16.

Je n'aurais jamais imaginé le lot de drama qui entrait dans ma vie le jour où Hero est apparu. J'étais comme aveuglée par son aura, faisant abstraction de l'essentiel : le bon sens. Quand tout s'est écroulé, je n'avais plus que mes yeux pour pleurer. Souvent, je me pose la question : "Et si c'était à refaire, tu le referais ?" Est-ce que ma relation avec Hero en valait la peine, sachant le prix que je devais payer à la sortie ? Ma raison me pousserait à dire qu'il est hors de question de recommencer ces conneries mais, malgré tout, une infime partie de moi se rejetterait à corps perdu dans ce flot incessant d'émotions et de laisser aller, sans même hésiter...

*

Sur le chemin du retour, je suis assise à côté d'Angie dans le métro. Je me repasse en boucle cette scène improbable qui vient de se dérouler il y a quelques minutes au siège du London Evening Standard. Je n'arrive toujours pas à croire que j'ai revu FT, qui s'appelle en réalité Hero, et qui, de surcroît, est mannequin ! Quelles étaient vraiment les chances que nos chemins se recroisent de cette manière ? Je m'étais déjà posée la question lors de nos brèves retrouvailles au pub. Ce serait un bon début d'histoire pour les nombreuses fictions que ma meilleure amie écrit...

D'ailleurs, l'interrogatoire de cette dernière ne tarde pas à commencer. Curieuse de nature, je sais qu'elle va tout faire pour me tirer les vers du nez, jusqu'à connaitre le moindre détail. Son côté inquisiteur et sa force de persuasion m'effraient un peu, à tel point qu'elle me fait penser parfois à ces gens qui sont prêts à employer les grands moyens pour obtenir des informations capitales, quitte à aller jusqu'à la torture. Une tortionnaire, voilà le terme exact ! Je l'imagine bien, en train de proférer des menaces, un outil annonçant la douleur à venir dans la main. J'exagère un peu, mais elle aurait le profil parfait pour ce genre de "travail".

- Tu peux me dire ce qui s'est passé entre toi et ce beau mannequin avant que je n'intervienne ? demande-t-elle, le sourcil arqué avec un sourire en coin.

Je lève les yeux au ciel, tellement ma copine est prévisible. Que pourrais-je répondre à part le fait que je me suis totalement ridiculisée devant lui, tant mes hormones faisaient des siennes ?

- On a simplement discuté, c'est tout, je m'exclame, évasive.

Angie réajuste sa position sur son siège pour me faire face, plus dubitative que jamais. Elle plisse les yeux, me sondant à la recherche de l'autre vérité, celle que je veux lui cacher.

- On a vraiment échangé des banalités, rien de bien excitant, crois-moi ! j'insiste, en levant un peu la voix, tous les muscles de mon visage entrant en action pour donner du poids à mes mots.

- Hmmm... alors explique-moi pourquoi ce bel apollon était en train de te bouffer littéralement du regard quand je suis arrivée ?

Elle a vraiment un don pour tout exagérer. Enfin... je dois avouer que ses yeux verts me transperçaient et je pouvais sentir une brûlure intense à chaque fois qu'ils se posaient sur moi.

- Tu te fais des idées... il ne me "bouffait" pas du regard, arrête.

Je détourne la tête, agacée par ses sous-entendus. Et si c'était le cas ? S'il me dévorait vraiment de ses iris émeraude ? J'avoue que... ça ne me déplairait pas...

Non, il ne faut pas que je pense à ça. De toute façon, rien n'en découlerait de bon. Son comportement cordial au journal n'avait rien à voir avec sa manière d'agir en boite. Plus provocateur, plus bestial. Et, au pub, il était plus charmeur qu'autre chose. Combien de facettes possède ce cher Hero ?

Alors que le métro s'arrête à notre station, nous descendons et regagnons rapidement l'appartement d'Angie. Cette dernière insiste pour que j'enfile une tenue moins formelle, plus attrayante, pour reprendre ses mots. Je ne veux pas être attrayante, je veux seulement réaliser quelques photos qui pourraient m'ouvrir les portes d'un nouvel avenir. Mais, à quoi bon insister ? Angie aura toujours le dernier mot.

