarque qu'il est resté scotché à la même place. Bien entendu, j'espérais bien que ma petite annonce lui cloue le bec, mais là, son expression stupéfaite dépasse vraiment toutes mes attentes !
- Y'a un problème ? je lui demande, le plus innocemment du monde.
J'ai l'impression qu'il vient de subir un court-jus. Lorsque ses paupières s'ouvrent et se ferment frénétiquement et plusieurs fois d'affilée, je comprends qu'il est en train d'intégrer ce que je viens de lui dire.
- Euh... eh bien... attends, t'as dit quoi, là ? m'interroge-t-il en penchant la tête sur le côté, sans manquer de froncer les sourcils, trahissant son ébahissement.
- Si tu prends racine devant le restaurant, tu ne le sauras jamais ! je lui lance en ponctuant ma phrase d'un clin d'oeil, avant de me remettre en route vers la roulotte huileuse.
J'ai envie de rire face au tourment que je lui inflige. C'est bien la première fois que je vois Dany sans voix, incapable de rétorquer, et je dois bien avouer que je suis assez satisfaite de mon petit coup. J'entends les boots de Dany claquer lourdement contre le pavé, se rapprochant de moi à grande vitesse. Il ralentit en arrivant à ma hauteur, et semble tout aussi confus qu'il y a quelques secondes.
- Je ne savais pas que... ça, nous deux, dit-il d'un ton peu assuré, en faisant des allers retours avec son index entre lui et moi, c'était un rencard !
- A la base, ce n'en était pas un, je lui explique, mais comme on se retrouve seuls, autant tirer profit de ce temps en tête-à-tête, tu ne penses pas ?
J'ai la sensation de l'avoir encore plus perturbé. Je sais bien qu'il est habitué à une Angie distante, qui repousse tout ce qui s'approche de près ou de loin à des sentiments, mais... je dois bien me rendre à l'évidence : peu importe à quel point je me débats intérieurement, ce que j'éprouve pour Dany est bien là, tout ce qu'il me fait ressentir existe bel et bien, et Hero avait raison : cela ne sert à rien de combattre ce que l'on éprouve, ça finira toujours par prendre le dessus. Je l'accepte, cette évidence qui s'impose à moi... mais suis-je prête à l'assumer ?
Cependant, ce n'est pas pour autant que je vais lui tomber toute cuite dans le bec !
En guise de réponse à ma question, Dany esquisse un petit sourire, trahissant la joie qu'il essaie de dissimuler.
Après avoir commandé nos cornets de fish & chips — gracieusement payés par mon compagnon — nous traversons le Westminster Bridge et longeons la rive gauche de la Tamise. La nuit commence à tomber, les lampadaires jonchant le quai s'illuminant les uns après les autres. De l'autre côté du fleuve, le London Eye rougit sous ses lumières écarlates. Je n'avais jamais vraiment réalisé à quel point Londres pouvait avoir ce côté... romantique.
Romantique... un mot qui n'avait pas fait son apparition dans mon langage depuis des années...
Je picore quelques frites pendant que nous marchons sans dire un mot, Dany et moi. Ce n'est pas un silence pesant, ou gêné. Je trouve même que l'ambiance est plutôt détendue ce soir. J'ai conscience de l'avoir un peu déstabilisé par ma réflexion. Je suis curieuse de voir la manière dont il va gérer la situation. Soudain, le rire du bouclé vient troubler la quiétude régnant entre nous, et me tirer de mes pensées, par la même occasion. Je tourne la tête vers lui, surprise d'entendre ce doux son sortir de sa bouche.
- Je peux savoir ce qui te fait rire ? je lui demande, interloquée.
- Toi, répond-il simplement en secouant la tête, avant de retrouver son sérieux. Tu es une créature vraiment étrange, Angie DeLuca.
- « Créature »? je répète, amusée. Comment dois-je le prendre ?
Je m'arrête, intriguée par la suite de cette conversation. Dany fait encore quelques pas avant de s'arrêter et de se retourner vers moi. Son regard bleu clair et perçant est braqué sur moi, tout en arborant une expression énigmatique.
- Tu es... déconcertante ! s'exclame-t-il. Quand tu es venue me chercher au squat, on s'est... embrassé... plutôt passionnément et...
Il s'interrompt, en lâchant un soupir de frustration, visiblement embarrassé par sa confession. Je pince mes lèvres pour réprimer mon envie de sourire. Il a du mal à trouver ses mots. Voir le rebelle charmeur, dragueur, empreint d'une immense confiance en lui dans cet état, mal assuré, peu sûr de lui, est vraiment amusant, sans être sadique. Et puis, l'entendre employer des mots comme « passionnément »... je ne sais pas, je ne l'imaginais pas aussi... poétique. J'ai déjà pu entrapercevoir un fragment de la sensibilité qu'il s'acharne à vouloir dissimuler. Peut-être ne veut-il pas passer pour une mauviette, et pourtant... Dany n'a rien du gros dur, du connard sans coeur qu'il veut vendre aux yeux du monde. Aux miens, il est tout le contraire, ce qui ne l'en rend que plus craquant.
Il passe une main dans ses boucles brunes avant de reprendre la suite de sa réflexion.
- En gros, depuis le retour du squat, c'est à peine si tu m'as calculé et là, tu m'annonces qu'on est en rencard ! Je ne sais jamais à quoi m'en tenir avec toi. Mais là, j'ai besoin de savoir : est-ce que c'est encore un jeu, ou bien...
A vrai dire, je ne sais pas trop comment définir ce qui se passe entre nous. Je ne pense pas que ce soit un jeu, bien que je ne veuille pas perdre le piment qui caractérise notre relation.
- Et puis, ce que tu as dit aux filles... que tu m'aimais bien, même trop pour toi... je suis censé l'interpréter comment ?
Ça me fait bien chier qu'il ait entendu cette partie de la conversation que j'ai partagée avec mes amies... ça lui donne un putain d'avantage sur moi, et je n'aime pas trop ça. Je conçois qu'il veuille des réponses quant à mon comportement un peu... lunatique, mais j'ignore si je suis en mesure de lui en fournir. Je ne pensais pas que la soirée allait prendre une tournure aussi sérieuse.
- Tu as dit que j'étais déconcertante pour toi. Bah, j'ai envie de te répondre que tu m'as totalement prise par surprise, je commence, tentant d'esquisser un début de réflexion qui tienne la route. Quand tu as débarqué dans ma vie, jamais je n'aurais imaginé l'importance que tu prendrais dans mon existence. Depuis longtemps, je me suis évertuée à repousser toutes sortes de relations amoureuses et toi... tu es venu pulvériser les barrières que j'avais bâti autour de mon coeur.
Mon discours semble déjà apaiser certaines de ses craintes. Je marque un temps de pause pour continuer sur ma lancée.
- Donc, ce que tu m'as entendu dire à Jade et June... je le pensais, mais... je sais que tu n'es pas Justin, et que tu ne me ferais pas de mal volontairement, mais... ce que tu me fais éprouver me terrifie à un point que tu ne peux même pas concevoir !
Rien que d'en parler, mes mains se mettent à trembler. Une boule dans mon ventre se forme. Tous les sentiments que je ressens sont en train de se mélanger et de remonter, tel le magma d'un volcan qui monte pour faire surface. Je m'étais jurée de ne plus me montrer vulnérable en sa présence, mais je n'arrive pas à contrôler mes émotions.
- Je me suis brûlée les ailes en tombant amoureuse de Justin... Je l'ai aimé de tout mon être, quitte à me perdre totalement dans cette relation. Jamais je n'aurais imaginé qu'on puisse aimer quelqu'un à ce point-là...
Dany baisse la tête. Parler des ex n'est jamais une discussion plaisante, surtout en sachant l'impact qu'il a eu — et a toujours — sur moi, même des années après.
- Mais toi... tu me touches... émotionnellement parlant, je tiens à préciser, en levant mon index en l'air, d'une manière que je n'aurais jamais cru possible. Je pense même que je...
Les prochains mots que je suis sur le point de prononcer vont être décisifs. Il n'y aura plus de retour possible après ça. Je relève le regard vers Dany qui, la bouche entrouverte, ne me lâche pas des yeux. On dirait même qu'il retient son souffle en attendant la fin de ma phrase.
- Je pense même que je... pourrais t'aimer plus que je ne l'ai aimé, lui, je finis par lâcher, ponctuant la fin de mon discours par un gros soupir.
