Chapitre 1
Pouvoir est synonyme de perdition.
Le murmure, doux et familier, se dissipa ne laissant derrière lui que le vide. Un néant froid et absolu. Froid comme les gouttes de pluie qui roulaient sur mon visage.
J'ouvris les yeux. Au-dessus de moi se dessinaient les branchages d'immenses arbres dépourvus de feuilles. Je me redressai mais aussitôt ma tête se comprima dans un étau qui me fit gémir. Lorsque la douleur passa, je remarquai enfin où je me trouvais : une forêt.
N'étais-je pas dans mon appartement quelques instants plutôt ? Perdue, je me relevai. Brutalement, les souvenirs affluèrent, m'écrasant sous leur poids. Ma mère qui pleurait, ma tante qui criait, mon frère qui gémissait. Et cet homme...
Je titubai et m'appuyai contre un tronc pour retrouver mon équilibre. Que m'avait dit ma tante déjà ?
« Suis les instructions de la lettre. »
Je fourrai mes mains dans mes poches et en sortis une feuille jaunie et cornée. Pour ne pas la déchirer, je la dépliai précautionneusement et découvris une écriture cursive qui m'était inconnue. De nombreux passages étaient incompréhensibles, mais je parvins à déchiffrer quelques mots :
Notre ancêtre... parlé...miraculeux : le Don... Ces terres... les Lymbes...se rendre au sanctuaire du Mont Lera...d'Irsha.
Qu'est-ce que ça signifiait ? Où devais-je me rendre ? Je ne comprenais absolument rien. Qu'est-ce que ma tante m'avait dit d'autre ?
***
Le soleil tapait haut dans le ciel. Le professeur expliquait son cours mais je ne l'écoutais pas. Je préférais observer les gens au dehors qui s'amoncelaient en petits groupes, discutaient et riaient. Ils avaient l'air heureux, sociables et intégrés.
Tout mon contraire.
D'un œil morne, j'observai la place à côté de moi. Vide, comme à son habitude. Je soupirai en m'enfonçant un peu plus sur ma chaise.
L'heure de cours passa, longue et ennuyante, avant que la sonnerie n'annonce enfin la fin de cette journée interminable. Je quittai la salle et me dirigeai d'un pas rapide vers l'entrée du lycée, là où Émie m'attendait.
Je la trouvai en compagnie d'une dizaine de personnes et mon cœur se pinça légèrement. Je rabattis ma capuche sur mes cheveux bruns et me tins à l'écart du groupe en me faisant le plus discrète possible. Je voulus attendre qu'il y ait moins de monde avant de rejoindre Émie, mais mon amie ne m'en laissa pas l'occasion.
« Aria ! » m'appela-t-elle en me remarquant malgré mes efforts pour passer inaperçue.
Je rentrai ma tête dans mes épaules lorsqu'elle se dirigea vers moi, faussant compagnie à ses interlocuteurs.
« Ça fait longtemps que t'es là ? me demanda-t-elle. Pourquoi t'es pas venue me voir ?
— Tu sais très bien que je ne suis pas à l'aise quand il y a trop de monde »
Émie soupira en secouant la tête.
« T'es pas croyable, geignit-elle. Ils mordent pas tu sais ? Faut que t'arrêtes de faire ta timide comme ça...
—Je ne fais pas ma timide, je ne sais juste pas quoi leur dire. »
Émie me dévisagea un moment avant de lever les mains en l'air, désespérée.
« Bon, laisse tomber, lâcha-t-elle. Allez viens, on y va. »
Elle m'attrapa le poignet et traversa la foule de lycéens qui attendait pour sortir. Une fois à l'écart de l'attroupement, elle me lâcha et nous empruntâmes le chemin que nous suivions tous les jours pour rentrer chez nous.
Émie et moi n'habitions pas vraiment à côté, nos maisons ne se trouvant pas dans le même quartier. Pourtant, nous faisions toujours le trajet du retour ensemble ; autant pour nous retrouver après une journée où nous n'avions eu que peu d'occasions de nous croiser, qu'à cause du fait qu'aucune de nous deux n'était à l'aise à l'idée de rentrer seule.
Nous nous organisions donc comme nous le pouvions : nous rentrions toutes les deux chez l'une attendant que les parents de l'autre puissent venir la chercher, ou alors, lorsque c'était impossible, nous nous séparions au dernier moment et nous nous envoyions régulièrement des messages, voir nous nous appelions jusqu'à ce que nous soyions respectivement rentrées chez nous.
