33 TER.

[ANGIE]

Début de la fête...

- A plus, les filles, nous gratifie Dany en s'éloignant, sans nous jeter un seul regard, vers un groupe de blondasses qui le mate comme un bout de viande.

Il se mêle naturellement à leur conversation, n'éprouvant aucune gêne à se montrer tactile envers elles. Les pouffiasses, en face de lui, se mettent à glousser comme de grosses pintades. Je suis certaine que ce qu'il leur a dit n'est même pas drôle. Elles font leurs intéressantes pour l'appâter, rien de plus. Et lui, en bon mâle réfléchissant avec ce qui pend entre ses jambes, se laisse prendre à leur jeu.

Pathétique !

Du coin de l'oeil, j'aperçois June descendre d'une traite le contenu de la vodka que l'hôte de cette soirée, Morgan, lui a servi. Elle n'attend même pas d'avoir complètement avalé ce qu'elle a dans la bouche pour s'en verser un autre. Ma copine a donc prévu de se mettre une bonne biture, bien qu'elle soit assurée de passer une bonne nuit, en tous les cas. Pour ma part, il est hors de question que je reste à cette fête à ruminer sur cette enflure de Dany, à le regarder se pavaner avec des morues pendues à son cou, bavant sur son physique... tout en étant sobre !

Discrètement, j'attrape une bouteille non entamée de vodka, et laisse mes deux amies faire le pied de grue devant le « bar », sans me retourner. Chacune d'elles a un mec qui les attend, alors je préfère mettre les voiles avant de me retrouver à faire office de cinquième roue du carrosse.

J'essaie de me frayer un chemin dans la masse compacte d'invités qui bougent tous différemment et pas au même rythme. D'ailleurs, comment ça se fait ? Il n'y a qu'un seul tempo dans la chanson qui hurle des hauts-parleurs ! Je crois d'ailleurs reconnaitre « Toast » de Koffee. A croire qu'il n'ont aucun sens de la mesure ! C'est aberrant ! J'encaisse, en pestant intérieurement, des coups d'épaules, de coudes, de fesses, me fais piétiner les orteils sans broncher, tout en agrippant ma bouteille pour éviter de la laisser tomber. Ce serait du gâchis !

Une fois éloignée de cette marée humaine, je trouve un fauteuil inoccupé dans un coin du salon et m'y avachis mollement. C'est décidé, je ne bougerai pas de cette place. Je regarde les personnes devant moi se trémousser dans tous les sens, insouciantes et heureuses de passer un bon moment en compagnie de leurs amis. J'aimerais les rejoindre, partager leurs éclats de rire, délirer avec eux. D'habitude, je suis plutôt douée pour faire la causette, m'intégrer dans des discussions déjà bien entamées, et surtout... j'en ressens l'envie, ce qui n'est pas du tout le cas, ce soir. Sans parler de la « chasse », qui est une de mes activités nocturnes favorites. Le pire dans tout ça, c'est que j'ai déjà repéré du gibier de premier choix, de la bonne chair fraîche qui ne demande qu'à être malmenée entre mes griffes acérées. Mes yeux se sont posés sur des beaux petits culs bombés, des abdos moulés dans des tee-shirts trop près du corps, et des biceps de compétition pour certains... en gros, tout ce qui m'attire. Mais, à cet instant, un énorme poids écrase mon estomac. Je ne veux pas parler, je ne veux pas rire, je ne veux pas tâter du muscle jeune et frais — ce qui ne me ressemble pas du tout, d'où l'inquiétude grandissant en moi devant ce comportement troublant — ni même leur faire les yeux de biche. Pour faire court, je ne veux absolument pas qu'on vienne m'emmerder pendant mon « joyeux » tête à tête avec l'Oie Grise*.

Peut-être qu'à force de faire connaissance, cette fameuse volaille au plumage clair va alléger mon esprit !

Assise en travers sur le fauteuil, le dos contre le premier accoudoir et les jambes posées sur l'autre, je balance mes pieds dans les airs, tout en avalant des gorgées brûlantes de vodka. Cependant, la douleur provoquée par l'alcool russe n'est rien comparée à la boule au ventre qui vrille mes entrailles. Mon humeur s'améliore temporairement lorsque j'aperçois June danser avec un mec à casquette, qui ne ressemble pas du tout à Hero, et qui se désarticule comme un pantin tant ses mouvements sont... comment dire... improbables ! Les petits jeunes, ça doit être sa came, on dirait ! Ma meilleure amie s'agrippe à lui, crie, rit, se déchaine vraiment comme jamais je ne l'avais vue bouger. Elle semble passer un très bon moment, et je suis heureuse de la voir s'éclater comme une folle sur la piste. Après toutes les épreuves qu'elle a endurées ces derniers temps, un peu de répit est le bienvenu dans sa vie.

Je bois une nouvelle gorgée du liquide transparent, mais m'arrête lorsque mes yeux, balayant la foule, tombent sur Dany, en train de se déhancher contre le gros cul d'une blonde. Bon, j'exagère, son boule n'est pas énorme — enfin... pas tant que ça — mais, rien que de la voir se frotter à lui, m'énerve au plus haut point, donc tous ses attributs, trop mis en valeur, seront moches et gros... ou petits, selon la région ciblée. Les doigts longs et fins du bouclé se baladent sur le corps moulé dans une robe bleue électrique trop courte de la blondasse, qui semble prendre son pied. Elle rit, dévoilant ses dents trop grandes, semblables à celles d'un cheval, avec une bonne partie de la gencive qui dépasse. Franchement, avec tout l'émail qu'elle a, elle pourrait refaire une salle de bain, juste avec la rangée du haut !

Argh ! Ca me fait chier d'être aussi furax à cause de ça ! Je devrais m'en balancer complet, et pourtant, plus je passe du temps à les regarder en mode frotti-frotta, plus j'ai envie de les étriper... enfin, de l'étriper.

J'ai déjà descendu plus d'un quart de la bouteille et, malgré la brûlure constante qui ne cesse d'être relancée à chaque gorgée, l'effet que je recherche n'est pas encore atteint. Pourtant, je pensais que de l'alcool à quarante degrés ferait largement l'affaire... A croire que non ! De plus, la vue que j'ai depuis l'endroit où je me trouve m'insupporte tellement que je suis obligée de revoir mes plans de « comatage » sur ce fauteuil. Je me redresse disgracieusement de mon petit perchoir et me dirige vers la cuisine, tout en trainant des pieds, en espérant trouver une boisson plus forte, me permettant d'atteindre plus vite l'état entre le monde réel et celui fantasmé.  

J'arrive dans la petite pièce, abondante de bouteilles et de snacks en tous genres. Je pose ma vodka sur le bord de la table et me met à la recherche de mon nouveau poison. J'inspecte les différents alcools devant mes yeux : tequila, whisky, encore de la vodka, du rhum, gin, et, à ma plus grande surprise, plusieurs cartons de champagne. Et, en lisant la marque, j'ai l'impression de me retrouver au Ritz, à Paris !

Il a même gagné une médaille d'or à la... compétition des champagnes, je présume. C'est l'estampille dorée qui le dit. Ce qui veut dire que c'est pas du vinaigre, là-dedans !

Je jette donc mon dévolu sur une bouteille de Veuve Cliquot et commence à retirer l'aluminium qui dissimule le goulot. Je défais le muselet qui retient le gros bouchon en liège et pointe le haut de la bouteille vers la porte pour la déboucher. C'est la première fois que je m'adonne à ce genre d'exercice et, avec toute la vodka que j'ai déjà absorbé en peu de temps, je préfère viser dans le vide, pour être certaine de ne rien casser, ou de ne blesser personne.

Tenant fermement le col avec mes deux mains, mes pouces encerclent le bouchon, le faisant doucement glisser pour l'expulser du goulot. Je redoute toujours le moment où ça « explose », le bruit me faisant sursauter à chaque fois. J'ai conscience que ce n'est pas une bonne idée, mais je ferme les yeux, appréhendant le son soudain, bref et agressif qui va suivre. Et comme prévu, quand la « détonation » assaille mes tympans, je tressaute, lâchant au passage un petit cri à mi-chemin entre l'effroi et la fierté, le liquide pétillant commençant à se déverser sur mes doigts et sur le sol. Je redresse rapidement la bouteille, pour éviter de trop gaspiller de l'alcool précieux et entends également un « aïe » si surprenant que j'en rouvre les yeux. Le bouchon se trouve devant une paire de baskets. Je relève doucement la tête pour découvrir le propriétaire des chaussures : un beau jeune homme d'une vingtaine d'années qui, étonnamment, s'est faufilé entre les mailles de mon filet...

... jusqu'à maintenant !

Il se frotte vigoureusement la joue et, je devine que le bouchon l'a impacté à cet endroit-là, juste en dessous de l'oeil. J'ignore pourquoi mais, en imaginant la scène dans ma tête, je suis prise d'un violent fou rire. Je visualise la vitesse à laquelle le bouchon le percute, le bruit de la collision entre le liège et sa pommette désormais rougie — et pour une fois, pas grâce à mon charme légendaire — l'expression horrifiée sur son visage, le petit couinement de douleur qui a suivi, menant à ce que je vois, à présent. Et, en repassant ce petit film dans ma tête, mes rires redoublent.

Heeey ! La vodka a fait plus de ravages sur mon système que je le croyais... Cooooooool !

Le jeune homme en face de moi se précipite pour me retirer la bouteille des mains. Il la pose avec fracas sur la table et me fusille du regard.

- Non, mais t'es malade ? Tu sais combien ça coûte ? me réprimande-t-il, sourcils froncés.

Je continue de pouffer malgré son ton grognon. Je cache ma bouche avec ma main, tout en prenant un air innocent et chuchote un discret « oups » avant de glousser. Il arque un sourcil circonspect et semble se détendre face à ma réaction, mais reste quand même sur ses gardes.

- Mon palais avait quelques envies de luxe, je lui avoue le plus naturellement du monde, ponctuant ma confession d'un sourire aguicheur.

Malgré le peu de distance qui nous sépare, je fais deux pas dans sa direction et me plante devant lui. Je mordille ma lèvre inférieure tandis que je pose mon index sur le haut de son torse, caché par un tee-shirt blanc laissant facilement deviner la plastique musclée se dissimulant en dessous. Mon doigt glisse entre ses pectoraux bombés et finit sa course juste au-dessus du nombril. Ses lèvres rosées charnues s'entrouvrent légèrement, s'étirant petit à petit en un sourire suggestif.

Je me hisse sur la pointe des pieds, approchant ma bouche de son oreille pour y glisser subtilement :

- Tu crois qu'il y a moyen de garder l'incident de la bouteille de champagne entre nous ?

Je pose de nouveau mes pieds au sol, jaugeant la réaction de mon interlocuteur face à ma petite proposition. Ses yeux marrons se baladent furtivement sur mon corps, appréciant visiblement la vue, étant donné son expression satisfaite. Il ne semble pas s'inquiéter de mon état d'ébriété. Je le soupçonne d'être tout aussi intoxiqué que je le suis. A son tour, son index vient frôler mon épaule, me débarrassant de la mince bretelle noire de mon débardeur.

C'est donc un oui !

- Sans oublier que tu m'as « blessé » avec le bouchon, me rappelle-t-il d'une voix rauque et taquine, tournant la tête pour mieux me montrer la marque rouge dont je l'ai indirectement gratifié, avant de plonger ses iris bruns dans les miens. Je suis prêt à garder ton secret... mais toi, qu'est-ce que tu as en tête pour te faire pardonner ?