Dany soupire à son tour, avant d'esquisser un sourire de soulagement. Malheureusement, son apaisement est de courte durée lorsqu'il remarque ma mine toujours grave, même après cette annonce.
- Mais... dit-il, contrarié.
- Mais... j'ignore si ça pourra marcher entre nous, je lui avoue, un peu à contrecœur. Tu vois bien comment ça se passe, nous deux : soit on s'entend super bien, soit on s'engueule et nos disputes prennent toujours des proportions énormes. Et puis... maintenant, on va également vivre ensemble ! Je ne sais pas si je vais pouvoir gérer une telle pression...
Le bouclé se pince les lèvres, tout en croisant ses bras sur la poitrine. Ce n'est pas la réponse qu'il espérait, mais je veux me montrer honnête avec lui. Je ne tiens pas à le mener en bateau, je souhaite simplement qu'il comprenne ce que je ressens.
Sans prononcer un mot, Dany s'avance et s'arrête devant moi. Il me prend délicatement le cornet de frites des mains et le pose avec le sien sur le rebord en pierre de la rive. En revenant vers moi, il prend mes mains dans les siennes, sans me regarder. Nos doigts s'entrelacent et je peux déjà sentir une sorte de réconfort.
- Angie, je comprends tes réticences, commence-t-il, en relevant enfin son visage vers le mien. Et j'entends bien tout ce que tu me dis. Sache que je partage certaines de tes angoisses. Contrairement à toi, je n'ai jamais vraiment été en couple et je ne sais pas du tout à quoi m'attendre, comment me comporter... Tu n'es pas la seule à te poser des questions, ou à appréhender la suite des évènements. J'ignore où tout ça va nous mener, mais j'ai envie de tenter cette aventure avec toi, parce que...
Le rebelle marque un petit temps de pause, et détourne son regard de moi, pour le braquer au loin.
- ... moi aussi, je t'aime bien... même un peu trop à mon goût, finit-il par dire sur un ton faussement détaché.
Il conclut sa phrase par un petit rire, ce qui me détend complètement. Son discours me rassure. Lui aussi n'est pas serein devant l'inconnu. Certes, pour ma part, je m'aventure sur un terrain familier, mais avec lui, j'ai l'impression de revivre les frissons et l'excitation du flirt pour la première fois. Après tout, Dany est peut-être la personne qui arrivera à me faire oublier les traumatismes liés à Justin et à sa mort.
Ses yeux couleur océan se posent de nouveau sur moi, et la confession de ses sentiments à mon égard — bien que j'étais consciente de leur existence depuis un moment déjà — fait accélérer les battements de mon coeur, tandis qu'une boule se forme dans mon ventre, sensation que je n'avais pas éprouvé depuis une éternité.
Est-ce CE moment ? Ce passage décrit dans tous les livres à l'eau de rose, ou cette scène dans les films romantiques, où l'héroïne vit l'instant le plus crucial de sa vie ? Celui où son avenir amoureux se décide maintenant, et qui est généralement scellé par un baiser magnifique, sur fond de musique mielleuse ? Est-ce... MON moment avec Dany ?
Je jette un nouveau coup d'oeil à nos mains toujours entremêlées avant de reporter mon attention sur le bouclé. Toutes les conditions semblent réunies pour partager ce moment se voulant magique avec lui. Alors que son visage se rapproche du mien, je m'élève sur la pointe des pieds pour le rencontrer à mi-chemin. Cependant, avant que nos lèvres se touchent, ma tête bifurque sur le côté et ma bouche vient trouver son oreille pour lui murmurer :
- Avant de nous lancer dans cette aventure à deux, j'ai un petit jeu à te proposer. Es-tu partant ?
Je m'éloigne de nouveau de lui pour jauger sa réaction. Il lâche un soupir avant de se mettre à sourire.
- Évidemment, toi et tes jeux... Okay, quelles en sont les règles ?
- Il n'y a pas vraiment de règles, à vrai dire... mais si tu suis bien les instructions, tu pourras gagner « le gros lot », je lui réponds avec un sourire espiègle.
Il comprend rapidement mon sous-entendu, reprenant ses termes lorsqu'il m'avait comparé à la cagnotte d'une loterie. Il sourit et accepte ma proposition, comme je m'y attendais.
Dany, mon coco, tu n'es pas au bout de tes surprises !
*
Dany nous conduit vers une boite de nuit très stylée , appelé le 55 Club. Je lui ai laissé le choix du terrain de jeu, à condition qu'il y ait un coin VIP. Ce détail est très important pour ce que j'ai en tête. La boite est située près du British Museum, du côté de West End.
Une fois la Mini de June garée dans un parking souterrain, nous marchons le long d'Oxford Street, jusqu'à l'intersection de Shaftesbury Avenue. L'immeuble tout vitré abritant le 55 se trouve à la jonction des deux. Deux grands panneaux métalliques chromés verticaux avec un énorme 55 inscrit dessus m'indiquent que nous sommes au bon endroit. Une longue queue s'étend sur plusieurs mètres. En constatant le nombre de personnes devant nous, je suis déjà lassée à l'idée d'attendre dans la rue pendant plusieurs minutes.
- Attends, viens, me dit Dany avec malice, en me prenant la main, passant devant tout le monde.
Connaît-il un passage secret pour nous faire entrer ? Je le suis, sans rechigner, sous les regards stupéfaits et furieux — pour certains — des futurs clients du club. Mais je m'en fiche. Je préfère m'attirer les foudres de quelques frustrés plutôt que de poireauter dehors.
Nous nous arrêtons devant l'entrée, où deux vigiles trient les clients sur le volet. Lorsque l'un d'eux se tourne vers nous, il se met à sourire en voyant Dany.
- Oh, Dany ! Ca fait un bail, mate ! s'exclame l'employé d'une voix grave allant parfaitement avec sa carrure massive. Qu'est-ce qui t'amène dans le quartier ?
- Salut, Johnny. Y'a moyen que tu nous fasses entrer, moi et ma copine dans la boite... et que tu nous cales dans la section VIP ?
Le dénommé Johnny esquisse une moue embêtée, tout en se grattant son crâne rasé. S'il avait eu des cheveux, je suis certaine qu'il y aurait passé sa main dedans. Le molosse au costume seyant finit tout de même par nous ouvrir le chemin en défaisant la chaine de protection en velours rouge qui nous barrait le chemin.
- Pour le carré VIP, tu sais vers qui te tourner, lui dit Johnny, tandis que nous nous engouffrons dans l'immeuble.
- T'es le meilleur, Joe ! s'écrie Dany, alors que les lumières se tamisent au fur et à mesure que nous approchons de l'entrée de la boite.
Nous avançons à bon train vers le club. Nous poussons une porte et un décor d'un autre temps s'offre à nous, mêlant à la fois modernité et vintage. Au centre de la pièce, se trouvent quatre petits espaces de convivialités, composés de quatre fauteuils rangés deux par deux, datant du XVIIIe siècle se faisant face, séparés par une table basse où sont posés le seau à champagne d'un côté, et l'autre espace servant pour les verres. Ces petits « salons » publics, rappelant ceux que l'on pouvait facilement trouver à la Renaissance, sont alignés sur une rangée de leds rouges au sol, cassant avec le blanc du carrelage. Ils sont tous occupés par des gens de tout âge, ayant des conversations variées. Tout au fond de la pièce, le bar, tout en bois sombre est, lui aussi, éclairé par les leds rouges installées au sol et à l'angle des murs et du plafond, offrant un dégradé de plus en plus clair vers le bas de la vague lumineuse.
Les carrés VIP sont installés sur les deux côtés de la pièce. Il y en a huit en tout. Eux, par contre, sont tout en modernité avec leurs canapés d'angles anthracites en cuir entourant tout l'espace et trois tables basses rondes avec deux seaux à champagne. Pour plus d'intimité, deux rideaux peuvent être tirés, un opaque, ne laissant aucune possibilité pour les voyeurs, et un moins épais, laissant deviner ce qui pourrait se passer, pour les esprits les plus curieux. Sur les murs, une étrange tapisserie avec des arabesques noires sur fond rouge, sans compter la lumière de la même couleur, renforce un peu plus le côté intime, avec une touche d'érotisme. Après inspection visuelle des lieux, je valide totalement le choix de Dany !
Une jeune femme blonde, coiffée d'une longue queue de cheval haute et lisse, et habillée d'une robe de cocktail noire, vient à notre rencontre avec un grand sourire. Elle tient une tablette dans les mains.