Une fois dans la chambre de celle-ci, je réalise que toute mes vêtements-- et donc, tout ce que je possède -- se trouvent dans l'appartement de Matt. Argh... la tuile ! Moi qui ne voulais plus le revoir, je vais être obligée de l'affronter une dernière fois, pour la partie la plus réjouissante d'une rupture : la récupération de mes affaires. J'ai toujours comparé cela à une "marche de la honte", un peu comme dans "Game of Thrones", la scène où Cersei déambule dans la rue, nue, en train de se faire insulter et cracher dessus, avec l'espèce de fanatique agitant sa cloche et scandant "Infamie". Bien sûr, ma marche à moi sera moins publique et moins sale, mais tout aussi humiliante. D'accord, je grossis beaucoup le trait. Mais c'est la faute d'Angie, aussi... Sa tendance à l'exagération déteint sur moi !

Chassant cette déplaisante perspective de l'esprit, je me concentre sur le dressing de ma meilleure amie. J'opte pour un legging noir et des Converses pour le bas et un sweatshirt rose pâle à capuche. Je préfère une tenue décontractée, ne sachant pas ce que Hero a en tête pour ce photoshoot. Rien de bien extravagant, j'espère.

Il fait encore jour lorsque je m'aventure dans les rues de Londres, en direction du point de rendez-vous donné par le mannequin. Mon appareil photo passé en bandoulière, je suis prête à accomplir ma tâche. Hero m'a envoyé l'adresse d'un pub un peu excentré. S'il croit pouvoir me faire picoler avant de... Pourquoi voudrait-il me faire boire, en premier lieu ? Il faut que j'arrête de voir le mal partout. Je n'ai jamais été parano, ou quoi que ce soit, ni même jalouse, mais la trahison, pourtant récente, de mon ancien petit-ami a déjà laissé ses marques. Je dois me raisonner et ne pas laisser cette psychose prendre trop d'importance dans mon esprit. Ce n'est pas parce que Matt est une enflure de première que tous les autres hommes le sont. Bon, la plupart d'entre eux, mais il y a toujours l'exception à la règle.

Quelques minutes et plusieurs stations de métro plus tard, j'atteins le point de chute et j'aperçois Hero adossé au mur en briques du pub élégamment nommé "Sherlock Holmes", situé dans le quartier de St James. Tout de noir vêtu, il est en train de fumer une cigarette. Cette vision, aussi simple soit-elle, me coupe le souffle. Il a beaucoup d'élégance dans ses gestes et la manière dont il recrache le nuage blanc de sa bouche...

June ! Arrête de t'extasier et va le voir !

Je secoue la tête, histoire de reprendre un peu contenance et m'approche de lui. Lorsqu'il remarque ma présence, il se redresse, écrase sa cigarette dans la poubelle prévue à cet effet à côté de lui et s'avance vers moi. Il a une prestance de folie !

En arrivant à ma hauteur, il me gratifie d'un sourire en coin. Le même style de ceux qui me faisaient déjà fondre au siège du quotidien.

- Salut, me dit-il de sa voix douce.

- Salut.

- Suis-moi.

Il me passe devant et se dirige vers une moto garée juste devant la terrasse du pub. N'ayant pas bougé de ma place, je le regarde prendre un des deux casques pendant au guidon et enfourcher la large selle de l'engin. Il se retourne vers moi et me tend un des deux casques.

- Tu viens ?

Je m'avance prudemment vers lui. Je dois dire que je ne l'imaginais pas faire de la moto. Après tout, qu'est-ce que je sais de lui ? Hormis son prénom, sa profession, et son goût pour allumer les filles sur les pistes de danse des boites de nuit ?

- Euh... non, je réponds en m'arrêtant à une distance raisonnable de lui. Je n'aime pas ces machines de la mort et il est hors de question que j'y monte dessus.