Une nouvelle fois, je pose ma main sur son torse et la fais glisser jusqu'à l'ourlet de son tee-shirt. Je tire dessus pour rapprocher le corps de cet Apollon du mien. Nous sommes à présent collés l'un à l'autre.

- Je te remercie de couvrir mon délit. En général, les mecs aiment que je leur sois reconnaissante, je murmure en passant mes doigts sous son haut, tâtant ses abdos qui me font envie depuis que j'ai posé mes yeux sur lui, il y a quelques minutes.

Et... ils sont fermes à souhait, putain ! Si le reste est du même acabit...

Il comprend que son silence sera gracieusement récompensé, au vu du sourire étirant ses lèvres.

- Pour ce qui est de me faire pardonner... je te laisse choisir le moyen, je conclus en faisant migrer ma main vers la boucle en métal de la ceinture, que je fais tinter sous mes ongles.

Il lâche un soupir de surprise avant de se reprendre. Je suis ravie du petit effet que je lui fais. Ce soir, je n'ai qu'un objectif en tête : me torcher la gueule et oublier la raison de cette décision, qui tient en un seul prénom. Des images de Dany se frottant sans aucune honte contre la croupe de l'autre pouffiasse me reviennent alors en tête et me confortent un peu plus dans mon choix.

De toute façon, il peut s'éclater avec qui il veut... moi aussi, je vais passer du bon temps de mon côté, sans penser à lui !

- Mais... pour commencer... j'avais pensé qu'on pourrait faire disparaitre la preuve de mon crime au fond de notre gosier, je suggère en attrapant la bouteille et en l'agitant sous son nez.

Son sourire en coin fait office d'approbation et nous sortons de la cuisine, dissimulant le champagne du mieux que je peux. Le jeune homme, dont j'ignore toujours le prénom, me prend la main et m'entraine à travers les invités, dansant toujours d'une manière outrageuse.

Au détour d'un couloir, il ouvre une porte et m'invite à entrer dans la pièce obscure. J'y pénètre avec un peu d'appréhension mais, dès qu'il allume la lumière, je réalise que nous sommes dans la buanderie. La machine à laver et le sèche-linge m'ont grandement mis sur la voie. L'agréable odeur de lessive aussi m'a aidé à deviner.

J'adore les buanderies, ça sent toujours bon... c'est comme un cocon, à la fois chaleureux (à cause des machines qui font monter la température de la pièce) et réconfortant (à cause des senteurs familières imprégnés sur nos vêtements propres)... je m'y sens tellement bien...

Oups, je m'égare...

J'entends le verrou derrière moi s'enclencher — me ramenant de mes divagations sans queue ni tête — lorsque je me retourne vers mon compagnon de soirée.

- Je crois qu'on sera plus tranquille ici pour faire connaissance, annonce-t-il en s'approchant d'un pas assuré vers moi. Je m'appelle Jack.

Il me tend sa main, que je serre en riant, tout en lui révélant mon prénom. Je lui tourne le dos pour me diriger vers le lave-linge. Je pose la bouteille sur l'étagère à côté avant de grimper sur la machine, faisant de nouveau face au prénommé Jack. Une fois mes fesses écrasant le capot, je m'empare de nouveau du champagne et en boit une bonne gorgée, sans lâcher Jack du regard. Ce dernier, d'ailleurs, semble apprécier le spectacle. Il passe son pouce sur sa lèvre inférieure, tandis que ses yeux remontent de mes jambes jusqu'à mon visage, en s'attardant quelques secondes de plus sur ma poitrine, mise en valeur par le magnifique décolleté de mon débardeur. Je n'ai pas choisi ce petit haut noir moulant, laissant peu de place à l'imagination, pour rien !

Je lui tends le champagne pour l'inviter à en boire. Il s'avance vers moi pour attraper le col de la bouteille, avant de porter le goulot à ses lèvres. Il ne cesse de me regarder tandis qu'il avale plusieurs goulées. L'insolence que je peux lire dans ses pupilles, combinée aux muscles de ses bras se bandant sous le poids de la bouteille, sa pomme d'Adam qui monte et qui descend avec indécence... je suis toute chose. Je n'aurais jamais imaginé que boire du champagne pouvait être aussi érotique. Dans ma tête, je joue cette scène au ralenti, avec une musique torride en fond sonore et... l'effet s'accentue un peu plus.

Décidément, je suis sur la bonne voie dans ma beuverie sans limite !

Jack s'avance un peu plus vers moi, une lueur prédatrice dans le regard. Ca tombe bien, mes instincts de chasseuse se sont réveillés en sa présence. Mais, dans ce genre de jeu, il ne peut y avoir qu'un chasseur et qu'une proie et je ne sais pas quel rôles nous nous sommes attribués.

D'un coup de bassin, il m'incite à écarter les jambes pour se faufiler entre elles. Son visage est à présent à hauteur du mien et je peux mieux contempler sa beauté. Je passe une main dans ses cheveux châtains coiffés en arrière. Ils sont doux et soyeux. Ses yeux papillonnent pendant qu'il se délecte de la douceur de ce geste et du bien-être qu'il lui procure. Mes doigts s'égarent vers le sud et passent devant ses oreilles, suivant la ligne de sa mâchoire carrée. Son teint légèrement hâlée lui donne un air aventurier parce que, faut bien l'avouer, ce n'est pas à Londres qu'on chope le meilleur bronzage. Ma main finit sa course sur ses lèvres pulpeuses et douces.

Il est vraiment beau, putain !

- C'est la première fois que je te vois dans une des fêtes de Morgan, me dit-il. D'où tu le connais ?

Jack se penche vers moi, posant les paumes de ses mains sur le capot du lave-linge, de part et d'autres de mes hanches.

- Je ne le connais pas, en fait, je confesse. Je l'ai rencontré en arrivant tout à l'heure. Euh, non. On s'est déjà croisé dans un pub... mais disons que les présentations officielles ont eu lieu ce soir.

- Comment t'as atterri ici, alors ?

- Tu nous as enfermés ici pour faire la causette ? je lui demande en soupirant bruyamment. Ce n'est pas que je m'ennuie, mais je croyais que je devais te montrer à quel point je t'étais reconnaissante... pour commencer.

Cette petite piqûre de rappel suffit à lui clouer le bec... pour mon plus grand bonheur. Si j'avais vraiment eu envie de parler, je me serais incrustée dans un groupe et aurais pris la discussion en cours de route. Mais, comme je le disais plus tôt, je ne suis pas d'humeur à déblatérer des conneries. Si j'ai choisi de suivre Jack dans cette bulle apaisante, c'est pour me sortir de la tête tout ce qui me tracasse. Lui et la Veuve Cliquot seront ma parfaite distraction de la soirée !

- Mais... je t'en prie, annonce Jack en levant les bras, m'invitant à lui faire ce que je veux, un sourire entendu fendant son visage.

Je sens qu'on va bien s'amuser...

J'approche mon visage du sien et commence à l'embrasser. Ses lèvres sont douces et ses mouvements épousent parfaitement les miens. Sa langue ne tarde pas à rencontrer la mienne, et les deux entament un tango endiablé. Putain, il embrasse trop bien ! Mes mains retrouvent le chemin de l'ourlet de son tee-shirt et, cette fois-ci, au lieu de me contenter d'y tirer dessus, je le lui passe au-dessus de la tête, révélant à mes yeux émerveillés le buste d'un dieu grec que je mourais d'envie de dévorer depuis que je l'avais repéré. Quel gâchis de cacher cette oeuvre d'art !

Jack a l'air d'être le genre de mecs qui prend soin de son apparence. Il doit passer plusieurs heures à la salle de sport, et il semble plutôt fier du résultat qu'il lit sur mon visage. J'ai pour habitude de choisir mes proies selon certains critères physiques, et la plastique de rêve est un des plus importants. Mes derniers choix en matière de mecs se sont révélés assez judicieux. Tom, par exemple, est une bombe sexuelle très bien proportionnée au niveau de TOUS ses attributs. Et Jack, ici présent, du peu que j'ai pu voir, ne me déçoit absolument pas, malgré son jeune âge — bon certes, on n'a pas dix ans d'écart comme June et Hero, mais il est quand même plus jeune — et j'ai hâte de poursuivre mon exploration, tout en faisant durer le plaisir.

Et Dany, dans tout ça ? Tu n'as pas aimé tâter son torse et ses bras musclés, hier ? Et sous la douche, tu n'as pas aimé quand il...

LA FERME !

Je secoue la tête, essayant d'expulser le spectre de Dany de ma tête, malgré le combat interne avec ma conscience trop bavarde. Elle était obligée de la ramener, celle là ! Je ne veux absolument pas penser à lui, ou à son torse, ou ses bras musclés, ou la manière dont il m'embrasse, ses caresses, sa façon à lui de m'allumer, de faire grimper le plaisir en moi jusqu'à... jusqu'à...

Jusqu'à... rien du tout ! Voilà le problème !

Je suis encore frustrée de notre échange dans la salle de bain. Je le déteste pour ce qu'il m'a fait, même si je dois avouer que je n'ai pas été tendre avec lui, en y repensant. Mais, me laisser en plan, pantelante sous la douche, était cruel. Je me suis montrée vulnérable avec lui, et c'est quelque chose qui ne se reproduira jamais !

- Angie, Angie... tout va bien ? s'enquiert Jack, qui me dévisage bizarrement. Tu as l'air... ailleurs.

Je secoue de nouveau la tête, bien décidée à chasser Dany et tout ce qu'il a pu me faire ressentir une bonne fois pour toute. Je plante mon regard dans celui de mon partenaire, en arborant un sourire rassurant.

- Oui, désolée... j'avais la tête... enfin, peu importe, je bafouille en buvant une savoureuse gorgée de champagne, le seul remède que je connaisse contre les contrariétés persistantes. Où en étions-nous ?

- On apprenait à faire connaissance... physiquement, répond-il avec assurance.

Ne pense plus à Dany... Ne pense plus à Dany... Ne pense plus à Dany...

Je me répète cette phrase en boucle dans ma tête, tandis qu'avec un petit sourire en coin, je m'affaire à déboucler la ceinture de Jack, tout en scellant une nouvelle fois mes lèvres aux siennes. Une fois l'obstacle en cuir détaché, je m'attèle à déboutonner son jean. Je saute du lave-linge pour me retrouver debout face à lui. J'attrape l'ourlet de son pantalon, ainsi que l'élastique de son boxer, qui finissent rapidement à ses chevilles. Évidemment, mes yeux convergent, sans se faire prier, entre les jambes de mon partenaire et... yowza ! Monsieur le sportif est hyper bien membré !

Mouais... pas autant que Dany !

- Assis-toi, je lui ordonne gentiment, en raclant ma gorge, tout en chassant l'image de la bite d'une certaine personne que ma conscience s'amuse à exhiber dans ma tête.

Saleté de conscience !

D'un geste de la main, je lui montre l'endroit que j'occupais quelques secondes auparavant. Sans se poser de question, Jack s'exécute et ses fesses s'écrasent lourdement sur le capot du lave-linge. Je pivote pour lui faire face et, comme lui juste avant, me faufile entre ses jambes. D'une main, j'attrape son sexe et entame de lents mouvements de va-et-vient. Mon jeune compagnon de jeu se laisse aller en arrière, en fermant les yeux. Un grognement de plaisir sort de sa bouche. Les paumes de ses mains appuyées contre l'angle formé par la machine à laver et le mur, il bascule sa tête en arrière.