- Danyyyyyy ! s'exclame-t-elle en prenant chaleureusement mon ami dans les bras. Quelle bonne surprise ! Comme ça fait plaisir de te voir !
Elle met fin à leur accolade, et je remarque le même sourire sur le visage du bouclé.
- Salut, Hannah.
- Tu viens en tant que client ou pour récupérer ton job de barman ? lui demande-t-elle en haussant les sourcils, sans se départir de sa bonne humeur.
Dany a donc travaillé ici... Intéressant. Je n'ai connu que le Dany vendeur à la boutique de souvenirs de June, mais je ne me suis jamais posée la question sur ses boulots précédents. Malgré ses quelques dérapages judiciaires de jeunesse, j'imagine qu'il a dû exercer plusieurs métiers, par ci, par là.
- A vrai dire... un peu les deux, annonce-t-il, à ma plus grande surprise. Je suis en colocation avec des amies et maintenant, je dois contribuer au loyer et c'est mieux de le faire en ayant un boulot.
Il tourne son visage vers moi :
- Je ne veux pas vivre à tes crochets où à ceux de June. Je veux m'assumer et honorer ma part des charges.
Je suis agréablement étonnée par sa démarche. Je dois avouer que Dany a fait beaucoup de chemin depuis notre rencontre, et dans le bon sens.
- Si le boss te reprend, ça n'en sera que mieux ! Jim, le nouveau, ne sait même pas faire une Piña Colada digne de ce nom... c'est juste du jus d'ananas avec beaucoup trop de rhum... Le truc imbuvable, quoi ! Tu postules quand, du coup ?
- Je pensais venir me présenter lundi, si le patron est là.
- Je peux te tenir au courant, au pire des cas. Il me semble que j'ai toujours ton numéro... J'espère pour toi qu'il a oublié l'incident qui a précipité ton renvoi, ajoute-t-elle en grimaçant. En tout cas, je vais croiser fort les doigts pour qu'il t'embauche de nouveau. L'ambiance n'est plus la même depuis que tu es parti...
Sa dernière phrase est prononcé sur un ton exagérément éploré, avant qu'elle ne pose sa main sur l'épaule de Dany. Même si elle parait super sympa au premier abord, quelque chose me dérange chez elle. Elle fait trop de simagrées pour se rendre intéressante aux yeux du rebelle... et lui gobe son numéro comme un idiot !
- Pouvez-vous nous indiquer un carré VIP dans lequel nous pourrions nous installer ? j'interviens en me raclant la gorge, pour signifier ma présence qu'elle ne semblait pas avoir remarqué. Maintenant que le côté recrutement a été évoqué, il est temps de passer à la partie clients, vous ne pensez pas ?
Mon ton est légèrement agacé et j'adresse à notre hôtesse d'accueil blonde platine le plus faux-cul de mes sourires. Sa moue réjouie, lorsqu'elle porte — enfin — son regard sur moi, perd un peu de son éclat quand elle se plie à mes exigences.
- Oui, pardon. Bien sûr... Suivez-moi, les tourtereaux...
Hannah nous tourne le dos et nous conduit vers l'espace le plus éloigné de la salle, le seul encore inoccupé. Elle tire le rideau et nous invite à entrer. Je m'assois en face d'elle, m'affalant sur le dossier en cuir du canapé, en croisant les jambes.
- Que désirez-vous boire ? nous demande-t-elle. Vous avez une sélection de nos bouteilles les plus...
- Mettez-nous la bouteille la plus chère de la carte, ça ira, je lui indique, sans quitter mon sourire hypocrite, en lui coupant la parole. Et quelques amuse-bouches à grignoter, aussi.
La blonde tape tout sur sa tablette, avant de nous expliquer qu'un serveur va venir apporter notre commande sous peu. Elle nous salue avant de prendre congé. Dany, qui vient de s'asseoir à côté de moi, me lance un regard circonspect.
- Je peux savoir pourquoi tu es aussi agressive avec elle ? me demande-t-il, tandis qu'il enlève sa veste en cuir, dévoilant sa chemise bleu clair, se mariant à la perfection avec ses yeux, et dont les deux premiers boutons sont défaits.
- Ce n'était pas de l'agressivité, mais elle a manqué de professionnalisme en m'ignorant dès mon arrivée. Et je n'aime pas être boudée de la sorte, je lui réponds avec une assurance qui me déconcerte moi-même.
Dany sourit, se doutant pertinemment qu'il ne s'agit pas — que — de cela. Il se tourne vers moi et s'accoude contre le haut du dossier du sofa, tenant sa tête avec son poing.
- Et me faire casquer le champagne le plus cher, qui est quand même à huit cent-cinquante livres, c'est pourquoi, au juste ? Je ne t'ai pas ignorée, il me semble...
Il n'y a aucun reproche dans sa voix. Au contraire, il semble amusé par mon comportement. Il passe sa langue sur sa lèvre inférieure, ce qui fait naitre un sensation de chaleur dans mon bas-ventre.
- Certes, mais tu cautionnais son attitude de fille cherchant désespérément ton attention, et ça m'a agacé, voilà tout, je lui réponds avec le même aplomb.
- Ouais, donc t'es jalouse, en fait ! résume-t-il, sans se départir de son sourire, qui s'intensifie même après sa conclusion.
Je me tourne vivement vers lui, offusquée qu'il puisse penser une telle chose.
- Tu fais fausse route, mon p'tit père ! je pouffe. Les filles sont jalouses de moi, certainement pas le contraire !
Je claque des doigts pour donner plus d'impact à mes paroles.
- S'il y en a une qui devait être verte de jalousie, c'est elle, pas moi. C'est juste que je n'aime pas qu'on marche sur mes plates bandes !
- D'accord... mais c'est ce qu'on appelle communément de la jalousie, cocotte ! insiste-t-il, en prenant un malin plaisir à me tourmenter.
Lui aussi commence à m'agacer, en prétendant savoir mieux que moi ce que je ressens.
- Je suis sûre que t'as déjà couché avec elle, je présume, à mon tour. Elle correspond parfaitement au profil des « prostiputes » que tu aimes taaaant draguer...
J'avoue avoir un peu craché l'insulte visant la blonde. Et rien que de l'imaginer avec Dany me donne envie de gerber.
- Oui, et ? En quoi ça te dérange ? me demande-t-il, nullement outré par mon commentaire. On s'est amusé, on a pris du bon temps... et voilà ! Alors, veux-tu que je te donne les détails ? Parce que j'ai plein d'anecdotes à te raconter. Pour commencer, elle adore se fai...
Je me lève brusquement, portant mes mains à mes oreilles pour ne plus entendre le moindre mot sortant de sa bouche. Bien que le son soit partiellement bloqué par mes paumes, je peux voir Dany s'esclaffer sur le canapé. Je lui lance un regard noir. J'ai sacrément envie de lui faire passer son envie de rire de façon très violente.
- Tu devrais voir ta tête, se gausse-t-il en tentant de reprendre son souffle. Et après, tu oses me dire que tu n'es pas jalouse !
Il est carrément en train de se foutre de ma gueule. Je me rassois à côté de lui, bougonne, croisant les bras contre ma poitrine, sourcils froncés.
- Continue comme ça et je te jure que j'appelle Tom et je te plante là pour aller le rejoindre ! je maugrée, comme une gamine fortement contrariée qui boude dans son coin.
Dany se calme mais garde son air satisfait.
- T'es trop mignonne. Maintenant, c'est toi qui essaies de me rendre jaloux... dit-il en passant une main dans mes cheveux, geste dont je me recule vivement. Tu peux l'appeler, si tu veux, mais tu sais très bien qu'il ne te satisfera pas comme moi je peux le faire.
- Au moins, lui va au bout des choses, si tu vois ce que je veux dire. Il ne me laisserait jamais pantelante sous la douche, à moitié à poil. Il aime le travail bien fait et, surtout... fini ! je lui renvoie en pleine face.
Dany se fend d'un sourire qui me ferait chanceler si je n'étais pas assise.
- Tu m'en veux encore pour ça ? s'étonne-t-il. J'avais oublié que tu avais la rancune tenace...
Ma patience est à deux doigts d'atteindre ses limites. A ce moment-là, le serveur arrive avec notre bouteille hors de prix et quelques assiettes avec différents mets, qu'il pose devant nous. Il nous présente les plats avant de se retirer et de nous souhaiter une bonne soirée.
