45 BIS.
[HERO]
Des évènements peuvent faire basculer votre vie du jour au lendemain, en bien ou en mal. Cela peut-être un départ, un changement, un deuil, ou tout simplement une rencontre déterminante pour la suite de l'histoire. N'ayant connu que des galères depuis mon plus jeune âge, je n'ai jamais attendu grand-chose de la vie. Je n'avais qu'une certitude : à partir d'un certain âge, j'allais prendre mon destin en main. Je n'allais pas continuer à me laisser maltraiter par ma famille de merde jusqu'à mon dernier souffle. J'avais tout réglé au millimètre près, mais comme dans tout plan, des imprévus s'invitent toujours en chemin, et le mien porte le doux prénom de June.
Pour elle, j'étais prêt à tout remettre en cause, et j'ai fait un bon nombre de changements. Et où est-ce que cela m'a mené ? A rien, seulement à être malheureux. Au moins, je peux toujours me rabattre sur mon projet de base et me barrer d'ici...
*
Plus tôt dans la soirée...
Cela fait une bonne heure que la fête a commencé. Il doit y avoir une vingtaine de personnes au rez-de-chaussée, en train de papoter ou de danser. La musique résonne à un volume plutôt modéré pour l'instant, mais connaissant mon hôte, les décibels vont bientôt cracher dans les baffles jusqu'à saturation du son.
J'ai réemménagé chez Morgan après mon retour de Sandgate. J'ai chaleureusement remercié Hamza de m'avoir hébergé et je lui ai, par la même occasion, conseillé de revoir sa position par rapport à Jade. Apparemment, je suis devenu le mec qui donne des conseils en matière de relations amoureuses... quelle ironie ! Je comprends qu'Ham ait pris le parti de notre pote Jack dans l'embrouille qui l'opposait au mec d'Angie, mais quand il a su de quoi il en retournait, il s'est rapidement ravisé. De ce que j'ai compris de leur échange, la balle est désormais dans le camp de Blondie ! A elle de décider si elle fera le bonheur ou non de mon ami...
Pour en revenir à Morgz, il m'a assuré que je pouvais rester autant de temps que je le souhaitais, et qu'il kiffait m'avoir comme colocataire. J'apprécie son offre, mais j'ai conscience que cette situation n'est que temporaire. J'avais un plan. Un plan bien défini : amasser assez d'argent avec mon boulot de mannequin pour pouvoir me barrer d'ici et commencer une nouvelle vie ailleurs. M'éloigner le plus possible de mon père et de mon frère était mon objectif, mon but ultime dans la vie. Mais tout ça a été remis en cause depuis ma rencontre avec June.
Et là, je ne sais vraiment pas quoi faire... Je n'arrive plus à savoir ce qui est le plus important pour moi : ce nouveau départ sur lequel je fantasme depuis la première baffe que mon père m'a filé, ou cette femme qui est presque devenue tout pour moi...
Je n'ai pas trop la tête à déconner, ce soir. Je déambule entre les différents petits groupes qui se sont formés, et les bribes de discussions que je capte en passant à côté d'eux m'indiffèrent totalement. Mon esprit est trop préoccupé par June et sa décision. Je stresse. Je flippe, même. Je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai été aussi tendu à cause d'une meuf. J'ai l'impression de jouer ma vie, c'est fou ! Lors de notre dernier échange de messages, elle semblait décidée à me révéler son choix, et le ton de notre conversation était plutôt léger, ce qui est bon signe... non ?
Ces dernières heures, je n'ai pas arrêté de vérifier mon téléphone, au cas où un appel ou un message de sa part n'aurait pas été notifié. Je suis complètement obsédé par cette histoire... et par elle. Si, un jour, on m'avait dit que je serais aussi accro à une nana, je lui aurais rigolé au nez, ou alors, je lui aurais collé un pain, selon mon humeur. En plus, j'ignore complètement ce qu'Angie et les autres lui ont prévu pour son anniversaire. J'espère seulement qu'elle trouvera un créneau pour me parler, ou venir me voir.
Peut-être que je devrais lui demander où elle se trouve, et je me tape l'incruste... Non, ça fait trop « forceur », elle ne va pas apprécier. Putain, le fait de ne pas pouvoir la voir, alors qu'elle est là, quelque part dans Londres, me rend complètement dingue !
Mes pensées sont interrompues lorsque mes yeux tombent sur Miriam qui, d'une démarche féline, s'avance vers moi, un sourire suggestif aux lèvres. J'ignore pourquoi Morgan s'est senti obligé de l'inviter. Je me serais bien passé de sa présence.
- Salut, beau gosse, dit-elle sur un ton lascif en me prenant dans ses bras.
Je ne réponds rien mais, par politesse, je lui rends son étreinte avant d'y mettre un terme assez vite, ce qu'elle remarque et qui semble lui déplaire. Je sens son regard suspicieux sur moi, et je tente de ne pas le croiser.
- Wow, sympa l'accueil ! s'indigne-t-elle en écarquillant les yeux. Si j'avais envie de me prendre un vent, je serais plutôt allée voir ton meilleur pote !
Elle crache les trois derniers mots de sa réflexion avec mépris, en collant ses poings contre sa taille fine. Felix n'a jamais vraiment aimé Miriam et ce, depuis leur première rencontre. Dès le départ, il lui a reproché de vouloir tirer profit de mon succès dans le mannequinat, elle qui rêve de poser ou de défiler pour les plus grands noms de la mode. Bien sûr, elle est déjà engagée dans une agence qui la représente mais, pour l'instant, elle n'a pas encore percé, selon ses propres dires.
- Ne commence pas, okay ? je souffle, las, en me dirigeant vers la cuisine pour lui fausser compagnie. Tu ne vas pas en faire tout un plat... si ?
J'attrape un gobelet en plastique et y verse une bonne dose de whisky et le mélange avec du Coca-Cola. J'en bois une grosse gorgée avant de grimacer, tant le liquide ambré me brûle la gorge. L'alcool m'aidera plus facilement à supporter son attitude et ses commentaires à deux balles.
Les mains posées sur l'îlot central, où se trouvent toutes les bouteilles qui abreuveront les invités, Miriam esquisse un sourire en coin et s'approche de moi, sans quitter mon regard.
- Dis-moi ce qui te contrarie, chuchote-t-elle, en longeant l'îlot jusqu'à arriver à côté de moi. Je pourrais peut-être t'aider.
Une de ses mains vient se poser sur l'ourlet de mon tee-shirt noir et, avec son index, elle suit la trace des coutures. Sans cesser son geste, elle se met sur la pointe des pieds pour venir chuchoter à mon oreille :
- Tu sais à quel point je peux être bonne pour t'aider... ou pour toute autre sorte de choses...
Elle ponctue sa phrase avec un petit gloussement avant que ses talons ne viennent toucher de nouveau le carrelage de la cuisine. Ses doigts passent, à présent, sous mon tee-shirt pour venir titiller l'élastique de mon boxer. Son index, encore une fois, se faufile sous le tissu de mon sous-vêtement et commence à caresser la peau de mon bas ventre.
Je ferme les yeux, me délectant de cette sensation agréable et familière.
- Allez, Hero... viens, on monte. Je sais que t'en as envie...
Alors que sa main tente de se frayer un chemin dans mon caleçon, j'attrape son poignet avec hâte avant qu'elle ne me touche et retire brusquement ses doigts de mon corps. L'incompréhension et l'étonnement déforment ses traits, et je crois déceler une pointe de fureur dans son regard brun.
- Peut-être plus tard, okay ? je réponds avant de prendre mon gobelet et de quitter la cuisine, laissant Miriam, en train de ruminer suite à mon rejet.
Je m'éclipse sur la terrasse, loin de la musique bruyante et du monde. Je n'ai aucune intention de coucher avec elle ce soir — ni plus jamais, d'ailleurs — mais j'ai préféré éviter qu'elle fasse une scène devant tout le monde. C'est vraiment la dernière chose dont j'ai besoin.
Je pose mon gobelet sur le rebord et m'accoude contre la murette qui délimite le bord de la terrasse. J'attrape le paquet de clopes qui se trouve dans la poche arrière de mon jean et en sors une, que je porte immédiatement à mes lèvres. Je l'allume à l'aide d'un briquet et aspire la première bouffée avant de la recracher dans les airs, la fumée blanche se dispersant jusqu'à disparaitre complètement. Je bois une gorgée de mon whisky-coca, que je repose sur le haut de la murette. Je sors mon portable de ma poche et, comme tout à l'heure, je n'ai aucune nouvelle de June. Putain, ça commence à me gaver, ce silence radio.
