21 BIS.

[ANGIE]

Je suis plantée devant l'écran de mon ordinateur portable, incapable de former une phrase cohérente pour la suite de mon histoire. Ce n'est pas la première fiction que je commence et sur laquelle je bloque mais, toujours, au bout de quelques chapitres, le syndrome de la page blanche me frappe. J'ai beau relire le travail que j'ai déjà écrit, une technique qu'une de mes profs de littérature m'avait conseillé et qui fonctionne d'habitude... rien ne vient.

Pourtant, le sujet est plus que passionnant. Je me suis plongée dans le monde de la mafia italienne. J'ai effectué beaucoup de recherche pour vraiment connaitre cet univers comme si j'en faisais partie, tout en rajoutant ma petite touche d'originalité. Je ne veux pas raconter une énième histoire mafieuse. Je voudrais réinventer le genre et, quoi de mieux que d'avoir une chef de la mafia dans une organisation on ne peut plus machiste ?

Le carnet ouvert à côté du clavier, je survole les idées que j'ai déjà griffonné au crayon à papier. Mais aucune ne me plait. Foutue inspiration ! Pourquoi m'abandonner quand j'ai le plus besoin de toi ?

Je dois aussi boucler l'article que je dois rendre cet après-midi pour le ES London, sur la démission de l'ambassadeur de Grande-Bretagne aux États-Unis. Je ne suis pas trop branchée politique, mais je prends ce que l'on me donne. J'ai réussi à pondre un texte assez pertinent pour le moment, qui soulève d'autres questions. Je peux dire que j'en suis plutôt fière, pour une novice dans ce domaine.

Le journalisme est, pour l'instant, ma principale activité et mon unique source de revenus. Même si ce n'est pas la voix vers laquelle je me destinais, je dois avouer que je suis contente de pouvoir être payée à faire ce que j'aime : écrire. Et puis, ça me laisse aussi le temps de développer mes projets personnels à côté. Mon ambition suprême reste quand même de percer dans le monde de la littérature et de devenir une écrivain émérite.

Oui, je n'ai vraiment pas à me plaindre !

June pourra m'accompagner, tout à l'heure, elle qui doit rendre les portraits qu'elle a réalisé de Hero, qui sont d'une rare beauté... autant les photos que le modèle. Si j'étais à sa place, ça fait longtemps que je lui aurais sauté dessus. Le mec est ridiculement beau et, en plus, est intéressé par elle ! Je ne sais pas ce qui lui faut de plus ! Je dois reconnaitre qu'elle a fait un grand pas en avant en admettant qu'elle le trouvait beau et qu'elle n'était pas insensible à son charme. En même temps, elle lui a demandé de lui faire un suçon ! Je n'en croyais pas mes oreilles lorsqu'elle nous a révélées cette surprenante information... Cette June dévergondée devrait sortir de sa tanière plus souvent.

D'ailleurs, je me demande comment se passe l'entrevue avec ce connard de Matt. J'espère qu'il ne va pas trop l'emmerder. Il en serait capable. Je suis tout de même rassurée qu'elle soit accompagnée de Jade et de Daniel. Je ne l'aurais jamais laissée y aller seule. Connaissant le caractère de merde de l'ex de June, il était hors de question qu'elle le confronte dans l'état fragile où elle se trouve. June est une femme forte. Elle n'a rien à voir avec la version abattue qui a trouvé refuge sous mon toit depuis quelques jours. Même si la rupture est encore fraîche, je sens de la détermination de sa part pour ne pas se lamenter sur son sort. Je pense que, si ça tournait mal, ils me préviendraient.

Oui, ils m'avertiraient.

Cela fait plus d'une heure qu'elles sont parties. J'hésite à envoyer un message pour m'assurer que tout va bien. Malgré tout, je redoute de la tournure que pourrait prendre le rendez-vous.

Après une bonne douche, qui a réussi à chasser les mauvaises pensées qui accaparaient mon esprit, je reviens dans ma chambre où je retrouve les vêtements que je portais, il y a encore quelques heures de cela, par terre, à côté de la porte. J'étais légèrement fatiguée et un peu éméchée pour faire attention où mes habits atterrissaient lorsque je me suis déshabillée, avant de me glisser sous les draps du lit, en compagnie de ma petite Jade, dont les légers ronflements ont empêché le sommeil de m'envahir complètement.