- J'ai besoin de boire un coup... plusieurs même ! je m'exclame avec hargne en me levant pour saisir la bouteille fraiche.
J'enlève l'habillage doré du Moët Chandon Ice Imperial que le serveur vient de nous apporter. Je le ratatine dans ma main avant de le jeter par terre. Je suis bien énervée maintenant, alors je me fous bien des principes de bonne conduite.
- Angie, ça va... Je déconnais ! se défend Dany avec un petit rire, en se levant à son tour.
Je l'ignore et préfère m'atteler au dévissage du muselet pour libérer le bouchon, que je jette sur la table basse. En rebondissant, il rejoint la boule dorée sur le sol.
Dany tente de me prendre la bouteille des mains, mais je me débats pour éviter qu'il y mette la main dessus. Je suis encore capable de déboucher une putain de bouteille de champagne, quand même ! Il finit par lâcher l'affaire, visiblement agacé, lui aussi.
- Tu vas faire la gueule, maintenant ? Tu vas m'ignorer ? me demande-t-il, les mains posées sur ses hanches, trahissant son impatience quant à mon éventuelle réponse. Tu veux vraiment qu'on passe une soirée de merde ?
Je ne prête toujours pas attention à ce qu'il peut me dire, trop concentrée à faire sauter le bouchon. Il est sur le point d'exploser. A ce moment-là, Hannah se ramène, tortillant du cul dans sa robe moulante, son sourire blanc immaculé aussi fluorescent que la lumière que font ces gros poissons tout moches qui vivent dans les profondeurs de la mer... ah merde, comment ça s'appelle ? Ah, oui la baudroie des abysses... merci « Le Monde de Nemo » !
- Est-ce que tou...
Au même instant qu'elle ouvre la bouche, j'entends la détonation au niveau du goulot de la bouteille. Et là, cela ressemble vraiment à une scène de film comique, calée au millimètre près. Le bruit est aussitôt suivi d'un « aïe » très aigu et, quand je rouvre les yeux, je vois la blonde en train de se tenir le nez et de gémir de douleur. Je suis à la fois tiraillée par des remords et une envie irrépressible de me marrer. Dany, en preux chevalier de « prostiputes », se précipite vers pour vérifier qu'elle ne soit pas blessée. Quand elle retire sa main, je constate que le bouchon l'a percuté en plein nez, au vu du filet de sang coulant de sa narine. Devant ce spectacle, c'est plus fort que moi, mais je lâche un gros rire pas du tout discret. Hannah, confuse, se tourne vers moi, tandis que Dany me gratifie d'un regard plein de réprimande. Je me pince les lèvres pour éviter de pouffer de nouveau.
Le bouclé décide d'accompagner la morue des bas fonds à l'infirmerie. Je reste là, seule, avec ma bouteille qui se vide petit à petit sur la table. J'attrape rapidement un verre pour déverser le liquide coûteux dans la flûte. Je m'assois et sirote mon breuvage pétillant.
Quelques secondes plus tard, Dany réapparait. Je ne dis toujours rien et me contente d'avaler une nouvelle gorgée d'alcool. Il prend place de nouveau à côté de moi et soupire.
- Tu ne l'as pas loupée, m'apprend-il sérieusement. Le bouchon a tapé en plein dans la cloison nasale. Elle a déjà un hématome qui vire au violet et remonte sous son œil.
Je pince une nouvelle fois mes lèvres pour éviter de partir dans un nouveau fou rire, en me repassant mentalement la scène qui vient de se dérouler quelques instants plus tôt, et en visualisant la gueule de Frankenstein qu'elle se trimballe à présent.
- Je... je suis désolée, j'arrive à marmonner, tout en me retenant de rire.
- Tu es tout sauf désolée, affirme le rebelle, sans jugement dans la voix.
Devant ce manque de remontrances, je ne me retiens plus et laisse libre cours à mon hilarité. Soudain, j'entends Dany aussi ricaner à côté de moi.
- Oh ! T'es aussi mauvais que moi ! je lui fais remarquer, alors qu'il se moque d'elle tout autant que moi.
Bon, peut-être pas autant... mais il rit quand même !
- J'avoue que, malgré sa blessure, c'était très drôle ! m'assure-t-il en essayant de retrouver son calme.
A son tour, il se sert un verre de champagne avant de venir de nouveau s'adosser contre le canapé.
- On trinque à quoi ? A la paix retrouvée ? me propose-t-il en levant sa coupe.
Après ce gros éclat de rire, je ne peux pas rester fâchée après lui. En souriant, je lève à mon tour ma flûte avant de la faire tinter contre la sienne. Nous buvons tous les deux une gorgée de la précieuse boisson avant de reposer nos verres sur la table.
- Bon, et si on jouait à ton jeu, maintenant ?
En entendant ses mots, j'arbore mon sourire espiègle. Je me tourne vers lui, imitant la même posture que la sienne : un bras posé sur le haut du dossier du canapé, et une jambe pliée sur l'assise, avec le pied coincé derrière le genou de l'autre.
- Très bien. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas vraiment de règle. C'est plutôt... une série de défis que je vais te donner, un peu comme un « Action ou Vérité », mais sans le « Vérité », en fait. Si tu parviens à remplir chacune de tes missions, je te laisserais me faire une chose de ton choix, tout ce que tu veux... dans la limite du raisonnable, bien sûr ! Je n'ai pas froid aux yeux, mais je ne suis pas kamikaze.
Dany m'écoute attentivement en hochant la tête, tout au long de ma proclamation. Cependant, je devine à sa mine que quelque chose le dérange dans ma proposition.
- Quel est le but du jeu, exactement ? A part être ton esclave sexuel et prendre ton pied ?
- Tu n'as rien compris... Ce jeu consiste à faire grimper le plaisir, jusqu'au défi final, où tu remporteras ce que tu convoites depuis un moment...
- D'accord, mais toi ? Tu ne joues pas ? m'interroge-t-il, en haussant ses sourcils fins. Parce que c'est bien joli que tu m'autorises à te faire des choses, mais moi... je n'ai droit à rien ?
- A me donner du plaisir, ce qui devrait te ravir, je lui réponds avec assurance. N'oublie pas que si tu réussis tous les challenges, je suis ton prix. Voilà ce à quoi tu as droit... A moi ! Cela ne te suffit pas ?
Dany fronce de nouveau les sourcils face à ma réponse. Il ne s'attendait pas à ça, certainement. Mais bon, c'est mon jeu, mes règles. Soit il joue, soit on rentre.
- J'ai une contre-offre à te faire : si je réussis un défi, je choisis ce que je veux que tu me fasses et tu as ensuite un défi à réaliser à ton tour, et si tu le réussis, les mêmes termes s'appliquent pour toi, marchande le bouclé avec un air satisfait.
Je suis étonnée par ses qualités de négociateur. Sa suggestion est loin de me déplaire, pour tout avouer. Je prends quand même quelques secondes pour réfléchir, pour le faire gamberger. Pendant ce silence planant au-dessus de nos têtes, son regard ne se détache pas du mien, s'égarant quelques fois vers mes lèvres, et la lueur lubrique assombrissant le bleu de ses yeux vient de faire son retour.
- Très bien, je suis partante, je lui révèle au bout de quelques secondes. Qui commence ?
- Je suis galant, donc je te laisse l'honneur de m'attribuer le premier défi, dit-il.
Je réfléchis quelques secondes quant à un gage facile pour débuter notre jeu, ou pour s'échauffer, dirons-nous.
- Tu te targues d'être un dragueur hors pair et qu'aucune femelle ne résiste à ton charme. En conséquence, ton premier défi sera d'obtenir le numéro de téléphone d'une fille de ton choix dans ce club... en moins de trois minutes, je lui annonce avec un sourire déjà triomphant. Tu as une minute pour repérer ta cible. Bien sûr, je ne serai pas loin pour vérifier que tu ne triches pas... Je saurai me faire discrète.
Dany semble prêt à monter au front et remplir sa première mission. Nous nous approchons de la limite de notre espace privé, nous donnant une vue intéressante et globale de la pièce.
- J'accepte. Étant donné que tu me donnes un défi facile, je ne vais pas être trop gourmand sur ma récompense en cas de victoire, me dit-il. Donc, j'opte pour ta main dans mon boxer et cinq petits coups de poignets. Évidemment, tu attendras que je sois raide comme la justice avant de prodiguer tes soins. Mais, avec ta mimine sur mon paquet, ça ne devrait pas prendre bien longtemps. Qu'en dis-tu ?