Je décide alors de lui envoyer un texto. Je ne pense pas que ce sera trop intrusif, mais j'espère juste qu'elle va répondre. J'opte pour un simple « ta soirée se passe bien ? » pour prendre la température et j'aviserai par la suite.
A ma grande surprise — et soulagement — mon téléphone ne tarde pas à vibrer et la notification m'indique que June a répondu à mon SMS. Je l'ouvre et découvre le contenu de son message :
« Super... Et toi ? »
Ah... Son « super » ne transpire pas l'enthousiasme, ce qui m'inquiète un peu. Je sens même une pointe de contrariété dans ses trois petits points. C'est sa soirée d'anniversaire et je veux qu'elle soit heureuse et qu'elle passe un bon moment, mais connaissant son côté un peu « chat noir », j'imagine qu'ils ont eu une galère.
« Est-ce un « super » véridique ou ironique ? Si tu t'ennuies, tu peux toujours venir me rejoindre... Morgan a décidé d'organiser une fête... beaucoup de monde, beaucoup de bruit... il ne manque plus que toi ! »
Je rajoute un petit émoji au sourire en coin pour appuyer mes propos. Il faut dire que ma soirée n'est pas mieux que la sienne. Vraiment, il ne manquerait plus qu'elle pour l'égayer. Ça serait parfait, pour le coup. Sa réponse ne se fait pas attendre :
« Mes amis m'ont planifié une fête aux petits oignons, je ne peux pas les abandonner 😕 peut-être qu'il serait plus judicieux d'éviter de se retrouver dans une fête, compte tenu de ce qui s'est passé la dernière fois... »
Putain, je suis vraiment trop con ! Pourquoi j'ai parlé de la fête ? C'est sûr qu'elle ne va pas se pointer, maintenant ! Je dois trouver autre chose. Je réfléchis, je réfléchis, mais rien ne vient. Ah, mais il me reste encore une alternative : si elle ne vient pas à moi, alors je viendrais à elle !
« Je dois te voir ce soir. Dis-moi où tu es, je viens te kidnapper ! »
Je m'en fous, je joue le tout pour le tout. Je dois la voir, j'ai besoin de sentir sa présence près de moi. Ma sincérité a porté ses fruits à Sandgate, alors je retente le coup. J'espère seulement que l'urgence dans mes mots ne va pas trop la faire flipper. S'il n'y avait pas eu ses amis, je sais qu'elle n'aurait pas hésité à venir. Fait chier !
Les trois petits points apparaissent, signifiant qu'elle est en train de taper son message. Je suis soulagée qu'elle me réponde quand soudain, la petite bulle grise disparait. Ma bouche s'entrouvre toute seule, trahissant à la fois ma surprise et mon désarroi. J'attends encore quelques secondes, espérant revoir les trois petits points apparaitre. Peut-être qu'elle a été interrompue, peut-être qu'elle est en train de manger... ou peut-être que mon empressement l'a effectivement effrayée.
Je tire une dernière taffe sur ma cigarette avant de la balancer dans la rue. Je rebrousse chemin et entre dans l'appartement, enfournant mon portable dans ma poche. Pourquoi ne me répond-elle pas ? Putain, ça me tue vraiment de ne pas savoir !
Je descends rapidement les escaliers menant au salon et passe à côté du canapé où sont confortablement installés mes amis, sans leur prêter la moindre attention, malgré leurs multiples interpellations. Je me rends à l'étage, préférant m'isoler dans ma chambre. Mon côté sociable et fêtard s'est fait la malle, ce soir.
Je me laisse tomber sur le lit, l'arrière de ma tête heurtant l'oreiller. Je rebondis légèrement avant que le matelas ne se stabilise. Les murs de la pièce tremblent tant la musique est forte. Je ferme les yeux, mains croisées sur le ventre, essayant de faire le vide dans ma tête, mais avec tout le bruit produit au rez-de-chaussée, c'est mission impossible.
Et pour arranger le tout, la porte de ma chambre s'ouvre sans que la personne ait frappé au préalable. J'adore... j'adore vraiment, bordel ! Ce n'est pas un putain de moulin, ici !
Lorsque je tourne la tête pour identifier l'intrus, je suis surpris d'apercevoir Jack se tenir timidement à l'entrée de la chambre. Je m'accoude sur le matelas, interloqué par sa présence. J'aurais plutôt pensé à Felix, Morgan, ou même cette sangsue de Miriam... mais pas Jack. Nous sommes proches, certes. Il fait partie de mon cercle restreint, mais il n'est pas la première personne à qui j'irais me confier de manière spontanée.
- Euh... je ne te dérange pas ? me demande-t-il, la main toujours sur la poignée de la porte.
Je finis par me redresser complètement et m'assois sur le bord du lit.
- Non, pas du tout, je mens en me frottant le visage. En quoi je peux t'aider, bro ?
- C'est au sujet de la séance photo de lundi, me répond-il en prenant soin de fermer la porte de la chambre. Je viens d'avoir une discussion avec Trushal quant au lieu du photoshoot et ses idées pour le spot publicitaire. Felix et Age poseront avec les différents vêtements que j'apporterais. Du coup, j'aurais aimé en faire de même avec la photographe que tu m'as recommandé.
Je souffle, ne sachant quoi répondre. Le silence de June, qui ne cesse de se prolonger, me met un gros doute quant à sa présence. J'ai conscience de son professionnalisme et de l'opportunité que représente cette séance en matière d'expérience, mais...
- ALORS ?! s'exclame Jack, en passant sa main devant mon visage, comme s'il cherchait à me ramener à la réalité.
Agacé, je pousse brutalement sa main, ce qui le surprend. Mon pote recule d'un pas, étonné par ma réaction. Il a vraiment choisi son moment pour me faire chier avec cette histoire.
- Ça irait peut-être plus vite si tu me passais son numéro de téléphone et que je lui proposais un rendez-vous, ajoute-t-il en lâchant un gros soupir et en dégainant son portable de la poche de son jean.
Je hausse les sourcils, abasourdi par la requête complètement farfelue de mon ami. S'il a cru une seule seconde que j'allais lui filer le numéro de June, il peut toujours rêver ! Et lui « proposer un rendez-vous » ? Plutôt crever que de la laisser seule avec lui !
Je me lève et m'avance vers lui, avant de m'arrêter à sa hauteur. Je vais essayer de lui faire passer le message de la manière douce.
- T'as pas besoin de son numéro, bro, je lui lance. Si tu veux lui parler, t'attendras d'être à lundi et vous vous brieferez avant le photoshoot, tout simplement...
Je lui passe à côté et me dirige vers le bureau pour attraper mon paquet de cigarettes. Ma réponse ne semble pas plaire à Jack qui se retourne vers moi, l'air outré.
- T'es sérieux, là ? s'insurge-t-il. C'est quoi, ton problème, bro ?! Toi, mieux que quiconque, sais qu'une séance photo ne s'improvise pas deux minutes avant son commencement ! Je ne vais pas t'apprendre ton métier, quand même !
Tranquillement, je sors une clope du paquet et la coince entre mes lèvres, relevant mon regard vers le visage énervé de mon pote. J'aime beaucoup Jack, mais je ne lui fais absolument pas confiance lorsqu'il s'agit de fille.
- Pourquoi tu refuses de me passer son numéro ? me demande-t-il en croisant ses bras musclés contre sa poitrine, dont le tee-shirt moule parfaitement son torse d'athlète. Pourquoi tu réagis comme ça ? T'as peur de quoi, au juste ?
Peur ? Il pense que j'ai peur de lui ? Elle est bien bonne, celle-là ! Je veux seulement éviter que June se retrouve en tête-à-tête avec lui, point barre !
- Je n'ai peur de rien, bro... je réponds en enlevant ma cigarette non-allumée de la bouche. Fais-moi confiance quand je te dis que June est super professionnelle et qu'elle n'aura pas besoin de parler pendant trois heures avant de faire des bêtes de photos.
Tournant le dos à Jack, je me dirige vers la fenêtre et l'ouvre avant d'actionner la roulette en métal du briquet, provoquant la flamme responsable de la fumée se répandant dans mes poumons, avant de la recracher.