En les ramassant, je fouille dans les poches pour extraire ce qui pourrait s'y trouver, avant de les fourrer dans la machine à laver. Rapidement, je sors un bout de papier de la poche de mon jean noir. En relisant le contenu, un sourire apparait sur mes lèvres.

Tom, le beau serveur gallois à la fibre artistique...

D'un air rêveur, je fixe sa belle écriture quelques instants avant de me diriger vers la pièce qui me serre à la fois de buanderie et de dressing. Je me souviens de son visage, de son accent craquant, de la chemise noire qui laissait deviner un torse musclé, ainsi que de la manière taquine dont il s'était joué de moi. Ce genre de petit jeu me tente assez.

J'enregistre le numéro du musicien dans les contacts sur mon portable avant de commencer ma lessive. En lançant la machine, mes pensées convergent toutes vers lui. Tom a indéniablement titillé ma curiosité. En plus de sa plastique de rêve, il a l'air d'avoir du "potentiel". J'ai bien aimé notre petite discussion.

J'hésite à l'appeler, ou à lui envoyer un message. Peut-être que je devrais attendre un peu. Cette indécision m'excite, étrangement. Malgré l'intérêt grandissant que je développe pour le serveur gallois, je me suis trop faite avoir en amour. J'espère pour lui qu'il n'est pas un incorrigible romantique. Je ne veux pas de ça. Je ne veux plus de ça. La fleur bleue qui croyait dur comme fer au grand amour, que j'ai été autrefois s'est ratatinée la gueule en beauté et s'est jurée de ne plus jamais commettre deux fois la même erreur. Bon, entretemps, il y a eu Lewis, le footeux... Un échec de plus appuyant fortement mon argument.

Maintenant, c'est moi qui ai le pouvoir dans la "relation avec un être de sexe masculin" ( à prendre au sens large) dans laquelle je m'implique, et je ne déroge jamais à ma première règle : me faire désirer. Daniel en sait quelque chose, d'ailleurs...

Ah, Dany...

Et voilà comment le beau pianiste celte se fait éclipser par le grand et ténébreux bad boy du Crest of London. Je dois avouer qu'il ne me laisse pas indifférente non plus. Il est mignon. Non, il est beau. Plus d'une fois, je me suis imaginée enrouler ses bouclettes brunes entre mes doigts et y tirer dessus pendant qu'on prendrait "sauvagement" du bon temps ensemble.

Mais il m'amuse, plus qu'autre chose. Je sais qu'en un claquement de doigts, il est à mes pieds. Où est le fun, dans tout ça ? J'ai besoin d'un défi, de quelque chose d'excitant qui puisse me faire me sentir vivante. Depuis Lewis, j'ai connu quelques hommes qui m'ont fait passer des nuits plus agréables que si j'avais été seule mais... ce n'était pas aussi satisfaisant que je le souhaitais.

Peut-être que Tom pourra trouver une solution à mon problème...

Alors qu'un sourire en coin nait sur mes lèvres à cette simple perspective, je suis soudainement tirée de mes pensées en entendant la porte de l'appartement s'ouvrir avec fracas. Je perçois aussi de l'affolement, mêlé à des sanglots dans la voix de Jade, qui indique la direction de ma chambre à Daniel.

Je sors de la buanderie à la hâte, un mauvais pressentiment envahissant tout mon être. Dans le couloir, j'aperçois le dos de Daniel et... des jambes qui pendent à son bras ?

C'est quoi, ce bordel ?!

Je me dirige à grandes enjambées vers eux et là, je découvre cette horrible vérité que j'imaginais dans mes pires cauchemars : June, allongée sur le lit, un peu recroquevillée sur elle-même, le visage tuméfié. Une énorme ecchymose colore la plupart de sa joue droite d'horribles nuances violacées et jaunâtres. Sa lèvre inférieure est fendue sur le côté.

Étouffant un cri d'effroi, je porte ma main à ma bouche sous le choc de cet atroce spectacle s'offrant à mes yeux. June est livide, les yeux vitreux, perdus dans le vide, comme si son âme avait quitté son corps. Elle ressemble à une coquille vide.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? je demande, regardant tour à tour les visages décomposés de Daniel et Jade.

