44.
Si une personne saine d'esprit avait été dans ma tête lorsque je passais du temps avec Hero, je pense qu'elle aurait fini en hôpital psychiatrique ! Tout ce que je faisais, toutes les décisions que je prenais étaient en parfaite contradiction avec un code de conduite digne de ce nom. Mes pensées défilaient dans mon esprit à mille à l'heure, pouvant me faire vaciller d'une euphorie totale vers une culpabilité profonde. J'étais continuellement tiraillée entre ces deux états lorsque je devais faire une choix entre ce qui est juste et ce qui me semblait bon pour moi. Malheureusement, l'égoïsme dont j'avais déjà fait preuve par le passé, en négligeant mes amies et leurs besoins, avait adopté une nouvelle forme. Je voulais penser à moi, rien qu'à moi, pour une fois... à mon bonheur. Et le seul endroit où je me sentais vraiment heureuse était dans les bras d'Hero et, à ce moment-là, c'était tout ce qui comptait... jusqu'au jour où tout s'est retourné contre moi, contre nous...
J'avais déjà vu de quoi il était capable pour « obtenir ce qu'il voulait », comme il aimait le clamer et j'aurais dû, dès lors, mettre un terme à cette relation, au lieu de la reprendre, de la continuer, et de l'encourager surtout...
Mais quand on a mis sa raison sur pause et qu'on réfléchit avec tout sauf son cerveau, cela ne peut mener qu'à la catastrophe ! Et je ne suis en aucun cas l'exception à la règle...
*
Londres. Home Sweet Home. En passant devant les premiers buildings jonchant les artères est de la ville, je ressens un certain bonheur à retrouver les trépidations urbaines. Les passants, mêlant habitants et touristes, se hâtent sur les trottoirs, abrités sous leur parapluie, à la recherche d'un magasin où trouver refuge. Les essuies-glace sur mon parebrise sont à vitesse maximale, mais les trombes d'eau qui s'abattent sur la voiture sont bien trop importantes pour être essuyées d'un coup de balai. Je peine à voir à travers ce rideau humide qui masque ma visibilité. J'ai plutôt été bénie côté météo à Sandgate, bénéficiant d'un temps plutôt clément, mais je dois avouer que la pluie londonienne a son charme... quand elle me laisse rouler en toute sécurité.
Malgré la circulation dense, due à la multitude de bus rouges et de taxis qui se tirent la bourre, et ralentie à cause du temps, j'arrive à Whitechapel une bonne demi-heure après. Je gare ma Mini le plus près possible de l'immeuble car, n'ayant aucun parapluie ou veste pour me protéger, je n'ai pas spécialement envie d'être trempée comme une soupe pour retrouver mes amis. Je pique un sprint pour parcourir les quelques mètres me séparant de la porte d'entrée, tête baissée, comme si ça allait m'aider à passer entre les gouttes. Grosse désillusion puisqu'une fois à l'intérieur du bâtiment, je constate que mes cheveux dégoulinent et que mes vêtements sont aussi mouillés que lorsque je les sors de la machine à laver, et qu'il n'y a eu aucun cycle d'essorage.
C'est bien ma veine ! Au revoir, mon joli brushing du coiffeur...
Je peine à monter les étages, chargée comme une mule et trempée jusqu'à l'os. Instantanément, cela me rappelle mon premier « rendez-vous » avec Hero, lorsque j'avais débarqué chez dans un état plutôt similaire. Un petit sourire s'esquisse sur mes lèvres au souvenir de cette folle nuit.
Je me hâte de gravir les dernières marches et atteins enfin le palier où se trouve l'appartement d'Angie. Je pose mes sacs de voyage en tissu, qui sont dans le même état que moi, pour ouvrir la porte. A peine ai-je foulé le parquet de l'entrée que les silhouettes de mes deux amies se dirigent à toute vitesse vers moi, lançant des petits cris de joie.
- JUUUUUUUUUUNE ! s'écrient-elle en chœur, alors que leurs bras m'enlacent rapidement.
Je leur rends leur étreinte en fermant les yeux pour mieux apprécier leur présence. Même si elles m'ont manqué pendant ma mise au vert, je réalise seulement maintenant à quel point leur absence m'a affecté. Je suis vraiment heureuse de les retrouver et, quand je déciderais de faire une nouvelle pause dans ma vie mouvementée, je les embarquerais avec moi.
- Oh ! Si vous saviez comme ça me fait du bien de vous revoir, les filles ! je m'exclame alors qu'elles s'éloignent de moi en même temps.
- L'essentiel, c'est que cette pause loin de Londres t'ait fait du bien, lance Angie avec un gentil sourire.
Je hoche la tête pour confirmer ses propos.
- J'espère que la route ne t'a pas trop crevée... parce qu'on a une surprise pour toi ! m'annonce Jade tout fièrement, en pivotant sur la pointe des pieds, ses mains derrière le dos.
Une surprise ? Ça ne fait même pas deux minutes que je suis rentrée qu'elles ont déjà prévu quelque chose... Je ne sais vraiment pas ce que j'ai fait pour mériter deux personnes aussi formidables qu'elles dans ma vie.
