30.

[ANGIE]

Assise par terre, adossée contre la paroi de la baignoire, les fesses protégées de la froideur du carrelage grâce à la serviette, je ferme les yeux, écoutant sans arrêt la même musique diffusée dans mon canal auditif. Ce doit être la douzième fois qu'elle passe en boucle, et je commence sérieusement à m'en lasser. De plus, le rock n'étant pas mon genre préféré, je suis doublement punie. En effet, me retrouver enfermée dans une pièce avec une personne dont la compagnie m'horripile est un châtiment. J'aurais dû opter pour une chanson plus relaxante, comme un bon morceau de reggae, capable d'envoyer des bonnes ondes dans cette situation stressante. D'ailleurs, les riffs de guitare à profusion, couplés au tambourinement excessif de la batterie commencent à me filer la migraine. Mais, dans mon esprit tordu, je préfère endurer un bon mal de crâne plutôt que de devoir refaire la causette à Sharman.

En parlant de ce dernier, il s'est calé contre la porte, les jambes recroquevillées contre sa poitrine, maintenues vers lui par ses bras puissants. Son front est posé contre ses genoux. De là où je me trouve, je ne distingue que ses bouclettes. Enfin... quand je daigne jeter un coup d'oeil dans sa direction. On ne s'est pas reparlé depuis que je lui ai asséné le coup de grâce. Je sais que je lui ai fait de la peine, je l'ai vu dans son regard. Je me suis servie de son béguin pour moi pour le faire souffrir de la pire des manières. La mesquinerie dans toute sa splendeur !

Un petit bip récurrent dans mes oreilles m'annoncent que la batterie de mes AirPods est presque vide. La musique va cesser d'ici quelques secondes et je vais devoir affronter la pénible réalité qui est la mienne depuis un peu plus de deux heures déjà.

Je souffle bruyamment lorsque le silence ambiant arrive à mes oreilles martyrisées, retirant mes écouteurs dans la foulée. Je laisse retomber ma tête en arrière, paupières closes, en priant intérieurement pour que June ou Jade reviennent rapidement. Je ne me vois vraiment pas passer la nuit dans la salle de bain, qui plus est avec Sharman.

Je frotte mon visage avec les deux mains, histoire de faire le tri dans mes pensées. Pour dire la vérité, je ne me suis jamais acharnée sur quelqu'un comme je l'ai fait sur Daniel. J'ignorais que j'avais toute cette colère en moi. Je sais que je peux être dure, voire méchante quand la situation le nécessite, mais à ce niveau-là, je ne l'aurais jamais suspecté.

En vieillissant, je deviens peut-être plus hargneuse... ça doit être ça.

- Tu me détestes ? résonne la voix neutre de Daniel.

J'ouvre les yeux et tourne mon visage vers lui, interloquée. Le bouclé me fixe de son regard bleu, sans trahir aucune émotion. Il penche légèrement la tête sur le coté, un sourire énigmatique étirant ses fines lèvres, tandis qu'il allonge une de ses jambes et pose son bras étendu sur son genou toujours replié.

Je soupire doucement avant de lui répondre :

- Non, je ne te déteste pas. Pour ça, faudrait déjà que je me soucie de toi, ce qui n'est pas le cas.

Mon ton est calme, malgré le petit sourire narquois que je lui adresse. Je referme mes paupières, espérant trouver un semblant de paix intérieure, et que ma réplique lui cloue le bec. Je pense avoir déversé assez d'agressivité sur lui. Je n'ai plus la force de crier, ni de me battre. Je veux juste que ce sale quart d'heure qui s'éternise se finisse au plus vite.

Contre toute attente, des petits rires s'échappent de sa bouche. Je tourne de nouveau la tête vers lui, confuse par sa réaction. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de drôle.

- Wow, Angie ! s'exclame-t-il à travers ses ricanements. J'admire tes efforts. Tu te bats comme une lionne et j'aimerais tellement te dire que tes propos me blessent... sauf que je n'y crois pas une seule seconde !

Il lève les mains devant lui, paumes en l'air et hausse les épaules en esquissant une moue innocente avant de les laisser retomber, en même temps que ses bras.

Je fais pivoter mon corps pour lui faire face, sans quitter ma place. Il se croit si malin que je vais lui faire ravaler sa fierté.