Je continue de le torturer, faisant grimper son plaisir. Je le regarde s'extasier avant de le prendre dans ma bouche. Un râle s'échappe de sa gorge, traduisant la satisfaction qu'il éprouve. J'adore entendre ce son de contentement quand je prodigue ce genre de « remerciements ». Je ne suis pas une spécialiste des fellations, et je n'aime pas particulièrement en faire. Mais, de temps en temps, ça pimente un peu les choses.

- Oh... putain, gémit Jack.

Sa main vient se poser sur l'arrière de ma tête, m'incitant à accélérer la cadence et à le sucer plus fort. Ses jambes commencent à se raidir, signifiant qu'il va bientôt atteindre la jouissance. Sa respiration saccadée, entrecoupée de petits gémissement de plus en plus fréquents, me prouve un peu plus qu'il est sur le point de se soulager. Je dois avouer que de l'entendre haleter de la sorte fait grimper ma libido en flèche.

Alors que ma langue se promène sur le sommet de son sexe, l'excitant encore plus, Jack se redresse, éloignant ma tête de son entrejambe, avant que je puisse finir ma tâche. Je suis légèrement déconcertée par son changement d'avis, surtout en étant aussi proche de l'orgasme. Mon acolyte descend de la machine à laver et, sans rien dire, me pousse vers le sèche-linge, m'incitant à me pencher dessus. Je me retrouve donc ventre allongée sur le capot de la machine. Sans me retourner, je devine, au bruit, qu'il est en train  de farfouiller dans les poches de son jean.

Quelques secondes, je le sens debout, derrière moi, alors qu'il descend mon jean jusqu'à mes chevilles, dévoilant mon string noir en dentelle à ses yeux.

- Pfiouuuu ! souffle-t-il en gloussant. T'es vraiment une bombe, toi !

Son compliment me fait sourire, bien que je lève les yeux au ciel en même temps, alors qu'il statue l'évidence. Il n'est pas le premier à me le dire... ni le dernier, d'ailleurs.

Délicatement, il fait glisser mon string jusqu'à mes genoux. Du sien, il me fait écarter les jambes. J'entends une emballage en plastique se déchirer derrière moi, suivi d'un bruit caoutchouteux. Je sens de nouveau sa main sur moi, s'aventurant entre mes cuisses. Quand il atteint de ses doigts mon intimité trempée, je ne peux retenir un gémissement.

- Passons à ta rédemption, veux-tu ?

A peine a-t-il fini sa question qu'il entre un doigt en moi, m'arrachant un cri mêlant surprise et plaisir.

Si c'est ta définition du pardon... mais, je me repens quand tu veux, chéri... et de la manière que tu désires !

Il n'attend pas longtemps avant d'en insérer un second, accroissant cette sensation à la fois délicieuse et agonisante. Sa seconde main atterrit sur mon épaule encore pourvue de la bretelle de ma robe, qui ne tarde pas d'ailleurs à connaître le même sort que sa jumelle. Tout en s'affairant en moi, il réussit à libérer ma poitrine de son carcan en tissu. Il commence à me palper un sein, s'amusant à en maltraiter le bout. Cette douce torture, couplée à son doigté expérimenté entre mes jambes, me fait complètement perdre la tête.

- Je suis sûr que je peux te faire jouir comme ça, se vante-t-il en se penchant sur moi pour murmurer ces mots à mon oreille.

Mais je n'attends que ça, mon coco !

Alors que ses doigts restent en moi, avec son pouce, il s'attaque à mon clitoris, sur lequel il dessine des cercles. Je lâche un nouveau cri de plaisir, mes yeux faisant des saltos arrière dans leur orbite. A ce rythme-là, je vais atteindre l'orgasme avant de dire « ouf ». Tous mes sens sont exacerbés, mes points sensibles à la merci de ses doigts. J'ignore combien de temps je vais tenir sous ses assauts. D'un autre côté, je n'ai pas tellement envie de résister.

La délivrance ne tarde pas à se manifester à travers un cri essoufflé tout en me liquéfiant complètement sous ses doigts. Oh, mon dieu ! Ca fait du bien ! Une partie de ma frustration s'en est allée, balayée par les ondes de plaisir diffusées dans tout mon être.

Il me laisse à peine le temps de reprendre mes esprits qu'il me pénètre, cette fois-ci, avec sa queue. Plantant ses mains fermement dans la peau de mes hanches, il me pilonne brutalement et profondément. Il ne veut pas faire traîner les choses. Moi non plus, pour être honnête. J'ai seulement besoin de me soulager, et je pense que lui aussi. Les petits « quickies » ne s'appellent pas comme ça pour rien. Ce sont des interactions sexuelles vite faites et bien faites... surtout vite faites, la plupart du temps.

Jack vient de nouveau titiller mon clitoris, histoire de me faire atteindre l'orgasme plus rapidement. Je me concentre sur ses doigts sur moi et sa bite m'empalant tant et plus. Je me perds totalement dans les sensations qu'il me procure. Le gars sait y faire ! Ca fait deux fois en l'espace de quelques minutes qu'il me plie complètement à sa volonté. Je suis vraiment toute chose entre ses mains.

Et, comme au premier coup, je jouis bruyamment, pour son plus grand bonheur, et il ne tarde pas à me rejoindre, se déversant également dans le préservatif en soupirant d'extase. Il se retire, me permettant de me redresser. Je remonte mon string, malgré la moiteur inconfortable subsistant entre mes cuisses.

Voilà, c'est le genre de petits coups que j'apprécie. On s'est tourné autour, on a joué, on a kiffé de malade et, maintenant que le jeu est fini, on peut retourner à nos affaires sans gêne, sans avoir besoin d'exprimer ce qu'on a ressenti, où même demander à l'autre si la performance était à la hauteur de ses espérances. Jack n'a pas l'air d'être un gros bavard, ce qui me convient parfaitement.

Je remonte mon pantalon et réajuste mes bretelles sur mes épaules. Mon camarade de jeu referme le bouton de son jean, me laissant encore le plaisir de mater sans vergogne son torse musclé de rêve. Après avoir lissé mes cheveux à l'aide de mes doigts et essuyé le mascara qui aurait pu couler sous mes yeux, je suis presque de nouveau présentable... enfin, j'aurais besoin d'un miroir pour en être totalement convaincue. Pourquoi n'y a-t-il pas de miroir dans les buanderies ?

Avant de rejoindre la fête, qui bat toujours son plein, Jack et moi nous occupons à faire disparaitre la preuve de la faute que j'ai commise quelques minutes plus tôt. Nous nous faisons passer la bouteille de champagne, tout en discutant et éclatant de rire. Le jeune homme m'apprend qu'il est en train de monter sa propre marque de vêtements avec trois amis à lui, me montrant le tee-shirt qu'il a renfilé avec fierté, tout droit sorti de sa collection, où une petite chèvre brodée au fil dorée trône sur son torse, avec les lettres Y et G en dessous. Il m'explique qu'elles signifient "Young Goat", le nom de sa marque. Il n'est pas encore très connu dans le métier, mais espère rapidement développer son réseau et devenir légitime dans le monde de la mode. Il m'avoue qu'avoir un ami mannequin l'aide à promouvoir sa marque. Je devine rapidement qu'il parle de Hero. Je n'aurais jamais deviné que ce jeune homme au physique de sportif accompli puisse avoir la fibre créatrice. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences...

Je lui confesse également mes aspirations à devenir un jour écrivain, lui parlant vaguement du roman que je suis en train d'écrire, en résumant les grandes lignes. Il semble emballé par le peu que je lui révèle, m'avouant qu'il est un grand fan du monde mafieux. Pour clôturer notre petite discussion, nous trinquons à nos futurs succès avec le fond de champagne qui reste.

Lorsque nous décidons de quitter notre petite bulle pour rejoindre le monde réel, Jack me propose de me présenter à ses amis. L'effet combiné de la vodka et du champagne m'handicape lourdement quand je décide de mettre un pied devant l'autre. Je titube, obligée de me retenir contre le mur pour éviter de tomber. Mon partenaire, qui est tout aussi bourré que moi, me tend la main pour m'aider à tenir debout, non sans s'esclaffer devant ma perte d'équilibre. Je ne peux réprimer une crise de rire en me visualisant en train de m'étaler sur le sol.

Nous avançons péniblement dans le couloir et revenons à la cuisine, où un attroupement de quelques jeunes prend place. Je reconnais Morgan dans le lot, ainsi que le jeune homme à casquette avec qui June se déhanchait comme une malade en début de soirée. D'ailleurs, elle doit être en train de passer du bon temps, en ce moment, la petite veinarde !

Franchement, je n'ai pas trop à me plaindre de mon côté... merci Jack !

L'hôte de la soirée semble soucieux. Sourcils froncés, il fixe le sol en se frottant le menton, recouvert d'un petit duvet sombre. L'un de ses amis essaie d'apaiser son tracas :

- Oh, ça va, Morgz ! C'est pas la fin du monde... Tu ne vas pas faire toute une histoire pour si peu, hein ?

Le jeune homme en question, aux cheveux courts et noirs, ponctue sa question avec un petit rire, me faisant comprendre que la situation n'est pas si critique qu'elle en a l'air, mais je n'ai aucune idée de ce qui tarabuste Morgan.

- Ollie, c'est pas une question de fin du monde ou d'exagération ! C'est une question de respect ! répond-il en fusillant le dénommé Ollie du regard.

Ce dernier lève les yeux au ciel en secouant la tête. Je remarque, à ce moment-là qu'un autre garçon, dans le coin de la pièce est en train de filmer la scène.

Dans quel but ?

Le jeune homme à la peau basanée, chargé d'immortaliser ce moment d'anthologie pour une raison qui m'échappe, tourne la caméra vers son visage pour apparaitre dans le petit film.

- Je ne sais pas, vous, mais on dirait que Morgz va péter un plomb ! commente-t-il en fixant l'objectif d'un air amusé, avant de braquer de nouveau l'appareil sur ses amis.

Remarquant mon expression perplexe, Jack me glisse discrètement dans l'oreille la raison de la présence de la caméra. Il m'explique que son ami tient une chaine YouTube, où il poste régulièrement des vlogs relatant les péripéties qu'il vit avec ses potes. Il s'est mis à poster ce genre de petites vidéos depuis plus d'un an et il compte plusieurs milliers d'abonnés sur sa chaîne, qui le suivent avec ferveur. Jack me révèle qu'il n'est pas le seul de la bande à poster des vlogs sur la plateforme. Du doigt, il me montre un jeune homme d'origine indienne, du nom de Trushal, à la coiffure originale : ses cheveux sont rasés sur le côté et les mèches plus longues sont réunies en un chignon sur le sommet de son crâne. Bien qu'ils évoluent dans le même cercle d'amis, Jack précise qu'ils ne réalisent pas du tout le même genre de vidéos. Il m'explique que Trushal s'investit plus dans la réalisation et le montage, ayant des notions plus avancées que son ami, ainsi que sur les projets vidéos d'autres personnes, tandis que Morgan se contente de faire son petit business de son côté.

- Non, mais c'est la première fois que je vois ça ! s'insurge l'hôte de la soirée. Je ne suis pas un mec chiant à la base, mais quand je vois ce genre de choses, ça me fait rager, d'accord ? Vous pouvez comprendre ça, non ?

