Chapitre 15




Meredith se réveilla dans un endroit inconnu. Le grand lit à baldaquin, les murs sombres décorés de motifs complexes, les meubles en nacre blanc -qui tournaient plus au gris dans l'obscurité ambiante... rien ne lui était familier. La migraine, la même qui l'assaillait à chaque fois qu'elle utilisait ses dons, germa au creux de ses tempes que la draïkar massa en fermant les yeux.

Lorsque la douleur se tut un peu, elle rejeta les draps soyeux qui l'enveloppaient et, à pas feutrés, se dirigea vers l'unique fenêtre de la pièce. A la lumière du clair de lune, elle devina les hautes tourelles au rainures raffinées, les riches maisons s'élevant sur plusieurs étages, les larges ruelles propres et impeccablement pavées... Les récits de sa grand-mère se rappelèrent à elle, chuchotant leurs contes incessamment à ses oreilles. Ils étaient flous, lointains, mais assez clair pour qu'elle comprenne. Elle était passée.

Elle était dans les Lymbes.

Des bruits de pas dans le couloir la firent sursauter. Elle se tourna vers la porte, fixant la poignée qui ne tarda pas à s'abaisser. Un homme grand et imposant – aux traits cependant trop obscures pour être précisément décrit- apparut dans l'encadrement, chandelier en main.

« Heureux de vous savoir réveillée, salua-t-il d'un ton calme et posé qui s'accordait parfaitement à sa voix grave et mélodieuse. Je commençais à m'inquiéter. »

Meredith ne répondit pas et se contenta de dévisager le nouveau venu. Il n'avait pas la même carrure -ni la même présence d'ailleurs- que l'homme qui les avaient attaqués (par la Déesse, elle espérait que Sophie et Alex soient idem...). Pourtant, elle sentait qu'ils étaient liés. Sinon, que ferait-elle ici ?

« Je me nomme Régnus Dwyr, se présenta l'inconnu en posant son chandelier sur la petite table ronde près de la porte. C'est un plaisir de vous accueillir chez nous. »

Meredith se raidit. Dwyr... l'une des Grandes Familles qui régissaient ce monde. Aussitôt, la méfiance de la draïkar s'accrût. L'homme- Régnus si ses dires étaient véridiques - leva les yeux et murmura quelques mots incompréhensibles. Aussitôt, les bougies du large lustre suspendu au plafond s'enflammèrent et nimbèrent la pièce d'une douce lueur orangée. Meredith, surprise et aveuglé par brusque changement de luminosité, plissa les yeux. Dans cette nouvelle clarté -bien que médiocre - elle put discerner les cheveux bruns tombant sur ses épaules, la peau trop mate pour n'être dû qu'à l'obscurité et les yeux sombres, marron ou verts, de l'homme qui lui faisait face. Et outre sa prestation, sa robe d'un blanc éclatant lui permit aisément de deviner sa fonction.

Un mage.

« Chez nous ? » demanda-t-elle, toujours -si c'est n'était encore plus- sur ses gardes.

Elle grimaça au son de sa voix cassée et enrouée, comme si elle n'avait pas servi depuis un moment. Combien de temps avait-elle dormit ?

« Deux jours et deux nuits » lui apprit Régnus en l'observant.

Deux jours et deux nuits ? Qu'avait bien put lui faire cet homme pour qu'elle reste inconsciente tout ce temps ? Ou alors était-ce l'utilisation de son pouvoir qui... Elle interrompit soudain ses réflexions, réalisant un détail si flagrant qu'il ne pouvait plus être qualifié comme tel.

Elle n'avait pas ouvert la bouche.

Meredith écarquilla les yeux. Cet homme était bien plus qu'un simple mage. C'était un Liseur d'Âme.

Un télépathe.

« Un télépathe ? releva l'homme se tenant le menton. Quel mot singulier. Mais qu'importe, je pensais que vous le devineriez plus promptement. Je suis...déçu. »

Après quelques temps de latence, Meredith se ressaisit. Elle braqua aussitôt son esprit, le refermant comme une huître, et expulsa du même coup la présence imperceptible qui s'y trouvait. Régnus, nullement surpris par ce brusque bannissement, haussa les épaules en commentant :

« Alors les rumeurs sur les draïkars étaient exactes. Vous pouvez réellement résister au Don.

-Pourquoi m'avez-vous emmené ici ? Où somme nous ?

- À Ildeh, l'une des capitales de Thehir. Quant au pourquoi, nul besoin de décrypter vos pensées pour aisément deviner que vous vous en êtes déjà fait une petite idée »

Aria.

Meredith fut tout aussi glacée que soulagée. Ces hommes n'avaient pas mis la main sur sa nièce, elle les en avait empêchés. Mais cela ne présageait rien de bon pour elle.

« Je ne vous direz rien, déclara-t-elle. Qu'importe ce que vous me ferez, je ne trahirais pas ma mission.

-Voilà une chose qui se révélera dérangeante. Sachez que quoi qu'il en coûte, nous obtiendrons ces informations. Alors autant que cela soit sans douleur pour vous, vous ne pensez pas ? »

Meredith se mura dans le silence. Un frisson lui parcourut l'échine. Qu'allaient-ils lui faire si elle refusait de parler ? Malgré tous ses efforts, elle ne pouvait se l'imaginer. Combien de temps tiendrait-elle avant de leur révéler ce qu'ils cherchaient ? Elle l'ignorait et cela la terrifiait. Elle hésita. Peut-être devait elle leur dire, cela lui épargnerait bien des souffrances. Mais quel sort lui réserverait la Déesse si elle trahissait sa confiance ? Cela serait certainement pire que la plupart des tortures.

Voyant dans son regard qu'elle ne ploierait pas, Régnus soupira. Lui qui voulait éviter les peines inutiles... Se reculant au fin fond de son esprit, il étendit sa perception jusqu'à frôler la conscience du mercenaire qui attendait patiemment au bout du couloir. Il retint un soupir en sentant le désir qui croissait chez le jeune homme et, d'un ton détaché, lui transmit ses ordres.

Elle ne dira rien. Tu peux venir la chercher.

Une nouvelle fois, Ayan ne parut nullement surpris d'entendre la voix du mage dans sa tête -contrairement à la plupart de gens – et se dirigea d'un pas pressé vers la chambre.

« Je suis désolé, s'excusa-t-il auprès de la femme qui le regardait toujours avec méfiance. J'aurais apprécié procéder autrement, mais cela semble impossible. »

Ayan entra dans la pièce et Régnus vit la draïkar se raidir en le reconnaissant. Avec un dernier regard désolé, il quitta la chambre, laissant la femme aux mains du mercenaire. Et à peine avait il atteint le bout du couloir, qu'un cri strident retentit

Ayan n'avait pas eu la patience de l'emmener jusqu'à la salle de torture.

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