Tout en riant en entendant les mots enfantins qu'il vient d'employer, pour une situation qui ne sera pas du tout bon enfant, j'accepte à mon tour le prix à payer s'il relève le défi. Nous nous serrons la main avant que Dany ne se mêle à la populace. Je le suis et comprends rapidement qu'il se dirige vers le bar, de l'autre côté de la pièce. Heureusement pour nous, il n'y a pas foule devant le comptoir et j'aperçois Dany s'avancer vers une blonde accoudée sur le bois du bar. Je m'installe deux tabourets plus loin.
- Bonsoir, mademoiselle, la salue-t-il en dégainant son plus beau sourire. Je vous ai repérée depuis mon carré et je n'ai pas résisté à venir vous aborder.
Je lève les yeux au ciel, tellement son introduction est d'un banal. Entretemps, j'ai commandé une bière, me souvenant d'éviter de prendre un cocktail. Mon portable est posé devant moi, laissant les secondes défiler sur le chronomètre.
La jeune femme tourne sa tête vers Dany et, à ses sourcils froncés, je devine que quelque chose ne va pas.
- Pourquoi tant de tristesse ? Qu'est-ce qui vous a mis dans cet état ? lui demande-t-il en posant sa main sur sa joue pour essuyer les larmes coulant avec son pouce.
- Mon... mon petit-ami... vient... vient de me larguer ! lui apprend-elle avant de s'effondrer de nouveau en larmes.
La jeune femme pose sa tête sur l'épaule du bouclé, qui semble paniqué devant l'état de la jeune femme. Par-dessus l'épaule de sa « victime », il me lance un regard désespéré, ce qui me réjouit intérieurement. J'en profite pour lui montrer l'écran de mon portable, lui indiquant qu'il lui reste moins de deux minutes pour récupérer son numéro de téléphone.
- Je suis vraiment désolé, mais je suis persuadé qu'il ne vous méritait pas ! la réconforte le rebelle. Je suis certain que je prince charmant n'est pas si loin que ça...
La jeune femme relève la tête pour regarder Dany, tout en essuyant grossièrement ses yeux et en reniflant de manière très disgracieuse et bruyante.
- Vous... vous croyez ? sanglote-t-elle.
- Bien sûr. Laissez-moi vous offrir un verre pour vous remonter le moral.
Je regarde de nouveau le compte à rebours. Plus qu'une minute quinze avant la fin du temps imparti à la réalisation du défi. Dany lui demande ce qu'elle souhaite boire et, comme si elle ne souffrait pas déjà assez, elle opte pour la Piña Colada. A ce moment-là, mon partenaire de jeu attrape son portable et décroche.
- Oui ?... Je suis en soirée, là... et en très bonne compagnie, même, apprend-il à son interlocuteur avant de gratifier la fille d'un regard mielleux et d'un sourire charmeur. Comment ça ? Quoi, maintenant ? Non, ça ne m'arrange pas vraiment... mais si je n'ai pas le choix...
Laissant sa phrase en suspens, il raccroche, arborant une mine dépitée.
- Je suis vraiment désolé, mon colocataire vient de glisser dans la douche et il pense s'être démis l'épaule. Je dois rentrer d'urgence pour l'amener à l'hôpital.
- Oh... déplore la jeune femme triste.
- J'aimerais cependant beaucoup continuer notre conversation. Serait-ce trop culotté de ma part de vous demander votre numéro de téléphone aussi tôt, alors que ça ne fait que... deux minutes et trente-neuf secondes que nous nous connaissons ?
J'agite le portable pour le narguer. Il lui reste très peu de temps pour accomplir son défi. Je sens que ma mimine va rester loin de son paquet pour ce tour.
Un sourire se dessine sur le visage zébré par les larmes de la jeune femme, qui hoche la tête avec entrain. Elle commence à lui dicter les chiffres composant son numéro. Je regarde le chronomètre et je dois reconnaitre ma défaite : il a enregistré le numéro à deux minutes et cinquante-huit secondes.
Il s'excuse de partir aussi précipitamment et, alors qu'il est en train de s'éloigner, elle l'interpelle une nouvelle fois ?
- Vous ne voulez pas connaitre mon prénom ? lui demande-t-elle en glissant du tabouret.
Dany se retourne vers elle, et lui assure que ce sera la première chose qu'il lui demandera lorsqu'il l'appellera. Cette nouvelle semble ravir la jeune femme qui sourit à présent de toutes ses dents.
La pauvre... elle peut toujours attendre...
Je repars de ma place et me dirige vers notre carré VIP. Dany m'y attend, affalé sur le canapé, les jambes écartés.
- J'ai gagné, n'est-ce pas ? m'interroge-t-il avec assurance.
- A deux secondes près, je lui révèle en l'applaudissant. Tu es fort, je dois le reconnaitre. Tu as honoré ton contrat. Maintenant, c'est à mon tour de payer mon dû.
Je tire le rideau opaque, pour avoir plus d'intimité. Une fois protégés des regards extérieurs, je m'approche de lui et me place entre ses jambes. Le bouclé ne me lâche pas du regard. Je pose mes yeux sur le haut de son jean noir et m'accroupis lentement pour arriver à sa hauteur. Je porte mes mains vers le bouton de son pantalon et le défais facilement. Je saisis la languette en métal de la fermeture éclair et la descends, révélant le boxer de la même couleur en dessous. Je me relève et viens m'assoit à côté de Dany.
- Te voir accroupie comme ça entre mes jambes... j'aurais dû choisir la pipe, direct ! feint-il de regretter, d'une vois inhabituellement grave, mais tellement sensuelle.
- La soirée ne fait que commencer, bouclette, je lui assure, en chuchotant à son oreille. Et je sais pertinemment que ma bouche va finir autour de toi, à un moment donné... que ce soit ici, ou à la maison... ou peut-être même les deux, si t'es gentil...
Dany déglutit lorsque ma langue vient lécher le lobe de son oreille. En même temps, je glisse ma main dans son boxer et commence à le caresser. Cette fois-ci, le rebelle gémit et ferme les yeux tout en basculant sa tête en arrière.
- Oh, putain...
J'ai envie de lui faire perdre un peu la tête et décide de venir poser mes lèvres dans son cou pour le parsemer de baisers.
- Angie, gémit-il.
Je dois avouer que je reste pas insensible aux petits bruits qui sortent de sa bouche. Et quand il prononce mon prénom dans un souffle... mon bas-ventre se contracte immédiatement. D'ailleurs, je le sens également durcir sous les assauts de ma main. Lorsqu'il arrive à « maturité », je le saisis dans ma main et commence à faire les cinq va-et-vient, comme convenu. J'y vais très lentement, pour faire durer le plaisir.
- Un... je murmure, en léchant la peau fine de son cou, juste en dessous de son oreille.
Dany lâche un grognement.
- Deux... je continue, reprenant le même rituel.
Un râle se forme dans la gorge du bouclé.
- Trois... quatre... et cinq, je finis de compter en retirant ma main du boxer.
Un grognement de frustration traverse la barrière de ses lèvres. Même s'il n'a pas joui, Dany met quelques secondes à retrouver ses esprits. Je suis assez satisfaite de mon travail, et de l'alliance de mes actions pour lui faire vivre une expérience courte mais intense.
Il redresse la tête et tente de refermer son jean, malgré le gros renflement qui déforme son caleçon.
- Je vais attendre que la pression redescende avant de le reboutonner, précise-t-il. Tu as mis la barre très haut avec ce paiement en nature. Pfiou... Bon, en tout cas, avant d'être de nouveau présentable, ça me laisse le temps de trouver ton premier défi.
Pendant qu'il réfléchit, nous nous accordons une pause champagne. La nuit est encore jeune et les possibilités infinies. J'attends avec impatience de voir ce que son imagination me réserve.
- Okay, j'ai ton défi. Tu vas aller accoster la personne de ton choix. Tu auras, comme moi, une minute pour définir ta cible et, en moins de cinq minutes, tu vas devoir décrocher un rendez-vous galant avec lui. Acceptes-tu ce challenge ?
- Sans aucun problème, je lui réponds. Si ton entrejambe a fini de dégonfler, on peut y aller !
Dany se lève et se rhabille. J'ouvre à peine le rideau pour scruter la salle à la recherche du candidat idéal pour mon défi. Mes yeux s'arrêtent sur un beau brun aux yeux bleus, aux allures d'un prince Disney, assis dans un des salons publics.
