22.
[ANGIE]
Bordel, June !
Lorsque ce cri strident, rempli d'effroi et de désespoir parvient à mes oreilles, mon cœur manque un battement. Je me précipite hors de la salle de bain, talonnée par Dany. Le son horrible sortant de la bouche de June continue de résonner dans l'appartement, mêlé à présent à des sanglots.
En arrivant sur le pas de la porte de la chambre, Jade, impuissante, nous lance un regard affolé. Elle se tient au milieu de la pièce, regardant notre amie se débattre contre des démons invisibles, en proie à une crise de je ne sais quelle sorte. Ses bras fendent l'air comme si elle repoussait un ennemi qu'elle seule peut voir, et ses jambes s'agitent autant. L'expression sur son visage me glace le sang. Elle est terrifiée.
J'entre dans la chambre, m'approchant lentement du lit, que June malmène sous ses assauts. Je ne l'ai jamais vue comme ça et, à vrai dire, j'ignore quoi faire. Je ne veux pas aggraver son état, ignorant ce qui a provoqué son hystérie. Je me retourne vers Jade, qui a été rejointe par Dany, toujours torse nu.
- Qu'est-ce qui lui arrive ? je lui demande, mon regard faisant des allers-retours entre mes deux amies.
- J'étais en train de lui parler, m'explique la blondinette d'une voix mal assurée. Puis... je ne sais pas, j'ai voulu dégager une mèche de cheveu de son visage et quand je l'ai touchée, elle s'est mise à hurler et à donner des coups. Je ne voulais pas... Je ne voulais pas lui faire mal...
Je comprends mieux ce qui se passe. Jade ne lui a pas fait mal. Malgré elle, la cadette de notre trio a sorti June de son état catatonique en déclenchant une peur panique chez elle, la peur qu'elle a ressenti lorsque Matt l'a assaillie. Mon amie est en train de revivre le sale quart d'heure que son putain d'ex lui a infligé. Je jure devant les puissances supérieures que cet enfoiré va payer pour tout le mal qu'il lui a fait. Et pas seulement ces derniers temps, non. Depuis des années. Même s'il n'en était jamais arrivé à de telles extrémités jusqu'à aujourd'hui, je sais qu'il l'a bafouée psychologiquement le temps de leur relation. Même si elle s'évertuait à rester avec lui par amour, elle n'a jamais vraiment été heureuse avec lui. Et rien que pour ça, la vengeance va être terrible !
Je m'approche de June et essaie de capter son regard fuyant. Ses yeux sont injectés de sang à cause des larmes et ses globes oculaires écarquillés traduisent l'épouvante à laquelle elle est en proie. Ses hurlements se sont un peu dissipés, remplacés par de bruyants sanglots.
- June, June, je l'appelle d'une voix qui se veut calme et apaisante. Tu ne risques plus rien. Tu es à la maison.
Je constate rapidement que mes paroles n'ont aucun effet sur elle. J'insiste un peu plus, mais rien n'y fait. Je veux éviter de la toucher, c'est vraiment la dernière chose dont elle a besoin. Je me retourne vers mes deux amis, découragée. Elle ne peut pas rester comme ça, à brailler jusqu'en s'en faire péter les cordes vocales. Je ne vois qu'une solution : l'emmener à l'hôpital pour qu'ils lui administrent un tranquillisant.
Alors que je commence à composer le numéros des urgences, Dany se dirige vers le lit. Jade et moi le regardons s'approcher de June, toujours en crise. Que va-t-il faire ?
Il s'assoit sur le bord du matelas et contente de regarder notre amie se débattre. Je ne comprends pas le sens de sa manœuvre, mais décide de le laisser faire.
- June, Matt n'est plus là, lance Dany en ne quittant pas des yeux l'aînée de notre groupe. Il ne peut plus te faire de mal.
Sa voix est posée. Il continue de répéter la même phrase et ne semble pas impressionnée par le "spectacle" que nous offre June. Quelques coups assénés par cette dernière atteignent Dany, qui ne bronche pas. A force de le heurter, elle semble remarquer sa présence et son regard fou se focalise sur le bad boy.
Ses cris s'arrêtent, tout comme ses sanglots. On dirait même qu'elle est surprise de le voir ici, aussi près d'elle. Est-il sur le point de la ramener de cet univers parallèle, où les forces du mal semblaient gagner cette bataille à laquelle elle s'adonnait ?
- June, Matt ne peut plus te faire de mal, scande Dany, une nouvelle fois, faisant toujours preuve de sang-froid. Tu es à la maison, avec Angie et Jade. Et... moi. Il ne t'atteindra plus.