- Tu crois me connaitre, c'est ça ? je lui demande en secouant la tête. L'instant intime qu'on a partagé dans cette même salle de bain, l'autre jour, était un clair manque de jugement de ma part, un simple moment d'égarement. Et, je voulais également te remercier de m'avoir ouvert les yeux sur ta vraie personnalité. Cela m'aura évité de faire une énorme connerie.

Les rires du bad boy redoublent après mon plaidoyer. Putain, mais y'a vraiment pas de quoi se marrer ! C'est énervant, à la fin !

- Ma « vraie » personnalité ? répète-t-il, songeur, en mimant des guillemets avec ses doigts. Et, maintenant, qui croit connaitre qui ?

Sans se départir de son ton moqueur, il secoue la tête comme si je venais de dire la pire des âneries.

- Ah, Angie, Angie, Angie... T'auras beau dire ce que tu veux, tes actions parlent pour toi. Si t'en avais vraiment rien à foutre de ma gueule, tu ne mettrais pas autant d'ardeur à vouloir me faire mal... ou à me provoquer. Je sais que t'aimes bien ce mot, ironise-t-il avec un rictus insolent plaqué sur ses lèvres. Et notre petit corps-à-corps... je chérirai les traces de notre altercation comme de précieuses blessures de guerre.

Daniel porte sa main vers son bras pour examiner les marques de mes dents. Il étend sa peau à l'aide de ses doigts pour avoir une meilleure vue, en lâchant un petit gloussement.

Non, mais je rêve ! Il pense savoir ce que je ressens mieux que moi-même. Depuis quand est-il devenu un putain de psychanalyste ?

- Cependant, je dois avouer que ta petite confession sur la soirée où je me suis fait arrêter m'a quand même foutu les boules, admet-il en hochant la tête. Parce que je suis allé en prison pour tes beaux yeux marrons, faut pas l'oublier.

S'il pense me faire culpabiliser, c'est peine perdue. J'ai passé assez de temps à m'inquiéter pour lui. J'ai voulu l'aider et, qu'ai-je eu comme récompense ? Une belle invitation à aller me faire foutre !

- Mais, tu sais ce qui me fait le plus râler dans cette histoire ? Pas tellement le fait que tu te sois envoyée en l'air avec un autre, ou d'avoir fait un peu de taule pour rien. Non. Si je n'avais pas été arrêté, j'aime à penser que j'aurais été celui qui t'aurais faite grimper aux rideaux...

De manière objective — et en mettant de côté notre querelle — si j'avais passé la soirée avec lui, il y aurait eu de grandes chances pour qu'elle se termine de la manière dont il l'imagine. Comme quoi, ce n'était pas censé se faire, lui et moi...

- On ne le saura jamais, maintenant, je réponds simplement en haussant les épaules.

- Oh... Il ne faut jamais dire jamais, ma belle, lance-t-il fièrement sans se départir de son sourire en coin. Dois-je te rappeler que tu me dois toujours un verre... et j'espère avoir un bonus pour avoir passé un peu de temps derrière les barreaux. La solitude était insoutenable !

Je lève les yeux au ciel, ne pouvant réprimer un sourire. Il est à peine resté deux jours enfermé. Quel comédien ! Et d'ailleurs... comment a-t-il recouvré la liberté ? Je n'ai pas souvenir que June soit allée voir Matt pour exécuter son plan débile de lui faire changer d'avis sur la plainte déposée. A moins que quelqu'un ait payé sa caution...

- Au fait, qui est l'âme charitable qui a eu pitié de ta pauvre carcasse ? je lui demande. Je veux dire, si tu traites tous les gens qui veulent t'aider de la même manière à laquelle j'ai eu droit, personne n'aurait dépensé une telle somme pour te faire sortir de ta cellule !

- Si je réponds à cette question, j'aurais le droit de t'en poser une ? me demande le bouclé, un air comploteur affiché sur les traits fins de son visage.

On marchande, maintenant ? C'est quoi, ce délire ! Malgré tout, je suis quand même curieuse de connaitre l'identité de l'idiot, ou de l'idiote qui a libéré un engin pareil dans la nature. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression qu'un nouveau jeu, plus mental cette fois, s'est lancé entre nous.