La blondinette, secouée par les sanglots est incapable de formuler une réponse compréhensible. Je la prends dans mes bras pour la réconforter. Le grand brun à côté de moi prend alors le relais :

- Ce connard nous a accueilli très froidement et il a commencé à péter un plomb lorsque je lui ai fait croire que j'étais le type avec lequel June a dansé, ou je sais pas quoi. Je sais, c'était une très mauvaise idée. A partir de là, il s'est enflammé en parlant mal à June et j'ai voulu la défendre. On a failli se battre, mais elle est intervenue et a bien voulu le suivre seule dans la chambre. Jade et moi, on est resté en bas... Putain, j'aurais dû insister pour qu'elle n'y aille pas !

Je décèle une pointe de culpabilité dans sa voix. Son visage porte aussi les traces de l'altercation violente à laquelle il a dû faire face. Un mince filet de sang s'écoule de son arcade sourcilière ouverte, et son nez saigne également.

Daniel passe une main dans ses cheveux, trahissant sa nervosité et sa colère. Je remarque qu'il évite de croiser mon regard.

- Et ? je demande, attendant la suite des explications.

Il ferme les yeux en haussant les sourcils, tout en prenant une profonde inspiration :

- Au bout de quelques minutes, on a entendu le ton monté entre eux et puis, y'a eu un cri et là, on a déboulé dans la chambre et...

Je redoute la suite de son récit. Ce qu'ils ont dû voir dans cette chambre devait être insoutenable. Je ravale la bile qui menace de s'étaler sur le parquet du couloir.

- ... il était allongé sur elle, sur le lit. Je n'ai pas vu exactement ce qu'il lui a fait mais elle ne se débattait même plus. Il lui avait déjà collé une baigne. Peut-être même deux. Elle semblait sonnée. J'ai dégagé cette raclure d'elle et je lui ai fait bouffer ses dents mais... quand on a récupéré June, elle était dans cet état... catatonique.

Daniel me tourne le dos et frotte son visage. La veste en cuir noire qu'il porte est arrachée sur le côté, preuve de la violence de leur bagarre. Il s'éloigne et entre dans le salon. Je desserre mon étreinte pour faire face à Jade. Je distingue ses grands yeux verts désespérés derrière les verres de ses lunettes, embués à cause des larmes.

- Je suis vraiment désolée, Angie. Je ne comprends pas comment il a pu... Et il était tellement enragé qu'il en était effrayant et...

- Hey, hey, hey, calme toi, Jade. Ce n'est pas de ta faute. Tu ne pouvais pas prévoir qu'en plus d'être un connard, Matt est un monstre. Il va le payer, ne t'en fais pas. Cette histoire est loin d'être terminée.

Et ça, putain ! J'en fais la promesse sur ce que j'ai de plus cher !

Jade et moi nous tournons vers June, restée immobile depuis que Daniel l'a posée sur le lit. C'est à peine si elle respire. Toute trace de vie a été aspirée hors d'elle. Comme si elle était morte de l'intérieur. Déjà que je pensais qu'elle était au plus bas après la rupture, je n'aurais jamais imaginé la voir dans un état pareil.

Nous entrons dans la chambre et nous approchons du lit. Notre amie ne scille pas. Je m'accroupis pour lui faire face, tandis que Jade s'assoit à côté d'elle. Ses iris bruns sont éteints. Pas une larme n'a coulé. Elle ne cligne même pas des yeux. J'aurais préféré la voir pleurer, extérioriser tout ce qu'elle a pu ressentir lorsqu'elle était aux mains de ce fils de pute. Mais ressent-elle encore quelque chose ? Son silence et son manque de réaction sont glaçants d'effroi.

- June ?

Je murmure son prénom pour ne pas la brusquer. Elle doit certainement être en état de choc. Comment ce bâtard a-t-il pu s'acharner sur elle ? C'est inhumain, ce qu'il lui a fait subir !

Nous restons quelques minutes à la regarder, mais aucun signe de changement dans son comportement. June reste là, allongée, à fixer un point invisible. Peut-être que son esprit divague dans un autre monde pour ne pas affronter ce qu'elle vient de vivre...

Je me redresse et demande à Jade de rester auprès de June, au cas où elle se "réveillerait" de cet état comateux. Je m'en vais retrouver Daniel, installé près de la fenêtre ouverte, en train de fumer sa cigarette. Accoudé au rebord en béton, les yeux fermés, il masse ses tempes avec sa grande main. Lorsqu'il remarque ma présence, son regard clair se pose sur moi, tandis que je m'approche de lui avec un léger sourire. Il fronce les sourcils, certainement confus par ma réaction.

- Tu ne devrais pas... genre me gueuler dessus et me virer de chez toi ? me demande-t-il, perplexe.