- Oui, mais... c'est bon, bro ! Tu ne vas pas faire la gueule pour une bouteille, intervient la voix grave du mec à la casquette, lassé de cet entretien. On pourrait changer de sujet ?

Une bouteille ?

Morgan ne semble pas décolérer devant la désinvolture de ses amis, qui ne semblent pas réaliser la gravité du problème.

- Je ne vais pas changer de sujet, BRO, tant que je n'aurais pas trouvé le connard qui a piqué la bouteille de champagne, fulmine-t-il, en insistant sur le surnom. Je n'aime pas qu'on fouille dans mes affaires... surtout que ces cartons ne sont pas à moi !

J'écarquille les yeux, réalisant que je suis la cause de cette mini-réunion de crise. Je lance un regard désespéré à Jack, qui ne semble pas sourciller. Il avance d'un pas vers ses amis.

- Je crois qu'Ollie et Felix ont raison, Morgz, relativise mon ami. C'est juste une bouteille. Tu crois qu'ils verront la différence s'il en manque une ? Allez, laisse couler, bro... et profite plutôt de ta fête !

Morgan regarde une nouvelle fois les cartons, examinant si la proposition de Jack vaut le coup. Au bout de quelques secondes d'un suspense insoutenable, il rompt le silence en abandonnant son enquête et bifurque sur un autre sujet. Je me mets à rire nerveusement et bruyamment, attirant des yeux circonspects sur moi. Ils me dévisagent tous et je m'aperçois que je suis en train de me donner en spectacle.

Visiblement, j'exprime de façon trop théâtrale le soulagement quand je suis bourrée. Il faut que je me calme.

J'expire plusieurs fois pour arrêter de me bidonner grossièrement parce, pour être honnête, il n'y a rien de drôle. Une fois le calme relatif revenu dans la cuisine, Felix décide d'aller prendre l'air sur la terrasse pour fumer sa cigarette.

Je ne serais pas contre une pause clope... mais j'ai d'autres projets en tête...

J'entrelace mes doigts autour de ceux de Jack et l'attire hors de la pièce. Il lâche un petit rire, tandis que je l'entraine vers les escaliers. En passant par le salon, étant donné que le nombre de personnes a diminué, j'en profite pour essayer de pister mes deux copines. Je repère facilement Jade, accompagnée d'un grand type que je devine être Hamza. Ils ont l'air de passer un moment agréable, tous les deux, blottis l'un contre l'autre, en train de rire devant l'écran de son portable. Dany entre également dans mon champ de vision. Accoudé à la fenêtre, en train de fumer, il discute avec une fille, qui semble boire ses paroles comme les saints mots de la Bible.

Finalement, je vais peut-être faire m'en fumer une... de cigarette, bien entendu !

Je décide de revoir mes projets et bifurque pour me diriger vers la fenêtre. Sans lâcher la main de Jack, j'avance fièrement, un sourire en coin aux lèvres, en direction de Dany et de sa future conquête.

- Coucouuuu les copaiiiiins ! je scande en m'approchant d'eux.

Le bouclé, ainsi que la blonde, se retournent vers nous, surpris par cette interruption. Jack se poste à côté de moi, interloqué par ma décision, et je prends soin de garder mes doigts entrelacés aux siens. Dany pose son regard clair sur nos mains jointes et fronce les sourcils avant de planter ses iris océans dans les miens. Je pince mes lèvres pour réprimer un sourire victorieux.

- Alors, vous discutez de quoi, toi et... je demande en reportant mon attention sur l'interlocutrice du rebelle.

- Poppy, se présente-t-elle avec un sourire agaçant, en dodelinant de la tête.

J'adopte une moue songeuse en tapotant mon menton avec l'index de ma main libre :

- Poppy, je répète, toujours pensive. Comme la sœur de Kate Middleton, ou celle de Cara Delevingne, hein ? T'as une sœur célèbre, aussi ?

- Naaaan, celle de Kate, c'est Pippa ! glousse-t-elle en jetant un coup d'oeil furtif vers Dany.

- Pippa... comme Pippa Pig ! je m'exclame avant de partir en fou rire.

- Naaaan, c'est PE-PPA Pig, pas Pippa ! s'esclaffe-t-elle en se penchant vers moi, tout en insistant bien sur la consonance du prénom du cochon animé.

En se redressant, elle caresse le bras de Dany. Je force mon rire, de manière hypocrite, pour cacher l'agacement qu'elle fait naitre en moi. Cette fille me gonfle. Vraiment.

- Elle est trop drôle, ta copine, lâche-t-elle d'une voix aigüe à l'attention de Dany, en fronçant le nez, avant de boire une gorgée de sa bière.

- Elle a surtout trop picolé, rétorque celui-ci, sans cesser de me fixer. Angie... qu'est-ce que tu veux, au juste ?

J'arbore une moue faussement outrée, en entendant sa question. Pour qui me prend-il ? Je me tourne rapidement vers Jack, qui ne dit rien, avant de reporter mon attention vers l'énervant bouclé.

- Quoi ? Je n'ai pas le droit de venir te saluer, toi et... Pippa ?

- Poppy, moi, c'est Poppy, rectifie gentiment la blonde en levant son index en l'air.

Je lève les yeux au ciel. Rien que d'entendre sa voix nasillarde me tape sur le système. Comment Dany peut-il supporter ce son horrible sortant de sa bouche ? On dirait un canard avec le bec coincé dans une ventouse !

Ce n'est pas ce qui sort de sa bouche qui l'intéresse... mais plutôt ce qu'elle pourrait faire avec !

J'ai envie de vomir, rien que d'y penser. Clairement, elle n'a pas l'air de le passionner des masses. Non, c'est visiblement ce qui se cache sous son débardeur rouge pétard qui attire son attention.

- Tu t'ennuies déjà en compagnie de ton jeune ami ? me demande Dany, en s'adossant contre la fenêtre, posant un coude sur les boiseries et croisant ses mains sur son flanc.

Il est trop sexy dans cette position !

- M'ennuyer ? je pouffe. Loin de là ! Non, on était juste en train de faire un break de nos... activités.

Je jette un regard complice à Jack en le gratifiant d'un sourire coquin, qu'il me rend, avant de me retourner vers Dany.

L'air suffisant qu'arbore le rebelle s'évanouit, tandis qu'une immense satisfaction grandit en moi. Jack me glisse dans l'oreille qu'il va retrouver ses potes, et m'invite à le rejoindre dès que j'en aurais fini avec Dany. J'acquiesce d'un signe de tête et je sens ses doigts se décroiser des miens. Je regarde mon partenaire s'éloigner avant de reporter mon attention vers Dany et sa bimbo sans cervelle.

- C'est donc ça, ta riposte ? me demande-t-il, une pointe de moquerie dans la voix. T'exhiber avec un petit jeune qui t'indiffère complètement, pour me rendre jaloux ?

Je fais un pas vers lui, en croisant les bras sur ma poitrine.

- Crois-le ou non, tout ce que je fais, je ne le fais pas par rapport à toi, ou par rapport à ce que tu pourrais penser ou ressentir. J'en ai clairement rien à faire, je lui explique avec aplomb. J'ai rencontré ce beau jeune homme, on a bien accroché et... mon choix s'est révélé judicieux... Un peu comme toi avec Pippa...

- Poppy ! Mon nom, c'est Poppy ! s'énerve la blonde, dont j'avais zappé la présence depuis quelques minutes.

Dany et moi ignorons sa remarque et poursuivons notre échange.

- Je tiens à te rappeler que tu m'as déjà fait le coup avec le musicien, en étalant vos ébats et en vantant ses prouesses... Si tu cherches à te venger de ce que je t'ai fait hier dans la salle de bains, ce n'est pas en couchant avec ce mec à peine sorti de l'adolescence que tu vas réussir. Tu pourrais t'envoyer tous les mecs ici présent que ça ne changerait rien. Va falloir trouver mieux, Angie.

Il se penche vers moi, pour murmurer ses mots à mon oreille :

- Et tu ne trouveras pas mieux que moi.

Je déglutis tandis qu'il se redresse, un sourire suffisant étirant ses fines lèvres. J'en ai marre qu'il ait ce putain d'effet sur moi. Mais, je ne compte pas lui laisser le dernier mot.

- Tu sais ce que c'est, ton problème, mon cher Daniel ? Tu te surestimes trop. Tu te crois si irrésistible que les autres femmes sont obligées de succomber à ton charme. Je te le concède, ça doit marcher dans quatre-vingt dix pour cent des cas, mais moi, je ne suis pas comme ces idiotes écervelées qui se laisse séduire avec des belles paroles. Tu peux faire ton cirque à Pippa autant que tu veux — cette dernière lève les yeux et les bras au ciel avant de nous quitter, exaspérée... bon débarras ! — ou à n'importe quelle fille de cette soirée, et tu vas certainement conclure. Mais cette fille, ça ne sera pas moi et... désolée de te l'apprendre...

A mon tour, je me hisse sur la pointe des pieds et murmure à son oreille :

- ... mais tu ne trouveras pas mieux que moi.

Je le gratifie d'un clin d'oeil avant de me retourner et de m'éloigner. Je sens son regard brûlant posé sur moi, tandis que je pars à la recherche de Jack. Bon, j'avoue qu'il n'avait pas tout à fait tort dans les reproches qu'il m'a adressés : je voulais le rendre jaloux en lui présentant mon compagnon de la soirée. Mais, malgré tout ce qu'il veut me faire croire, je sais que ça ne lui a pas tellement plu de me voir au bras d'un autre. Je l'ai clairement vu dans son regard. Et rien que pour ça, je jubile !

Alors que je parcours les différentes pièces de l'appartement, il m'est impossible de mettre la main sur mon partenaire de jeu. Il n'est pas dans le salon, la cuisine est déserte. Peut-être est-il allé aux toilettes ? D'ailleurs, ma vessie m'alerte qu'elle est pleine et qu'il faudrait la vider.

En arpentant l'appartement, je réalise que je n'ai aucune idée d'où se trouvent les toilettes. En revenant sur mes pas, je passe devant la porte de la buanderie — dont je connais la localisation, pour le coup ! — et m'arrête devant celle d'à côté. En secouant la poignée, je remarque qu'elle est fermée à clefs.

Bingo !

Et pas bingo, en même temps, parce que mon envie est plus que pressante !

J'essaie tant bien que mal d'ouvrir la porte. Dans mon esprit intoxiqué, peut-être qu'à force de la tourner, elle finira par se déverrouiller... donc, j'insiste. En vain. Je croise les jambes et commence à sautiller sur un pied pour tenter de contrôler au mieux mon envie de faire pipi. J'ignore qui se trouve à l'intérieur, mais la personne ferait mieux d'ouvrir pour éviter d'avoir une grosse flaque jaune à nettoyer. Je tambourine à la porte, dans l'espoir que l'occupant se décide à céder sa place.

- Heeeeeyyyy ! C'est parce que t'es tombé dans la cuvette que t'ouvres pas la porte ? je brame, mon bras appuyé contre la paroi en bois.

En imaginant la personne avec les fesses baignant dans l'eau de la cuvette, et tentant de toutes ses forces de s'en extirper, une expression affolée sur le visage, je suis prise d'une violente crise de rire. J'ignore si cette grosse tuile est déjà arrivée à quelqu'un mais, faut avouer que c'est très drôle.