Je hoche la tête pour lui signifier que je suis en accord avec les termes de son marché. Daniel m'apprend alors, à ma grande surprise, que ce connard de Matt s'est ravisé et a retiré sa plainte, aussi simplement que ça, ce qui a entrainé sa relaxation et l'abandon de tous les chefs d'accusation contre lui. Connaissant ce con, j'ai du mal à croire qu'il ait pu changer d'avis comme ça, du jour au lendemain. Il n'est pas le genre de gars à avoir des remords. June en est la preuve vivante !

- Comme quoi, chaque personne, même la plus méprisable, est capable de bonnes actions, conclut-il timidement avec un petit sourire, la tête à demi-baissée, m'offrant une série de regards en coin, comme s'il appréhendait ma réaction.

S'inclut-il dans le lot des gens haïssables ? Sous-entend-t-il qu'il est digne de pardon ? La petite voix douce qu'il a emprunté pour déclamer ses propos me le laisse penser. Pourtant, il donne tellement l'impression qu'il a une haute estime de lui-même... excepté le soir où je suis allée le voir au poste, avant qu'il ne pète un plomb.

Un ange passe. Constatant que je ne relève pas sa remarque, le rebelle se redresse et adopte une position en tailleur.

- A mon tour, maintenant, annonce-t-il, faisant allusion à la question à laquelle j'ai accepté de répondre. J'ai conscience que je t'ai froissée, vexée même... bon, d'accord, j'ai déclenché la troisième guerre mondiale en t'insultant. Je sais que j'ai dépassé les bornes et, encore une fois, je tiens à te présenter mes plus plates excuses. Je sais qu'il faudra plus que des mots pour que tu me pardonnes. Alors, ma question est : que faut-il que je fasse pour obtenir l'absolution ? Parce que je sais qu'au fond de toi, tu trouveras la force d'oublier ce petit incident...

Je ne peux m'empêcher de rire en entendant sa requête. Je secoue et détourne légèrement la tête, que je pose contre la paroi de la baignoire.

- Pourquoi tiens-tu absolument à ce que je te pardonne ? je le questionne, sans lui jeter un regard, me contentant de fixer un point invisible en face de moi. Et qu'est-ce qui te fait croire que j'ai envie de t'accorder ma grâce présidentielle ?

A l'aide de ses mains, il rampe sur ses fesses, se rapprochant de moi. Instinctivement, je ne vois pas la réduction de mes distances de sécurité d'un très bon œil. Cependant, Daniel a la présence d'esprit de ne pas trop envahir mon espace.

- La réponse à ta première question est assez évidente, répondit-il en dodelinant de la tête. Mais, si tu tiens tellement à l'entendre, c'est parce que j'aime bien notre... dynamique, même si tu me soutiens qu'elle n'existe plus. Ce petit jeu du chat et le souris... j'ai jamais connu ça avec une autre fille. C'est plutôt cool...

C'est qu'il en deviendrait presque attendrissant ! Mais, je connais son but ultime et, ces mots-là, aussi gentils et mignons soient-ils, sont, en réalité des armes de destruction massive des cœurs de jeunes filles innocentes. Le bad boy qui montre une facette plus tendre de sa personnalité, ça marche à chaque fois. Par contre, il se frotte au mauvais cheval. J'en ai vu d'autres, coco !

- Quant à la seconde, je dirais... à cause de mon charme irrésistible ?

Il est obligé de faire le pitre sans arrêt, quitte à faire tomber mon masque sérieux. Je porte une main sur le sommet de son crâne pour le repousser, tout en riant. Son charme est indéniable et, comme toute mauvaise graine qui se respecte, il en a conscience et en joue pour débusquer les minettes naïves. Seulement moi, je ne suis plus une jeune fille en fleur, et je suis loin d'être bécasse !

Sharman me lance des petites œillades taquines, et je ne peux que m'esclaffer devant sa tentative de faire redescendre les tensions entre nous. Mais, je ne me laisse pas attendrir pour autant.

- Et, poursuit-il en penchant sa tête vers moi, je pense que tu devrais me pardonner parce que... parce que je sais tu as envie de moi autant que moi, j'ai envie de toi.

Je me raidis contre la paroi quand j'entends ses mots sortir de sa bouche sur un ton sûr et insolent. Okay, là, j'avoue, celle-là, je ne l'ai pas vue venir !