- Lance ton chrono quand tu veux, je pars à la chasse ! je lance en sortant du carré VIP.
Dany, le portable à la main, commence à me chronométrer. En passant devant la table de ma cible, je remarque que son verre de martini est vide. Voilà une bonne opportunité pour engager la conversation. Sans prêter attention au salon où le jeune homme se trouve, je me dirige vers le bar et commande deux martinis. Le bouclé est resté en retrait, mais a une vue intégrale sur la situation, malgré la foule qui s'amasse à l'intérieur du club.
Une fois mes deux verres en main, je déambule entre les gens, une expression confiante sur le visage. Je m'approche petite à petit du salon. Je m'arrête et adresse un sourire en coin à Dany, lui signifiant que je vais passer à l'action. Ce dernier me fait un signe de tête pour me faire comprendre qu'il est également prêt à être témoin d'une belle leçon de drague. Je fais deux pas et « trébuche » malencontreusement, mes verres de martinis venant éclabousser — ou plutôt arroser — le dos de ma victime. Je feins d'être choquée et confuse par l'enchainement des évènements. Le jeune homme se lève et je vois l'impressionnante auréole sur son dos, s'étalant sur ses épaules et ayant également mouillé la base de ses cheveux. Je me relève maladroitement, en me confondant en excuses.
- Oh, mon dieu ! Je suis vraiment désolée, je bredouille en faisant semblant de boiter légèrement.
Lorsqu'il se retourne vers moi, l'expression furieuse du prince Disney s'adoucit.
- Oui, eh bien... ce n'est pas si grave que ça, finit-il par lâcher. Vous ne vous êtes pas fait mal, au moins ?
Il me tend la main pour m'aider à me remettre complètement sur pied. Je cache mon visage, morte de honte.
- Vous devez vraiment me prendre pour une idiote avec deux pieds gauches, je me lamente. Je vais bien, ne vous inquiétez pas. C'est juste ma dignité qui vient d'en prendre un coup ! En plus... vous allez penser que je suis complètement folle, mais j'espérais que ce martini, qui a finalement fini sur votre chemise, finisse au fond de votre gosier.
Le jeune homme, confus par mon explication brouillon, fronce les sourcils. Je décide de lui apporter quelques précisions.
- Je suis dans un des carrés VIP avec mes amies et... je vous regarde depuis que vous êtes arrivé et... quand j'ai remarqué que votre verre était vide, je voulais vous en offrir un... et je suis là, maintenant, à me ridiculiser devant un des plus beaux mecs qui m'aient été donné de rencontrer.
Mes flatteries semblent apaiser sa confusion, comme je m'y attendais. Les hommes sont tellement prévisibles...
- Eh bien, vous pouvez toujours vous rattraper en m'en offrant un maintenant, me propose-t-il avec un sourire charmeur. Ce n'est pas tous les jours qu'une magnifique jeune femme me balance un verre d'alcool en pleine figure... bon, dans le dos en l'occurrence, ici, sans être furieuse après moi.
Je glousse à son trait d'humour pour le faire plier un peu plus. Là, c'est clair qu'il me bouffe dans la main.
- Ça aurait été avec plaisir, mais mes amies me font signe que nous devons partir, je lui annonce d'une voix plaintive. Mais, peut-être qu'on pourrait se voir en face-to-face, avec deux verres bien posés sur la table, sans risque de se faire asperger, dans la semaine ?
Je ponctue ma question avec un petit rire, rebondissant sur sa vanne du verre en pleine figure.
- Je suis libre mardi soir, après le boulot, si vous êtes disponible, me propose-t-il. On pourrait se retrouver dans un pub pour mieux faire connaissance...
J'acquiesce et nous échangeons nos numéros de téléphone. Je lui adresse un petit signe de la main en m'éloignant avant de disparaitre dans la foule. Quelques secondes plus tard, je sens la présence de Dany derrière moi, tandis que nous regagnons notre tanière de luxe.
- Je suis épaté, vraiment ! Trois minutes trente, sur les cinq données... je pense que c'est un record ! récapitule-t-il, époustouflé.
- Le secret réside dans le doigté féminin... tu viens de l'expérimenter, d'ailleurs, je lui réplique en m'asseyant sur le canapé, retirant mes escarpins qui me font un mal de chiens après ma cascade digne des meilleures rom-coms hollywoodiennes. Maintenant, à ton tour de passer à la caisse.
- Je ne crois pas que tu m'aies spécifié ce qui te ferait plaisir, rétorque Dany en fronçant les sourcils.
- Mais j'y viens, mon cher ami, j'y viens. J'adore tes mains, elles sont vraiment belles, je lance en portant mon regard sur cette partie de son anatomie. Mais tu sais quand c'est que je les trouve vraiment irrésistibles ? Quand elles sont sur moi... ou en moi.
Dany entrouvre la bouche, chamboulé par ce que je viens de lui déclarer. Oui, j'y vais fort, parce que je sais que cette soirée sera inoubliable sur bien des points.
- Euh... tu veux que... je fasse quoi... avec mes mains, alors ? bredouille-t-il, en cherchant ses mots.
- Je veux que tu viennes te mettre entre mes jambes, et qu'avec ta première main, tu passes sous ma robe et caresses ma poitrine, tandis qu'avec la seconde, je ne vais seulement avoir besoin de ton pouce et de ton majeur : l'un sur mon clitoris et l'autre me pénétrant cinq fois.
Le bouclé passe une main dans ses cheveux en soufflant devant l'ampleur de sa tâche. Il s'assure que le rideau est bien tiré avant de s'avancer vers moi.
- Je croyais que le but était de faire grimper le plaisir, pas de l'atteindre, m'avertit Dany. Là, tu réunis toutes les conditions pour avoir ton orgasme.
- Débrouille-toi pour m'emmener au bord du précipice sans que j'y tombe dedans, je lui rétorque en relevant les bords de ma robe, tout en m'allongeant sur le canapé.
Le regard de Dany est vissé sur le moindre de mes faits et gestes, complètement hypnotisé. Il s'avance vers moi et plante un genou sur l'assise entre mes jambes pliées. Il reste à moitié debout, me surplombant de toute sa hauteur. Je suis complètement à sa merci. Il pourrait faire de moi tout ce qu'il veut, en cet instant.
Sa main gauche vient se faufiler sous la soie noire de ma robe et lorsque sa paume chaude entre en contact avec mon ventre, des frissons se répandent sur toute la surface de ma peau. Elle remonte doucement vers ma poitrine. Rien que son toucher met tous mes sens en alerte. Il passe sa main d'un sein à l'autre, en les pétrissant légèrement. Je ferme les yeux pour me délecter de cette douce agonie. Je suis déjà dans un autre monde alors qu'il n'a même pas encore attaqué mon autre point sensible.
Soudain, il retire sa main et vient trouver les bretelles de ma robe, qu'il abaisse délicatement. Je me cambre pour lui faciliter la tâche. La soie glisse sur ma peau, révélant ma poitrine à ses yeux gourmands.
- Tu sais à quel moment je préfère tes seins ? me demande-t-il, avec un rictus insolent. Quand je peux les voir, les toucher... et surtout leur faire ça.
Sans crier gare, il plonge la tête et vient capturer un de mes tétons dans sa bouche. Son assaut surprise m'arrache un gémissement bruyant, heureusement couvert par la musique du club et je glisse ma main dans ses boucles brunes pour intensifier le contact. Sa langue, à présent, vient titiller la pointe de mon téton durci, avant de bifurquer sur l'autre. Je ne suis plus que sensations face à tout ce qu'il provoque en moi.
Il se redresse, abandonnant ma poitrine au souvenir de sa bouche sur moi. Je pousse un gémissant plaintif face à la distance qu'il vient de mettre entre nous. Cependant, ma frustration fait place à une nouvelle décharge de plaisir dans mon corps quand je sens ses doigts frôler mon intimité, qui n'est plus humide à ce stade-là, mais inondée.
- Putain, Angie, souffle-t-il, tandis que son majeur entre lentement en moi, me faisant cambrer le dos, tout en gémissant de nouveau.
Son pouce, quant à lui, se pose sur mon clitoris, et commence à le caresser en faisant des petit cercles. Pour me faire complètement basculer dans un monde où le désir est roi, sa bouche revient torturer mes tétons, et je halète, à bout de souffle tant je suis submergée de plaisir. Mes poings se contractent sur le cuir du canapé, tellement je résiste à me laisser aller.