June continue de le dévisager comme une bête curieuse. A-t-elle au moins compris ce qu'il vient de lui dire ? Son corps est sujet à des soubresauts dus à quelques sanglots persistants. Jade m'agrippe le bras, sans cesser de fixer la scène qui se déroule sous nos yeux. Je ne suis pas bien, moi non plus et, j'enferme sa petite main dans la mienne.
- Maintenant, tu vas respirer quatre fois en calquant ton souffle sur le mien, comme ceci, lui explique Dany.
J'aperçois le torse musclé du collègue de June se gonfler en aspirant l'oxygène avant de l'expirer. Il répète l'opération plusieurs fois. Instinctivement, je sens ma respiration ainsi que celle de Jade se caler à celle de Dany, comme si nous avions aussi besoin de retrouver la paix intérieure.
June, de son côté, obtempère et obéit aux directives de notre amie. Au bout de quelques secondes, elle semble avoir recouvré un semblant de sérénité.
Je n'y crois pas ! Daniel Sharman, le mec rebelle aux humeurs instables, a réussi à faire un tour de passe-passe à la docteur Freud pour calmer June. Si on m'avait dit que cela se produirait un jour, je me serais payée une bonne tranche de rire.
Dany approche une main de la joue intacte de June, mais s'arrête à quelques centimètres, lui demandant silencieusement la permission de la toucher. Un éclair de panique traverse son regard, immédiatement apaisé par le sourire rassurant de ce dernier. Je suis ébahie de la voir hocher la tête, permettant ainsi à notre psy improvisé d'essuyer le torrent de larmes maculant sa joue avec son pouce.
- Ça va aller, June, murmure-t-il.
Un immense soulagement m'envahit. A côté de moi, Jade lâche un petit rire nerveux, suivi d'une larme qu'elle efface aussitôt d'un revers de la main. Je dois dire que j'ai bien envie de relâcher cette tension insoutenable qui m'habitait mais, pour l'instant, je préfère me concentrer sur le bien-être de ma meilleure amie.
Celle-ci, contre toute attente, s'avance vers Dany et passe ses bras autour de son cou. Ce dernier referme l'étreinte, quelque peu surpris. Je ne peux pas m'empêcher d'être attendrie en les regardant. Encore une fois, si on m'avait dit que ces deux-là s'enlaceraient dans un futur proche, j'aurais explosé de rire.
Jade et moi décidons de les laisser, le temps de faire redescendre la pression. A ce moment-là, mon portable se met à vibrer, me rappelant la deadline de mon article à rendre dans une heure. Article que je n'ai toujours pas fini de rédiger, d'ailleurs.
Maintenant que June est "tirée d'affaire", je me rue sur mon ordinateur portable pour reprendre le cours de mon récit. Heureusement, j'avais noté les éléments que je voulais inclure dans la fin de ma chronique. Je n'ai plus qu'à bien tourner mes phrases... et voilà ! En quelques minutes, j'ai réussi à boucler les deux derniers paragraphes qui me manquaient pour bien clôturer le sujet.
Je me dépêche de rassembler mes affaires pour me rendre au siège du ES London. En sortant du salon, je jette un dernier regard depuis le couloir en direction de la chambre. Dany étreint toujours June, qui semble s'être endormie. Lorsqu'il m'aperçoit, il retire délicatement son épaule où la tête de mon amie est appuyée, pour se libérer de son poids. Il l'allonge sur le lit en recouvrant le corps de sa collègue avec la couverture se trouvant au pied du lit, avant de me rejoindre. Alors qu'il s'avance vers moi, sa démarche assurée me ferait presque oublier le fait qu'il est torse nu. J'ai bien dit, presque.
- Tu t'en vas ? me demande-t-il, en glissant ses mains dans les poches arrière de son jean.
- Oui, le boulot m'appelle ! je feins de me plaindre. Et puis, je dois aller porter des portraits que June a fait pour une séance photo qui a lieu demain donc... Derry Street, me voilà !
J'aurais aimé que ma camarade artiste m'accompagne, mais il vaut mieux qu'elle se repose après les évènements traumatisants qu'elle vient de vivre. J'espère, du plus profond de mon cœur, qu'elle sera d'attaque pour reprendre au moins sa vie professionnelle en main. Pour le reste, on verra.
- Je peux faire un bout de chemin avec toi, si tu veux, me suggère le bad boy. J'habite vers le quartier de Notting Hill, c'est à côté.
Il propose réellement de m'escorter ? Dany aurait-il un côté chevaleresque dissimulé sous ses airs sexy de mauvais garçon ? Faut croire que oui...
Décidément, ce garçon me fascine...