Alors que son regard océan est ancré dans le mien, un arrogant sourire étirant ses lèvres, tout s'affole à l'intérieur de moi : ma respiration devient hachée, mon cœur boxe ma cage thoracique comme si c'était Rocky Balboa. Mon bas ventre a décidé d'agiter le drapeau blanc, en guise de reddition. Depuis quand mes hormones ont-elles leur mot à dire ?

Soudain, un rire nerveux s'empare de moi et je ressens le besoin vital de m'éloigner de lui. Mais dans une pièce carrée, difficile de mettre de l'espace entre quelqu'un et soi-même. Je me lève et m'arrête près du lavabo, resserrant ma poigne sur l'ourlet de ma serviette, comme si je remettais une armure en place.

Ce ne sont que des mots, rien de plus, Angie... Reprends-toi ! Pas la peine de t'exciter, d'accord ?

- Tu... tu prends tes rêves pour des réalités, mon cher ! je bafouille, la voix trop forte, en évitant de croiser ses yeux bleus, mon corps victime des soubresauts dû à mes gloussements.

Daniel se lève à son tour et s'approche de moi, peu impressionné par ma réplique. Ou plutôt, mon absence de répartie digne de ce nom. Encore une fois, mon dos s'échoue contre ce foutu lavabo et le prédateur, en face de moi, est plus que satisfait de la tournure des évènements. Comment se fait-il qu'il ait réussi à me déstabiliser à ce point ?

Je déglutis, alors que le brun me surplombe de toute sa hauteur. Je me sens si petite — et si intimidée — en cet instant. Comme tout à l'heure, il m'emprisonne entre ses bras, posant ses mains sur le rebord de la vasque et descend son visage à hauteur du mien. Il arbore cet air victorieux, ce qui m'agace au plus haut point !

- Bon, cette fois-ci, j'espère que tu n'as pas dans l'idée de vouloir me castrer à nouveau, souffle-t-il, amusé. C'était assez douloureux, le premier coup, alors je préfère que tu me spoiles la suite des évènements.

Une des mains de Daniel lâche le lavabo pour venir frôler mon épaule du bout de ses doigts. Son index s'immisce sous la bretelle de mon soutien-gorge et caresse ma peau avec le dos de sa phalange. Il descend vers ma poitrine avant de remonter. Ce petit contact fait naitre des frissons sur le haut de mon corps. Il laisse échapper un soupir de satisfaction, alors qu'il se débarrasse de la mince ligne de tissu, dénudant complètement mon épaule.

- Si tu as tant de colère en toi, murmure-t-il dans mon oreille, en ôtant la seconde bretelle, qui glisse le long de mon bras, je connais une façon très efficace de l'évacuer... en mettant ma queue à contribution, mais sans qu'elle serve de punching-ball.

OH... MON... DIEU ! Mes jambes se mettent à trembler, en visualisant dans ma tête ce qu'il vient de me proposer. Je n'ai pas le temps de digérer ses propos que sa main vient s'aventurer sur la mienne, fermement accrochée à la serviette, dernier rempart de ma résistance.

Je dois trouver une réponse adéquate... et vite ! Sinon, il ne fera qu'une bouchée de moi ! Et ce n'est pas dans mes plans...

- Parce que... Parce que tu crois que « mini-Sharman » fonctionne encore après le coup qu'il vient de recevoir ? je pouffe.

Il se met à ricaner, passant sa langue sur sa lèvre inférieure avant de la mordiller.

- Pour ta gouverne, « mini-Sharman » n'est pas si... mini que ça, sans me vanter. Tu verras par toi-même, affirme-t-il avec un sourire entendu et confiant. Et, il en a connu des plus hargneuses que toi, ne t'inquiète pas pour lui. Il a essuyé plusieurs attaques et il se tient encore droit et fier !

J'ai envie de rire à son jeu de mots douteux, mais je veux éviter d'apporter de l'eau à son moulin. Je dois contre-attaquer.

- Des clientes insatisfaites, je présume...

Je lève un sourcil circonspect en émettant mon hypothèse, ce qui a le don de l'amuser encore plus.

- Rien à avoir avec mes performances, dit-il en secouant la tête. Chaque fille qui a eu l'honneur de passer entre mes mains ne s'est jamais plainte du service.

Et modeste, avec ça...