- Attends, Jade, on n'est pas à la pièce non plus, tempère ma meilleure amie. Peut-être que June a envie de se poser un peu, de défaire ses bagages et de prendre une bonne douche avant de faire quoi que ce soit d'autre.
Angie se retourne vers moi, attendant une réponse de ma part.
- Je suis toute excitée à l'idée de découvrir cette surprise, mais Angie a raison : une bonne douche s'impose avant tout... même si la pluie s'est chargée de faire les trois quarts du boulot ! je plaisante en jetant un coup d'oeil à mes vêtements mouillés.
Je reprends mes valises et me dirige vers la chambre, talonnée par mes amies. En passant devant la cuisine, je tourne la tête et aperçois Dany, en train de se faire un sandwich. Une expression soulagée apparait sur son visage tandis qu'il laisse tomber la confection de son en-cas pour venir me saluer.
- Il était temps que tu rentres, Robbins !
Je ne pensais pas lui avoir autant manquée, mais sa marque d'affection me touche, même s'il m'appelle par mon nom de famille.
- Je suis également heureuse de te revoir, Sharman !
- Ces deux-là me rendent chèvre, feint-il de se plaindre en me prenant dans ses bras, en bougeant la tête dans la direction d'Angie et Jade. Plus jamais tu me laisses seul avec elles...
J'entends mes amies charrier le rebelle, avec une pointe de moquerie dans leurs remarques. Je suis vraiment heureuse de retrouver ma petite bande, mon Golden Trio... qui est en passe de devenir le Golden Square... ou Quatuor. Va falloir se concerter sur le nouveau nom de notre groupe. En attendant, cette petite joute verbale entre eux me donne une idée...
- Qui a dit que j'étais de ton côté ? je lui demande en relevant mon visage vers le sien, un sourcil arqué, le prenant complètement à contrepied.
Sans vraiment comprendre où je veux en venir, Dany me dévisage, alors que je me dégage gentiment de son étreinte. Sous son regard perplexe, je m'avance alors vers le plan de travail où se trouve l'assiette contenant le sandwich et m'empare du mets.
- C'est mon...
Je ne lui laisse pas le temps de protester que j'ai déjà croqué dans le pain de mie. J'aperçois Dany, du coin de l'oeil, complètement éberlué par mon attitude. Je me retourne vers lui en arborant un sourire satisfait. J'enfourne une seconde bouchée, juste pour le plaisir, avant de reposer le reste de son repas dans l'assiette. Je prends le temps de bien mâcher, le pain, la salade, le jambon et la mayonnaise se mélangeant entre mes dents.
- Tu réfléchiras à deux fois avant de me traiter de vieille, je lui balance, en passant à côté de lui, sans oublier de lui tapoter l'épaule. Vraiment délicieux, ce sandwich !
Il lâche un petit rire, reconnaissant sa défaite, tandis que je rejoins mes copines, témoins hilares de cette scène. Je lui adresse un petit sourire triomphant avant de reprendre le chemin de la chambre. J'entends, depuis la cuisine, la voix de Dany m'assurer qu'il est tout de même content de me retrouver.
Alors que mes trois comparses continuent de chahuter, à coup de gentilles piques mêlées à des éclats de rire, j'en profite pour défaire mes valises et m'éclipser à la salle de bain pour me doucher, histoire de ne pas choper un rhume et d'être présentable pour découvrir la surprise qui m'attend.
Une fois réchauffée par l'eau chaude, je me rends dans la chambre pour choisir ma tenue. Rien de bien élégant, mais le premier vêtement qui me tombera sous la main fera largement l'affaire. Ainsi, je revêts un legging noir avec une bande dorée sur le côté de chaque jambe, tandis que pour le haut... je reste un peu plus indécise, jusqu'à ce que mes yeux atterrissent sur un sweatshirt noir et blanc, plié au pied du lit. Je tends le bras pour m'en emparer et le gros signe BOSS en relief apparait devant mes yeux. J'avais complètement oublié que je l'avais toujours en ma possession. Il faudrait que je pense, un jour, à le rendre à Hero.
Mais, en attendant...
Ni une, ni deux, je l'enfile et, instantanément, je m'y sens bien dedans. Bien qu'il sente la lessive, je ne peux m'empêcher de porter le tissu à mes narines, pour m'assurer que des effluves de l'odeur d'Hero ne se soient pas attardés dessus. Je réalise, à ce moment-là, que je dois ressembler à une nana accro, celle qui sniffe le parfum de son mec ou de son crush, mais je m'en fiche.
Suis-je accro à Hero ?
Je ne le devrais pas. Je ne le dois pas. Cela ne mènerait à rien, sauf à de la souffrance inutile. Peu importe que ma grand-mère ait pu déceler un « intérêt grandissant » de la part d'Hero envers moi, rien de sérieux et de durable ne pourra jamais s'établir entre nous. Au bout d'un moment, l'un de nous mettra fin à cet « arrangement » quand il n'y trouvera plus son compte. Considérer d'aller au-delà de nos rencontres coquines serait une grossière erreur.