- Attends... June, June, June... pourquoi ce prénom me semble si familier ? s'interroge-t-il en tapotant son menton imberbe avec son index, prenant un air pensif. Ce n'était pas la petite brune qui trainait tout le temps avec Felix à la soirée de la dernière fois ? C'est vrai qu'elle est bonne, putain !
Il s'esclaffe en prononçant la dernière phrase. J'ai envie de lui faire ravaler ses putains de dents quand je l'entends dire des trucs comme ça.
- Franchement, si son travail me satisfait, peut-être que je la récompenserais en nature... si tu vois ce que je veux d...
Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase que je fonce sur lui et le plaque contre le mur, son dos venant heurter brutalement le plâtre blanc. Mes poings viennent enserrer sa chemine et mon visage ne se trouve plus qu'à quelques centimètres du sien.
- Je te jure que si tu t'approches d'elle, que tu lui fais la moindre remarque déplacée, tu vas amèrement le regretter... ami ou pas, tu m'entends ? je murmure, les dents serrées. Elle, tu n'y touches surtout pas ! June va faire son taf, et puis après, tu l'oublies, okay ?
Je finis par le lâcher et passe une main dans mes cheveux. Jamais je ne me suis mis dans un état pareil pour une meuf, mais je connais Jack et sa propension à être un bon gros bâtard avec la gent féminine quand il s'y met. Angie en a déjà fait les frais, il est donc hors de question que June subisse la même chose.
- Depuis quand tu joues les preux chevaliers, Hero ? se moque mon pote. C'est quoi, le deal avec cette fille ? Tu l'as déjà sautée, alors... On dirait qu'elle t'a complètement retourné le cerveau !
- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? je lâche. Putain, les meufs qui veulent coucher avec toi, il y en a à la pelle ! T'as juste à claquer les doigts et elles te tombent direct dans les bras... Je te demande juste de laisser June tranquille, c'est trop demandé ?
Mon ton est un peu plus modéré, mais il ne va pas m'en falloir beaucoup pour péter un câble. Un sourire narquois se dessine alors sur les lèvres de Jack.
- Franchement, ça ne t'a jamais gêné que je baise une meuf qui était déjà passée entre tes mains ! Qu'est-ce qui a changé, alors ? Non... ne me dis pas que... s'interrompt-il en se marrant comme un connard de manière moqueuse. Putain, non mais... t'es amoureux d'elle ?
Bordel ! Je n'ai pas envie de parler de ça avec lui. Jack a, lui aussi, une vision assez négative de l'amour, un peu comme moi. Il l'apparente à une certaine forme de dépendance à l'autre, de faiblesse... et pourtant, il a eu ses deux parents qui l'ont choyé pendant toute son enfance. C'est juste un mec qui veut se taper le plus de meufs possible, sans prendre soin de les ménager une fois qu'il a eu ce qu'il voulait.
- Bah ouais, je l'aime ! je lance, sans aucune honte.
Ses rires redoublent en entendant ma confession. Il doit certainement me trouver faible de m'être laissé tomber aussi facilement dans ce piège, mais je m'en contrefous.
- Oh, merde ! ricane-t-il, en essuyant les larmes qui pointent au coin de ses yeux. Non mais... je respecte totalement ton choix mais...
Il marque une pause pour pouffer un peu plus, et mon envie de lui faire une tête au carré grandit de plus en plus en moi.
- ... excuse-moi, mais... enfin, quand on regarde les nanas que tu suis sur Instagram, elle n'a rien à voir avec elles ! poursuit-il en tentant de reprendre son souffle après l'énorme fou rire qu'il vient de se taper. Et puis, elle n'est pas genre... plus âgée aussi ?
Son âge ne m'a jamais posé problème. Je peux comprendre que ça puisse en déstabiliser plus d'un, mais pas moi. Ce n'est qu'un nombre, après tout. Le plus important, c'est ce qu'on a dans la tête.
- Honnêtement... comment t'imagines l'avenir avec elle ? me demande-t-il sérieusement. Je ne suis pas contre les cougars, au contraire. Celles que je me suis tapé ont toujours été grandioses et elles m'ont appris pas mal de trucs ! Ce genre de meufs, c'est bien pour s'éclater mais... pour une relation sérieuse ? Allez, bro... t'es pas un peu en désillusion, là, non ?
En désillusion ? Mais de quoi il me parle, là ? Depuis quand il s'y connait en relations amoureuses, ce gros con ?
Je garde le silence face à ses allégations. Pour être franc, je ne me suis jamais projeté dans l'avenir avec elle, je ne me suis jamais imaginé à quoi pourrait ressembler notre vie de couple. Je ne me suis focalisé que sur le moment présent, et sur ce que nous sommes en train de vivre. D'ailleurs, en essayant de visualiser notre futur ensemble, je ne vois... rien. Ça me fait chier de l'admettre, mais il marque un point.
- Pour l'instant, je ne sais même pas si elle éprouve la même chose que moi, je lui avoue sur un ton plaintif. J'ignore même si elle veut de moi, c'est pour dire ! C'est très compliqué avec elle...
- Alors, pourquoi tu te prends la tête, bro ? Okay, elle est mignonne et doit être vraiment bonne au plumard, mais comme tu l'as dit, il y a plein de filles qui n'attendent que toi pour les satisfaire, et ça, sans faire d'histoires !
Il passe son bras au-dessus de mes épaules. Il n'a pas tort dans le fond. Depuis que je connais June, j'ai remis tous mes principes en question et tout ça, pourquoi ? Pour des dramas sans fin... Est-ce que ça en vaut la peine, au final ?
- Allez, sors de cette chambre ! m'encourage Jack. Tu ne vas pas passer ta soirée à faire la gueule tout seul et à ruminer sur cette fille, hein ? Parce que j'en connais une qui ne refuserait pas de te changer les idées, si tu vois ce que je veux dire...
J'esquisse un léger sourire à cette pensée. Je sais très bien qu'il fait allusion à Miriam. Il est d'ailleurs aussi subtil qu'elle dans ses suggestions. Peut-être que je devrais l'écouter et tenter d'oublier June...
Nous sortons de la chambre et revenons dans le salon. Nos amis sont toujours installés sur le canapé et j'aperçois justement Miriam, deux gobelets à la main, avançant vers moi avec un grand sourire.
- Tiens, tiens, tiens ! J'allais venir te voir... j'avais peur que tu te sentes trop seul dans ta chambre, me dit-elle en me faisant un clin d'oeil et en me tendant l'un des deux verres en plastique. Je t'ai préparé ta boisson préférée, whisky-coca !
Je lui souris en guise de remerciements en attrapant le gobelet avant de prendre place sur le canapé. Je remarque des sacs plastiques sur la table basse devant nous contenant de la nourriture venant du restaurant Gaucho Grill. Je m'empare d'une des barquettes contenant un hamburger et des frites. Miriam m'imite et s'assoit à côté de moi, ses fesses collées le long de ma cuisse, tandis que ses jambes viennent s'allonger sur les miennes. N'ayant plus de place devant moi, je pose ma barquette sur le canapé et picore de temps à autres en tentant de m'intéresser à la conversation en cours.
Malgré tout, mon esprit reste obnubilé par ma conversation avec Jack. Et s'il avait raison ? Et si je me berçais d'illusions quant à un possible futur avec June ? Bien que l'écart d'âge entre nous ne soit pas important pour moi, peut-être l'est-il pour elle... Je crois bien que je me suis embarqué dans une histoire impossible. C'est la première fois que je tombe amoureux, et je peux dire que j'ai fait fort !
J'écoute d'une oreille distraite les histoires partagées par mes amis. Aaron nous délecte d'une anecdote sur la prochaine chanson qu'il est en train de produire, en compagnie d'Hamza et d'Harry, dont le nom de scène est AR1. Grâce à son portable, il nous fait écouter un bout de leur morceau intitulé « Fathom ». Déjà que j'aime leurs trois styles séparément, je ne peux que valider leur collaboration. Tout le monde y va de son petit commentaire, mais il ne récolte que des éloges.
Soudain, dans mon champ de vision, je vois débarquer une petite tornade blonde, que je reconnais immédiatement. Les yeux verts de Jade, dissimulés derrière ses lunettes, crachent des éclairs de fureur. Elle est suivie par Hamza, qui a l'air un peu paniqué.
- Putain, mais t'es vraiment le roi des cons, toi ! T'en as pas marre de blesser June ? s'écrie-t-elle en faisant de grands gestes avec ses bras.