Je secoue la tête, sans cesser de le fixer. Lui aussi a vécu une matinée merdique et je ne vais pas la pourrir encore plus. Et puis, ce ne serait pas justifier.

- Comme je l'expliquais à Jade, rien de cela n'est de ta faute. Matt est un monstre abject qui mérite de crever dans d'atroces souffrances ! je maugrée. Mais, si tu n'avais pas été là, ça aurait été pire encore. Tu l'as sauvée, Dany.

Le grand brun ténébreux semble prendre en comte mes paroles et les traits de son joli visage se détendent.

- Donne-moi ton téléphone, s'il te plait.

Confus par ce changement de sujet, Daniel s'exécute et déverrouille son iPhone noir avant de me le passer. Son fond d'écran est neutre. Sans m'attarder sur ce détail, j'enregistre mon numéro avant de lui rendre son portable. Il regarde l'écran et un timide sourire apparait sur son visage.

- Angie ? lit-il avant de lever ses iris bleus vers moi.

- En chair et en os, mon cher Dany ! je m'exclame sur un ton théâtral avant d'échapper un petit rire.

Voilà, il connait enfin mon prénom et possède mon numéro de téléphone. Il l'a bien mérité. Je me mets sur la pointe des pieds afin que mes lèvres frôlent son oreille :

- Fais-en bon usage, je murmure en parlant de mon numéro de téléphone, avant de m'éloigner de lui.

Je lui lance un dernier regard suggestif avant de tourner les talons pour rejoindre June et Jade. Avant de quitter le salon, je sens mon portable vibrer dans la poche arrière de mon pantalon. En consultant l'écran, je constate que Dany a pris ma demande au pied de la lettre. J'ouvre le message qu'il vient de m'envoyer :

" Je crois qu'il y avait un troisième point à honorer dans notre marché..."

Je ne peux réprimer un sourire faussement agacé et je me retourne vers lui, amusée. Ce dernier arque un sourcil, attendant impatiemment ma réaction et surtout, ma réponse.

Je commence à taper sur le clavier digital, tandis que les mots apparaissent de plus en plus vite dans la bulle blanche en bas de mon écran :

"Je n'ai pas oublié mais je ne sors pas avec des gueules cassées. Si tu veux boire un verre en ma compagnie ce soir, faudrait faire quelque chose de toutes ces blessures qui défigurent ton visage !"

J'envoie et, moins de dix secondes après, une sonnerie émane de son téléphone et il ne tarde pas à éclater de rire en lisant le contenu de mon texto. Je ne peux m'empêcher d'aimer ce doux son qui émane de sa bouche. Il relève la tête vers moi :

- J'espère que tu as un diplôme d'infirmière, parce que je ne mets pas ma tête entre les mains de n'importe qui, plaisante-t-il.

Je pince mes lèvres, avant d'humidifier l'inférieur d'un coup de langue qui n'échappe pas à Dany, au vu du sourire en coin qu'il esquisse.

- Oh, chéri, tu ne sais pas de quoi sont capables ces mains, je lui réponds en les relevant devant moi sur un ton plus que charmeur, sans oublier le petit sourire qui va avec. Si tu as vraiment soif, tu me suivras gentiment jusqu'à la salle de bains pour que je te soigne...

J'ignore si mes paroles sont allées directement à son cerveau ou dans son caleçon, mais il ne se fait pas prier pour m'accompagner jusqu'à la petite pièce à côté de la chambre. J'en profite pour jeter un coup d'oeil, mais aucun changement n'a eu lieu. Jade est assise à côté de June, et lui parle doucement.

Dany et moi entrons dans la salle d'eau et le bad boy s'assoit sur le rebord de la baignoire en grimaçant. J'ouvre la boite à pharmacie au-dessus du lavabo et en sors du désinfectant et du coton. Je me retourne vers lui et m'avance vers lui. Instinctivement, il écarte les jambes pour que je me niche entre elles, en face de lui.

Je penche la tête sur le côté en souriant et fronçant les sourcils.

- C'est toi qui as commencé avec ton histoire de mains, je te rappelle... et ce sera plus facile pour toi... pour me soigner, je veux dire !

Un point pour Dany...

Il a de la répartie. Et un magnifique sourire triomphant plaqué sur ses lèvres fines. Je l'ai peut-être sous-estimé en pensant qu'il m'était acquis. Intéressant...