Je chasse cette pensée de mon esprit et sors de la chambre, une fois mes cheveux rassemblés en un chignon haut, trônant sur le sommet de mon crâne. Je rejoins mes amis, moins dissipés qu'il y a quelques minutes et, lorsqu'Angie remarque ma tenue — surtout le haut — elle esquisse un petit sourire en coin tout en hochant la tête.
- Alors, cette surprise ? je leur lance.
Jade, assise sur le canapé, se relève d'un bond pour se précipiter vers moi. Ses zygomatiques sont tendus à l'extrême, dévoilant toutes ses dents. Ce sourire, beaucoup trop enthousiaste à mon goût, ne me dit rien qui vaille.
- Elle n'est pas ici, me répond la blondinette. Mais, nous allons nous faire un plaisir de t'y conduire. Par contre, tu vas devoir porter ceci !
Elle dégaine, de la poche arrière de son jean taille haute, un foulard noir, le même qu'Angie et moi lui avions fait porter le soir de son anniversaire, et l'agite devant mon nez, sans se départir de son sourire enjoué.
- C'est vraiment nécessaire ? je lui demande en pointant du doigt le bout de tissu.
Derrière notre benjamine, j'aperçois Angie faire rouler ses yeux avant de lever ses fesses du canapé pour nous rejoindre.
- Détends-toi, June ! intervient ma meilleure amie. On ne va pas te lâcher dans une caserne remplie de pompiers dalleux, ou même dans le pire scénario que tu puisses imaginer... mais peut-être que tu préfèrerais qu'on te laisse dans une certaine avenue de South London, dans l'appartement d'une certaine personne...
Son regard se pose sur le sweatshirt et je sais immédiatement à quoi elle fait allusion. C'est à mon tour de lever les yeux au ciel devant la subtilité de son sous-entendu.
- C'est bon ! Je vais le mettre, votre stupide foulard ! je râle, en arrachant le bandeau des mains de Jade, et le noue à la hâte derrière ma tête. S'il n'y a que ça pour te faire taire... Voilà, vous êtes contentes ?
Elles m'offrent un silence en guise de réponse. Un silence long... et suspect. Même Dany reste muet. J'agite mes mains devant moi pour les inciter à ouvrir la bouche. Je ne vois vraiment rien à cause de ce satané voile opaque sur mes yeux. Aucune ombre, aucune silhouette, rien. Soudain, j'entends des pas autour de moi s'éloigner et, quelques secondes plus tard, la porte d'entrée s'ouvre. Je pivote sur moi-même pour faire face à la sortie. Ils ne vont quand même pas se barrer sans moi ?
- OH ! Vous n'oubliez pas quelque chose, là ? je leur demande en laissant retomber mollement mes bras, mes mains venant claquer le haut de mes cuisses.
Toujours aucune réponse de leur part. Okay, je crois qu'ils ont décidé de m'en faire baver. Mais qu'à cela ne tienne, je ne vais pas me laisser faire. Je commence à avancer prudemment, les bras tendus devant moi pour parer à tout obstacle potentiel. Je dois ressembler à une aveugle qui essaie de se déplacer.
- Non, mais vous pourriez m'aider, au moins ! je proteste, légèrement agacée par leurs gamineries.
Des pas approchent dans ma direction avant de s'arrêter à quelques mètres de moi.
- Okay, pas de problème, lance Dany.
Soudain, un éclair de panique traverse mon regard masqué lorsque je sens des bras encercler mes cuisses pour me surélever. Je pousse un cri quand le poids de mon corps me fait basculer en avant sur l'épaule du bouclé.
- Repose-moi tout de suite ! je hurle, en me tortillant tout en m'agrippant à lui de toutes mes forces, tel un opossum craignant de tomber de son arbre. Dany, Dany, s'te plait ! Fais pas le relou, merde ! Pose-moi par terre, c'est pas drôle !
J'entends Jade et Angie se poiler comme des baleines, tandis que le rebelle me porte comme un sac à patates vers le palier, malgré mes contestations incessantes.
- La prochaine fois, tu réfléchiras à deux fois avant de bouffer mon sandwich ! me balance-t-il avec fierté et satisfaction, avant de m'asséner une petite claque sur les fesses.
Je pousse un cri de frustration devant mon impuissance face à cette situation. Lorsqu'il entame la descente des escaliers, je crois mourir à chaque pas qu'il fait, mes cris et mes protestations nourrissant l'hilarité de mes « amis ».
- C'est officiel... je vous déteste... tous les trois ! je m'exclame.
Ma petite pique est vite balayée par des « ouais, ouais... », « on y croit », le tout combiné à des rires. Si le début de la surprise commence de cette façon, j'ignore ce qu'ils m'ont réservé pour la suite !