Je penche la tête sur le côté, pince mes lèvres tout en empruntant un air songeur, balayant la pièce du regard. Je fais un peu trainer ma réponse, histoire de le torturer un peu.
- Très bien, j'accepte. Et... je voulais te remercier pour tout ce que tu as fait. Pas seulement pour avoir mis une raclée à Matt, mais pour avoir "ramené" June parmi nous, je lance le plus sérieusement du monde.
Je me mets sur la pointe des pieds pour le prendre dans mes bras. Il ne tarde pas à répondre à mon étreinte. Je peux sentir la chaleur émaner de sa peau nue. Pendant quelques secondes, je suis de nouveau dans cette salle de bain, avec lui.
- Si le prix d'un câlin est de mettre K.O. un mec, je suis ton homme ! plaisante-t-il. S'il y a d'autres trous du cul à fracasser, je suis partant !
Je m'éloigne de lui, en riant. Il est vraiment incorrigible. Je secoue la tête, feignant l'exaspération.
- Du calme, Rocky ! Je pense que tu as assez joué à la bagarre pour aujourd'hui...
- Et si je tue quelqu'un, c'est quoi, la récompense ? Un baiser ?
Je le regarde, amusée. Il me sourit, satisfait de son trait d'humour. Ce Dany là me plait beaucoup. Rien à voir avec la version désagréable que June m'avait décrite. En plus d'être un sauveur de demoiselles en détresse, il peut faire preuve de bon sens et de gentillesse. Il n'est pas un connard sans cœur, même si cette espèce d'abrutis m'attire. La manière dont il a parlé à June pour la calmer... j'en reste encore scotchée. Le gars est un putain de maitre Zen !
- Jeune homme, chaque chose en son temps, je lui réponds. Tout vient à point à qui sait attendre...
Dany se mord l'intérieur de la joue, voulant réprimer un rire. Les mains croisées derrière le dos, il se penche vers moi :
- Pourtant, dans la salle de bain, tu semblais plus qu'impatiente...
Dans quel genre de jeu me suis-je lancée ? Dany est un adversaire de taille ! Je me suis trompée sur son compte. Sa voix rauque m'envoie une décharge dans la bas ventre, et je suis à deux doigts de le trainer par la peau des fesses dans cette foutue pièce et de reprendre là où nous en sommes restés.
Angie... boulot... MAINTENANT !
J'arrive, tant bien que mal à me raisonner, tandis que Dany exhibe son torse, rien que pour me narguer. Je déglutis en essayant de reprendre forme après cette liquéfaction involontaire.
- Va... mettre un t-shirt ! je m'exclame en lui indiquant d'un geste vague et pressé la direction de la chambre.
Tout en ricanant, l'Apollon quitte le salon et je peux enfin respirer. Je suis presque immédiatement rejointe par Jade. Elle lance un regard vers Dany avant de reporter son attention sur moi.
- On a un crush, on dirait, chantonne la blondinette en se moquant de moi.
- Pas du tout, je me défends. Je ne fais pas dans le crush, moi. Je suis un crush pour les hommes, pas le contraire. J'ai mes propres règles à ce sujet.
- Je sais, mais tu reproches toujours à June de ne pas admettre ce qu'elle ressent, alors que tu fais exactement la même chose avec Dany.
Je me retourne vers elle, vexée par ses paroles. Jade veut se la jouer psy. Je n'ai pas besoin d'une séance, merci !
- Ce n'est pas la même chose. June a honte du moindre fait un peu borderline qu'elle commet. Regarde la réaction qu'elle a eu lorsqu'elle s'est lâché avec Hero. Elle n'assume pas du tout son côté "sauvage". Moi, je flirte ouvertement avec Dany, tout en admettant que le mec est canon ! Dans quel monde je rejoins le groupe des autruches présidé par June ?
Jade se met à rire, peu impressionnée par mon discours, pourtant délivré avec passion.
- Je ne te parle pas de ça, rétorque ma jeune amie. Je te parle de ce que tu ressens pour lui, pas que tu le trouves beau ou que vous fassiez des folies de vos corps... Mon dieu... mais de ce qu'il te fait éprouver. Tu ne peux pas me dire qu'il est dans le même lot que tous les autres mecs qui défilent dans ton lit ! Tu es... différente avec lui.
Comme un signe du ciel, Dany arrive sur ces entrefaites, coupant court à cette conversation plus que dérangeante. Il finit de baisser le t-shirt blanc qu'il a passé, me laissant apercevoir pour quelques secondes encore une infime parcelle de son torse, avant d'enfiler sa veste en cuir en piteux état.