J'obtempère et viens me planter devant lui, encadrée par ses cuisses. Il retire sa veste et se retrouve en t-shirt blanc. Quelques gouttes de sang le maculent. Un petit jet du liquide désinfectant vient imbiber la lingette en coton dans ma main. Délicatement, je l'applique sur la blessure à l'arcade. Je sens le corps de Dany sursauter lorsque le liquide piquant entre en contact avec sa peau à vif. Il aspire l'air qui siffle entre ses dents serrées. Je continue de tamponner la plaie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de traces ensanglantées. La coupure n'est pas profonde.

- Tu n'auras pas besoin de points de suture, je lui apprends. Heureusement pour toi, parce que je suis une piètre couturière.

Ma plaisanterie le distrait de la douleur lorsque je l'entends rire. Je me joins à lui. Je pose prudemment un pansement sur la balafre avant de m'attaquer à son nez sanguinolent. A l'aide d'un autre coton, je nettoie les tracés rouges qui s'étalent jusque sous sa lèvre inférieure. Pendant tout le processus, je sens le regard de Dany sur moi, irrémédiablement fixé sur mon visage. J'essaie de passer outre, de me concentrer sur son sang séché. Je pince mes lèvres, fronce les sourcils pour m'appliquer à ma tâche. Je vois ses lèvres en gros plan s'étirer et ses dents apparaitre.

- Seras-tu déstabilisée, ANGIE ? C'est un diminutif ?

J'entends le malin plaisir dans sa voix lorsqu'il me pose cette question avec son accent posh, prenant soin de bien appuyer sur mon prénom, qu'il mourait d'envie de connaitre. Cette fois-ci, je relève les yeux vers lui, feignant d'être agacée.

- Si tu veux plus d'informations, tu sais qu'il faut les mériter...

Un point pour Angie...

Mouché, Dany promène sa langue dans sa bouche, déformant furtivement sa joue avant de lâcher un petit rire.

- Tout se monnaye, avec toi...

Ayant fini de nettoyer le sang maculant le bas de son visage, je m'éloigne, sans répondre, exagérant ma démarche dans le but d'attirer son attention sur la partie inférieure de mon corps. Dans le reflet du miroir de la boite à pharmacie, je constate que mon stratagème a fonctionné, les yeux de Dany rivé sur mes fesses.

- Enlève ton t-shirt, je lui demande en me retournant.

Surpris, le jeune homme se relève, me surplombant de sa taille imposante. Je distingue une lueur lubrique dans son regard, que je m'empresse d'éteindre avant qu'elle ne fasse des étincelles.

- Pour le nettoyer, je précise.

- Oh...

Les joues de Dany rougissent, alors que je réprime un petit rire devant son embarras. C'est tellement facile de jouer avec lui... et de me jouer de lui. Malgré la déception perceptible, il ôte son haut, me dévoilant un torse parfaitement sculpté et imberbe. Je reste peut-être un peu trop longtemps à fixer ses plaquettes de chocolat, si j'en crois sa question :

- Tu aimes ce que tu vois ?

Sa voix est rauque et sensuelle. Je déglutis en passant mon regard de son buste parfait à ses yeux bleus, qui ont pris une teinte plus sombre. Il s'approche de moi, réduisant l'espace déjà infime entre nous.

Euh... oui ! Beaucoup, passionnément... à la folie ?

S'il veut jouer à ça, on va être deux. Je pose mes mains sur ses pectoraux et je sens des frissons se former sous mes doigts. Je les fais glisser jusqu'à atteindre ses abdos, fermes et musclés. Pendant mon exploration de son corps, il ne me lâche pas du regard, s'imprégnant de mon expression émerveillée. Mes mains bifurquent vers ses côtes et je le vois grimacer. En y regardant de plus près, je remarque un énorme bleu sur son flanc gauche.

- Putain de connard ! Il était obligé de gâcher ce moment fortement chargé en tension sexuelle, râle Dany en levant les yeux au ciel, une pointe d'humour dans la voix.

Mais aussi de frustration...

- Il ne t'a pas raté, le con ! je lance, en attrapant un tube de crème contre les hématomes. Lève le bras.

Il s'exécute et tressaille lorsque le gel transparent et froid touche sa peau blessée.

- Tu devrais voir sa tête ! Je ne l'ai pas loupé non plus ! me révèle-t-il avec difficulté, essayant de formuler sa phrase sans laisser la douleur et le froid de la pommade le gagner.