*
Nous roulons depuis une bonne vingtaine de minutes. Je n'ai aucune idée de l'endroit où nous nous rendons. Plusieurs fois, j'ai tenté de soutirer des informations à Angie, Jade et même Dany, mais je n'ai eu droit qu'à des « tu verras » ou encore « un peu de patience ». Autant dire que ça n'avance pas trop mon enquête. Les seules indices que Jade lâche de temps à autre sont les directions à prendre pour atteindre le point de rendez-vous, mais avec la voix robotique du GPS ordonnant des « tournez à droite, puis à quatre-cents mètres, tournez à gauche avant de prendre tout droit sur deux kilomètres » a tire larigot, je ne serais pas étonnée si on atterrissait dans un patelin paumé du Suffolk, très éloigné de Londres. Cependant, cela me laisse le temps de réfléchir à la surprise qu'ils m'ont faite. Je m'imagine tout et n'importe quoi, des scénarios plus farfelus les uns que les autres. Farfelus ? Peut-être pas tant que ça, connaissant la folie dont peuvent faire preuve mes amis. Des idées me traversent l'esprit, mais mon choix ne s'arrête sur aucune de ces possibilités.
La Mini finit par se garer, et Dany coupe le moteur. Assise à l'arrière, à côté d'Angie, cette dernière m'aide à descendre de la voiture coupée trois portes. Déjà qu'avec une vue normale, c'est difficile de s'en extirper — surtout quand on n'est pas très souple, comme moi — mais en étant momentanément aveugle, la tâche devient un peu plus ardue. Mon pied se pose sur ce qui ressemble à du bitume, j'en déduis donc que nous ne sommes pas perdus en pleine campagne, c'est déjà ça. A travers mon bandeau, j'arrive à distinguer la lueur d'un lampadaire, et les bruits des voitures roulant à proximité me laissent penser que nous sommes en ville, peut-être même encore à Londres. De plus, la pluie est toujours au rendez-vous.
- Je peux retrouver la vue, maintenant ? je demande, impatiente.
- Encore quelques minutes, on n'est plus très loin, m'assure Angie, une pointe d'excitation dans la voix, en glissant son bras sous le mien pour m'entrainer dans sa course.
Je n'ai aucune idée du lieu où elle me tire avec entrain, mais l'enthousiasme qui l'habite laisse peu de place au doute : elle est certaine que je vais adorer cette surprise qu'ils m'ont concoctée. Nous finissons par nous arrêter et, au bout de quelques secondes, j'entends quatre petits bips stridents suivis d'un énorme bourdonnement métallique, qui ressemble au déverrouillage d'une porte. Mes soupçons sont vite confirmés lorsque j'entends le cliquetis d'une serrure automatisée. La main de ma meilleure amie me guide cette fois à l'intérieur du bâtiment. Nous faisons quelques pas avant de nous arrêter de nouveau. Jade et Dany sont derrière nous, en train de papoter. J'ignore ce que nous attendons exactement, mais je prends mon mal en patience. Soudain, un nouveau bip aigu et bref se fait entendre avant qu'une voix robotisée de femme nous annonce le « rez-de-chaussée ».
Okay, maintenant, on prend un ascenseur...
Nous nous engouffrons dans le petit espace et, quelques instants plus tard, je me sens soulevée par la cage montante. Je ne sais pas chez qui nous nous rendons mais, pour faire autant de mystère, ce doit être vraiment spécial. Une agréable musique de jazz résonne dans les petits hauts-parleurs à volume modéré. L'ascenseur ralentit pour s'immobiliser complètement avant l'ouverture des portes. La voix nous apprend que nous avons atteint le deuxième étage. La main d'Angie retrouve la mienne et nous parcourons quelques mètres avant de nous arrêter.
- Vous m'emmenez chez qui, là ? je demande, un peu anxieuse.
J'entends alors le tintement d'un trousseau de clé. L'appartement est donc fermé à clé... c'est quoi, cette histoire ? Je deviens de plus en plus méfiante quant à la nature de cette « surprise ».
- Tu vas le découvrir dans quelque secondes ! s'enflamme Jade, derrière moi, sa voix plus aigüe que d'habitude trahissant son impatience et son euphorie.
Je suis certaine qu'elle est sur le point d'applaudir frénétiquement et de sautiller sur place. La porte finit par s'ouvrir et Angie m'invite à entrer. Immobile pendant quelques secondes, je finis par m'exécuter en plaçant mes mains devant moi, pour tâter les objets ou les murs qui pourraient se dresser sur mon chemin. Je ne distingue aucun bruit, aucune lumière. Je m'arrête et je sens deux mains triturer le nœud à l'arrière de ma tête. Nous y sommes... je vais enfin découvrir ce que ces fous m'ont réservé !
Lorsque je retrouve la vue, la première chose que j'aperçois est un escalier à ma droite, aux marches recouvertes d'une moquette rose poudrée, ainsi qu'une grande pièce comprenant le salon/salle à manger et la cuisine. Je m'avance un peu pour découvrir les lieux, à la recherche de l'occupant de cet appartement. Je remarque alors que mes amis sont restés près de l'entrée, tous les trois alignés avec de grands sourires plaqués sur leurs visages.
Eux, ils mijotent quelques chose, c'est sûr !