- Un, murmure Dany contre la peau sensible de mon sein, alors que son majeur est hors de moi, sans arrêter de maltraiter mon bouton de chair.
- Dany, non... je halète.
Je sais très bien qu'il veut me faire jouir, mais je ne souhaite pas avoir mon orgasme comme ça. J'avais tout de prévu dans ma tête, et cet entêté s'acharne à contrecarrer mes plans. Eh bien, s'il veut brûler les étapes, on va être deux !
- Non... quoi ? demande-t-il, tandis qu'il entre de nouveau en moi, m'arrachant un nouveau cri de plaisir. Deux...
Malgré la tête qui me tourne à cause de toutes les décharges de plaisir qui me montent au cerveau, je réussis à me redresser et à le repousser. Pantelante, je me relève et lui ordonne de s'asseoir, ce qu'il fait sans discuter. J'attrape mon sac, d'où je sors un préservatif, que je lui envoie. Il le réceptionne d'une main.
- Le jeu est déjà fini ? feint-il de se plaindre.
- C'est vraiment con pour toi, parce que j'avais prévu de te faire un striptease, et d'autres réjouissances, mais tu es trop impatient, alors... allons droit au but, mon chou !
Je me dirige vers lui d'un pas pressé et me précipite sur la fermeture de son jean.
- Rien ne t'empêche de le faire maintenant, rétorque-t-il en haussant les épaules.
Je relève la tête vers lui, en plissant un œil.
- Bien essayé, mais je suis trop près du précipice pour t'octroyer un striptease. Tu vas remplir ton devoir conjugal, tout de suite !
Dany attrape mes mains pour me stopper dans mon élan, ce qui me contrarie fortement.
- Hey, hey, hey... calme-toi. On dirait une hystérique en manque de sexe. En quoi c'était gênant que je te fasse jouir avec mes doigts ? Je ne comprends pas...
Je ne veux pas m'étaler sur les raisons qui me poussent à agir comme ça. Mais... étant donné que j'ai décidé d'être complètement transparente avec lui, pour qu'il me comprenne mieux, je commence à m'expliquer :
- Je voulais vraiment que cette soirée monte crescendo entre nous, tu vois ? Des petits papillons dans le ventre à l'explosion finale. C'est pour ça que j'avais ces défis en tête, et surtout les récompenses pour faire grimper le plaisir petit à petit... jusqu'au moment où on aurait vraiment couché ensemble. Je sais que c'est trop girly et gnangnan mais... comme tu es spécial à mes yeux, je voulais que notre... première fois soit spéciale aussi.
Dany me regarde avec bienveillance et m'attire vers lui. Je m'assois sur ses genoux, tandis qu'il m'encercle avec ses bras. Encore une fois, je me montre vulnérable en sa présence. J'espère seulement que je n'en paierais pas le prix fort.
- Je ne savais pas qu'au fond de toi, il y avait une incorrigible romantique, me taquine-t-il en frôlant mon nez avec son index. Ecoute, rien n'empêche que cette soirée soit quand même spéciale, mais autrement. D'ailleurs, il me vient une idée pour qu'elle soit mémorable !
Je relève la tête vers lui, intriguée par ce qu'il a à me proposer. Il m'invite à me lever, ce que je fais, et ne tarde pas à m'imiter. Nous sommes tous les deux debout, l'un en face de l'autre, à nous fixer intensément. Du bout des doigts, il relève les bretelles de ma robe pour me rhabiller, ce qui me rend perplexe. Sa main vient ensuite se poser sur ma joue et le bleu de ses iris scrute mon visage, comme s'il voulait se le remémorer à tout jamais. Sa tête s'approche de la mienne et, cette fois-ci, je laisse ses lèvres atterrir sur les miennes. Je me mets sur la pointe de mes pieds nus pour ne pas qu'il ait trop à se pencher. Son autre main vient se nicher au creux de mes reins pour m'attirer un peu plus contre lui. A mon tour, mes doigts viennent trouver sa joue. Ce baiser est très doux, contrairement à nos tempéraments explosifs. Sa langue passe facilement la barrière de mes dents et vient à la rencontre de la mienne. Mes pieds faiblissent de temps à autre et je retombe sur mes talons. Prenant le taureau par les cornes, Dany passe ses bras sous mes fesses et me soulève aussi facilement qu'une plume. J'enroule mes jambes autour de sa taille, pendant que nous prolongeons le baiser. Je passe un bras autour de son cou, tandis que mon autre main retrouve sa joue. Il pivote sur le côté pour m'allonger sur le canapé avec douceur et recule sa tête, mettant fin à notre baiser. Ses yeux me fixent avec intensité avant de parler :
- Peu importe quand je te donnerai ton orgasme, et la manière dont je te l'offre, Angie... le plus important, c'est que tu en aies un... ou plusieurs, non ?
Incapable de parler, je hoche la tête et l'embrasse pour appuyer mon approbation. L'idée qu'il puisse me faire vibrer de mille façons fait monter ma libido, déjà à son point maximal, d'un cran. Il se redresse une nouvelle fois et balaie avec une envie certaine mon corps du regard. Il déboutonne sa chemise, m'offrant une vue imprenable sur son torse musclé, avant de s'attaquer à son jean qui, à la vitesse de l'éclair se retrouve, en même temps que son boxer, au niveau de ses chevilles. Je fais de même avec ma robe et mon string, qui rejoignent rapidement ses affaires au sol. Nous sommes tous les deux nus comme des vers, à présent.
Dany m'invite à me rallonger sur le canapé, en se positionnant au-dessus de moi. Nous reprenons notre baiser interrompu plus tôt, faisant totalement l'impasse sur ce qui se passe de l'autre côté du rideau. Nous sommes vraiment seuls au monde, dans cette bulle luxueuse qui n'appartient qu'à nous pour quelques heures.
Sa main, d'abord sur ma joue, descend en frôlant mes côtes pour venir se nicher entre mes jambes. Quand ses doigts retrouvent mon intimité, je gémis contre ses lèvres. Je tiens à lui rendre la pareille et faufile ma main entre nos deux corps jusqu'à trouver son érection au bout de mes doigts. Je la saisis et commence de lents va-et vient, faisant grogner mon partenaire dans ma bouche. J'aime entendre ces bruits de plaisir que je provoque en lui. Il entre un doigt en moi, faisant cambrer mon dos, et resserrer mon emprise autour de son membre. Ses lèvres quittent ma bouche pour venir se nicher dans mon cou et le parsemer de petits chapelets de baisers. Il continue sa descente et son visage fait un premier arrêt au niveau de ma poitrine. Mon bras n'étant pas assez long, je lâche sa verge et le laisse faire. Je ne me focalise que sur sa bouche sur moi, sa langue sur ma peau, tourmentant mes points sensibles.
- Oh, Dany !
Mes gémissements l'encouragent à poursuivre sa route toujours plus au sud. Il retire son doigt pour en faire pénétrer deux, m'arrachant un nouveau cri. Comme si ce n'était pas suffisant, sa bouche vient embrasser mon intimité, alliant les deux mouvements pour me guider vers une délivrance proche.
Je relève la tête pour le regarder s'affairer entre mes cuisses. Ma respiration saccadée, j'enfourne mes doigts dans sa chevelure, pressant sa bouche un peu plus contre moi. Je le sens en moi, sur moi et le mélange de ses sensations me fait perdre pied dans un feu d'artifice explosif.
Je laisse retomber lourdement ma tête contre le cuir gris de la banquette, à bout de souffle. Dany refait surface et vient poser ses lèvres brillantes de mon désir pour lui sur ma bouche. Il y a toujours cette même douceur dans ces baisers.
Je commence à me redresser sur mes coudes, et il se met à reculer. A mon tour de lui donner autant de bien qu'il vient de m'en faire. Il s'assoit sur le canapé, jambes écartées. Je me lève pour me faufiler entre elles. A genoux devant lui, je le fixe dans le blanc des yeux alors que je m'empare de sa virilité. J'entame une nouvelle série de mouvements, ma main caressant la peau lisse de son érection de haut en bas, et de bas en haut. Je me hasarde à donner quelques coups de langue sur son gland, ou de le lécher avant de le prendre dans ma bouche, sous son regard assombri par le désir.
- Oh, putain de merde ! s'exclame-t-il.