- On y va, je lance, tout en enroulant mon écharpe bleue clair autour du cou. Jade, tu surveilles June, au cas où elle se réveillerait. Et tu m'appelles s'il se passe quoi que ce soit, d'accord ?
En guise de réponse, elle imite le salut militaire tout en me gratifiant d'un "Chef, oui, chef !" très solennel. Je revêts ma veste et prends l'agaçante étudiante rapidement dans mes bras avant de me diriger vers la porte d'entrée. Depuis le couloir du palier, je l'entends émettre un narquois "A bientôt, Dany", suivi d'un signe de la main à l'attention du beau gosse rebelle à mes côtés. Il se contente d'agiter ses doigts à l'unisson pour la saluer. Avant de refermer la porte, je tire la langue à Jade, qui arbore une mine satisfaite.
*
Après un trajet en bus où nous avons échangé des banalités, et en essayant d'éviter de penser aux paroles sans queue ni tête de ma psychologue en herbe, nous arrivons devant les bureaux du ES London. Je me retourne vers Dany.
- Merci de m'avoir accompagné, je lui dis en souriant.
- Encore un merci... ça mérite un autre câlin, ça ? en déduit avec de faux airs sérieux le beau gosses aux boucles brunes qui virevoltent au gré du vent.
- On dirait que toutes les occasions sont bonnes pour un câlin, je pouffe.
- Comme si t'allais te faire prier pour m'en donner un, réplique-t-il en ouvrant grand ses bras. Je sais que t'en meures d'envie...
Il m'agace. En fait, non. Mais si. Même si ça reste bon enfant, le fait qu'il puisse lire en moi comme dans un livre ouvert est très irritant. Je n'ai pas envie d'être aussi transparente. C'est moi qui dirige et lui qui suit. Pas l'inverse.
Remarquant que je ne bouge pas, il baisse les bras, littéralement, et me dévisage. Son air fanfaron laisse place à de la confusion. Ma réaction le laisse perplexe.
- Je... je dois y aller, je prétexte pour me sortir de cette situation devenue tout à coup embarrassante. Tu sais, l'article, les photos...
- Euh... ouais. Et... et le verre, ça tient toujours pour ce soir ? me demande-t-il, lui aussi mal à l'aise.
- Oui, bien sûr. Je suis comme les Lannister, je paie toujours mes dettes, je plaisante pour essayer d'alléger l'atmosphère pesante.
Il se met à reculer, sans me lâcher du regard.
- Cool. Je t'envoie un message, d'accord ?
Pour toute réponse, je lève mon pouce en regardant Dany s'éloigner. Seigneur, je suis la reine des andouilles ! Comment a-t-on pu passer d'une ambiance légère tout en bonne humeur à cette espèce d'échange maladroit et crispé ? J'avais l'impression d'être June !
Laissant cet épisode gênant de côté, je m'engouffre dans le bâtiment et atteint l'étage où se trouve le bureau de Veronica. Je patiente quelques secondes avant qu'elle ne me reçoive. La rédactrice en chef m'accueille toujours aussi poliment et m'invite à m'asseoir sur l'un des deux sièges en face d'elle. Je lui tends alors la copie de mon article, que je lui avais auparavant envoyé par mail, mais Veronica aime avoir une copie papier de chaque article à paraitre dans le journal.
- C'est du très bon travail, Angie. Je savais que vous étiez à la hauteur de ce sujet, me félicite ma patronne.
Je prends ses compliments avec humilité et la remercie.
- Je suis sincèrement honorée que vous ayez placé votre confiance en moi. Même si le sujet était épineux pour une débutante en politique comme moi, je suis ravie que mon article remplisse vos critères.
Elle m'adresse un sourire chaleureux avant de se lever pour m'accompagner vers la porte, mais je l'arrête dans son élan en sortant l'enveloppe contenant les portraits de June, de mon sac.
- J'ai, en ma possession, les clichés que vous aviez demandé à mon amie, June Robbins. Malheureusement, elle a eu... un incident qui l'a obligée à rester chez elle, je mens. Mais, elle m'a expressément commander de vous les remettre.
Je tends ladite enveloppe vers ma supérieure qui lorgne sur le papier cartonné marron, sans le prendre. Elle l'examine silencieusement avant de reporter son attention sur moi. Son expression n'est plus aussi accueillante qu'il y a quelques minutes.
- Je ne regarderais pas ces photos, lâche-t-elle. Si votre amie tenait réellement à cette place, elle serait venue elle-même m'exposer ses travaux.
Veronica retourne vers son bureau, mais je ne peux pas partir sans me battre.