- Seulement, c'est l'après qui coince, en général...

Évidemment, en beau salaud qu'il est, il ne doit même pas prendre la peine de les ménager une fois qu'il s'est soulagé. Typique... et très classe !

Daniel grimace en plissant un œil, au douloureux souvenir physique qu'il a dû endurer quelques fois. En tout cas, ce n'est pas l'humilité qui lui fait mal au cul !

- Arrête de repousser l'inévitable, Angie, susurre-t-il, son souffle chaud s'écrasant sur ma nuque. Je vais te faire oublier ton petit musicien de pacotille...

Ses paroles sont bientôt remplacées par sa bouche baisant la fine peau de mon cou. Le peu de terrain que je venais de gagner, je le perds aussitôt. Ce qu'il vient de me dire devrait m'encourager à le repousser. C'est un connard qui ne respecte pas les femmes. Il s'en sert pour faire ses affaires et les enchaine jusqu'à épuisement. Il ne doit même pas se souvenir de leurs prénoms. Je ne suis peut-être qu'une fille de plus sur sa longue liste de conquête. Dès qu'il aura vidé ses couilles dans le préservatif avec lequel il m'aura pénétré, il passera à la prochaine, sans regarder en arrière.

Cette dernière pensée me fait l'effet d'une bombe et je me ressaisis aussitôt. Je bouscule un de ses bras pour échapper à son emprise. Je remonte les bretelles de mon soutien-gorge par la même occasion. J'ai l'impression de tourner en rond entre ces quatre murs et, malheureusement pour moi, Daniel me poursuit et finit toujours par me coincer. Je n'ai aucune échappatoire.

- Je-je... dois prendre ma douche, okay ? je l'informe d'un ton stressé. Alors, j'aimerais que tu m'accordes un peu... d'intimité. C'est trop demandé, ou tu te sens capable de garder tes yeux pour toi ?

Adossé contre le lavabo, ses puissantes mains accrochées sur le rebord, il secoue la tête, les muscles de ses bras bandant sous les courtes manches du tee-shirt. Je dois avouer que cette vue est loin de me laisser insensible, mais je dois camper sur mes positions.

Et puis, j'ai vraiment besoin d'une douche... FROIDE !

Je décale le rideau blanc imperméable et enjambe la paroi pour atterrir dans la baignoire, toujours enveloppée dans ma serviette. J'espère seulement que le rideau n'est pas trop transparent. Je ne voudrais pas lui offrir un spectacle gratos !

Je commence à faire couler l'eau, histoire qu'elle se réchauffe avant d'entrer en contact avec ma peau.

Bon, un douche tiède, alors...

J'accroche ma serviette sur un petit crochet qui sert, en général, à pendre les fleurs de douche. Je ferai attention à ne pas la mouiller. Cependant, j'hésite à retirer mes sous-vêtements. Je ne fais pas confiance au rebelle pour me dénuder complètement. Je suis folle, mais pas stupide.

Une fois à la bonne température, je commence à promener le pommeau de douche sur le haut de mon corps et je me détends aussitôt. Malgré le bruit de l'eau coulant sur ma peau et les milliers de gouttes s'écrasant sur la porcelaine du grand bac, j'entends de l'agitation de l'autre côté du rideau. Je me demande bien ce que Daniel est en train de faire. J'espère seulement que je n'aurais pas la désagréable surprise de le trouver avec la main dans son boxer, en train de se la secouer tranquille, alors qu'il me mate sous la douche.

Une grimace déforme immédiatement mes traits, tandis que j'imagine cette horrible scène. La gêne serait à son comble et, dois-je le rappeler, je suis enfermée avec cet énergumène ! Je ne pourrais pas fuir le malaise...

Je fais l'impasse sur cette terrible pensée et commence à mouiller mes cheveux. Je ferme les yeux, me concentrant sur la sensation de tiédeur sur ma peau. Je veux m'immerger totalement dans cet instant bien-être et, l'eau coulant près de mes oreilles couvre les sons plus ou moins douteux provenant de la pièce.

Je sursaute lorsque le rideau s'ouvre brusquement, manquant de glisser. Ma mâchoire se détache de ma bouche quand je découvre Daniel, entièrement nu, devant moi. Mes yeux, malgré mes meilleures intentions, se baladent rapidement sur son corps, faisant furtivement le tour du propriétaire. Mon opinion se résume en un mot : WOW ! J'en ai le souffle coupé.