Cette injure, que je prends comme un compliment, m'incite à le sucer plus fort. Je resserre ma poigne autour de lui et le prends plus profondément dans ma bouche. Ses jambes commencent à se raidir, me signifiant qu'il est au bord de l'explosion. J'accélère la cadence pour le faire jouir. Ses râles sont calés sur mes mouvements de bouche et de main. Je relève les yeux vers lui et constate que les siens sont rivés sur moi. Sa poitrine monte et descend frénétiquement. La bouche entrouverte, il se mord la lèvre inférieure tant la jouissance se rapproche.
Quelques secondes plus tard, en poussant un grognement de délivrance, il se déverse dans ma bouche, et je continue de le pomper jusqu'à la dernière goutte. Dany me tend la main pour m'aider à me relever, et je viens naturellement m'installer à califourchon sur lui. Je pose mes lèvres gonflées sur les siennes, ne voulant pas rompre ce moment magique entre nous. Cependant, le rebelle met fin au baiser pour attraper l'emballage brillant posé à côté de ma jambe. Il déchire le plastique et en extrait le préservatif qu'il déroule sur son membre. Une fois prêt, il pose ses mains sur mes hanches et me soulève pour le chevaucher. Nous poussons un gémissement à l'unisson au moment où nos corps s'emboitent. Je commence à onduler du bassin, pour notre plus grand plaisir. Mes doigts agrippent sa chevelure, et mon autre main est posée sur son épaule. Dany me dévore littéralement des yeux. Son index vient délicatement dégager une mèche de cheveux venant barrer mon visage, qu'il cale derrière mon oreille. Il se redresse vers moi pour trouver ma bouche, que je lui donne volontiers. Je prends appui sur mes jambes et je commence à monter et à descendre sur lui. Cette friction entre nous est vraiment délicieuse, autant pour lui que pour moi.
Je gémis à plusieurs reprises contre sa bouche et il se met à me prendre plus profondément. Je commence à accélérer la cadence, et Dany me pilonne tant et plus. Soudain, ses mains passent sous mes fesses et il me soulève, se retirant par la même occasion.
- Lève-toi, me dit-il en restant mystérieux quant à ses intentions.
Sans dire un mot, je m'exécute et m'éloigne de lui. Il m'imite, se retrouvant en face de moi, avant de repasser ses bras sous mes fesses et de me soulever de nouveau. J'enroule une nouvelle fois mes jambes autour de sa taille et ma bouche retrouve instantanément la sienne tandis qu'il nous conduit vers le rideau.
Je commence à me poser des questions sur ce qu'il compte faire, mais je lui fais entièrement confiance. Mon dos vient s'appuyer contre le mur à côté de la mince frontière entre notre bulle et le reste du monde. J'avoue que c'est risqué, mais je suis à fond pour les situations dangereuses.
Je glisse le long de la paroi jusqu'à ce que Dany m'empale de nouveau sur sa queue. Ses coups de bassins sont brutaux, comparés à la douceur dont il a pu faire preuve jusqu'à maintenant, mais je ne suis pas contre un peu de sauvagerie.
Au contraire...
- Dany...
Je halète son prénom.
- Vas-y, ma belle... Laisse-toi aller, murmure-t-il.
Mes cris sont de plus en plus rapprochés et de plus en plus forts. Encore une fois, la musique camoufle les sons qui sortent de ma bouche.
- Appuie-toi bien sur moi avec tes bras, m'indique Dany lorsque je sens un de ses bras se retirer de sous mes fesses.
Nous réussissons à garder l'équilibre, malgré tout. Sa main libre vient trouver un de mes seins et ses doigts emprisonnent mon téton.
- Je veux te faire perdre la tête, Angie, me dit-il.
D'ailleurs, l'arrière de mon crâne vient heurter le mur derrière moi, complètement noyée par les ondes de plaisir se diffusant dans mon corps dès qu'il touche ma zone érogène. Je sens mon bas-ventre se contracter et la jouissance arrive presqu'aussitôt. Dany ne tarde pas à se joindre à moi dans ce déferlement d'émotions.
Essoufflé, son front vient se poser sur mon épaule, alors que son bras vient de nouveau soutenir mon fessier. Son souffle chaud vient s'écraser contre ma poitrine encore sensible. Mes jambes tremblent sous l'effet de cet orgasme puissant. Je dépose un doux baiser sur la chevelure bouclée de Dany. Quelques secondes plus tard, il se retire de moi en me soulevant avant de me poser délicatement par terre.
- Alors... c'était assez spécial à ton goût, pour une première fois ? me demande-t-il en souriant.
En guise de réponse, j'esquisse une moue malicieuse en secouant la tête.
- Nos ébats t'auraient-ils rendu muette ? s'étonne le bouclé. C'est une première ! Angie DeLuca sans voix... comment-est-ce possible ?
Qu'il est agaçant, mais je l'adore tellement.
Je lui envoie une de ses chaussures dans les jambes en guise de vengeance quant à sa taquinerie.
- Tu as comblé mes attentes... voire plus ! je finis par lâcher. Mais je ne voudrais pas que tu te reposes sur tes lauriers pour la prochaine fois...
- La prochaine fois... c'est noté ! Et je n'oublie pas que tu as mentionné un striptease, tout à l'heure, me nargue-t-il en esquissant un sourire craquant, tout en remontant son boxer.
- N'oublie pas que tout se mérite avec moi, je lui rappelle.
- Ah oui, vraiment ? me demande-t-il en s'approchant de moi, un air carnassier sur le visage.
Je commence à reculer, mais mes jambes heurtent le canapé, et je tombe assise dessus. Dany se jette sur moi et commence à me chatouiller, alors que je n'ai seulement eu le temps d'enfiler mon string. Je me débats en poussant des cris, tout en riant aux éclats. J'essaie de le repousser, mais il est plus lourd que moi. Il finit par arrêter et plonge son regard dans le mien avant de m'embrasser avec fougue.
J'ignore si c'est l'euphorie du moment, l'adrénaline circulant encore dans mes veines, ou le simple fait d'être avec Dany, mais je suis heureuse. Oui, je peux le dire. Je suis au comble du bonheur, et je ne crois pas avoir déjà expérimenté une joie aussi intense qu'en ce moment-même.
Je souris bêtement en le regardant, promenant mon index sur son visage, dessinant chaque trait et chaque contour de sa beauté.
- Quoi ? pouffe-t-il.
- Rien... je murmure en secouant la tête. C'est juste... parfait.
Dany sourit à son tour, et s'éloigne une nouvelle fois de moi.
- Tu ferais mieux de te rhabiller, sinon je pense avoir encore assez d'énergie pour te prendre en levrette, s'exclame-t-il.
- J'aimerais bien voir ça, je lui réponds avec un sourire en coin.
Surpris par ma répartie, Dany hausse un sourcil interrogateur, ne sachant pas s'il doit me prendre au sérieux pou pas.
- Ne me tente pas, diablesse, m'avertit-il sur un ton espiègle. Si tu veux en rentrant, je te fais une nouvelle démonstration de mes prouesses, mais on ferait mieux de ne pas trainer ici.
Je finis par obtempérer en faisant rouler mes yeux avant de me lever pour attraper ma robe.
- Mais qu'est-ce que... s'indigne une voix masculine derrière nous.
Dany se retourne vivement vers l'intrus, tandis que je rabats ma robe sur mon corps, pour dissimuler ma nudité. Il s'agit du serveur qui nous regarde, éberlué.
- Attendez, lui intime Dany, ce n'est pas ce que vous croyez !
L'employé, bouche bée, s'en va.
- Dépêche-toi ! s'affole le bouclé, tandis qu'il enfile sa veste par dessus sa chemise ouverte. Je suis sûr qu'il est allé prévenir la sécurité !
J'enfile ma robe à la hâte. Mon bras rate une bretelle, mais je m'en fous. Je prends mes escarpins à la main pour courir plus vite. Dany a enfilé ses boots sans les attacher. Nous nous dirigeons en courant vers la sortie du carré VIP. Malheureusement pour nous, Johnny et son acolyte nous attendent de pied ferme, le visage renfrogné.
- Veuillez nous suivre, s'il vous plait, nous ordonne le vigile.
Dany et moi échangeons un regard circonspect avant d'obéir aux ordre du molosse en costume.
- Je crois que ce n'est pas la peine de postuler ici pour ton nouveau job, je lui glisse discrètement.
Dany se contente de lâcher un soupir désespéré, tandis que nous talonnons nos gardiens.
Dany m'avait promis une soirée mémorable... C'est certain que je ne risque pas de l'oublier, celle là !
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