Je continue mon exploration, toujours à l'affût du moindre indice qui pourrait me mettre sur la voie de cette surprise. Soudain, j'aperçois sur la table basse en verre du salon, une petite boite carrée rouge avec un joli nœud argenté sur le couvercle. Je me retourne vers Jade, Angie et Dany, qui scrutent mes moindres faits et gestes, attendant évidemment ma réaction.
Je reste un peu dubitative devant cette boite. Il y a quelque chose qui ne colle pas : pourquoi me faire venir dans l'habitation d'une personne qui m'est totalement inconnue seulement pour me donner cette petite boite ? Pourquoi toute cette mise en scène ?
- Allez, ouvre ! s'exclame Jade, qui a de plus en plus de mal à tenir en place.
J'entends les rires discrets d'Angie et Dany devant l'impatience de la benjamine de notre groupe. Je décide alors de mettre fin au suspense, autant au leur qu'au mien. Je défais délicatement le nœud aux reflets gris brillant et soulève le couvercle en carton dur. A l'intérieur, se trouvent une petit carte pliée en deux, ainsi qu'une clé. Je m'empare du morceau de papier cartonné couleur blanc cassé où sont inscrits les mots suivants : « Bienvenue chez nous, June. »
Je reste pendant quelques instants comme une poule devant une équation, n'arrivant pas à faire le rapprochement entre le petit mot et la clé. Soudain, l'évidence me frappe comme la foudre tombant sur un poteau électrique. Mes yeux s'écarquillent, tout comme ma mâchoire qui descend lentement au moment où je comprends en quoi consiste la surprise.
- Vous avez loué cet appartement ? je leur demande, à la fois stupéfaite et ravie, ma voix avoisinant la même tessiture que celle de Jade, quelques minutes plus tôt.
Mes amis se rapprochent de moi, heureux de constater que j'accueille cette nouvelle avec joie.
- J'ai voulu te le dire plusieurs fois au téléphone, mais ces deux-là me l'ont interdit, feint de se plaindre la blondinette aux cheveux ondulés, en pointant du doigt Angie et Dany. Alors, on a pensé qu'il serait plus judicieux de te le faire découvrir de cette façon.
Je pivote sur moi-même, examinant dans tous les sens les moindres détails de notre nouveau nid douillet, un grand sourire aux lèvres, pendant qu'Angie me donne tous les détails que j'ai besoin de connaitre.
- C'est Jade qui l'a débusqué, quelques jours après ton départ, m'apprend-elle. Il est situé dans le quartier de Camden. Ouais, c'est un peu excentré, j'avoue, mais il y a des lignes de bus à proximité. Et, en plus, on est juste à côté de Regent's Park !
Regent's Park est l'un des parcs royaux de la ville, et l'un des plus beaux aussi. Un canal du même nom le traverse et le Zoo de Londres est installé au nord de ce grand espace boisé et fleuri. Ce sera une bonne excuse pour aller prendre l'air, le dimanche après-midi, au lieu de rester enfermé à l'appartement... enfin, si le temps se montre clément, bien sûr !
- En plus, l'agent immobilier nous a assurés que c'était une rue et une résidence calmes. Ce sont des logements loués au mois, donc il n'y a pas tout le temps des locataires dans l'appartement du dessous. On va pouvoir faire des fêtes du tonnerre ! s'emballe Jade.
- Il y a cinquante mètres carré de surface au rez-de-chaussée, comprenant, comme t'as pu le voir, le salon, la cuisine et la salle à manger. C'est un meublé, donc on a juste à ramener nos affaires et à nous installer ! Bien sûr, je ne compte pas me débarrasser de mon mobilier et je suis certaine qu'il trouvera sa juste place dans ces cents mètres carré de surface totale ! reprend ma meilleure amie.
Je reste éberluée en écoutant les descriptions de mes deux copines. Même si elles ne m'ont pas encore révélé le montant du loyer, je pense qu'ils ont fait une bonne affaire, en tenant compte de l'espace ainsi que de la situation géographique de l'immeuble.
- A l'étage, c'est la même surface avec quatre chambres, la salle de bain et les toilettes, intervient Dany, plus calme que nos deux camarades, qui se projettent déjà en imaginant l'aménagement du rez-de-chaussée ou la planification de la prochaine party.
- On a déjà choisi nos chambres, lance Angie. Mais je pense qu'on t'a laissé la meilleure... Si tu veux venir la découvrir...
Jade se racle alors la gorge, pendant qu'on se dirige vers l'escalier menant à l'étage. Nous nous retournons vers elle.
- Objection ! scande-t-elle comme si elle était au tribunal, les bras croisés sur sa poitrine, en s'avançant vers nous. « On a déjà choisi nos chambres ? » Euh... ça ne s'est pas passé comme ça dans mes souvenirs. Dany et toi avez décidé que j'héritais du placard à balai que vous appelez une chambre ! Vous m'avez pris pour qui ? Harry Potter ?
Angie lève les yeux au ciel avant de sourire.
- Quand t'auras reçu ta lettre pour Poudlard, tu nous feras signe !