Sourcils froncés, je repousse sans tact les jambes de Miriam pour me lever et affronter mon accusatrice.
- T'es en plein délire, ou quoi ? je m'exclame. D'où tu m'insultes ? Et puis, qu'est-ce que tu fous là, d'abord ? Vous ne deviez pas fêter l'anniversaire de June ?
- Quand on est allé chercher la bouffe au Gaucho, on les a croisés à la sortie du restaurant. Ils venaient de s'en faire virer, m'explique Ham plus calmement que sa furie de copine. Felix les a alors invités à venir ici, mais seules Jade et June nous ont accompagnés. Morgan n'a pas voulu des deux autres, depuis l'incident avec Jack...
J'essaie de remettre le flot d'informations que je viens de recevoir en place pour résumer l'histoire qu'ils viennent de me raconter. Bien que je n'ai pas toutes les cartes en main pour tout comprendre, je me fous bien de ce qui les a conduites ici. Ce qui m'importe le plus est de trouver June et de lui parler.
- Elle est partie, et en larmes pour changer, si c'est ce que tu veux savoir, me balance Jade d'un ton mauvais. Elle s'est commandée un Uber qui ne devrait pas tarder à venir la chercher.
J'entends à peine la fin de sa phrase, que je me précipite vers la porte de l'appartement. Je dévale les escaliers trois par trois pour gagner du temps. Arrivé en bas de l'immeuble, je tourne la tête dans tous les sens et finis par apercevoir au loin la silhouette de June, à peine éclairée par le crépuscule.
- June ! June ! je m'égosille tout en lui courant après.
Cette dernière ne s'arrête pas et ne prend même pas la peine de se retourner vers moi. Je continue de scander son prénom, sans succès. Merde, elle doit vraiment m'en vouloir... mais je ne sais pas exactement ce qu'elle me reproche.
- Fous-moi la paix ! hurle-t-elle en continuant de marcher, pressant un peu plus son pas.
J'arrive enfin à sa hauteur et l'attrape par le bras, l'intimant de s'arrêter. D'un violent coup d'épaule, elle se dégage de mon emprise et reprends son chemin, non sans m'envoyer un regard meurtrier à travers ses yeux rougis par les larmes. J'insiste en lui saisissant cette fois-ci le poignet, dont elle aura plus de mal à se dégager.
- Lâche-moi ou je hurle ! me lance-t-elle en écarquillant les yeux.
Je ne comprends pas son comportement. Comment a-t-on pu passer d'une conversation normale par texto à... ça ? Qu'est-ce qui s'est passé, putain ?
- Tu vas me faire du chantage, maintenant ? je lui demande, énervé et confus. Putain, mais c'est quoi, ton problème ?
Au lieu de me répondre, elle excite ses petits doigts autour des miens pour me faire lâcher prise. Si elle croit que je vais la laisser partir aussi facilement, elle se trompe. J'exige des explications et je les aurais.
- Tu vas me dire pourquoi tu t'es barrée de la fête ? Et puis, pourquoi tu ne m'as même pas prévenu que tu passais ?
Ses yeux larmoyants se relèvent vers moi, et je peux y déceler de la douleur et de la colère.
- Franchement, je n'aime pas être prise pour une conne, Hero et j'ai vraiment l'impression que c'est ton passe-temps favori, crache-t-elle en s'acharnant de nouveau sur mes doigts.
Putain, mais qu'est-ce qu'elle raconte ? Quand est-ce que je l'ai prise pour une conne ? Il est en train de se passer quoi, là ?
- Je ne me fous pas de ta gueule, bordel ! je me défends. Qu'est-ce qui te fait penser une chose pareille ? Je croyais que tout était okay entre nous !
- Ouais, ouais, bien sûr, pouffe-t-elle, en détournant le regard. C'est quoi, ton but, au juste ? Quelle satisfaction retires-tu de tout ça ? Tout le baratin que tu m'as servi à Sandgate... c'était du vent, n'est-ce pas ? Plans cul exclusifs, promesse de t'ouvrir à moi, et tout le toutim... Qu'est-ce que je peux être naïve, putain !
Je suis encore plus perdu après ça. Pourquoi pense-t-elle que je me fous de sa gueule ? Putain, c'est la première et la seule fille avec qui je me suis montré sincère et à qui j'ai confié mes blessures les plus profondes. Comment peut-elle croire une seule seconde que je l'ai baratinée ? Je respire un bon coup avant de lui répondre.
- Je ne sais pas de quoi tu m'accuses, au juste ! Jade a débarqué comme une furie, et m'a tapé une scène devant mes potes, en me reprochant de t'avoir fait du mal, que t'étais partie en pleurs... C'est quoi, ce délire ? On ne s'est même pas vu ou parlé, alors comment j'aurais pu te blesser, tu peux m'expliquer ?
Ses yeux bruns se font plus durs, à présent, comme si elle passait en mode offensive.
- Je n'ai pas de compte à te rendre, d'accord ? Et puis, lâche-moi, bordel !
Elle fait chier à ne pas vouloir me donner une réponse claire. On dirait que ça l'amuse de tourner autour du pot et de me faire monter en pression. Je finis par accéder à sa requête et libère son poignet. Elle se frotte vigoureusement l'endroit où mes doigts ont laissé une légère marque rouge. Sans ajouter un mot, elle tourne les talons et s'éloigne une nouvelle fois de moi.
Non, mais elle pense sérieusement qu'elle va me planter comme ça ?
- Non, non, non, non, non tu ne vas pas me faire le coup de la fuite ! je lui lance en me positionnant devant elle pour lui barrer la route. Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu m'en veuilles autant ?
Elle soupire un bon coup avant de me répondre.
- Pourquoi tu t'intéresses à moi ? me demande-t-elle tout simplement. Je veux dire, vraiment ? Donne-moi la vraie raison de ton acharnement.
Je suis complètement décontenancé par sa réplique. Putain, il n'y a rien de plus agaçant que de répondre à une question par une autre question.
- Je... euh... C'est quoi, cette question ? je bafouille, en reculant de quelques pas.
- Si tu ne connais pas la réponse à ça, alors c'est que...
Elle s'interrompt, cherchant ses prochains mots. Mon coeur bat la chamade, redoutant la suite de sa phrase.
- ... nous n'avons rien à faire ensemble, conclut-elle sur un ton ferme.
Je vois bien qu'elle n'est pas si indifférente à sa remarque, mais je ne peux pas croire qu'elle vienne juste de me balancer ça. Et pourtant, elle semble résignée. Si elle savait ce qu'elle représentait vraiment pour moi, elle verrait cette situation d'un autre œil... mais je sais pertinemment qu'elle n'est pas prête à l'entendre. Elle ne me voit pas comme je la vois, moi. Et je ne veux pas lui déclarer un truc aussi important au beau milieu d'une dispute.
- Tu n'as pas le droit de me poser une question aussi complexe que celle-là et d'attendre une réponse dans la seconde ! je proteste, me défendant comme je peux.
- Bien sûr que si ! rétorque-t-elle.
Ah bah, je vais profiter de cette occasion, alors...
- Ah ouais ? Alors, toi qui es si maline, dis-moi ce que je représente exactement à tes yeux et t'as cinq secondes pour me répondre ! je lui ordonne sans me démonter.
En voyant sa réaction déconcertée, je sais que je lui ai coupée l'herbe sous les pieds. Je la vois réfléchir quelques instants avant de me balancer sa réponse. Elle bafouille, se perd dans ses réflexions, ce qui est assez amusant, je dois l'avouer. Je croise les bras en me mordant la lèvre inférieure, tout en hochant la tête d'un air supérieur, histoire de lui mettre un peu plus la pression. Je rajoute un petit compte à rebours pour finir de la déstabiliser.
- C'est bon, c'est bon ! T'as prouvé ton point, t'es content ? capitule-t-elle en grognant. De toute façon, ça ne change rien. Je ne suis pas ton type de femme, pas plus que tu n'es le mien, alors...
On part d'un foutage de gueule à nos types de partenaires, ou l'art de passer du coq à l'âne. Je ne vois vraiment pas où elle veut en venir, là.
- D'où ça sort, toutes ces conneries ? je m'écrie d'une voix aigüe en lui coupant la parole.
- Même si ça m'écorche la langue de dire un truc pareil, tu seras mieux avec une fille comme Miriam. Certes, je suis loin de la porter dans mon coeur, mais elle a ton âge, et elle est...