Je caresse doucement la tache violette, ressemblant à l'ecchymose de June, m'appliquant à faire pénétrer la crème qui apaisera un peu ses douleurs. J'inspecte le reste de son torse et même son dos à la recherche d'autres marques de son combat. Mais non, il semble avoir bien paré les coups de l'autre connard.

Je reviens devant lui, lâchant le résultat de mon auscultation précise et méticuleuse. Visiblement déçu de ne pas avoir été plus amoché, il me demande de vérifier de nouveau certaines zones de son visage. Je le vois venir à des kilomètres mais, avec l'énorme service qu'il nous a rendues, je me prête au jeu sans contester.

Et puis, j'en ai envie, aussi...

Sans que je m'y attende, Dany m'agrippe par les hanches et m'assoit sur le rebord du lavabo. Je lâche un petit cri de surprise, suivi par un rire que j'essaie d'étouffer. Je mets quelques secondes à me stabiliser, sans que mon derrière ne trempe dans la vasque. D'un coup de hanche, il m'écarte les jambes et vient s'y insérer, sans que ses mains ne quittent mon corps. Mon visage est à la hauteur du sien et, lorsque je pose mes mains sur ses joues, il ferme les yeux, se délectant de mon contact. Je le dévisage quelques secondes, contemplant la beauté de ses traits fins.

Je commence à explorer son visage avec mes doigts et, au niveau de la pommette, il fronce les sourcils en gémissant.

- C'est très douloureux, ici, dit-il le plus sérieusement du monde.

Je soupire un bon coup, en secouant la tête, pas dupe pour un sou. J'approche mon visage du sien et dépose un doux baiser sur l'endroit présumé de la source de son incommensurable souffrance.

- Ah, ça va mieux, lâche-t-il en gardant les yeux fermés.

Je ne peux m'empêcher de rire devant son cirque digne d'un gosse de cinq ans. Malgré tout, je continue de faire glisser mes doigts et arrive vers son menton.

- Ah oui, il m'a décroché un uppercut si violent que je n'ai plus aucune sensation à cet endroit, feint-il de se plaindre.

- Visiblement, ça n'a pas suffi à te clouer le bec, je le tacle gentiment.

Il rouvre un œil, m'avertissant sur un ton boudeur que ça ne fait pas partie du jeu. Je lève les yeux au ciel avant de m'exécuter et d'embrasser son menton. Il se laisse faire, ne profitant pas de l'occasion pour forcer un baiser, ce dont je le remercie.

- Je commence a ressentir des choses... Si tu essayais encore une fois, peut-être que tu pourrais me guérir complètement ?

Tu ne lâches pas l'affaire, Dany !

Amusée par ses tentatives ingénieuses, mes lèvres viennent de nouveau trouver la peau rasée de près du bad boy. Je m'y attarde un peu, attendant sa réaction. Elle ne se fait pas attendre. En guise de réponse, sa bouche s'étire en un immense sourire. Mais, constatant que je ne me décolle pas, son sourire laisse passer un gémissement entre ses dents, qui vient se répercuter directement dans mon bas ventre. Ses doigts se pressent un peu plus dans la peau de mes hanches, tandis que mes mains quittent son visage pour prendre appui sur ses solides épaules.

Ma bouche remonte doucement vers la sienne, tandis qu'un râle s'échappe de la gorge de Dany. J'embrasse la commissure de ses lèvres, léchant sa lèvre inférieure. Bordel, ça fait plusieurs mois que je ne me suis pas envoyée en l'air et, le moment où l'opportunité se présente, c'est le plus mauvais timing qui soit !

Je décolle ma bouche de la peau douce de Dany pour le regarder. Il ouvre ses yeux azur pour les planter dans les miens. J'ai envie de l'embrasser, de dévorer ses lèvres qui ne demandent que ça. Si je m'abandonne à mes désirs, je crains de ne plus pouvoir m'arrêter. Et, ce serait vraiment inapproprié de m'éclater alors que ma meilleure amie vient de vivre l'un des pires jours de sa vie.

Je descends de mon siège en porcelaine peu confortable, faisant reculer Dany, dont l'expression béate est devenue circonspecte.

- Je... je devrais aller voir June, je bafouille, en montrant la porte du doigt. Je vais te passer un t-shirt, aussi.

Je le contourne et, alors que je m'apprête à sortir, un cri horrible parvient à nos oreilles.

Bordel, June !


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