- Qu... mais qu'est-ce que... je bégaie pitoyablement, tandis que ce dernier prend place derrière moi dans la baignoire.

- Je me suis rendu compte que j'avais, moi aussi, besoin de me décrasser, répond-il avec désinvolture. Au poste de police, les douches sont un lieu de rencontres sociales que j'ai préféré éviter pour des raisons évidentes... Et puis, j'ai toujours eu du mal à me savonner le dos.

Je suis encore choquée de le voir se tenir derrière moi, comme si c'était la plus normale des choses. Je reste dos à lui, préférant également éviter l'expérience des douches carcérales... mais chez moi.

- Non mais... dégage de là ! je hurle, une fois mes esprits retrouvés. La notion d'intimité, tu connais ? Si tu veux te laver, t'attends ton tour !

- L'hydrothérapie, c'est plus fun à deux, tu ne penses pas ? réplique-t-il, de la malice dans la voix.

"Hydrothérapie"... non, mais il se prend pour un scientifique, ou quoi ?

J'imagine également un sourire narquois fendant son visage. Je ne sais plus quoi faire pour le maintenir loin de moi. Il me prend à revers, à chaque fois. Plus je le repousse, plus j'ai l'impression qu'il revient à la charge, tel un putain de boomerang !

J'ai perdu le contrôle de la situation, je dois me faire une raison. Je l'ai provoqué — dans le sens littéral du terme, pas celui dévié de Daniel — et j'ai libéré une bête que je n'aurais jamais soupçonné.

Je fais quoi, maintenant ? Je ne peux pas décemment faire ma toilette alors qu'il est juste derrière moi, à scruter mes moindres faits et gestes car, bien que je n'ai pas d'yeux derrière la tête, je sens son regard brûler ma peau.

J'essaie de trouver une solution à mon problème, mais rien ne me vient à l'esprit, trop occupé à éprouver des picotements sur mon échine. Je sens mes résistances s'affaisser au fur et à mesure que les secondes s'égrainent.

J'entends deux pas dans l'eau, derrière moi. Je ferme les yeux, lâchant un soupir de résignation. Il a raison : c'est peine perdue de vouloir délayer l'inévitable. Lorsque son corps chaud se colle au mien, mon sort est scellé. Entre mes fesses, je sens sa queue « fière et droite », comme il me l'avait promis. Ses mains ne tardent pas à se poser sur le haut de mes épaules et descendent le long de mes bras.

- Tu ne peux plus t'enfuir, chuchote-t-il en me faisant pivoter, pour lui faire face.

Encore une fois, je suis abasourdie par cette emprise qu'il exerce sur moi. La fuite n'est plus une option. Je le sais, tout comme lui. Toute cette histoire est une mauvaise idée, j'en suis consciente. La dernière sirène dans mon cerveau s'affole, m'intimant de ne pas céder, sachant que je le regretterai. Si ma raison a déserté la place, mon instinct reste sur le qui-vive. Daniel ne m'apportera que des ennuis. Il n'y a aucun suspense quant au dénouement de cette histoire.

Ce dernier reporte son attention sur les bretelles de mon soutien-gorge, qu'il fait glisser pour la seconde fois sur mes bras. Son regard se balade sur chaque parcelle offerte à sa vue, et l'expression d'émerveillement qu'il arbore me fait me sentir belle et désirée.

- Angie... murmure-t-il en relevant ses yeux couleur océan vers moi.

Prise d'une soudaine impulsion, je me plante sur la pointe des pieds pour écraser ma bouche sur la sienne avec violence. D'abord surpris, Sharman ne tarde pas à me rendre mon baiser. Il se penche pour me faciliter la tâche, mes talons retrouvant le sol de la baignoire. Mes mains encadrent sa mâchoire carrée pour l'attirer un peu plus vers moi.

Je passe ma main dans ses boucles, que j'agrippe avec force. Un grognement résonne dans sa gorge. Ce son primitif ne fait qu'augmenter l'excitation qu'il fait naitre en moi. Je lui réponds avec un gémissement qui s'échappe de ma gorge, ce qui le fait sourire contre mes lèvres.