Alors que nous marchions, je sentis le regard d'Émie posé sur moi. Je me tournai vers elle et croisai ses grands yeux bleus qui me dévisageaient.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en remontant mon sac à dos sur mon épaule.
— T'as toujours du mal à dormir ? » fit-elle en replaçant une boucle blonde derrière son oreille.
Je haussai un sourcil.
« Comment ?
— Tes cernes. »
Je portai mes doigts sur les larges poches sombres qui soulignaient mes yeux noisette. J'avais tenté de les dissimuler avec du maquillage.
Apparemment, ça n'avait pas fonctionné.
« Encore ce cauchemar ? » demanda Émie.
Je hochai la tête et saisis une mèche de cheveux que j'entortillai autour de mon doigt.
« Dès que je ferme les yeux, les images reviennent, avouai-je en baissant la tête. Ça me réveille et je n'arrive plus à dormir. Ça ne te le fait pas à toi ?
— Si, parfois, fit-elle. Mais les somnifères m'aident à me rendormir.
— Tu as de la chance. »
Nous parcourûmes quelques mètres en silence, chacune plongée dans ses pensées.
« Tu veux venir dormir chez moi ce soir ? demanda soudainement Émie.
— Quoi ?
—Je pourrai te passer des somnifères, ajouta-t-elle. Et si ça ne marche pas, avoir de la compagnie sera toujours mieux que de passer une nuit blanche seule. »
Je gardai le silence un moment, étudiant sa proposition.
« Merci, murmurai-je finalement en lui adressant un sourire reconnaissant. Mais tu sais comment est ma mère... »
Émie grimaça en se rappelant ce détail. Ma mère avait tendance à être surprotectrice - mon frère aussi d'ailleurs - et elle était souvent réticente quant au fait que je passe une nuit en dehors de la maison.
Surtout sachant ce qui s'était produit la dernière fois...
« Passe au moins récupérer les somnifères, suggéra-t-elle. En plus, j'ai quelque chose à te montrer et ma mère sera contente de te voir. »
Intriguée, j'acceptai. Mon téléphone sonna alors et le visage grimaçant de mon frère, Alex, apparu sur l'écran. Après un froncement de sourcil, je décrochai.
« C'est rare que tu m'appelles, raillai-je. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Aria, faut que tu rentres, me somma-t-il d'un ton grave. Tout de suite. »
Mon estomac se noua.
« Alex ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
—Je t'expliquerai quand tu seras là. Dépêche-toi. »
Et il raccrocha. Émie me demanda qui était au bout du fil. Je lui reportai ma conversation brève et mouvementée avec mon frère. C'était la première fois que j'entendais Alex comme ça. D'habitude, il adoptait toujours un ton léger, même quand la situation ne s'y prêtait pas. Alors l'entendre aussi sérieux...
« Désolée, mais il faut vraiment que j'y aille, dis-je à Émie.
— Tu te sens de rentrer seule ? »
Pas vraiment.
« Et toi ? demandai-je.
— Ça ira. Je t'aurais bien proposé qu'on s'appelle mais il vaut mieux que tu restes joignable.
— Au cas où Alex veuille me contacter »
Après m'être excusée une dernière fois, je laissai Émie et filai chez moi.
~~~
Dès que j'entrai dans l'appartement, j'eus la confirmation que quelque chose n'allait pas. L'ambiance pesante qui y régnait me fit déglutir. C'était silencieux.
Trop silencieux.
Je m'avançai dans le hall, serrant l'anse de mon sac à dos.
« Alex ? » appelai-je.
Des bruits de pas vinrent dans ma direction, trop légers cependant pour appartenir à mon frère. Mes poils se hérissèrent et ma main se crispa sur mon téléphone. Qui cela pouvait-il bien être ?
« Aria ? »
Ma mère. Je respirai à nouveau. Pourquoi était-elle rentrée si tôt ? Alors que je m'apprêtai à lui poser la question, je m'interrompis en l'apercevant. Ses yeux rougis et son expression fermée ne firent que raffermir la boule au creux de mon estomac.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je.
— Tu peux venir dans le salon ? »
Je ne manquai pas de remarquer le tremblement dans sa voix et cela m'empêcha d'insister. Elle qui d'habitude montrait si peu ses émotions, c'était étrange de la voir si affectée. Il y avait un problème.
Un gros problème.