Ah, putain ! Ca y est, je comprends mieux... Tout se tient maintenant. Ce n'est pas une question d'âge, ou de types... c'est une question de confiance. Ou de son manque de confiance, en l'occurrence.
- Okay, donc tu m'as vu avec elle tout à l'heure, c'est pour ça que tu t'es barrée et t'en as conclu quoi, exactement ? Que j'ai couché avec elle et que je me suis foutu de toi quand je suis venu à Sandgate ? j'en déduis, lâchant un petit ricanement ironique.
June me dévisage, comme si mes paroles la blessaient.
- Bah quoi ? Tu vas nier, peut-être ? me demande-t-elle avec aplomb.
Je m'apprête à lui répondre qu'elle fait fausse route, mais je me ravise. Je crois bien que Jack avait raison : les complications n'en finissent jamais avec June. Peu importe ce que je peux dire, ou faire, elle ne me fait pas confiance. J'ai pris le risque de partager les moments les plus sombres de ma vie avec elle, et voilà ce qu'elle en retient : que c'était des mensonges pour l'amadouer, pour toucher sa corde sensible.
J'en ai marre de me battre et de perdre mon temps avec elle. Je ne sais plus quoi faire pour lui prouver ma bonne foi. A ses yeux, je suis juste un petit con mytho et profiteur. Mon image ne changera jamais à ses yeux, alors, à quoi bon ?
- Tu sais quoi ? T'avais raison, tout ça n'en vaut clairement pas la peine ! Je me suis vraiment trompé sur toi, je pensais que t'étais différente. Ton truc de l'âge, c'est de la pure connerie. T'as beau être plus âgée que moi, t'as quand même des réactions de gamine. Alors, vaut peut-être mieux que nos chemins se séparent maintenant.
Je peux percevoir les larmes monter aux yeux de June au fur et à mesure que je lui délivre mon monologue cinglant. A ce moment-là, une voiture arrive et s'arrête au milieu de la rue, à notre hauteur. J'en déduis que c'est le Uber qu'elle a commandé pour rentrer chez elle. Quelque part, ce n'est pas plus mal, étant donné que nous n'avons plus rien à nous dire. Sans un mot, June descend du trottoir et grimpe dans le véhicule noir, qui l'éloigne pour la dernière fois de moi.
Furieux, dégoûté de ce qui vient de se passer, je remonte hâtivement à l'appartement. En passant par la cuisine, je fauche une bouteille de whisky non-entamée et l'emmène avec moi dans la chambre. C'est bon, j'en ai ma claque de cette putain de soirée. Je préfère la noyer dans l'alcool et ne plus voir personne.
Je referme la porte de mon espace privé avec fracas avant de faire sauter le bouchon de la bouteille. Je porte le goulot à mes lèvres et déverse le liquide ambré dans ma gorge. Appuyé contre le bureau, je fais rapidement baisser le niveau de whisky dans la bouteille. Comme la dernière fois, j'ai envie de tout péter. Mon poing ne demande qu'à démolir le miroir au-dessus de la commode, qui me renvoie mon reflet pathétique en pleine gueule. Mon pied veut taper n'importe où du moment que ça fasse taire la douleur que je ressens au plus profond de mes entrailles.
Mon excès de violence sous-jacent est mis en pause lorsque la porte s'ouvre et que la tête de Felix apparait dans l'entrebâillement.
- Yo, bro... Qu'est-ce qui se passe ? me demande-t-il, la mine inquiète.
- Je me fais une petite fête en solo, je lui réponds en ricanant et en agitant la bouteille à moitié vide dans ma main, avant d'en boire une nouvelle gorgée.
Je grimace au moment où la brûlure causée par l'alcool se répand le long de mon œsophage. Mais j'en ai rien à foutre. Vaut mieux ça plutôt que ce que je suis en train d'éprouver. Felix finit par rentrer dans la chambre et me retire avec vivacité le poison que j'ai dans la main.
- Dis-moi ce qui s'est passé, m'ordonne-t-il. J'ai un peu discuté avec Jade, qui m'a fait un bref résumé, mais je sais que t'as parlé avec June et, en voyant ton état, j'en conclus que ça s'est mal fini...
- Mais c'est que t'as un bon sens de déduction, Sherlock ! je me moque en lui retirant la bouteille des mains. Putain, t'aurais dû faire carrière à Scotland Yard, ou au MI-6 !
Ma blague ne semble pas faire rire mon meilleur ami, qui me dévisage de manière agacée. Alors que je porte une nouvelle fois le goulot à ma bouche, Felix tape dans la bouteille, qui va s'écraser par terre, sans se briser. Je regarde le whisky se déverser sur le sol, avant de reporter mon attention sur mon rabat-joie de pote.
- Ah bravo ! Ce n'était pas très malin, ça !
- Non, ce qui n'est pas très malin, c'est de te terrer dans ta piaule et te bourrer la gueule ! me réprimande-t-il. Au lieu de te battre pour ce que tu veux vraiment, tu restes...
- Me battre ? je répète en plissant un œil, coupant la parole à Felix. Mais je ne fais que ça, me battre ! Malheureusement, mes efforts ne servent à rien, puisque June ne me fait pas confiance ! Elle pense que je me fous tout le temps de sa gueule, que j'invente des bobards pour la mettre dans mon pieu... Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre, hein ? J'ai été sincère avec elle comme je ne l'ai jamais été avec une autre meuf... et voilà le résultat ! Y'a plus rien à faire, Fix... Jack a raison. Je vais revenir à ma bonne vieille manière de procéder...
Mon meilleur ami fronce les sourcils en entendant la fin de ma tirade.
- Depuis quand t'écoutes Jack, toi ? Tu sais très bien qu'il ne dit que de la merde, surtout quand il s'agit de meufs ! s'exclame-t-il. Franchement, si j'étais toi, je n'abandonnerais pas le combat !
Je ne peux m'empêcher de rire aux propos de Felix. Il ne veut pas comprendre que c'est perdu d'avance, que June et moi sommes en totale incompatibilité et ce, à tant de niveaux.
- Ah ouais ? Bah, je t'en prie, je te cède ma place, je lui dis en tendant le bras vers lui. J'aurais dû me contenter de la baiser la première fois et de passer à autre chose...
Sans prévenir, Felix sort de la chambre, sans me fournir aucune explication. Je n'ai même pas la force de lui demander où il va. Je m'en fous, en fait. Je me fous de tout, pour être honnête. Je veux seulement qu'on me fiche la paix et oublier toute cette histoire. Je me laisse mollement tomber sur le lit et ferme les yeux.
Je reste dans cette position un bon moment. Soudain, je sens une bouche parsemer mon cou de petits baisers. Mes paupières toujours closes, je me laisse complètement porter par cette sensation très agréable. Une main vient caresser ma joue et je lâche un soupir de plaisir. J'imagine le corps de June allongé contre le mien, ses lèvres se baladant sur ma nuque, ses doigts s'égarant sous mon tee-shirt, jusqu'à atteindre l'élastique de mon boxer. Je suis déjà à l'étroit dans mon sous-vêtement tant je suis enivré par les sensations qu'elle me procure. Sa main caresse doucement mon érection avant de l'empoigner et de commencer de lents mouvements de va-et-vient.
- Putain, c'est trop bon, je murmure en remuant du bassin.
Un petit gloussement de satisfaction parvient à mes oreilles.
- Je peux faire mieux, chuchote la voix près de mon visage.
Cette perspective m'enchante encore plus. Les caresses sur mon membre reprennent tandis que je sens une seconde main s'affairer à déboutonner mon jean. J'entends la petite fermeture éclair se baisser, mon pantalon et son boxer glissant le long de mes jambes, libérant ainsi ma queue à sa vue et à sa merci. Je l'imagine déjà me prenant dans sa bouche et cette pensée me ferait presque jouir.
- Vas-y... June...
Un mouvement brusque fait bouger le matelas, perturbant le moment idyllique que nous sommes en train de vivre.
- JUNE ?! s'offusque la voix féminine, qui ne ressemble en rien à celle de la femme que j'aime.
J'ouvre brusquement les yeux et mets un moment à redescendre de mon nuage. Mon regard rencontre instantanément le visage furieux et meurtri de Miriam, en sous-vêtements, agenouillée à côté de moi sur le lit. Je me redresse d'un coup, réalisant la méprise et la grosse connerie que j'étais sur le point de faire.