Je recommence à donner des coups de poings sur la porte, ma vessie étant sur le point d'exploser.

- Alleeeeeeez, ouuuuuuuuvre ! je supplie avec des faux pleurnichements dans la voix. J'ai super envie de faire pipiiiiiii !

Quelques secondes plus tard, j'entends des pas lourds dans la pièce, ainsi que la serrure se déverrouiller. La porte finit — ENFIN — par s'ouvrir et je suis surprise de trouver Hero, passablement énervé, au vu de son expression, enfermé seul dans la salle de bain.

- « Super Herooooooooo » ! je m'exclame en lui offrant le plus beau de mes sourires. Toujours à la rescousse des demoiselles en détresse !

- Angie, mais...

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase que la cuvette m'appelle. Je pourrais même croire qu'un halo de lumière l'éclaire, avec des chœurs de chérubins en fond sonore, pour rendre le tout plus solennel. Je baisse en quatrième vitesse mon jean et mon string et pose mes fesses rapidement sur la faïence blanche. Je pousse un soupir de délivrance alors que je me soulage et, du coin de l'oeil, je remarque qu'Hero est prêt à se faire la malle.

- Attends, reste !

Il s'arrête, mais ne se retourne pas. J'ai conscience que ma requête peut paraitre bizarre, mais je veux juste lui parler et, en particulier savoir ce qu'il faisait là, tout seul.

Une fois ma petite affaire terminée, je me dirige vers le lavabo et peut — ENFIN— constater l'état de mon maquillage et de ma coiffure, après ma petite séance physique avec mon jeune partenaire... que je n'ai toujours pas retrouvé !

Une fois vraiment présentable, je me retourne vers Hero, qui me fait désormais face.

- T'aurais pas vu mon compagnon de soirée ? Il est grand... 'fin pas aussi grand que toi, parce que... TOI, t'es un géant ! je pouffe en mimant sa grandeur avec mes mains. Non, lui, il a une taille normale pour un mec... et il est châtain, rasé sur les côtés... un peu comme toi aussi !

Je me mets de nouveau à rire avant de continuer la description de mon ami en nature :

- ... en plus il est musclé, comme je les aime... et je crois qu'il s'appelle Jack ou Zack ou... je ne sais plus mais... il embrasse comme un dieu ! Tu vois de qui je parle ?

Hero semble distrait alors que je déblatère mon petit monologue. Au bout de quelques secondes, il secoue la tête avant de la hocher, en fronçant ses sourcils.

- Euh, ouais... et je crois que je l'ai vu par là ! m'indique-il en montrant un groupe de mecs en train de discuter et de rire.

Ma vision étant un peu brouillée à cause de l'alcool, je n'arrive pas à distinguer clairement leurs silhouettes et, pour arranger les choses, ils sont dos à moi.

- Merci ! T'es vraiment un « Super Hero » ! je m'exclame en me dirigeant vers le groupe mentionné par le beau gosse de June.

Je m'avance vers eux, en titubant — moins que tout à l'heure — et remarque rapidement que Jack n'est pas l'un d'entre eux. Je parcours la pièce du regard, espérant tomber sur lui, mais je ne vois que des inconnus. Je décide alors de retourner à l'endroit où je connais au moins quelqu'un.

- Il était pas làààààààà ! je m'exclame, la moue triste.

Hero est assis sur le couvercle de l'abattant des toilettes et semble pensif... et même tourmenté. J'entre dans la salle de bain et me laisse glisser contre la paroi en verre de douche jusqu'à ce que mes fesses touchent le sol. Son attitude m'interpelle et, étant de nature curieuse en étant sobre... je le suis encore plus quand j'ai un coup dans l'aile !

- Pourquoi tu tires la gueule... tout seul dans cette salle de bain ? Et... où est June ? Tu ne devrais pas être en train de la...

Un sourire coquin s'affiche sur mon visage, tandis qu'Hero me dévisage d'un air exaspéré. Sans rien dire, il se lève et se dirige vers la sortie. Mais moi, je veux savoir où est ma meilleure amie. Sans réfléchir, je lui saisis la cheville et m'agrippe à lui de toutes mes forces. Surpris, le mannequin baisse la tête vers moi, la mine déconcertée.

- Putain, mais qu'est-ce que tu fous ? grommelle-t-il.

Hero secoue sa jambe dans l'espoir que je le lâche. Mais c'est mal me connaitre. Je suis tenace !

- Tu... partiras pas... d'ici... avant de me dire... où est ma copiiiiiiine, je bredouille, en essayant de rester accrochée à lui, malgré ses efforts pour me repousser, et de tenter de faire une phrase cohérente entre les relents de vodka et les bulles de champagne coexistant dans mon système.

Le beau gosse résiste et tente de regagner la sortie, malgré que je le ralentis. Excédé, il s'arrête et baisse de nouveau la tête vers moi.

- T'es sérieuse, là ? gronde-t-il. Tu veux savoir où elle est, ta putain de copine ? Certainement en train de se faire troncher par mon putain de meilleur ami ! Voilà, t'es contente ?

Wait... WHAAAAAAAAAT ?

D'entendre ça... les bras m'en tombent. Hero en profite pour se soustraire à mon emprise. Je n'arrive pas à croire ce qu'il me dit, et je suis très étonnée de la rage avec laquelle il a craché ces mots. On dirait que cette perspective est loin de lui plaire. Intéressant...

Soudain, je suis prise d'un nouveau fou rire et mon corps, en prise à des spasmes, s'écroule, me retrouvant allongée sur le carrelage froid, les mains sur mon ventre, en train de me gausser. Devant la mine sévère d'Hero, je tente de me calmer rapidement et me redresse en m'accoudant au sol.

- Ça... n'a aucun sens ! je pouffe, en essayant de m'asseoir en tailleur. Pourquoi June coucherait avec ton copain ? T'as bien vu le temps qu'il lui a fallu pour accepter de coucher avec toi, alors...

Le mannequin arbore un air songeur, semblant prendre mes paroles en considération. Je remarque également que son énervement se transforme en une sorte de... soulagement. Je mordille ma lèvre inférieure en l'observant et je ne peux m'empêcher de lui poser une question qui me brûle la langue, même si je suis convaincue d'en connaitre la réponse :

- C'est moi ou... t'es jaaalouuuuuux ? je lui demande, une pointe de moquerie dans la voix, sans oublier de le gratifier d'un sourire entendu.

- Jaloux, moi ? répète-t-il en riant, les yeux écarquillés. Quelle idée ! Tu m'as pris pour qui ? Je ne sais vraiment pas où t'es allée pêcher ça ! Si je ressentais de la jalousie, ça signifierait que j'ai des sentiments pour June, ce qui n'est clairement pas le cas, okay ? Alors, arrête d'imaginer des choses qui n'existent pas !

Je trouve sa réponse un peu trop sur la défensive à mon goût si, comme il le prétend, il ne ressent rien pour ma copine. Je penche la tête sur le côté en le dévisageant.

Hero est jaloux ! Hero est jaloux !

- Un simple non aurait suffi... mais passons, je lance, en secouant la tête.

A son tour, il me fixe avec ses iris émeraudes. J'arrive, finalement, à m'asseoir en tailleur.

- Qu'est-ce qui te fout autant en boule, alors ? Parce que tu es bien en colère, hein ? Je « n'imagine » rien, là, n'est-ce pas ? je lui demande en mimant des guillemets avec mes doigts, pour mieux accentuer mes propos.

Hero lève les yeux au ciel, agacé par mon investigation poussive.

- Hey ! Je n'ai pas à me justifier, ni auprès de toi, ni auprès de personne, en fait ! Si j'ai envie d'être en colère, c'est mon droit, non ? Alors, toi et tes questions, vous pouvez dégager de la salle de bain... merci !

Le beau gosse brasse de l'air en direction de la porte, mais je ne bouge pas, me contentant de hocher la tête, le regard dans le vide. Je réalise, à ce moment-là, une chose qui était pourtant devant mon nez depuis un bon moment. Certes, je le soupçonnais mais, maintenant, j'en ai la preuve.

- T'as raison... vaut mieux rester seul à broyer du noir et se voiler la face plutôt que d'affronter ce qui pourrait se passer hors de cette pièce, je lance. T'es peut-être pas jaloux, au fond. Mais t'es fier et apeuré. Je ne te jette pas la pierre, je suis exactement comme toi.

Hero fronce les sourcils, en continuant de me dévisager. Il semble déconcerté par mes propos. Après quelques secondes de réflexion, il finit par s'asseoir à côté de moi.

- La picole te fait dire des conneries, répond-il en riant.

- Je ne crois pas, non. Comme toi, je suis trop fière pour reconnaitre une vérité qui menace de m'exploser à la figure, et les conséquences de cette prise de conscience m'effraient à un point que toi seul peux imaginer.

Je tourne lentement la tête vers lui, les yeux bordés de larmes. Hero et moi sommes exactement pareils : prêts à tout pour éviter de souffrir. Je savais que June lui plaisait, c'était indéniable, mais je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse en être amoureux. Peut-être qu'il ne l'a pas encore réalisé, mais c'est le cas. Et la rage avec laquelle il combat la moindre allusion faite à ce sujet renforce encore plus ma conviction.

- Ça m'a fait chier de le voir parader avec des filles toute la soirée et, au lieu de faire face à cette vérité que je m'évertue à repousser de toutes mes forces et qui finit toujours par revenir tel un putain de boomerang, j'ai préféré me distraire dans les bras d'un autre homme, tout en me bourrant la gueule. C'est ce qu'on appelle un bon gros déni.

Je me mets à rire, tout en essuyant une larme échappée de mon œil du revers de la main. Mon interlocuteur continue de me dévisager. J'ignore s'il a compris mes allusions, mais il ne semble pas les contredire.

- Pourquoi tu vas pas lui parler ? me demande-t-il avec nonchalance.

- Pour la même raison que tu n'avoueras jamais à June ce que t'éprouves pour elle, je rétorque avec un faible sourire compatissant. Parce qu'on a peur de souffrir. J'ai déjà eu mon coeur brisé car je suis tombée amoureuse du mauvais garçon. Et quand je dis « mauvais », c'est dans tous les sens du terme. Et je me suis jurée de ne jamais revivre une telle douleur qui a failli me coûter la vie. J'ignore quel genre de désillusion a fait que tu aies choisi de te tenir aussi loin que possible de l'amour, mais je comprends ta décision.

Hero semble prendre mes propos en considération. Après quelques secondes d'hésitation, je suis surprise de l'entendre se confier sur son père, et la peine immense qu'il a éprouvé quand sa mère s'est barrée. Il avait une certaine image de l'amour qui a complètement été brisée. Cette femme n'a pas seulement quitté son mari : elle a également abandonné sa famille et les répercussions de ce départ inattendu ont été catastrophiques. Je perçois, dans la voix de mon acolyte, beaucoup de tristesse, d'amertume et de colère. Je ne peux que compatir à son douloureux récit, ayant moi-même grandi dans un foyer brisé. Je lui frotte le bras en signe de réconfort. Il conclut son histoire en se jurant une nouvelle fois de ne jamais tomber amoureux.

Je crois que c'est un peu trop tard, mon pote !

Alors que nous restons assis par terre, dans un silence plutôt apaisant, une silhouette passe à toute vitesse devant la porte et réapparait quelques secondes après. Lorsque sa tête pivote vers l'intérieur de la salle de bain, je reconnais Jack, qui nous sourit.