Il détourne le regard et se met étonnamment à rire -- Seigneur, ce son aura ma peau ! -- coinçant le bout de sa langue entre ses dents. Peut-il être plus sexy qu'en ce moment ?

JUNE ! ICI LA TERRE !

- Libre à toi. Mais le quartier où j'ai prévu le photoshoot craint légèrement, surtout que la nuit est sur le point de tomber, et je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose. Donc, je pense que tu seras plus en sécurité sur cette moto qu'à pied.

- Et dans quel endroit si dangereux que ça comptes-tu m'emmener ? je lui demande, avec un certain aplomb.

Lui aussi doit avoir cette exténuante tendance à dramatiser.

- Wormwood Scrubs.

Mon petit air suffisant disparait instantanément. Alors là, pour le coup, on ne va pas visiter le quartier le plus touristique de la capitale anglaise. Wormwood Scrubs abrite une des prisons les plus sécurisées de la ville. De redoutables criminels y sont enfermés. Pourquoi diable m'emmènerait-il là-bas ?

- Il y a un très joli parc à proximité, répond le jeune homme à ma question silencieuse. J'ai pensé que ce serait parfait pour ton exercice.

- Londres est bourrée de parcs, je rétorque, sur la défensive, en croisant les bras sur ma poitrine. Pourquoi choisir un coupe-gorge comme celui-ci ?

S'il voulait me ficher la trouille, c'est réussi. Je ne monterais pas avec lui sur cette moto pour potentiellement tomber sur un criminel en fuite qui nous tuerait et abandonnerait nos corps dans un vieux fossé.

- Parce que c'est le plus joli. Allez, monte, avant qu'on perde cette belle lumière du jour.

Constatant que je fais de la résistance, Hero pose le casque devant lui et passe une main dans ses cheveux.

- Écoute, tu as le choix. Soit, on fait les photos là-bas et je peux te garantir que tu auras le job, soit tu rentres chez toi, bredouille, et tu peux dire adieu à la séance de vendredi...

Rapidement, le mannequin est passé de sexy à agaçant. Il me fait tellement penser à Angie... Angie, qui s'est démenée comme une malade pour m'avoir cet entretien au ES London et qui a plaidé ma cause auprès de la rédactrice en chef pour prouver la valeur de mon travail... Pour ne pas que ses efforts soient vains, je me dois de monter sur cette satanée moto. Elle ne me le pardonnerait pas, autrement.

En soupirant, je m'approche de lui, m'empare du casque se trouvant entre ses jambes et l'enfile, le défiant du regard, ce qui ne manque pas de l'amuser. Malheureusement, je n'arrive pas à fermer les deux jugulaires sous mon menton. Le système d'accroche glisse sans arrêt entre mes doigts maladroits.

- Laisse-moi faire, dit-il en portant son regard sur mes mains, les dégageant gentiment au passage.

Je note la froideur de ses longs doigts, s'attelant à assurer ma sécurité lorsque je serais derrière lui pendant ce trajet, frôlant ma peau à plusieurs reprises. La sienne est douce. D'ailleurs, il me semble que ce parc n'est pas tout près du pub...

- Et voilà... murmure-t-il, avant d'ancrer son regard vert dans le mien. Tu ne risques plus rien.

Si tu continues de me fixer comme ça, rien n'est moins sûr...

J'enjambe la selle et prends place derrière Hero. Je passe mes bras autour de sa taille en prenant soin de bien me coller à lui. C'est la première fois que je monte sur un engin pareil, alors j'appréhende un peu. Je ne sais pas exactement où positionner mes mains. Je tâtonne jusqu'à trouver une place adéquate. Mon modèle d'un soir, qui a enfilé son casque plus vite que le mien, tourne la tête vers moi.

- Ce n'est pas que ça me déplaît... au contraire, pouffe-t-il, mais il faut mieux que tu encercles ma taille pour que je sois plus à l'aise pour conduire.