Cette punchline de la part de ma meilleure amie provoque une hilarité unanime, à l'exception de notre petite sorcière préférée, qui boude de plus en plus.
- Si j'avais une baguette magique, je ferais disparaitre ta langue ! réplique-t-elle, en sortant sa propre langue pour la narguer. Tu ne sortirais plus autant de conneries à la minute !
En guise de réponse, Angie lui adresse un joli doigt d'honneur suivi d'un sourire. Leurs chamailleries m'avaient manqué, tout comme l'animation incessante qu'elles mettent dans ma vie. La blondinette retourne dans le salon d'un pas pressé avant d'en revenir, quelques secondes plus tard, avec un coussin qu'elle balance à la figure de la brunette aux reflets violets.
Je suis quand même un tout petit peu nostalgique du calme de Sandgate, dans ces moments-là... juste un chouïa !
- Pour en revenir à l'attribution des chambres, je pense qu'on aurait dû attendre le retour de June pour décider, insiste la jeunette, ayant retrouvé son sérieux. Tous les deux, vous vous êtes ligués contre la pauvre et faible Jade, qui ne faisait pas le poids contre vous...
Elle emploie un ton pleurnichard, invoquant l'injustice dont elle a été victime, en parlant d'elle à la troisième personne. Elle finit sa tirade de dramaturge grec en soupirant. Je pense qu'il faut que j'intervienne dans cette histoire.
- Bon, je crois qu'on devrait se mettre d'accord pour savoir qui prend quelle chambre, je propose. Pour cela, on va faire un petit jeu. Je pense à un chiffre entre un et dix et celui ou celle qui s'en rapproche le plus choisira en premier sa chambre et ainsi de suite. Et moi, je prendrais celle qui restera, okay ?
Jade est la première à faire part à son enthousiasme.
- Ouais, mais si tu te retrouves avec le placard à balai ? me demande Dany.
- Bah, écoute... je croiserais les doigts pour avoir ma mutation à Poudlard dans les plus brefs délais ! je plaisante, en pouffant de rire. Honnêtement, je m'en fiche. Dix mètres carré ou vingt, ça n'a aucune importance pour moi. L'important, c'est d'être avec les gens que j'aime et de vivre en harmonie avec eux.
Il hoche la tête avec un petit sourire.
- Alors... dites-moi le chiffre que vous pensez que j'ai choisi !
Mes trois amis prennent quelques secondes pour réfléchir avant de me donner leurs différentes réponses. A l'issue du mini tour de table, c'est Angie qui a tapé dans le mille en devinant le chiffre quatre.
- En même temps, ce n'est pas une surprise... c'est ton chiffre préféré ! C'était obligé que tu le choisisses à un moment donné ! se vante-elle avant de nous apprendre qu'elle reste sur son premier choix de chambre.
Je dois bien avouer qu'elle me connait comme le dos de sa main. Nous passons alors au round numéro deux avec, en face de moi, Jade et Dany. Je ferme les yeux pour choisir mentalement mon chiffre. Lorsque je les ouvre de nouveau, ils me font part de leurs réponses.
- Et c'est... Jade qui a trouvé ! j'annonce, pour le plus grand bonheur de ma jeune amie, qui sélectionne la chambre à côté de celle d'Angie, en frappant des mains. Maintenant, Dany... à toi de choisir la chambre que tu veux. Et, je ne t'en voudrais pas si tu me laisses la plus petite.
- Tu sais quoi ? Je prends le placard à balais, me répond-il.
Je suis surprise par sa décision et ressens instantanément une certaine culpabilité à ce qu'il prenne la chambre la moins spacieuse. Son choix devrait me ravir, mais j'ai envie qu'il soit aussi à l'aise que nous dans son espace intime. Le bouclé doit certainement comprendre, à mon expression contrariée, que sa réponse ne me plait pas entièrement.
- Ne t'inquiète pas pour moi, chuchote-t-il. Cette situation n'est que temporaire...
Il se retourne alors vers Jade et Angie, et je devine clairement ce à quoi il fait allusion. Son regard bleu est posé sur ma meilleure amie, qui ne semble pas le remarquer. J'aperçois du coin de l'oeil, la naissance d'un rictus sur les lèvres fines de mon ami.
- C'est tout ce que je te souhaite, Dany ! je lui dis, en lui tapotant l'épaule.
- Bon, on reste là, où on va prendre possession de nos chambres ? lance Jade, en levant les bras au ciel avant de les laisser retomber.
Nous montons les escaliers et nous arrivons au palier. Je suis la première à rentrer dans la chambre de droite ou, autrement dit, celle d'Angie. Le sol est en parquet clair et, comme au rez-de-chaussée, la pièce est meublée. Un lit deux places trône au milieu, ses armatures en forme d'arabesques en fer forgé noir lui donnant un côté baroque, que j'adore. Le mur du fond est composé d'une fenêtre et d'une baie vitrée donnant sur un balcon avec, comme vue, l'arrière cour de l'immeuble, où plusieurs box sans toit servent à stocker des containers et autres fournitures d'extérieur utiles pour l'entretien des lieux. De grands rideaux jaunes moutardes opaques sont accrochés aux tringles murales, au-dessus du mur vitré. En dessous de la fenêtre, un grand fauteuil blanc en tissu est installé. J'aperçois également une table bleue avec deux chaises noires en plastique, en face du lit. Entre eux, j'oublie de mentionner le porte-manteaux en bois. Curieux choix de placer un tel objet dans une chambre. Il aurait une place plus adéquate à l'entrée...