- Ah, t'es là ! Je te cherchais partout ! s'exclame-t-il.

A côté de moi, Hero semble perplexe quand aux propos de son ami. Je me lève alors, et sautille dans sa direction. Alors que je me blottis contre son torse, je lui avoue que je l'ai cherché, pas partout comme lui, mais un peu tout de même. Jack enveloppe mes épaules de ses bras musclés et m'attire un peu plus contre lui. Je tourne la tête vers Hero, inquiète qu'il puisse continuer à déprimer dans la salle de bain :

- Viens avec nous ! je lui propose.

Il grimace en secouant la tête. J'insiste un peu plus en lui faisant promettre de ne pas rester trop longtemps seul. Cette fois-ci, Hero hoche la tête avec un petit sourire et nous décidons de prendre le large. J'ai le coeur serré de l'abandonner alors qu'il est si vulnérable. Ce qu'il m'a révélé... je ne pense pas qu'il doit se confier à beaucoup de monde. Je suis ravie d'avoir pu être une oreille attentive pour lui.

Sans que je m'en rende compte, Jack et moi nous retrouvons dans la buanderie. J'arbore une moue coquine, tandis qu'il s'approche de moi d'une démarche féline.

Je crois que Jacky Boy veut remettre le couvert...

Il pose ses mains sur mes hanches et m'attire un peu plus vers lui. Ses lèvres forment un sourire énigmatique tandis que son regard brun scrute mon visage.

- Alors comme ça, tu cherchais à rendre jaloux le mec qui trainait avec Poppy ? me demande-t-il, sans aucune rancoeur dans la voix, juste de la curiosité.

- Pas tout à fait, je lui réponds en promenant mes mains sur ses bras musclés.

Je lui explique alors le « jeu » qui s'est mis en place entre nous et, à vrai dire, je n'arrive pas à en déterminer le but. C'est une dynamique de domination qui s'est instaurée entre lui et moi et, je sais, par avance, que je ne le laisserai jamais avoir l'ascendant sur moi, peu importe les sentiments que je ressens à son égard. Hero arrive très bien à refouler les siens, alors je devrais être capable d'y arriver aussi. Et puis, éprouver quelque chose pour quelqu'un ne veut pas forcément dire qu'on en est amoureux. Je sais très bien qu'il n'est là que pour me mettre dans son lit. Il l'a bien prouvé dans la salle de bain, à l'appartement, et je lui ai laissé entrevoir qu'il pouvait obtenir ce qu'il voulait de moi. Ce moment de faiblesse ne se reproduira plus.

Jack est très attentif à mes explications. Il doit me prendre pour une cinglé de m'adonner à ce type d'amusements, mais l'aspect ludique de notre relation rend les choses plus divertissantes. Je sais que c'est puéril, mais je m'abaisse au niveau de Dany, ni plus, ni moins !

Bon, okay, j'avoue que je suis celle qui a lancé les hostilités... mais Jack n'a pas besoin de le savoir... Puis, Dany n'avait pas besoin de mal me parler ! C'est de sa faute, après tout !

- En tout cas, si t'as besoin d'aide pour le faire enrager, je suis ton homme. Ca peut être amusant, je pense...

Je hausse les sourcils, visiblement surprise par sa suggestion. Je pensais qu'il serait vexé que je me sois servie de lui, pas seulement pour provoquer Dany, mais aussi comme dérivatif à tous mes tracas — qui se résume en un seul nom, comme je l'ai déjà dit — mais il ne s'en offusque pas. Décidément, j'ai touché le gros lot avec lui...

Pour le remercier de sa compréhension, je me hisse sur la pointe des pieds et vient délicatement poser mes lèvres sur les siennes. Sa langue vient rapidement rejoindre la mienne et, la température dans la buanderie remonte d'un coup. Je glisse de nouveau les mains sous son tee-shirt. A croire que ses abdos appellent à être touchés ! Je ne m'en lasse pas. En même temps, quand on a de la bonne marchandise à disposition, autant en profiter à fond, non ?

Mes doigts dérivent de nouveau vers la boucle de sa ceinture, mais Jack m'arrête dans mon élan, tout en mettant fin à notre baiser. Je remarque que mon rouge à lèvres s'est étalé autour de sa bouche. Ca lui donne un air encore plus irrésistible.

- Encore ? me demande-t-il, légèrement haletant.

J'arque un sourcil interrogateur en pinçant mes lèvres.

- Tu ne vas pas me dire que notre petite partie de jambes en l'air de tout à l'heure t'a mis sur les rotules ? je suppose, sur un ton à la fois sensuel et défiant. Je ne peux pas croire qu'un gars aussi athlétique, aussi... endurant, puisse être au bout du rouleau aussi vite...

Je fais remonter mes doigts le long de ses bras musclés, tout en délivrant ma tirade. Jack me jauge pendant quelques secondes avant de baisser brusquement les bretelles de mon débardeur, dévoilant ma poitrine à ses yeux avides.

Je crois qu'on est reparti pour un tour !

Une fois notre quickie terminé, nous nous rhabillons rapidement pour rejoindre la fête. L'appartement s'est visiblement clairsemé et je repère facilement Jade et June, attablées avec des mecs de la bande. Je distingue Morgan, Trushal, Hero, Hamza, à côté de la blondinette, et Felix, que je devine être le « putain de meilleur ami » d'Hero, pour reprendre ses mots, puisque June trône sur ses genoux... à ma grande surprise !

C'est le monde à l'envers ! Mais qu'est-ce qui s'est passé ici, bon dieu ?!

Ma meilleure amie tire une tête de six pieds. Pour ce qui est de Jade, elle est toute rouge. Même si je m'inquiète de voir mes copines dans cet état, je suis curieuse de savoir ce qui leur est arrivé.

Passant un bras autour du cou de Jack, nous approchons de la table lorsque je demande, d'une voix pâteuse, si nous pouvons nous incruster dans le jeu. Deux mecs, qui ne me disent absolument rien se lèvent et nous les remplaçons au pied levé. Un autre jeune homme quitte la table, libérant une chaise de plus. Je prends place à côté de ma meilleure amie, qui n'en mène pas large. Ce n'est pas dans les habitudes de June de passer d'un mec à l'autre, surtout après la nuit excitante qu'elle a passé avec Hero. Il y a dû y avoir une embrouille entre eux... mais ça n'explique pas ce rapprochement inattendu avec Felix... surtout que je remarque à ce moment-là, qu'elle porte aussi sa casquette !

Mais qui est cette jeune femme sur les genoux de ce petit blanc bec ? Parce que ce n'est définitivement pas ma meilleure amie !

Je me lève pour me rapprocher de June — oui, le fait que Felix joue les rehausseurs, elle est plus haute que moi — et lui murmure à l'oreille :

- C'est quoi, ce délire ? Je croyais que tu devais rejoindre Hero... et je te retrouve à... je ne sais même pas comment définir ça !

Elle se contente de marmonner un simple « je t'expliquerai » sans même me regarder. Je jette un bref coup d'oeil circonspect à Hero, qui me fixe également.

Soudain, je distingue la silhouette longiligne de Dany se profiler dans notre direction. Il balaie la scène du regard avant de demander la permission de rejoindre la partie.

- Ouais, il reste une place à côté de nous, Dany ! s'empresse de répondre June, en tirant la chaise en bois à côté d'elle.

Nan, mais je rêve ? Elle est vraiment en train de l'inviter à jouer ? Elle est vraiment en train de me faire ça ?

Alors que le bouclé prend place, Morgan commence à lui expliquer les règles du jeu. Je frappe le bras de June qui, lorsqu'elle se retourne vers moi, est accueillie par un regard meurtrier. A son tour, elle fronce confusément les sourcils en se frottant à l'endroit où je lui ai asséné le coup.

Ah bah, c'est l'occasion de voir si Dany se fout vraiment de me voir aussi proche d'un autre...

Je me blottis un peu plus contre Jack, qui passe son bras autour de mes épaules. Sans prendre la peine de vérifier, je peux sentir le regard furieux du rebelle sur moi.

Morgan annonce que c'est mon tour de jouer. N'ayant pas froid aux yeux, je n'hésite pas une seconde avant de piocher la carte « Défi » et la lis à voix haute :

- « Les yeux bandés, identifie chaque joueur en touchant uniquement [CORPS]. »

Je scande un « ouuuh », suivie par plusieurs personnes autour de la table. Je fais durer un peu le suspense en ne révélant pas immédiatement la partie du corps sélectionnée. Je regarde mes camarades de jeu, un par un, une expression mutine sur le visage. Bien évidemment, j'ignore royalement Dany.

- Donc, je vais devoir toucher... vos lèvres ! j'annonce en reposant la carte sur la table. Allez, messieurs dames, veuillez changer de place.

Morgan me tend un foulard que je plaque devant mes yeux, et Jack se charge de le nouer derrière ma tête. Une fois privée de ma vue, j'entends les chaises crisser sur le carrelage, tandis que les joueurs se mélangent. J'attends quelques secondes avant de demander si tout le monde est assis. Un « oui » à l'unisson est scandé et je commence donc mon inspection. Les trois premières personnes que je devine sans trop de difficulté sont Jade — merci au gloss Chanel de m'avoir mise sur la voie — Hamza — à côté de ma jeune amie... what a surprise ! — et Jack, que j'ai deviné sans avoir à le toucher, mais juste aux effluves enivrantes de son parfum. D'ailleurs, pour ma perspicacité, il me récompense d'un prude baiser. En guise de remerciements, je le gratifie d'un petit cri d'excitation qui, j'imagine, doit agacer Dany au plus haut point.

Tant mieux !

Par la suite, j'ai eu plus de mal à découvrir Felix et un gentil rappel de Jack concernant les quatre shots que je dois boire en cas d'erreur me met légèrement la pression mais, la winneuse que je suis ne peut pas perdre à ce jeu !

Lorsque je passe à la prochaine personne, les lèvres que je frôle sont plutôt fines. Je les connais. Je les reconnais, surtout... pour les avoir goûtées, pas plus tôt qu'hier. Instantanément, le souvenir de sa bouche sur ma peau, la manière dont il embrassait chaque parcelle de mon corps me reviennent à l'esprit et...

Oh non...

Je sens le regard de Dany transpercer le foulard, qui me protège de ses yeux couleur océan. Même sans le voir, l'intensité de ses prunelles sur moi fait accélérer les battements de mon coeur. Elles me brûlent, me consument de l'intérieur. Je recule, lâchant ses lèvres, tout en essayant d'adopter une attitude neutre.

- Vous êtes deux, il me semble, à avoir des lèvres aussi fines. Si je pouvais toucher vos mâchoires, et sentir l'épaisseur de vos barbes, ce serait beaucoup plus  simple !

Je tente de me la jouer décontractée, comme avec les autres joueurs précédemment mais, de le savoir en face de moi, me fixant avec insolence — oui, même avec les yeux bandés, je suis certaine qu'il se délecte de me déstabiliser autant — son visage à quelques centimètres du mien... non, je ne peux pas le laisser gagner une nouvelle fois !

- Euuuhhhh... au hasard, je dirais... Trushal ?

Des sons de défaite ne tardent pas à parvenir à mes oreilles, alors que je retire le bandeau. Je dévisage Dany, lui envoyant un regard plutôt sévère, avant de regagner ma place. Dos à lui, je sais qu'il ne me lâche pas des yeux. A peine assise, je me love directement dans les bras de Jack.