Lorsque j'arrivai dans le salon, j'eus la surprise de trouver, en plus de mon frère, ma tante Meredith assise sur le canapé. Son regard était rivé sur un bout de papier jauni trônant au centre de la table basse, inhabituellement débarrassée.
« Meredith ? fis-je. Qu'est-ce que tu fais là ? Et d'ailleurs, Alex, tu n'es pas censé être en cours ? Et maman, à l'hôpital ? »
Meredith leva la tête vers moi, le visage grave.
La sœur jumelle de ma mère lui ressemblait comme deux gouttes d'eau : les mêmes yeux verts et profonds, le même nez droit, les mêmes cheveux noirs et soyeux. Mais là où ma mère était calme et rationnelle, ma tante était infatigable et insouciante.
Pourtant, elle affichait en cet instant un sérieux qui ne lui ressemblait pas.
« Viens t'asseoir » m'ordonna-t-elle pour toute réponse.
Je croisai le regard d'Alex mais il baissa aussitôt les yeux, penaud, avant de passer une main dans ses cheveux sombres. Il était nerveux. Sans le quitter des yeux, je m'assis sur le tabouret face au canapé et posai mon sac de cours à mes pieds.
« Alors ? fis-je. Pourquoi tu m'as appelée si précipitamment Alex ? Et pourquoi vous faites tous cette tête ? Il y a un problème ? Quelque chose est arrivé ?
— Calme toi, Aria, m'intima Meredith sans pour autant répondre à mes interrogations. Nous n'avons pas de temps à perdre.
— Comment ça ? »
Elle se tourna vers ma mère, toujours debout dans l'entrée du salon. Cette dernière me regarda longuement, ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt. Finalement, elle adressa un regard suppliant à ma tante.
« Je ne peux pas Meredith, je ne peux pas, s'étrangla-t-elle. Je suis sûre qu'il y a une autre solution.
— On en a déjà discuté, Sophie » la coupa froidement ma tante, indifférente aux états d'âme de sa sœur.
Une larme roula alors le long de la joue de ma mère, bientôt suivie par ses comparses. Je contemplai ce spectacle, interdite. Cela devait bien être la première fois que je la voyais pleurer. Même lors de la mort de ma grand-mère, il y a deux ans de cela, elle était restée parfaitement stoïque. Qu'est-ce qui pouvait bien la mettre dans un tel état ?
Je me tournai vers Alex qui continuait à fuir inlassablement mon regard. Il savait ce qu'il se passait.
« Ça suffit ! m'exclamai-je en serrant les poings. Vous allez me répondre, à la fin ? Qu'est-ce qu'il se passe, bon sang ? »
Après quelques secondes de silence où chacun me dévisagea, surpris par ce brusque éclat de voix, ma tante me répondit finalement :
« Aria, tout ce que je vais te dire est très sérieux. Tu ne vas sûrement pas me croire, mais je t'assure que tout est la stricte vérité. »
Elle se tut un instant, cherchant ses mots.
« Tu vois... »
Soudain, un bruit sourd l'interrompit. Alors que je poussai un hoquet de surprise, je vis ma tante blêmir.
« C'est lui, murmura-t-elle d'une voix aussi blanche que son teint. Il est déjà là.
— Qui ça ? »
Elle ne me répondit pas et se précipita sur le balcon. Ma mère et mon frère, quant à eux, se figèrent en me fixant. Un profond malaise vint rejoindre l'inquiétude au creux de mon estomac et je n'eus qu'une envie : comprendre enfin ce qu'il se passait dans cette maison.
Meredith revint dans le salon et ferma la baie-vitrée.
« Il est dans l'immeuble, annonça-t-elle. On n'a plus le temps. »
Elle ferma les stores et récupéra son sac posé sur le canapé. Elle en sortit trois bougies noires et une craie blanche.
« Alex, aide-moi à déplacer la table, lui intima-t-elle. Et Sophie, va barricader la porte. »
Mon frère et ma mère s'exécutèrent et je ne pus que les observer en silence.
La situation me dépassait complétement. Qui était dans l'immeuble ? Pourquoi tant d'affolement ? Barricader la porte ?
Mon ventre se noua et mon souffle se fit de plus en plus court. Ma poitrine se comprima, l'air me manqua, tandis qu'une douce chaleur naquit au creux de mon estomac. Je me figeai, reconnaissant cette sensation.
C'était exactement...comme cette fois-là.