A côté d'une des chaises noires se trouve une petite commode en bois foncé, surplombée par un miroir rectangulaire posé dessus. A la gauche de la porte d'entrée, il y a le placard qui, à première vue, me semble trop petit au vu de la quantité de vêtements qu'Angie possède. Heureusement pour elle, je n'avais pas vu la seconde commode verte, sur ma gauche, avec, comme la première, un deuxième miroir au cadre dorée et torsadé, posé sur le meuble. Et, pour finir, un bureau a été installé à côté du lit, avec un fauteuil bleu et noir à roulettes. Je comprends mieux pourquoi ma meilleure amie a tenu à avoir cette chambre. Elle est vraiment spacieuse et jolie.
En ressortant, nous nous dirigeons vers celle de Jade. Contrairement à la précédente, le sol est recouvert de moquette, la même que celle des escaliers. Quant aux meubles, l'aménagement et la vue, ils sont similaires à celle d'Angie. La prochaine chambre est le placard à balai de Dany et, lorsque je découvre la superficie de la pièce, la culpabilité fait son grand retour. Il hérite d'un petit lit une place, d'une petite fenêtre avec un minuscule bureau en dessous et une petite armoire en bois foncé. Tout est vraiment petit... alors que Dany est immense !
- Franchement, tu ne peux pas prendre cette chambre ! je rétorque, à l'attention du bouclé. C'est à peine si tu as la place de tourner sur toi-même... Je suis plus petite que toi, c'est donc moi qui devrais avoir le plus petit espace !
- June, c'est décidé, c'est moi qui prends cette chambre, okay ?
- Arrête ! Je suis sûre que tes pieds dépassent du lit quand t'es allongé ! je renchéris. Ça te ferait plaisir de dormir les jambes en l'air toute la nuit, sur une armature en ferraille ? Je ne crois pas, non !
- Je dormirais les jambes pliées... Problème réglé !
Qu'il est énervant, ce Dany ! Toujours à vouloir le dernier mot... J'essaie d'être gentille avec lui, et il ne veut pas lâcher le morceau. Notre petite querelle n'échappe pas à Jade qui, depuis le couloir, regarde notre échange, abasourdie.
- Sérieux ? Vous êtes en train de vous disputer le placard à balais ?
Nous nous retournons vers elle, tous les deux arborant la même mine agacée.
- J'aurais tout vu, mon dieu ! Non mais... vous êtes les deux plus âgés de la bande, et je croyais qu'en vieillissant, on gagnait en sagesse... Mouais, les théoriciens devraient revoir leurs copies !
A l'unisson, Dany et moi lui balançons nos plus beaux doigts d'honneur. Jade secoue la tête avant de passer à la dernière chambre au bout du couloir, suivie d'Angie, qui la nargue en lui disant qu'aujourd'hui, elle collectionne les majeurs levés dans sa direction. La blondinette grommelle quelques mots, tandis que Dany et moi mettons notre différend de côté pour continuer la visite. J'entre dans l'ultime pièce de l'étage, aménagée différemment des deux autres semblables. Installée à côté des toilettes, le lit est plaqué contre le mur gauche avec, en face, une très grande penderie et un bureau accolé. Une immense baie vitrée occupe tout le mur opposé à la porte, avec des rideaux rouges poussés aux deux extrémités de la tringle murale. La vue aussi est différente. Mes amies ont droit à l'arrière-cour, tandis que Dany et moi bénéficions d'un joli panorama sur la rue. Et, je dois bien avouer que cette chambre me plait beaucoup...
- Allez, Robbins... je vois bien qu'elle te fait de l'oeil, cette chambre, murmure le rebelle tout près de mon oreille, se prenant pour la voix de ma conscience. Arrête de faire ta tête de mule et prends-là... Et puis, comme je te l'ai dit, je ne compte pas m'éterniser dans le placard à balais...
Il passe devant moi en me gratifiant d'un clin d'oeil, accompagné d'un sourire en coin, avant de se diriger vers la fenêtre pour contempler la vue. Son assurance me fascinera toujours. Il est certain « d'emménager » rapidement dans les quartiers privés d'Angie... Pourvu qu'il garde dans un coin de sa tête que ma meilleure amie peut être une vraie peau de vache avec lui, quand elle s'y met !
- J'espère que tu ne devras pas revoir tes plans à la baisse, je lui rappelle. Parce que tu m'as convaincue de planter mon drapeau ici !