D'ailleurs, c'est au tour de mon compagnon de la soirée de jouer. Il ne se mouille pas trop en choisissant une carte « Vérité » qui lui demande de nous révéler son pire rencard. J'avoue que je n'écoute pas les trois quarts de sa désastreuse aventure, trop focalisée sur Dany, qui ne cesse, lui aussi, de me fixer.

Morgan annonce que la première partie du jeu est terminée. Hero profite de ce moment pour changer les règles et vise son meilleur ami d'un regard assassin. Ce dernier tente de fuir le futur affrontement, mais le mannequin ne semble pas l'entendre de cette oreille.

- Ah bah ! Justement, la personne que je voulais interroger veut se défiler... Coïncidence ? Je ne crois pas !

Le ton employé par Hero est mauvais, et son ricanement ajoute un peu plus de glauque à la situation. Je reporte mon attention sur June, qui se tasse de plus en plus sur sa chaise. Alors que Felix se lève, Hero l'imite, le provoquant un peu plus, avec une question pour le moins déroutante : « Quel est le dernier coup de pute que tu aies fait à un pote ? »

Ma meilleure amie se lève à son tour pour intervenir :

- Hero, il n'a rien fait !

Le beau gosse est vraiment furieux. Il lance un regard meurtrier à June qui, d'habitude, aurait rentré sa tête dans ses épaules mais qui, aujourd'hui, semble vouloir lui tenir tête !

Bravo, copine ! Je suis fière de toi !

- Tu veux parler de coup de pute, Hero ? surenchérit Felix, les yeux remplis de défi. Bah, alors, raconte-nous celui que tu as fait à June. Étant donné l'état dans lequel je l'ai retrouvée PAR TA FAUTE, tu n'as pas dû y aller de main morte !

Malgré mon cerveau alcoolisé, je commence à remettre les pièces du puzzle en place. Les choses ne se sont pas déroulées comme prévu pour June. Hero a sans doute déconné au passage... mais pour provoquer un rapprochement aussi soudain avec le meilleur ami, j'essaie d'imaginer la gravité de la connerie d'Hero.

Ce dernier, en face de moi, est rouge de colère et prêt à exploser. Il se dirige d'un pas furieux vers une porte, ordonnant à son ami de le suivre. Felix, sans contester, se contente de le suivre, fermant la porte derrière eux. June, affolée, tente de les suivre mais réalise assez vite qu'ils se sont enfermés à l'extérieur. Elle est rapidement rejointe par les autres joueurs de la table, à l'exception de Dany, Jack et moi.

Nous nous retrouvons tous les trois en tête-à-tête... à-tête. Je dois avouer que je suis moins à l'aise que tout à l'heure, quand tout le monde était réuni autour de la table.

- On continue de jouer ou... propose Jack, en nous regardant tour à tour.

- Je suis partant pour une nouvelle partie, lance Dany, en verrouillant ses yeux bleus sur moi, attendant que je réplique.

Je ne lui ferai pas le plaisir de refuser ce défi silencieux qu'il me lance à travers ses iris océan.

- Ça me va aussi, je finis par répondre. Qui veut commencer ?

Téméraire, Dany lève la main avec un sourire narquois étirant ses fines lèvres. Il nous précise qu'il choisit « Vérité » et Jack pioche la carte pour lui.

- « Révèle-nous ton secret de drague le plus infaillible. »

Dany hausse ses sourcils et prend une profonde inspiration, en s'enfonçant un peu plus sur sa chaise.

- Je n'ai pas vraiment de secret de drague infaillible. Mais la clé de la réussite est de bien analyser le type de filles auquel tu t'attaques. Et, à partir de là, tu adaptes ta technique en fonction, répond-il de manière professionnelle.

- Mais c'est quoi, ta technique, au juste ? Tu ne réponds pas à la question, j'insiste, une expression satisfaite sur le visage. Faire croire à une fille que t'es un mec gentil pour finalement révéler ta vraie personnalité de connard en chef ?

Les cris provenant de l'attroupement devant la porte verrouillée nous distrait à peine. Finalement, elle finit par céder et le groupe se précipite hors de l'appartement. Dany se penche vers nous, pose ses avant bras sur la table avant de croiser ses mains devant lui. Il me jette un bref coup d'oeil avant de répondre :

- La dernière fille que j'ai tenté d'emballer semble être attirée par le genre « connard » et, bien qu'elle s'évertue à me faire croire qu'elle n'est pas intéressée, je suis persuadé du contraire. Je le vois dans ses yeux, dans ses gestes, dans sa façon de se comporter avec moi, en mode mi-agressive, mi-séductrice. Elle fait tout pour me provoquer, pour attirer mon attention... Si ce n'est pas de l'amour, je ne sais pas ce que c'est...

Son ton narquois me donne envie de lui tordre le cou. Il pense m'avoir percé à jour, alors qu'il n'en est rien. Ces mots sont juste une manière de provoquer une réaction. Réaction qu'il n'aura pas !

- Je te l'ai dit tout à l'heure, tu surestimes trop ton charisme et ton charme, Sharman ! je pouffe. Cette fille serait folle de se jeter dans tes bras. Tu n'es qu'un tas d'embrouilles à toi tout seul, et toute personne saine d'esprit resterait loin de toi.

- Oh, Angie... tu te trompes complètement sur cette fille, dit-il en secouant la tête. Elle est assez cinglée pour se jeter dans mes bras. La seule chose qui m'échappe est la raison pour laquelle elle résiste tant que ça... parce qu'au final, on sait très bien, toi et moi, que ce n'est qu'une question de temps avant que tu me supplies de te sauter.

Tout l'air que contenaient mes poumons s'échappe d'un coup devant le culot de Dany. Alors que je m'apprête à répliquer, la porte s'ouvre avec fracas et nous apercevons Hero, dans un état de rage maximale se diriger vers les escaliers pour monter à l'étage. Quelques secondes plus tard, June, tout aussi vénère, lui emboite le pas. Les autres arrivent et j'en profite pour rejoindre Jade, qui est toute chamboulée.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je vois Felix passer en trombe à côté de nous, suivi de ses potes. Du coin de l'oeil, j'aperçois Jack rejoindre son groupe d'amis, isolé à la cuisine.

- Je ne sais pas trop, en fait, bredouille-t-elle, mais quand on est arrivé sur la terrasse, Hero était sur le point d'en coller une à Felix et, sans l'intervention de June, je pense qu'il l'aurait fait.

- Mais, c'est quoi le deal entre June et Felix ? je lui demande, toujours perturbée d'avoir vu ma meilleure amie sur les genoux d'un autre mec que son plan cul.

La blondinette se contente de hausser les épaules, en ajoutant qu'ils sont super complices après avoir partagé un moment seuls sur la terrasse.

Des éclats de voix proviennent de l'étage, nous signifiant que ça se passe mal entre eux. J'ignore dans quoi June s'est embarquée mais, clairement, un triangle amoureux —si c'en est un — est la dernière chose dont elle a besoin.

Quelques secondes plus tard, ma meilleure amie dévale les escaliers à la hâte et apparait devant nous, en larmes. Jade et moi la rejoignons rapidement. Elle s'arrête devant nous, la tête baissée.

- Putain, qu'est-ce qu'il t'a fait ? lui demande Jade, en posant une main compatissante sur son épaule.

- Les filles, je n'ai pas envie d'en parler. Je veux quitter cet appart' le plus vite possible, sanglote-t-elle. C'était une très mauvaise idée, en fait, et...

Elle attrape les clés de la voiture dans son sac, qu'elle balance à Dany, en lui faisant promettre de nous ramener saines et sauves. Ce dernier, perplexe, attrape les clés au passage et acquiesce. Il se lève et se joint à nous.

- Je peux aller le secouer, si tu veux, propose le rebelle. Lui faire comprendre qu'il ne vaut mieux pas faire le con avec mon amie.

June semble touchée par la suggestion du bouclé et, je dois avouer que je suis heureuse de savoir qu'elle peut compter sur lui en cas de problème. Certes, il l'avait déjà prouvé en faisant mordre la poussière à Matt, mais c'était avant le séjour en prison qui a tout changé entre nous.

- Non, non... Il ne vaut pas la peine que tu t'attires plus d'ennuis, et indirectement à cause de moi, dit-elle en souriant faiblement. Mais, merci quand même. Juste, ramène-les à la maison, d'accord ?

- Et toi, comment tu vas rentrer ?

- Je vais la ramener, intervient Felix, sortant tout droit de la cuisine. C'est le moins que je puisse faire...

Ou... ça ne pourrait qu'envenimer la situation !

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée... mais merci quand même, répond June en se retournant vers lui. Je suis désolée d'avoir mis la merde entre toi et Hero...

Le jeune homme à casquette fronce les sourcils en entendant les propos de ma meilleure amie.

- Tu n'as pas à t'excuser de l'attitude de con d'Hero, réplique-t-il sèchement. Il agit toujours comme ça quand il panique. Je pensais qu'il changerait avec toi... je me suis trompé.

June, à son tour, fronce les sourcils.

- Pourquoi penses-tu qu'il aurait changé avec moi ? demande-t-elle, plus perplexe que jamais.

A ce moment-là, Morgan intervient en donnant les clés de sa voiture au jeune homme à la casquette.

- Je pense que vous devriez y aller, tous les deux. Et, Felix ? Tu raies ma bagnole... je te tue, okay ?

Morgan dévoile son plus beau sourire de mise en garde. Mais le meilleur ami d'Hero n'est pas d'humeur à plaisanter et lui arrache presque les clés des mains. Lui et June se dirigent vers la porte de l'appartement. Je suis vraiment dégoûtée pour ma copine. Elle qui se faisait une joie de revoir Hero... et moi qui croyais que je serais celle qui passerait une soirée de merde... comme quoi, tout peut basculer en une seconde !

Je ne compte pas laisser passer ça. Hero a fait souffrir ma copine et ça... je ne le permets pas. Sans prévenir personne, je prends la direction des escaliers, que je grimpe à vitesse grand V. J'aperçois une porte entrouverte, ainsi qu'une silhouette mouvante à l'intérieur. Je la pousse et découvre Hero en train de faire ses bagages. En me voyant, il lève les yeux au ciel, connaissant pertinemment la raison de ma venue.

- Je peux savoir ce qui s'est passé ? je gronde. June vient de partir en larmes d'ici !

- Valait mieux que je brise ses espoirs plutôt que son coeur, lance-t-il d'un ton neutre, sans cesser de vaquer à ses occupations. Elle mérite un gars bien dans sa vie... et je ne suis pas ce gars.

Il ne semble pas peiné le moins du monde et continue de fourrer ses vêtements pêle-mêle dans son sac.

- Tu dis ça pour elle... ou pour toi ? je lui demande sur un ton tout aussi dur. Parce que quand on a parlé tout à l'heure, j'ai cru comprendre...

- Laisse tomber, d'accord ? June n'a pas respecté mes règles et, cerise sur le gâteau, elle m'a fait une crise de jalousie en me voyant avec une autre, alors...

Je comprends mieux de quoi il en retourne à présent. Mais ce qu'il me révèle me fait bouillir intérieurement.

- T'es vraiment le pire des crétins ! je le réprimande en me rapprochant de lui et lui assénant un coup sur le bras. Dois-je te rappeler que June est novice dans le domaine des plans cul ? T'aurais dû la prévenir que tu avais plusieurs partenaires, ça t'aurait évité une scène inutile. Et, niveau crise de jalousie... tu peux parler !