Ses mains se baladent sur mon corps, tandis que sa langue partage un tango endiablé avec la mienne. Ses doigts s'attèlent à dégrafer ma brassière, qui rejoint rapidement le sol trempé du bac. Une fois mes seins libérés de leur carcan de dentelles, son visage descend vers ma poitrine pour la torturer avec ses lèvres, sa langue et... ses dents.

Mon visage se tord, lâchant des geignements plus ou moins sonores, sous les ondes de plaisir qui se déchargent dans tout mon corps, convergeant vers mon bas ventre, à cause de l'agonisante torture qu'il m'inflige.

Je ne réfléchis plus, je ne suis que sensations.

Je n'ai plus aucune volonté.

Sans cesser de tourmenter ma région mammaire, ses mains viennent se poser sur mes hanches et, sans que je m'y attende, il me soulève et me plaque contre le mur de la salle de bain.

Je hoquète de surprise et mes bras entourent rapidement son cou, pour ne pas perdre l'équilibre. Son visage est presque à la même hauteur que le mien, permettant à mes lèvres de venir retrouver les siennes avec gourmandise. Mes jambes s'enroulent autour de ses fesses rebondies, le pressant un peu plus contre moi. Sa langue, impatiente, retrouve l'accès à ma bouche, que je lui offre volontiers. Je halète sous l'intensité de ce baiser.

- Dany... je babille, telle une supplique, interrompant le ballet de nos langues réunies.

- T'inquiète, ma belle, je vais te donner ce que tu réclames...

C'est une promesse que j'entends dans sa voix. Une de ses mains abandonne mes fesses pour se glisser entre mes cuisses et jouer avec l'ourlet de ma culotte. Un de ses doigts s'immisce sous le tissu, caressant délicatement mon intimité. Cette sensation est tellement délicieuse que ma tête bascule en arrière, cognant contre le carrelage du mur. Mon partenaire ne cesse de me regarder, tandis qu'il s'attarde sur les préliminaires. Mon impatience grandit de seconde en seconde, tout comme le désir qui menace d'exploser sous son majeur, s'il continue de me titiller de cette façon.

- Tu me rends fou, Angie, clame-t-il, tandis qu'il insère un doigt en moi. Est-ce que je te rends folle ?

Je lâche un gémissement de plaisir, alors que le bad boy au regard salace entame de délicieux va-et-vient avec son majeur.

- Oh oui ! Dans tous les... sens du... terme, je bafouille, alors qu'il accélère le rythme entre mes jambes.

Ce qui est la pure vérité. Il me fait ressentir toutes sortes d'émotions, sans compter les sensations qui se multiplient dans mon corps, au fur et à mesure qu'il s'aventure plus profondément en moi.

En plus de me caresser, il niche son visage dans mon cou, pour suçoter la peau de ma nuque. Je me perds complètement dans tout ce qu'il me fait éprouver. Les effets redoublent lorsqu'il pénètre un second doigt, m'arrachant un nouveau cri.

- Dany, s'il te plait...

Putain, j'en peux plus. Il est en train de me tuer à petit feu. Sa bouche remonte vers mon oreille.

- « Mozart » ne t'a pas rassasié ?

Involontairement, un geignement s'échappe de ma bouche, tandis que je secoue la tête en même temps. Je dois me rendre à l'évidence. Tom m'a quand même offert deux orgasmes mais, une fois que je me suis retrouvée dans les bras de Dany, c'était comme si cet après-midi n'avait jamais existé.

Mon partenaire me fait de nouveau face, tout en continuant de s'affairer dans mon intimité. Un sourire satisfait se dessine sur son visage. Ma réponse a dû gonfler son égo. Mes jambes commencent à trembler et tout en moi se contracte, prête pour l'explosion ultime.

Alors que je halète de plus en plus et que mes gémissements résonnent toujours plus fort dans la pièce, je suis sur le point de jouir lorsque Dany retire ses doigts, à ma plus grande surprise.

- Dany...

Sans se départir de son rictus, il défait mes jambes et me repose sur le sol de la baignoire, totalement sonnée et confuse par les dernières secondes qui viennent de s'écouler. Je ne comprends pas ce qui se passe.

- Qu'est-ce... je peux savoir ce que tu fous, bordel ? je grogne, le plaisir ayant fait place à une immense frustration.