L'attribution des chambres est à présent terminé et chacun de nous a trouvé son bonheur. Nous redescendons dans le salon et Angie sort de son sac le dossier de location, pour me montrer les papiers que je dois signer. Nous nous installons sur le canapé, tandis que ma meilleure amie me transmet les informations nécessaires.
- Le loyer est de deux-mille cent soixante-six livres par mois, hors charges, ce qui fait cinq-cent quarante livre par tête de pioche. Il faudra ajouter l'électricité, l'eau et le gaz. Le bail est à ton nom et celui de Dany. Étant donné que je suis pigiste, sans véritable contrat me rattachant à une entreprise, je n'étais pas recevable sur le contrat de location. Dany et toi, vous êtes les deux seuls à bénéficier d'un CDI. Bien sûr, on a passé sous silence le fait qu'il s'est fait virer de son boulot, mais on va tout faire pour qu'il décroche un nouvel emploi sous peu. Donc... voilà ! Dany a déjà signé, et tu n'as plus qu'à faire de même dans la case à côté. Et lundi, j'irai ramener les papiers à l'agence !
Elle me montre les différentes pages sur lesquelles je dois apposer ma signature. Une fois le contrat complété en bonne et due forme, nous faisons un dernier tour des lieux avant de repartir vers Whitechapel. Avant que la voiture ne démarre, j'attrape mon portable pour faire une photo de la façade de l'immeuble, entièrement constituée de briques rouges sombres, qui abrite notre prochain logement. J'appuie sur l'icône verte des messages et sélectionne ma discussion avec Hero. J'insère la photo dans la bulle de conversation et la lui envoie avec pour légende « nouvelle maison », en pointant la géolocalisation sur le quartier de Camden. J'ignore pourquoi, mais il est la première personne avec qui j'ai envie de partager cette grande nouvelle. S'il ne répond pas, je ne m'offusquerais pas... mais ça m'embêtera un peu, quand même.
Pendant le trajet retour, mes amis discutent de l'appartement, de la manière dont ils vont le décorer, confrontant leurs différences de goût. Je me contente de les écouter, sans participer au débat. Je regarde par la fenêtre, tentant de capter l'essence du nouveau quartier dans lequel nous allons bientôt résider. Quelques secondes plus tard, mon téléphone se met à vibrer, posé sur mes genoux. Une nouvelle notification de message apparait sur mon écran et quand je lis le prénom d'Hero en tant qu'expéditeur, un sourire étire discrètement mes lèvres. J'appuie sur la bulle rectangulaire qui m'affiche l'intégralité de sa réponse :
« Déménagement en vue ? T'es rentrée à Londres ? »
Je réponds par l'affirmative à ses deux questions. Les trois petits points, suite à ma réplique, ne tarde pas à apparaitre dans le coin gauche de mon écran, au-dessus de mon clavier digital.
« Si je me souviens bien, une fête est organisée en ton honneur demain soir... Auras-tu un peu de temps à m'accorder ? »
Il ponctue sa question par l'émoji au sourire en coin. Je me mords l'intérieur de la joue pour éviter de glousser à côté d'Angie, qui capterait rapidement ce qui se passe... et connaissant son tempérament inquisiteur lorsqu'elle renifle quelque chose d'intéressant, je préfère n'éveiller aucun soupçon, n'ayant pas foncièrement envie de passer sur le grill.
« Ta mémoire ne te fait pas défaut, en effet... mais tout dépendra de ce que les folles qui me servent d'amies ont prévu ! »
Sa réponse ne se fait pas attendre :
« S'il le faut, je viendrais te kidnapper pour qu'on puisse passer un moment en tête-à-tête... »
En lisant ces derniers mots, mon coeur fait un salto arrière dans ma poitrine, tandis qu'une bouffée de chaleur s'insinue dans tout mon corps. J'ai l'impression que je vais prendre feu sur la banquette arrière de la voiture. Mes joues doivent avoir viré au cramoisi, et le sang martèle au bout de mes oreilles, qui brûlent, comme le reste de mon être. Je sais pertinemment que si je me retrouve seule avec lui, je ne serais pas capable de penser clairement et rationnellement. Je tente de calmer mes hormones en folie avant de lui taper mon prochain texto :
« Ce moment en tête-à-tête sera pour discuter, j'espère... n'oublie pas que je devais prendre une décision après ton plaidoyer sur la plage de Sandgate. »
Il lit rapidement mon message, mais la bulle à trois points signifiant qu'il est en train de rédiger la suite de notre conversation tarde à apparaitre. Il me pose alors la question suivante :
« L'as-tu prise ? »
L'ai-je prise ? Ai-je décidé d'accorder une nouvelle chance à celui qui a complètement chamboulé ma vie depuis notre rencontre ?
« Tu le sauras demain, quand tu m'auras kidnappée des griffes de mes fofolles de copines ! »
Je termine mon SMS avec l'émoji qui tire la langue en faisant un clin d'oeil en même temps. Sa réponse, quant à elle, fuse aussitôt :
« Si je pouvais avancer le temps, crois-moi que je le ferais ! »
Moi aussi, Hero... moi aussi... parce que je sais que demain n'arrivera jamais assez vite !
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