- Putain, mais qu'est-ce que tu fous ? je l'engueule, furibond, tout en remontant hâtivement mon calbut et mon jean.
Elle lâche un petit rire nerveux avant de se rhabiller.
- C'est plutôt à toi que je devrais demander ça ! s'offusque-t-elle. Ne me dis pas que tu croyais que c'était l'autre cougar qui était sur le point de te sucer, quand même !
- Qu'est-ce que ça peut te foutre, en vrai ? je m'écrie, en refermant le bouton de mon pantalon. J'ai le droit de penser à qui je veux, non ? Tant que ça m'aide à bander...
Je fais référence à notre dernière entrevue où, malgré tous ses efforts, Miriam n'avait pas réussi à m'exciter. Je n'ai pas envie de lui faire du mal, mais je n'apprécie pas la manière dont elle parle de June. Son mépris envers elle commence sérieusement à me taper sur les nerfs.
- Elle t'excite plus que moi, c'est ça ? réplique-t-elle, touchée en plein coeur. Et je peux savoir ce qui est si bandant chez elle ? Elle n'est même pas grande, elle n'a pas la taille mannequin, et elle est vieille !
Le problème chez Miriam, c'est qu'elle base ses jugements sur le physique. Seuls les critères de beauté importent à ses yeux. A sa décharge, je dois bien admettre que June ne ressemble pas aux autres nanas que je me tape habituellement. Mais c'est peut-être cette différence qui m'attire chez elle.
- C'est quoi, alors ? s'impatiente-t-elle en attendant ma réponse. Elle taille des meilleures pipes que moi, peut-être ? Ce qui m'étonnerait beaucoup, d'ailleurs ! C'est un meilleur coup que moi ? Alors ?
Si elle veut la vérité, je vais la lui donner... mais ça risque de ne pas lui plaire !
- Avec toi, c'est juste du cul ! je lâche sans aucun tact. C'est de la baise, rien de plus. Tandis qu'avec elle, c'est... beaucoup plus que ça !
Miriam me dévisage d'un air dégoûté. La bouche à moitié entrouverte, je vois sa lèvre inférieure pendre.
- T'es amoureux d'elle, en déduit-elle en pouffant de rire.
Elle porte une main à son front, son hilarité redoublant. Je sais qu'elle se fout de ma gueule, tout comme Jack, tout à l'heure, mais cela ne m'atteint pas. Bien qu'entre June et moi, ce soit terminé, je ne me désintoxiquerai pas de cet amour pour elle du jour au lendemain.
- Ah, mon pauvre ami... toi qui t'étais toujours juré de ne jamais aimer personne, ajoute-t-elle en reprenant son souffle, je crois que tu as misé sur le mauvais cheval !
A tous les coups, elle va me ressortir le même refrain que Jack sur l'âge, sur l'avenir impossible entre nous et le reste.
- En tout cas, c'est vraiment barré que la première femme sur laquelle tu craques puisse combler le manque affectif que ta mère a laissé en t'abandonnant, m'explique-t-elle sur un ton espiègle. Cette bonne vieille June n'éveillerait-elle pas chez toi un besoin constant d'être avec elle, justement pour te sentir aimé ?
Où est-ce qu'elle est allée chercher cette merde ? Certes, j'ai souffert du départ de ma putain de génitrice, mais jamais je n'ai associé ça à June !
- Tu dis n'importe quoi ! Ma mère et June, ce sont deux choses différentes. Ce n'est pas parce que June est plus âgée qu'elle me fait penser à elle. Même si elle avait mon âge, je ne pense pas que ça aurait changé grand-chose. Je suis tombé amoureux de sa personne, pas de ce qu'elle pourrait représenter.
Miriam ne semble pas convaincue par mon explication. Et ce rictus en coin qu'elle arbore depuis le début de notre conversation me laisse perplexe.
- Je suis certaine qu'il y a un peu de complexe d'œdipe en toi, insiste-t-elle.
- Je peux t'assurer que non, même si j'ai très envie de tuer mon père, mais en aucun cas pour épouser ma mère ! je rétorque.
- Pense ce que tu veux, mais je crois même que ta chère June partage un peu mon avis... d'ailleurs, quand on a évoqué le sujet, elle...
- Tu lui as parlé quand ? je lui demande, en lui coupant la parole.
Je m'approche d'elle d'un pas pressé et furieux pour lui faire face. Miriam ne semble pas impressionnée.
- Plus tôt dans la soirée, m'apprend-elle de manière décontractée. Je crois qu'elle venait d'arriver. Disons que je l'ai remise à sa place...
Ça y est, j'ai les derniers morceaux du puzzle, me faisant ainsi comprendre les questions de June, et son insistance pour savoir ce qu'elle représentait à mes yeux. Putain, si j'avais su ça, j'aurais pu la rassurer sur plein de points ! Fait chier.
Je me retourne vers Miriam et la plaque contre le mur, la fusillant du regard. Elle parait étonnée par mon soudain excès de violence, mais nullement effrayée. Au contraire, elle lâche un petit cri de surprise avant de sourire. Ses mains viennent se poser sur mon torse, que je retire violemment, lui faisant perdre son air satisfait.
- Ne t'avise plus jamais de revenir ici, tu m'entends ? je la menace, mon visage à quelques centimètres du sien. Peu importe si Morgan t'invite, trouve une excuse pour décliner. Et si jamais tu venais à croiser June, je t'interdis de lui adresser, ne serait-ce qu'un regard, sinon...
- Tu vas faire quoi ? Hein ? Jouer les gros bourrins et me cartonner ? demande-t-elle d'un air faussement apeuré. On sait tous les deux que tu en es incapable...
- Non, mais je peux faire en sorte que tu ne signes jamais de contrats majeurs dans ta jeune carrière de mannequin, alors... à toi de voir ce qui est le plus important !
Je sais que devenir une mannequin à renommée internationale est son but ultime dans la vie. Elle ne vit que pour être reconnue, à l'image des modèles défilant pour Victoria's Secret, par exemple. Certes, je n'ai pas beaucoup de poids dans l'industrie de la mode, mais je commence à connaitre du monde ayant le bras long. Si elle continue de me pourrir la vie, je n'hésiterais pas à agir.
- Et tu peux aussi oublier mon numéro, j'ajoute en reculant pour la laisser partir, ce qu'elle ne tarde pas à faire.
Elle sort pour la dernière fois de ma chambre et claque la porte. Je dégaine alors mon portable pour appeler June. Nous avons été influencés par des sources extérieures dans notre dernier échange, et je pense — j'espère — pouvoir rattraper le coup.
Je sors de la chambre et me dirige vers la terrasse pour aller fumer une clope. Après tout ce qui vient de se passer, je suis plus tendu que jamais. Au bout de cinq sonneries, je tombe sur sa messagerie vocale. Je ne veux pas lui laisser un putain de message. Je veux lui parler de vive voix. Le mieux serait encore de la voir. J'aimerais prendre ma moto pour la rejoindre, mais avec tout ce que j'ai bu, ce ne serait pas sage.
Accoudé sur le mur, j'appelle une seconde fois, puis une troisième, me menant inlassablement vers son répondeur. Pourquoi ne décroche-t-elle pas, merde ? Ce que j'ai à lui dire est très important, et ça ne peut pas attendre demain !
Je dois la voir maintenant !
Résigné à la rejoindre, je jette ma cigarette à moitié consumée dans la rue et me retourne pour rentrer dans l'appartement. Tant pis si je prends un risque inconsidéré, il faut que je lui explique de quoi il en retourne.
Alors que je me dirige vers la sortie de la terrasse, je me fige sur place lorsque j'aperçois June se tenir à côté de la porte. Les mains croisées devant elle, elle se mord la lèvre inférieure tout en fuyant mon regard. Je cligne plusieurs fois des yeux pour être sûr de ne pas halluciner. J'hésite même à me pincer le bras, pour en être certain.
- June, je dis en lâchant un soupir de soulagement.
Je ne peux m'empêcher de sourire en réalisant qu'elle est revenue. Putain, elle est revenue, quoi !
- J'ai eu une grosse discussion avec Felix, m'apprend-elle en s'avançant prudemment vers moi, toujours avec embarras.
Alors, c'est ça que ma fouine de meilleur pote est allé faire ? Réparer les morceaux entre June et moi... Putain, je ne le mérite vraiment pas !
