Mon père est entrain de signer les derniers papiers avec l'agent immobilier, pendant que ma soeur contemple une dernière fois le rosier préféré de maman.

Cette maison ,où j'ai passé toute ma vie jusqu'à présent, va devenir la maison de quelqu'un d'autre.
A cause de moi, ma soeur et mon père ne vont plus pouvoir se promener dans les allées du jardin que maman a mis toute une vie à construire. A cause de moi, ils doivent quitter cette maison où tous nos souvenirs avec maman résident.

Elle serait tellement déçue. Je revois déjà la sévérité de son visage quand je faisais des conneries, mais elle finissait toujours par me sourire, 
Je prends mon sac et m'éloigne vers la voiture.
Je ne peux plus supporter le regard si triste de ma Méghan. Elle n'a que six ans et déjà la vie lui a pris sa mère.
J'ai eu la chance de connaître vraiment notre mère, elle, elle n'en gardera que d'infimes souvenirs.

Installé du côté passager, mon casque sur les oreilles, je fixe l'horizon, attendant notre départ.

...

Plus de deux heures passées silencieusement près de mon paternel à écouter des morceaux d'eminem et à entendre Méghan pleurer, tout en faisant comme si je ne l'entendais pas, nous arrivons à l'aéroport.  Je descends de la voiture louée par mon père, prends mon sac et me dirige directement vers le coffre pour en sortir nos valises. Mon père me rejoint avec ma soeur dans les bras, encore des yeux rougis. Je n'ose pas la regarder tellement j'ai mal en la voyant ainsi. 

Dans quelques jours, ça fera un an que maman est partie. L'anniversaire.. Je trouve le mot complètement inapproprié pour une mort, mais visiblement c'est comme ça. Je sais qu'on y pense tous en ce moment, ces 362 jours sans elle ont été horribles, bientôt, on comptera en années. 

Une bouffée d'air frais me caresse le visage, j'en profite pour prendre une grande inspiration pour me donner du courage. Un coup d'oeil vers l'entrée de l'aéroport, déjà bondée à cette heure-ci, c'est bientôt l'heure du départ. 

D'après papa, partir ici pour aller à Paris chez sa mère, sera un nouveau départ pour tous les trois.
Mamie pourra apporter à Mégh ce qu'il lui manque depuis que maman n'est plus la, et moi, il espère qu'être loin de mon ancien quartier m'évitera de me créer de nouveaux soucis.
Au départ, j'étais en colère quand il m'a dit qu'on déménageait, mais le  juge m'a convaincu que c'était la meilleure solution pour mon équilibre et pour éviter les représailles de Mike Barber. Il n'avait pas tort, à cause de moi, les flics sont remontés jusqu'à lui et il a été arrêté et croupit en prison. Bref.. 

_ Allez les enfants, on est déjà bien en retard. 
Mon père traîne la grosse valise de Megh tout en la portant, tandis que moi, je me charge du reste. 

***

C'est sans encombres que nous montons dans l'avion. Mon père et Meghan sont près l'un de l'autre, vers le fond, moi par contre, j'ai eu droit d'être seul, et entre deux personnes. La place du milieu, la pire qu'il puisse avoir, je trouve, tu peux pas bouger et tu vois rien dans le hublot. 

Je m'assois difficilement entre un homme assez vieux, et une femme d'une trentaine d'années environ. Mais vu son air de pimbêche mal baisée, je pense qu'on ne discutera pas du voyage. Le vieux papy près du hublot semble sympathique. 

Je souffle un bon coup, puis sort mon casque que je branche à mon téléphone. On en a pour plus de 7h de vol, je sens que ça va être très très long. 
Ma tête appuyée contre le dossier, je fais défiler mes playlists, quand tout à coup, une bruit sourd me fait sursauter. 

La femme près de moi est déjà entrain de gueuler sur la jeune fille debout dans le couloir près d'elle. Visiblement, elle a fait tomber son sac qu'elle essayait de mettre dans le casier au dessus de ma chère voisine. Quand j'entends la fille lui répondre, je lui jette un oeil. Son accent pourri me fait sourire, elle, elle est française c'est sûr. C'est une brune, les cheveux attachés dans une queue de cheval assez haute, elle est très jolie surtout avec cet air confus. Je lui souris, en levant les yeux, en montrant ma voisine, elle me sourit et part s'asseoir dans l'allée de sièges du milieu, après avoir encore dit trois fois "sorry" à la mégère près de moi. 

Je lance une playlist d'un rappeur français que mon cousin m'a amené la semaine dernière, puis attend le décollage.