- Pourtant, June a un bel exemple d'experte en plans cul juste sous son nez ! réplique le mannequin en parlant de moi. Ne me fais pas croire que tu es monogame ! Entre mon pote Jack, et le mec qui a rejoint la partie en dernier, tu ne chômes pas, on dirait ! Et... je ne suis pas jaloux !

- Déjà d'un, je ne couche pas avec Dany, pour ta gouverne. Certes, je me suis beaucoup amusée avec Jack, mais je n'ai pas franchi la ligne avec Dany. Et de deux, ça ne t'embêtera pas alors de savoir que Felix, ton cher ami, s'est proposé de ramener June chez elle ? Et qu'elle a accepté ?

Son expression change radicalement. Je crois avoir touché un nerf sensible.

Pas jaloux... mon œil !

Hero prend son sac et le jette contre le mur. Ses vêtements s'éparpille au pied de la commode. Il prend sa tête entre ses mains et commence à faire les cent pas. Je compatis en le voyant mener son conflit intérieur. Je sais à quel point c'est difficile de ne pas céder à la tentation, je suis dans le même bateau que lui.

- C'est dommage, honnêtement, je lance. June se faisait une telle joie de te retrouver, après la nuit qu'elle a partagé avec toi. Ca faisait longtemps que je ne l'avais pas vu s'apprêter, se faire jolie pour quelqu'un. Tu l'as repoussée, je comprends. Je fais la même chose avec Dany. Mais, dans ton cas, est-ce que ça vaut vraiment le coup ?

Hero semble réfléchir.

- C'est pour le mieux, dit-il. Je préfère qu'elle me déteste en pensant que je suis un connard, plutôt qu'elle me haïsse de l'avoir faite souffrir. Parce que... pas la peine de se voiler la face, je vais merder à un moment et elle pâtira de cette connerie. Regarde déjà la grosse débâcle de ce soir... Et moi, je souffrirais de son départ. Alors, autant éviter ce scénario catastrophe pendant qu'il est encore temps...

Le beau gosse semble résolu. Étrangement, je me retrouve dans tous ses arguments. J'aurais pu sortir ces mots pour les mêmes raisons que lui. Je ne peux pas le forcer à faire quelque chose contre son envie, même si je pense qu'il a tort.

Je me dirige vers la porte et, avant de la franchir, je me retourne une dernière fois vers lui :

- Tu pourrais au moins t'excuser, je lui dis. June mérite au moins ça pour tourner la page.

Sans attendre sa réponse, je le laisse et m'engouffre dans le couloir en direction des escaliers. Une fois au rez-de-chaussée, je pars à la recherche de Jack. Je le repère facilement à la cuisine, entouré d'amis à lui, en train de boire une bière. Il rit grassement tandis qu'il prend la parole.

- Non mais franchement, cette meuf est une bombe ! s'exclame-t-il, déduisant qu'il parle de moi.

J'accepte le compliment avec grand plaisir, même s'il n'est pas le premier à me le dire, mais ça confirme la qualité de mes performances. Je m'approche un peu plus pour entendre ce qu'il a à dire à mon sujet, sans qu'il me voie.

- On est allé dans la buanderie et là... elle m'a taillé une pipe comme jamais une nana m'avait sucé ! Rendez-lui service et elle saura se montrer reconnaissante !

Je le vois mimer le geste de la fellation en approchant son poing de sa bouche, tout en enfonçant sa langue dans sa joue et, tout ça, sous les rires moqueurs des mecs qui l'écoutent.

Okay, je commence à moins bien prendre ce qu'il raconte sur moi. Il n'a pas besoin d'étaler ce qu'on a fait dans la buanderie. Mais, je veux voir jusqu'où il va.

- Et, juste après, sans rechigner, je l'ai prise par derrière comme la chienne qu'elle est !

Encore une fois, il s'amuse à imiter la position dans laquelle il m'a prise, sous les acclamations de ses potes. Je n'aurais jamais cru ça de lui. A ce moment-là, je décide d'intervenir et me dévoile devant eux.

Jack parait surpris, mais sourit en me voyant.

- Angie ! Tiens, justement, on était en train de parler de toi, lance-t-il, non sans se marrer, avec la complicité des autres blaireaux dans la pièce.

- T'es qu'un gros con, je crache.

- Oh, tu ne disais pas ça, tout à l'heure, surtout quand t'as voulu que je te baise de nouveau avant d'aller jouer...

Je suis vraiment dégoutée de son comportement. Je suis tellement sciée par ce retournement de situation que ma répartie s'est fait la malle et a posé ses RTT. Je me contente alors de lui envoyer un regard assassin avant de quitter la pièce. Alors que je m'éloigne le plus rapidement possible, je l'entends encore baver sur mon dos :

- Elle a peut-être du caractère mais, t'as seulement un mot à dire et elle écarte les jambes pour toi ! pouffe-t-il.

Pauvre type...

J'arrive au salon, cherchant désespérément Jade des yeux, mais la seule personne qui entre dans mon champ de vision est Dany. D'ailleurs, quand il me voit, il fronce les sourcils et s'avance vers moi, la mine concernée.

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il, en sondant minutieusement mon visage.

- T'avais raison, je me contente de lui répondre, des trémolos dans la voix. Je suis vraiment attirée par les connards !

Il ferme les yeux en inspirant profondément, avant de les rouvrir et de planter ses iris clairs dans les miens.

- Il est où ? me questionne Dany, mâchoires serrées.

Connaissant le tempérament orageux de mon acolyte aux boucles brunes, rien de bon ne découlerait d'une confrontation entre lui et Jack.

- Tu sais quoi ? On va rentrer... je crois qu'on s'est trop éternisé dans cette fête.

En bonne tête brûlée qu'il est, il ignore ma remarque et me contourne pour se diriger vers la cuisine. Je lui emboite rapidement le pas, pour éviter le pire. Quand il aperçoit Jack, Dany entre dans la pièce et fond sur lui, comme une mygale sur sa proie. Des deux mains, il l'empoigne par le col de son tee-shirt et le plaque contre le mur, sous les yeux médusés des autres mecs, trop soûls pour intervenir, et les miens.

- Tu crois que tu peux manquer de respect à mon amie ? lui demande Dany. Hein ?

- Elle a vraiment chaud au cul, ta copine ! rétorque l'ami d'Hero, tout en ricanant. Pas étonnant que j'ai dû la niquer deux fois pour la calmer !

Okay, je voulais rendre Dany jaloux, mais je ne voulais pas qu'il apprenne ce que j'ai fait avec Jack de cette façon... et que je regrette amèrement, désormais.

Je ferme les yeux, appréhendant la réaction de Dany, qui ne tarde pas à se manifester. Il l'attrape de nouveau et le plaque plus violemment contre le mur que la première fois.

- Je t'interdis de parler d'elle de cette façon ! grommelle-t-il.

- C'est une nympho, cette meuf ! Je lui ai juste rendu service, se défend-il pitoyablement. Et elle a aimé ça... trois fois, pour être exact !

Je décide d'intervenir avant que cela dégénère vraiment.

- C'est bon, on a compris ! je rétorque en fusillant Jack du regard.

J'attrape un des bras de Dany, pour le forcer à lâcher ce con avec qui j'ai passé ma soirée. Au bout de quelques secondes, il se décide à le libérer et fait un pas en arrière. J'entraine Dany hors de la cuisine et, alors qu'on se dirige vers la sortie de l'appartement, la voix de Jack nous interpelle de nouveau :

- Hey, Angie ! Si ton connard de pote n'arrive pas à te faire jouir, tu sais où me trouver !

Dany s'arrête et se raidit avant de faire volte-face et de se diriger vers Jack d'un pas furieux. Il ferme rapidement son poing, qui s'écrase contre la mâchoire carrée du sportif. Je laisse échapper un cri d'effroi devant cette altercation. Ce dernier s'écroule par terre, un rictus mauvais affiché sur son visage. Alertés par l'altercation, les autres potes débarquent, suivis de Morgan, Trushal et du reste de la bande. Jade et Hamza font également partie des nouveaux spectateurs.

- Qu'est-ce qui se passe ici ? demande Morgan, outré par le spectacle dont il est témoin, son regard allant de Dany à Jack.

- Ce con m'a frappé ! se plaint mon compagnon de la soirée en se relevant péniblement.

- Et je peux recommencer, si tu m'en donnes l'occasion ! peste le bouclé en s'avançant de façon menaçante vers lui. 

Je m'approche de lui, prenant sa main pour l'éloigner du pauvre type gisant sur le carrelage.

- Allez, viens Dany... on ferait mieux de partir, je lui dis doucement, sans cesser de le tirer.

- Oui, je crois que c'est mieux, soutient l'hôte de la soirée, visiblement furieux de la tournure des évènements.

Il nous gratifie d'un regard furibond, tandis que nous nous dirigeons vers la sortie. Du coin de l'oeil, j'aperçois Jade dire au revoir à contrecœur à Hamza avant de nous rejoindre. Je m'en veux de lui avoir gâché la fête.

*

Une fois arrivés à l'appartement, après un trajet effectué dans le silence le plus pesant qui puisse exister, je me dirige vers la chambre pour m'assurer que June est bien rentrée. En effet, ma meilleure amie est endormie dans le lit. Elle semble plus paisible que lorsqu'elle a quitté l'appartement. Je me demande comment son trajet dans la voiture avec Felix s'est passé.

Jade s'enferme dans la salle de bain, sans rien dire, tandis que je me retrouve seule avec Dany dans le salon. Celui-ci est accoudé à la fenêtre, en train de fumer une cigarette. Heureusement, cette fois-ci, il n'y a pas de Pippa pour me taper sur les nerfs. Je m'approche de lui et adopte la même position, mon regard tourné vers l'extérieur.

- Je suis désolée, je commence par dire. Je me suis comportée comme une conne !

Dany penche la tête sur le côté en arborant une moue dubitative.

- On va mettre ça sur le compte de l'alcool, si tu veux, propose-t-il en recrachant la fumée de sa clope dans les airs.

Je souris brièvement en entendant sa suggestion. J'aimerais que ce soit aussi simple, que la vodka et le champagne aient pris ces mauvaises décisions à ma place, mais ce ne serait pas entièrement vrai.

- En tout cas, je voulais te remercier d'avoir pris ma défense. T'étais pas obligé, tu sais... surtout après ce que je t'ai fait endurer...

Le bouclé se redresse légèrement pour me faire face.

- C'est ce que les amis font... défendre les gens qu'ils aiment, leur venir en aide quand ils en ont besoin, les soutenir dans les bons comme les mauvais moments... Je sais que tu ne veux pas être mon amie, mais sache que je suis...

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase que je me hisse rapidement sur la pointe de mes pieds pour écraser mes lèvres sur les siennes. Le rebelle semble étonné mais ne tarde pas à me rendre mon baiser. J'encadre son visage de mes mains, tandis que les siennes se nichent dans le creux de mes reins. Quelques secondes plus tard, je m'éloigne et scrute son magnifique visage. Mes talons touchent de nouveau le sol et mes mains glissent de son visage jusqu'à son torse avant de quitter son corps pour de bon.

- Bonne nuit, Dany, je lui souhaite en reculant vers le couloir.

- Bonne nuit, Angie, me dit-il, un joli sourire étirant ses lèvres.

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*Oie Grise : traduction de la marque de vodka Grey Goose.

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