- Il m'a tout expliqué, ajoute-t-elle en souriant.
Tout ? Comment ça, tout ?!
Le sentiment de soulagement que j'éprouvais quelques minutes plus tôt a laissé place à de l'appréhension. Serait-il allé jusqu'à lui confesser mon amour pour elle ?
- Qu'est-ce qu'il t'a dit, exactement ? je lui demande, en tentant de camoufler au mieux mon manque d'assurance.
- Il aurait pu être un très bon avocat, vu la manière dont il a plaidé en ta faveur, plaisante-t-elle en lâchant un petit rire. Plus sérieusement, il m'a surtout révélé ce que tu avais fait pour sortir Dany de prison...
Oh, bordel ! J'avais complètement oublié cette histoire. Felix est vraiment un putain de génie ! Il dégaine toujours les anecdotes au bon moment.
- Ce n'était pas grand chose, tu sais, je lui réponds, un peu gêné.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? me demande-t-elle, plongeant ses iris bruns dans les miens, s'arrêtant à moins d'un mètre de moi. J'ai toujours cru que Matt avait soudainement changé d'avis, ce que j'avais trouvé louche, d'ailleurs...
- Je l'ai seulement fait un peu chanter pour qu'il change d'avis. Mais, si j'ai choisi de ne rien te dire, c'est parce que je ne voulais pas que tu te sentes redevable de quoi que ce soit, je lui confesse. Je l'ai fait parce que j'étais en mesure de t'aider et, j'avais envie de rencontrer ton ex pour lui exposer le fond de ma pensée.
June baisse la tête, fixant un de ses pieds qui pivote sur le béton du sol de la terrasse.
- Et les vingt mille livres que tu comptais débourser pour payer la caution de Dany... c'est complètement fou, Hero ! lâche-t-elle, tiraillée entre l'envie de me remercier et celle de me réprimander.
Ah, il lui a même parlé de ça... Il m'a vraiment valorisé auprès d'elle !
- Felix m'a dit que cet argent était très important pour toi, pour tes plans futurs... et tu l'aurais dépensé pour ça, sans hésiter ? Pourquoi ?
- Pas pour ça... mais pour toi, je la corrige. Je l'aurais dépensé jusqu'au dernier centime pour toi. Et, pour la raison... faut-il qu'il y en ait une ?
La bouche de June s'entrouvre, surprise et touchée par ma réponse. Bien sûr qu'il y a une raison à cela, mais si Felix n'a pas jugé utile de le mentionner, c'est peut-être mieux comme ça. Je m'avance vers elle, et l'espace entre nos deux corps diminue jusqu'à totalement disparaitre. Je glisse mon bras le long de sa taille, ma main venant se nicher dans le creux de ses reins, tandis que la seconde vient caresser sa joue.
- Hero, je... je suis désolée pour tout à l'heure, avoue-t-elle. J'ai réagi au quart de tour, sans te donner l'opportunité de t'expliquer. J'ai tiré des conclusions hâtives là où il n'y en avait pas, et je n'aurais pas dû me laisser influencer par... enfin, peu importe...
- Moi aussi, je voulais m'excuser si je t'ai fait croire que je me fichais de toi. Je sais que tu as des problèmes pour faire confiance aux gens et je n'aurais pas dû réagir aussi promptement. Ce que t'a dit Miriam, c'est de la merde. Jamais je ne t'ai considérée comme un substitut à l'absence de ma mère, sache-le. Cette idée ne m'avait même pas frôlé l'esprit. Mais, ne t'inquiète pas : je me suis occupée d'elle et elle ne va plus nous embêter...
June hausse les sourcils, étonnée par ma dernière phrase.
- « Nous » ? répète-t-elle.
Je hoche la tête pour lui faire comprendre que je ne compte plus trainer avec elle ou avoir quelque chose à faire avec elle. En silence, je fixe son beau visage, voulant imprimer dans mon esprit l'incarnation de la perfection.
- Je tiens à toi, June et la dernière chose que je souhaite, c'est te faire souffrir. Tout ce que je t'ai dit à Sandgate, c'est la vérité. Je n'ai jamais cherché à t'inventer des mythos pour te mettre dans mon lit...
- Justement, en parlant de ça... commence-t-elle en s'éloignant de moi. Je voulais qu'on discute de notre « arrangement ».
La brunette me tourne le dos à présent, et reste muette pendant quelques secondes. J'ignore la tournure que va prendre cette conversation, mais j'ai envie de m'en débarrasser au plus vite. Elle finit par me faire de nouveau face.
- Il faut qu'on clarifie certains points, si tu le veux bien, poursuit-elle. Si nous continuons de nous voir, ça ne pourra jamais aller plus loin que ça, tu en es conscient ?
Je déglutis en entendant ses paroles. Son « jamais » prononcé si catégoriquement est comme une lame enfoncée dans mon coeur.
- Oui, j'ai très bien compris, je lui réponds, essayant de cacher ma déception à l'aide d'un sourire de façade.
- Pour s'amuser comme ça, il n'y a aucun problème... mais t'imagines, si ça devenait plus sérieux, entre nous ? Enfin, je pense que tu ne l'as jamais envisagé, étant donné que tu n'es pas du tout dans cette optique-là, mais si l'un de nous deux venait à éprouver des sentiments pour l'autre, il serait plus judicieux d'arrêter tout de suite... tu ne crois pas ?
Non, bien sûr que non ! Je suis même persuadé que ça pourrait marcher !
- Oui, je suis d'accord, je mens en affichant toujours ce faux sourire crispant mes zygomatiques.
June lâche un soupir en souriant. Elle s'approche de moi et tend sa main vers la mienne. Je ne sais pas du tout ce qu'elle a en tête, étant donné qu'elle ne m'a pas donné de réponse claire quant à ce qu'elle veut faire de nous deux.
- Je pense qu'il est temps de sceller notre accord, s'exclame-t-elle.
Je glisse ma main dans la sienne pour la serrer, mais elle me surprend en refermant sa poigne autour de mes doigts, un sourire malicieux se dessinant sur son visage.
- Tu ne trouves pas qu'une poignée de main est trop formelle pour ce genre d'arrangement ? me demande-t-elle d'un ton espiègle.
Qu'as-tu en tête, June Robbins ?
Elle m'entraine alors vers les trois transats installés à côté de la porte. D'un signe de la main, elle m'invite à m'assoir sur l'un d'eux. En souriant, je me prête au jeu et obéis à ses instructions. Je m'allonge complètement, ignorant ce que me réserve June, mais je suis curieux de le savoir.
Sans quitter June de yeux, je la regarde me dominer. Je suis complètement à sa merci. Rapidement, elle jette un coup d'oeil à l'intérieur de l'appartement, par la partie vitrée de la porte avant de reporter son attention sur moi. Sans se départir de son sourire coquin, elle s'approche de nouveau et s'installe finalement à califourchon sur moi, prenant soin de bien relever les bords de sa robe noire.
- T'as un préservatif ? me demande-t-elle discrètement.
Je hoche la tête, devinant ce qu'elle veut faire. Pour être directe, elle est directe ! Elle est complètement tarée, et je n'en l'aime que plus. Je me redresse légèrement pour ne pas être totalement allongé. En gesticulant sous le poids de son corps, j'arrive à passer ma main derrière pour attraper la capote se trouvant dans la poche arrière de mon jean. Je lui tends le petit emballage en plastique scintillant, qu'elle attrape avec malice.
- T'es folle, tu le sais, ça ? je lui demande en riant. Ce n'est pas comme à la crique. Y'a plein de personnes qui risquent de nous surprendre, ici.
Je tiens à la prévenir au cas où. Ma mise en garde n'a pas l'air de l'effrayer. Au contraire. La perspective de se faire choper semble l'encourager à poursuivre. Elle se penche vers moi pour murmurer dans mon oreille :
- Quand il y a du danger, c'est beaucoup plus grisant.
Elle termine sa phrase par un petit gloussement, et je dois avouer qu'elle n'a pas tort. Je me suis envoyé en l'air dans plein d'endroits improbables, mais c'est la première fois qu'on me propose de faire ça à la vue de tous, et je n'aurais jamais cru que ce serait avec une fille comme June.
Je pose mes mains sur ses cuisses, tandis que les siennes prennent appui sur mon torse. Mes doigts remontent lentement sur sa peau laiteuse, faisant naitre des frissons sur leur passage. J'atteins ses fesses et là, je constate avec stupeur qu'elle ne porte aucune petite culotte. Mes yeux arrondis de surprise font rire June.