Sans me répondre, il sort de la baignoire en l'enjambant et se tourne pour me faire face, arborant une expression arrogante.

- J'ai changé d'avis, lâche-t-il tout simplement. Je prendrai ma douche plus tard.

Il me tourne le dos pour attraper ses affaires, alors que je reste plantée, dégoulinante — de partout — au milieu de la baignoire.

- Tu te fous de ma gueule, j'espère ! je gronde. Tu m'allumes comme un connard, et tu me plantes au pire moment possible ?

J'attrape rapidement ma serviette, pour cacher mon corps, offert trop longtemps à sa vue et son toucher. Il a déjà enfilé son boxer et son tee-shirt avant de me répondre :

- Non, je suis on ne peut plus sérieux, ma grande, affirme-t-il, lâchant un petit rire réjoui. Je t'ai seulement rendu la monnaie de ta pièce. Tu n'as pas arrêté de me frustrer à la moindre occasion que tu as trouvé, alors que j'essayais seulement d'être gentil avec toi. J'étais sincère et tu n'as cessé de me rabrouer, et de la pire des manières, qui plus est. Et, je ne parle même pas de tes excès de violence. Donc, j'ai décidé de combattre le mal par le mal.

Je suis sur le cul. Je n'arrive pas à croire qu'il puisse être aussi cruel. Si, avant j'avais des doutes quant à sa vraie nature, elle vient de se révéler à moi. Daniel n'est ni plus ni moins qu'un manipulateur et un menteur, capable de tout pour arriver à ses fins. Comment ai-je pu tomber dans le panneau ? Je me sens si conne !

Une fois rhabillé, il s'assoit sur le couvercle de l'abattant des toilettes et m'invite le plus naturellement du monde à reprendre le cours de ma douche.

Mais quel enfoiré !

Je referme le rideau avec rage, lui tournant le dos par la même occasion. Argh, j'ai des envies de meurtre ! Je ne pensais pas pouvoir détester quelqu'un à ce point... à croire qu'il y a une première à tout.

Soudain, comme un don venu du ciel, la porte de l'appartement s'ouvre et la douce voix de Jade retentit comme un soulagement au plus profond de mon âme.

- JADE ! AU SECOURS ! je m'écrie, en sautant de la baignoire pour me diriger vers la porte, que je tambourine comme une malade.

J'entends ses pas précipités se rapprocher.

- Angie ? demande-t-elle, surprise.

- S'il te plait, sors-moi de là ! je hurle désespérément. Je suis enfermée et j'ai pommé la clé !

Daniel, derrière moi, se lève à son tour et lance, nonchalamment :

- La faute à qui ?

Je ne relève pas, préférant serrer les dents plutôt que de commettre un acte que je regretterais plus tard.

Quelques instants après, une clé est insérée dans la serrure et la porte s'ouvre. Je sors en trombe de la salle de bain, qui m'aura servi de prison ces dernières heures. Je lis l'étonnement sur le visage de la blondinette lorsqu'elle aperçoit Sharman sortir derrière moi. Elle se retourne pour me faire, haussant les sourcils, un sourire entendu étirant ses lèvres.

Ne commence pas, Jade...

Ma cadette a dû entendre ma prière silencieuse puisqu'elle n'insiste pas. Elle s'éloigne vers l'entrée pour enlever sa veste. Je me retrouve encore seule avec Daniel mais, cette fois-ci, il n'a plus de moyen de me retenir. Je lui balance un regard assassin avant de me diriger vers ma chambre.

- Angie ? m'interpelle le bouclé.

Je sais que je ne devrais pas me retourner, mais l'envie est plus forte que moi. Je pivote doucement, agacée d'avance. Sharman s'avance vers moi, un sourire narquois déformant sa bouche :

- Tu t'es bien battue, je te l'accorde, mais je crois que j'ai remporté la dernière manche, haut la main... J'attends ta riposte avec impatience...

Il conclut son petit discours provocateur d'un clin d'oeil avant de se retourner et d'emprunter la direction du salon.

- Au fait, je prends le canapé pour cette nuit, si tu n'y vois pas d'inconvénient, annonce-t-il alors qu'il est déjà dans l'autre pièce.

Je dois reconnaitre ma défaite cuisante. Il a été plus malin que moi. Mais, je n'ai qu'une chose à dire : que la partie commence, Sharman...
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