Je rougis instantanément. De plus, je sens ses mains saisir les miennes pour les placer correctement afin qu'il ne soit pas gêné. J'ai l'impression de me retrouver dans une scène du film "Trois mètres au-dessus du ciel", quand l'héroïne est obligée de monter sur la moto du bad boy et qu'elle ignore comment faire. A cet instant, je suis Babi. Hero est H, et le beau gosse du film n'a rien à lui envier.

- Prête ? lance Hero en démarrant la moto.

Pas le choix, faut y aller.

Je hoche la tête et je me sens partir en arrière, resserrant un peu plus mon étreinte. C'était vraiment une mauvaise idée, je le savais ! Je me maudis intérieurement d'avoir accepté !

Au fur et à mesure que les kilomètres défilent sous les deux roues de l'engin, je commence à ouvrir les yeux. Nous sommes encore en vie et Hero semble maîtriser son moyen de locomotion. Je me redresse légèrement, desserrant un peu mon enlacement et scrute les environs. Très peu de circulation occupe les rues, nous offrant un boulevard pour nous balader.

Je constate rapidement que je n'ai jamais arpenté cette partie de Londres. Nous sommes vraiment à l'ouest de la ville. Je me suis toujours contentée rester vers le centre et quand mon côté aventurier se réveillait, j'étais capable d'aller jusqu'aux limites de West Norwood.

La moto finit par se garer à proximité de grilles entourant le périmètre du parc. Hero éteint le moteur et d'un coup de pied élégant, sort la béquille servant à tenir le véhicule debout. Je descends la première, arrivant à retirer mon casque toute seule, avec une certaine fierté. Le mannequin en fait tout autant, passant une main dans ses cheveux pour les remettre en place. Ayant laissé mes cheveux lâches, je me demande quel tête je peux bien avoir. J'essaie de coiffer à la va-vite ma tignasse indisciplinée. Note mentale à moi-même : prendre IMPÉRATIVEMENT rendez-vous chez le coiffeur !

Nous nous dirigeons vers l'entrée du parc. Le crépuscule n'est pas loin, mais je pense que nous avons le temps de réaliser une série de clichés avec suffisamment de lumière. Hero me précède, ouvrant la voie. Il semble connaitre les recoins de cet endroit.

Il y a très peu de verdure, ce qui est un peu étrange pour un parc. Les chemins sont pavés et les arbres et buissons ne sont pas du tout entretenus. Contrairement aux autres espaces verts de Londres, celui-ci semble à l'abandon. C'est dommage.

Nous finissons par arriver devant une espèce de grotte moderne, avec une entrée bétonnée. Les pierres la constituant sont des énormes blocs d'ardoises empilées comme des briques, plus ou moins colorées. Je dois reconnaitre que ce lieu a un certain charme et se prête facilement à une séance photo.

- On est arrivé, m'annonce Hero en levant les bras devant cette grotte. Je t'avais dit que c'était un bon cadre pour tes portraits.

Je pince mes lèvres en une moue faussement boudeuse, ce qui le fait sourire.

- Alors, dis-moi comment tu veux procéder, me dit-il, prêt à exaucer tous mes vœux, tel le génie de la lampe.

J'examine rapidement l'endroit, à la recherche de bons coins où mon modèle pourrait poser. Mes yeux passent frénétiquement d'un coin à l'autre, sans vraiment réussir à me décider. Je dois utiliser les points forts de cette grotte ainsi que ceux de mon mannequin. C'est tellement plus simple de prendre des gens dans leur spontanéité la plus sincère que de préparer une pose à l'avance.

A vrai dire, je ne suis pas du tout à l'aise dans cet exercice. Je suis même perdue. On dirait vraiment une débutante ! Quel embarras !

L'affolement me gagne, ne sachant pas quoi faire. Ma respiration s'accélère. La crise de panique est à deux doigts de s'inviter à la fête.

Soudain, Hero se poste devant moi et se penche pour me faire face.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? me demande-t-il, aucun jugement dans la voix.

- Je... je ne sais pas. Je n'ai aucune idée qui me vient pour faire une bonne photo, j'avoue honteusement. Je ne suis peut-être pas faite pour ce métier, après tout. Je devrais me contenter de mon emploi de vendeuse au magasin et...