Sans rien dire, elle fait glisser ses mains vers le bouton de mon jean, qu'elle défait avec habileté. S'emparant de l'ourlet de mon pantalon, ainsi que l'élastique de mon boxer, je surélève légèrement mon bassin pour l'aider à me dévêtir. Ses yeux se posent sur ma queue droite comme un « i » et ses fines lèvres s'étirent en un sourire coquin en constatant l'effet qu'elle a sur moi.
La brunette porte l'emballage du préservatif à sa bouche et, avec ses dents, le déchire pour en extraire la capote. Elle la place délicatement au bout de mon pénis avant de la faire glisser sur tout mon membre. Je me laisse complètement faire, me délectant de sa douceur et de son toucher délicat. Mes mains viennent se poser sur ses fesses et je l'attire un peu plus vers moi. Elle commence à frotter son intimité déjà bien humide contre ma verge en poussant un premier cri de plaisir.
June se penche vers moi et sa bouche vient instantanément trouver mon cou, sans rompre le contact en bas. Une de ses mains vient se perdre dans mes cheveux. La mienne vient dégager la mince bretelle de son épaule, que je couvre également de baisers. Si elle continue comme ça, alliant l'offensive dans ma nuque et le frotti-frotta contre ma bite, je ne vais pas tenir bien longtemps.
- Tu me rends... complètement... fou, je bredouille à cause de toutes les émotions qu'elle me fait éprouver.
Je peux sentir ses lèvres sourire contre la fine peau de mon cou. Quelques secondes plus tard, June se redresse, ce même rictus plaqué sur le visage. Mes doigts frôlent la seconde bretelle de sa robe, qui tombe comme la première, dévoilant la poitrine de ma partenaire. Ma main vient trouver un de ses seins, que je commence à malaxer. La tête de June bascule en arrière, tandis que j'emprisonne son autre sein dans ma bouche. Elle lâche alors un second soupir de plaisir, et ses frottements contre moi se font de plus en plus rapides. Elle finit par se soulever pour venir me chevaucher. A mon tour de crier mon plaisir lorsque je la sens tout autour de moi. Cette sensation m'avait tellement manqué que j'ai l'impression de revivre à son contact.
Le visage de la brunette exprime toutes sortes d'émotions, et j'aime la voir se tortiller de désir sur moi. Ses yeux plongés dans les miens, je peux voir à quel point je lui ai manqué aussi.
- Oh, Hero...
La manière dont elle souffle mon prénom me fait basculer dans un autre monde. Je ne sens plus que ses mains sur mon corps, ses mollets contre le haut de mes cuisses, la chaleur de son sexe trempé de désir pour moi. Nous sommes transportés dans cette nouvelle dimension qui n'appartient qu'à nous deux.
Les halètements de June sont de plus en plus rapprochés, signifiant qu'elle va bientôt jouir. Je la pilonne tant et plus, accélérant la cadence pour nous libérer tous les deux dans un orgasme fusionnel et explosif. Ses petites mains se crispent sur mes épaules, tandis que j'inonde sa poitrine de baisers, lèche ses tétons, les mordille, ou les suçote selon ce qui lui fait le plus d'effet.
Les yeux de la brunette s'écarquillent en même temps que les miens lorsque nous entendons la porte de la terrasse s'ouvrir et que quatre personnes apparaissent derrière nous, en train de parler et de rire. Nous nous arrêtons instantanément dans nos ébats et suivons le petit groupe constitué de deux filles et deux garçons se diriger du côté opposé au nôtre. Quand June tourne la tête vers moi, elle ne peut s'empêcher de rire discrètement, et je me joins instantanément à elle. Nous sommes vraiment fous de faire ça ici, en plein air, et à la vue de tous !
Je remonte rapidement les bretelles de sa robe pour recouvrir — à mon grand regret — sa poitrine. Cependant, June ne semble pas décidée à continuer nos galipettes... ailleurs ! Toujours assise sur moi, elle recommence très lentement à me chevaucher, à ma grande surprise. Se penchant vers moi, elle vient nicher sa tête dans mon cou et se met à lâcher des légers gémissements que moi seul peut entendre. Ces petits bruits ont le don de faire monter mon excitation à son paroxysme. Je jette de brefs coups d'oeil vers le groupe squattant la terrasse, pour être certain qu'ils ne nous matent pas. Les lèvres de June remontent vers mon oreille, tout comme son souffle chaud contre ma nuque, faisant naitre des frissons sur ma peau, et me faisant perdre le peu de raison qu'il me reste. Sa bouche frôle mon lobe.
- Plusieurs fois, tu m'as demandé de jouir pour toi... là, maintenant, je ne jouis vraiment que pour toi, halète-t-elle.
Putain, on ne m'a jamais rien dit d'aussi chaud ! Je pourrais exploser dans la capote rien qu'en entendant ça. Mes mains viennent presser vigoureusement ses fesses et bifurquent par la suite sur ses hanches pour la prendre plus profondément. Les couinements de June se font de plus en plus réguliers tandis qu'elle se redresse pour enfin accéder à la libération. Ses yeux se ferment, faisant apparaitre des discrètes pattes d'oie sur le bord, et sa bouche se distend dans tous les sens quand je la sens se contracter autour de ma queue.
- Hero...
Mon prénom, lâché dans un murmure précède l'orgasme qui nous amène tous les deux au septième ciel. Ma tête bascule en arrière, mes yeux se révulsent tant cette sensation est merveilleuse. June s'affale complètement sur moi, le côté de son visage se posant sur mon épaule. Essoufflée, elle lâche tout de même un petit rire, repensant certainement à la folie que nous venons de commettre.
- C'était trop bon, chuchote-t-elle en soupirant, un sourire dans la voix.
Je suis si heureux de l'entendre dire ça. Je caresse son dos d'une main, le temps de calmer nos respirations. Honnêtement, je pourrais rester dans cette position pour le reste de ma vie. Les quatre invités de Morgan décident enfin de quitter la terrasse, nous rendant notre intimité. En passant, ils nous ont lancés un regard, mais je n'ai vu aucune suspicion dans leurs yeux. Ils n'ont aucune idée de ce qu'on vient de faire, et c'est tant mieux.
June finit par se redresser, et je l'aide à se relever, me retirant délicatement d'elle. Une sensation de froid m'envahit presque aussitôt. J'enlève le préservatif usagé, que je planque sous le transat, et dont je me débarrasserai plus tard. Je remonte mon boxer et mon jean avant de me lever. June réajuste sa robe, et la lisse pour éviter les plis. Sans ajouter un mot, nous retournons à l'intérieur.
A peine sommes-nous entrés que Jade et Hamza nous tombent dessus. Se tenant par la main, ils viennent se poster devant nous.
- June ! T'es revenue ? s'étonne Blondie en écarquillant les yeux.
- Euh... ouais ! répond-elle en me lançant un regard furtif. Je... devais... euh...
- ... discuter ! j'interviens pour sauver June de l'embarras. Elle est revenue pour discuter et mettre les choses au clair et... c'est ce qu'on a fait !
Jade esquisse un petit sourire en coin, son regard faisant des allers-retours entre nous.
- Ouais, discuter... Ça a dû être une sacrée conversation.... vu vos lèvres gonflées ! pouffe-t-elle en lançant une œillade complice à Hamza.
June porte immédiatement une main à sa bouche pour vérifier les propos de son amie. Du coin de l'oeil, je vois sa joue prendre une teinte rosée, ce qui m'arrache un sourire. Comment peut-elle rougir à ce commentaire, alors qu'on vient de baiser sans aucune honte devant des gens ? C'est tout le paradoxe de June Robbins !
- Bref... sinon, quand est-ce qu'on rejoint Angie et Dany au bowling ? demande June, changeant rapidement de sujet.
- Bah, on peut y aller maintenant, lance-t-elle avec enthousiasme. Vous voulez vous joindre à nous ?
Jade se tourne vers Hamza, avant de reporter son attention sur moi. Mon pote accepte immédiatement la proposition de sa copine, alors que June se tourne vers moi, me suppliant du regard de venir. Bien sûr que je viens !
- J'envoie un message à Angie pour savoir où ils se trouvent, nous informe Jade, tandis que nous nous dirigeons vers la porte de l'appartement...
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