- Vous ne comprenez pas. June a vraiment mis tout son cœur dans ces clichés. Je vous promets que si elle avait pu être là, elle le serait. Il lui est arrivé quelque chose d'assez grave ce matin qui l'a empêché de venir. Mais, elle tient vraiment à cette séance photo. Je vous en supplie. Elle a besoin de ce job. Elle a une vie très compliquée ces derniers temps... il lui faut une petite victoire.
J'espère, cette fois-ci, que mon plaidoyer marchera mieux qu'avec Jade. June doit absolument décrocher ce contrat. S'il le faut, je ferais un sitting collectif -- mais toute seule -- dans ce bureau jusqu'à ce que Veronica cède.
- Et moi, il me faut des gens compétents sur qui je puisse compter, peu importe les circonstances. Je suis désolée, Angie. Je ne remets pas en cause votre travail, ni votre intégrité. Je ne connais pas mademoiselle Robbins aussi bien que vous, mais je dois me fier au peu que j'ai vu. Je suis vraiment peinée pour votre amie si elle traverse une période difficile mais, si elle ne vient pas aujourd'hui me présenter de simples clichés, qu'est-ce qui me garantit qu'elle viendra au photoshoot de demain ?
Malheureusement pour moi, et pour June, Veronica a de bons arguments. Elle réfléchit en tant que chef d'entreprise, je le conçois tout à fait et, elle a déjà accordé plus de chance à ma meilleure amie qu'à n'importe qui.
Tant pis, je joue le tout pour le tout, quitte à l'apitoyer, mais je ne repartirais d'ici que lorsque June sera assurée d'avoir sa place à la séance photo de demain.
- Son ex petit-ami l'a battue, ce matin, je lance, non sans colère dans ma voix. Elle est en état de choc et physiquement, bien marquée. Voilà la raison de son absence. Elle a été victime d'une injustice, alors qu'elle essaie de reprendre sa vie en main. Je vous en prie, ne laissez pas ce pauvre mec lui souffler une chance d'avancer dans la bonne direction. La photographie, c'est son rêve depuis sa plus tendre enfance. Si vous l'embauchez, je me porte garante de sa présence sur le shoot.
Veronica semble troublée et émue par mes paroles. Je ne voulais donner dans le pathétique mais elle ne m'a pas laissé le choix. Hésitante, la rédactrice en chef s'empare de l'enveloppe toujours dans mes mains et l'ouvre pour en extraire les œuvres de mon amie. C'est bon signe.
D'un œil attentif, elle fait défiler les quelques photos que June a réalisé la veille, en compagnie de Hero. D'ailleurs, ce détail semble la perturber puisqu'elle me demande :
- Votre amie... connait-elle bien Mr. Fiennes-Tiffin ?
Dans sa voix, je ne perçois pas seulement de la curiosité, mais comme une sorte de mise en garde.
- Eh bien, elle l'a rencontrée hier, par votre intermédiaire, je commence, tout en omettant leur échange torride en boite de nuit, aka leur vrai premier face-à-face... ou plutôt dos-à-face... c'est confus.
- Je ne sais pas si mademoiselle Robbins est au fait de la réputation de ce jeune homme mais, si elle compte travailler pour nous, il serait préférable que leur relation reste professionnelle.
Ses propos m'interpellent. Qu'entend-elle par "réputation" ? D'accord, c'est un coureur de jupons, mais je ne vois pas en quoi cela perturberait le travail de June qui, elle, panique dès qu'elle reçoit un PV pour stationnement gênant. Elle ne ferait jamais rien pour mettre en péril son engagement auprès de son employeur.
- Ne vous en faites pas pour ça, June se consacre toujours à fond dans ses tâches. Rien ne saurait la distraire, je lui affirme avec aplomb.
- Je l'espère bien, m'annonce Veronica, en rangeant les photos dans l'enveloppe, avant de me la redonner. Dites-lui d'être au Studio Photo Gallery à trois heures demain après-midi. C'est vraiment la dernière chance que je lui laisse. Qu'elle ne la gaspille pas !
J'ai envie de sauter et de hurler de joie. Enfin, la roue de cette pauvre June va tourner. Elle mérite tellement ce job. Il me tarde de lui annoncer la bonne nouvelle.
- Oh, merci, merci beaucoup, Veronica ! je m'enflamme. Vous ne le regretterez pas, je vous le jure. Une fois que vous aurez vu June à l'œuvre, vous ne pourrez plus vous passer d'elle.
Je lui serre la main avec un énorme sourire sur le visage. Je quitte le bureau, le cœur léger, pressée d'apprendre à ma meilleure amie qu'une fois de plus, sa copine Angie a assuré comme une pro !
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