- Hey ! me coupe le sublime modèle en face de moi, me forçant à le regarder. Et si tu arrêtais un peu de douter de toi, non ? Tu ne connais pas les lieux. Approprie-les toi, prends le temps qu'il te faut. Laisse-les te parler et tu verras, ça va venir tout seul...

Hero s'éloigne de moi et, mettant mes interrogations plus qu'exaspérantes de côté, je commence à inspecter les environs. Son conseil porte ses fruits car, quelques minutes plus tard, une idée de pose me vient à l'esprit. Je demande à mon compagnon du soir de s'installer sur un rocher plat et de prendre appui dessus. Le jeune homme s'exécute et s'allonge de coté sur la pierre. Il ouvre son blouson noir, laissant apparaitre un haut vert, assorti à la couleur de ses yeux, avant de fourrer ses mains dans les poches. Une fois ma lumière dosée et mon angle calculé, je commence à prendre des clichés. Plusieurs, pour être sûre d'en avoir un de valide.

Le reste des photos s'enchaînent à une rapidité déconcertante. Hero debout contre la paroi de la grotte, Hero sortant de cette antre tout en décontraction et classe, Hero "jouant à cache-cache avec l'objectif"... Cette dernière pose me fait rire.

En faisant défiler mes prises sur l'écran de mon appareil, je suis plutôt satisfaite de mon travail. Je zoome de temps à autre pour être certaine que tous les détails sont nets. Pas de place au flou, même artistique ! Hero, derrière moi, regarde les photos avec attention, et commente même certaines d'entre elles, lui aussi assez content du résultat. Son avis compte tout autant, ayant gratuitement prêté son image pour ce shoot improvisé.

- Euh... il manque... au moins... un portrait, je bafouille.

Nous sommes venus pour faire expressément des portraits, et c'est la seule chose que je n'ai pas fait. Je suis vraiment gourde ! Et puis, je ne veux pas profiter du temps ni de la générosité du mannequin. Il m'en a déjà assez accordé comme ça.

- Sinon, laisse tomber, je lance d'une voix plus aiguë que d'habitude, trahissant ma nervosité. Cela fera l'aff...

- Fais ton portrait, me dit-il calmement en se postant devant moi.

De nouveau, je cherche un cadre parfait pour ce dernier cliché. Je repère assez vite un buisson un peu feuillu qui serait parfait pour accompagner mon modèle. Ce dernier se positionne selon mes instructions et je pointe mon arme de prédilection sur lui. A l'aide de mon viseur, je cadre son beau visage et mes yeux sont troublés par son regard braqué sur moi. Même à travers l'appareil, je le sens me scruter, au plus profond de mon âme. Mon cœur martèle, comme à chaque fois qu'il est proche de moi. Le voyant de près, ce garçon est vraiment magnifique. De plus, avec cette lumière, ses iris ont des nuances de bleu.

A regret, j'appuie sur le bouton de prise de vue et le portrait est dans la boite, mettant fin à cet échange plus qu'ensorceleur.

- Merci beaucoup d'avoir été mon modèle, je lui dis avec un sourire timide.

- Tout le plaisir est pour moi, June.

Cette fois-ci, les derniers rayons du soleil disparaissent à l'horizon, plongeant le quartier dans une claire obscurité. La dernière photo a été prise à temps.

Nous prenons le temps de regagner la moto. Très peu de monde se baladent dans le parc, nous donnant l'impression d'être seuls au monde. Seuls les bruits des voitures nous rappellent la réalité.

- J'espère vraiment épater Veronica avec ces photos, je lance, en regardant vers le ciel.

- Ah, je ne m'en fais pas. En tant que mannequin professionnel, je peux t'assurer qu'elles valent le coup et Veronica saura déceler ton potentiel et ton talent.

Les paroles de Hero me réconfortent. Je suis vraiment heureuse d'avoir partagé ce moment avec lui, malgré mes réticences. En repassant cette journée dans ma tête, je peux maintenant confirmer qu'elle a commencé de la pire des façons pour se terminer sur une note des plus positives.

- Qui est Matt ? demande Hero, brisant le silence ambiant.

Je me retourne vers lui, surprise et déroutée par sa question. D'où connait-il Matt ?

- Euh... c'est... c'était mon petit-ami, je réponds, encore sous le choc de son interrogation. Mais comment sais-t...

- Tout à l'heure, ta copine aux cheveux rouges a mentionné un certain Matt et toi... et... enfin, tu n'es pas obligée de répondre...

Je le sens mal à l'aise. Les rôles s'inversent pour la première fois. Et ce n'est pas franchement déplaisant de le voir un peu gêné. Ça accentue son côté enfantin, que je trouve adorable.

- Ouais... euh... on a rompu aujourd'hui, je lâche.

Cela est toujours aussi pénible à évoquer mais, étrangement, je ressens moins de tristesse par rapport à cette rupture.

- Oh... je suis désolé, s'excuse Hero.

Je secoue la tête, pour lui assurer qu'il n'a pas besoin de l'être.

- Le pire dans cette histoire, ce n'est pas tellement ce qu'il a fait pour précipiter la fin de notre relation que son comportement toutes ces années. Je ne me suis jamais aperçue à quel point il me pourrissait la vie et... je le laissais faire. Et tout ça, par amour ! je pouffe. Et voilà comment j'ai été récompensée...

Nous continuons de marcher dans le calme jusqu'à ce que je brise de nouveau le silence :

- Mais heureusement, dans mon malheur, je sais que je peux compter sur mes deux amies, Jade et Angie. D'ailleurs, ne dis jamais devant elle qu'elle a les cheveux rouges. C'est un sujet sensible pour elle... Elle les a couleur prune, dis-je en riant.

- Je tâcherais de m'en souvenir, pouffe Hero faussement sérieux, lâchant ce son toujours aussi mélodieux à mes oreilles.

Nous arrivons à l'orée du parc et montons sur la moto, direction Whitechapel, le quartier où se trouve l'appartement d'Angie.

Après vingt minutes de trajet, Hero se gare en bas de l'immeuble. Je descends de l'engin, de plus en plus en confiance avec ce type de locomotion. Je suis heureuse de m'être fait violence et d'avoir bravé mes doutes par rapport à ça, et au reste aussi. Je tends le casque à mon chauffeur.

- Merci encore pour tout. Pas seulement pour les photos, mais pour m'avoir aidé à y arriver, et pour ce baptême du feu, je dis, en tapotant la sellerie en cuir du deux-roues.

- Tu me tiendras au courant du verdict de Veronica, me demande Hero. J'aimerais savoir si j'aurais le plaisir de te revoir vendredi...

Il veut me revoir... enfin, il ne l'a pas dit comme ça, mais c'est tout comme, non ?

Je ne peux m'empêcher de sourire, mais j'essaie de contenir mes hormones qui sont sur le point de prendre le contrôle de ma sanité.

- Bien sûr. D'ailleurs, j'aimerais faire quelque chose pour toi, pour te remercier, comme il se doit.

Il hausse ses sourcils noirs bien fournis et parfaitement dessinés, surpris par ma suggestion, avant qu'un sourire malicieux n'envahisse le bas de son visage.

- Comme il se doit ? répète-t-il d'une voix enjôleuse.

Évidemment, il fallait qu'il le prenne dans ce sens-là. Je lève les yeux au ciel, feignant l'exaspération avant de me mettre à rire.

- Dans la limite du raisonnable, je le recadre gentiment. Je peux t'offrir un verre, ou même un restau, tant qu'on y est !

Il se joint à mon hilarité avant de me faire signe d'approcher. Je m'exécute et lorsqu'il se penche vers moi, collant sa bouche contre mon oreille, mon corps tressaille et mon cœur rate un battement, au moment où il me susurre :

- Et continuer la danse qu'on a commencé dans cette boite de nuit, ça te parait raisonnable ?


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