Les images revinrent brèves mais intenses. Le bleu et le rouge des sirènes. Le froid mordant de cette nuit d'automne. Cette odeur métallique qui polluait l'air. « On dira que c'était un accident, d'accord ? Un simple accident ! »
Je pris ma tête entre mes mains. Non, pas encore, pas une nouvelle fois. Je devais empêcher ça, le contrôler. Ne surtout pas le laisser s'échapper. Je m'efforçai de me calmer, prenant de profondes inspirations. Cette chose grandissait en même temps que ma peur et mon angoisse, je l'avais compris cette nuit-là. Si je parvenais à les contrôler...
Au fur et à mesure que l'air neuf entrait dans mes poumons, les battements de mon cœur ralentirent. Alors qu'ils retrouvaient un rythme presque normal, la chaleur se fit de plus en plus diffuse jusqu'à disparaître totalement. Lentement, je relevai la tête.
Ma tante, agenouillée et craie en main, était occupée à tracer un cercle sur le plancher. Mon frère, quant à lui, enchaînait les allés retours entre l'entrée et le salon, trainant buffet et console derrière lui. Alors qu'il s'apprêtait à soulever le bonsaï, je le retins en lui attrapant le bras.
« Alex, dis-moi ce qu'il se passe...
— On n'a pas le temps pour ça, fit-il en m'adressant un regard désolé. Reste près de Meredith »
Et d'un geste sec, il se dégagea.
« Aria, m'appela ma tante. Viens par ici ! »
Elle se redressa en s'époussetant les mains. Au sol était dessiné un grand cercle qui en comprenait un plus petit en son centre. Au cœur de ce dernier se trouvait un triangle où reposait le signe de l'infini. Autour, étaient tracés trois étranges symboles organisés en une pyramide inversée : en bas, un sablier et en haut, un soleil à droite, une lune à gauche. Enfin, trois autres dessins étaient alignés aux pointes du triangle dans le plus grand cercle. Il y avait un arbre, en bas à gauche, et une étoile à droite.
Mais de tous, le symbole qui m'intriguait le plus était cet œil, tout en haut. La flamme qui remplaçait sa pupille semblait consumer son iris dans un feu de joie vorace. Un frisson me parcourut.
« Qu'est-ce que c'est ? demandai-je à Meredith qui, à présent, s'attelait à positionner les bougies noires à chaque pointe du triangle.
— Un portail, me dit-elle en sortant une boîte d'allumettes de son sac. Mets-toi au centre.
— Un quoi ?
— Va au centre ! »
Je me figeai avant de m'exécuter. Soudain, un bruit sourd résonna dans le couloir suivit d'un fracas retentissent. Des sueurs froides roulèrent dans mon dos.
« Alex, Sophie ! cria ma tante. Faites de votre mieux pour l'empêcher d'entrer ! »
Elle sortit un cutter de son sac et d'un geste sec, me coupa une mèche de cheveux. J'étais tellement pétrifiée que je n'eus même pas un mouvement de recul. La personne qui marchait dans le couloir m'inquiétait beaucoup plus que les actes de ma tante.
Bientôt, je crus sentir de nouveau cette chaleur au creux de mon estomac. Je fis tout mon possible pour tenter de me calmer, ne plus penser à cet homme qui, à présent, devait se trouver juste devant la porte de l'appartement.
« Aria, écoute-moi » fit Meredith en m'agrippant les épaules.
Soudain, des coups se firent entendre contre la porte. Quelqu'un essayait de la défoncer.
« Aria ! m'appela ma tante et je reportai mon regard sur elle. Je n'ai pas le temps de tout t'expliquer. Suis les instructions de la lettre, tu dois te rendre au sanctuaire du Mont Lera.
— Mais de quoi tu parles ? »
Elle m'ignora et fourra le papier jauni dans la poche de mon sweat. Au même moment, la porte céda dans un craquement sinistre et ma mère hurla. Mon sang se glaça. Il apparut dans l'entrée du salon. Sa silhouette encapuchonnée dégageait une aura féroce. Un fauve prêt à se jeter sur sa proie. Mon souffle se coupa lorsque, dans un chuintement, il dégaina un objet au reflet argenté.
La lame d'un couteau.
Soudain, mon frère bondit derrière lui et sauta sur son dos en le tirant en arrière. Tous deux s'écrasèrent au sol dans un bruit sourd.
« Alex ! »
Malgré mon inquiétude, je ne parvins pas à faire un pas. Cet homme allait le tuer, il allait tuer mon frère. Pourtant mon corps refusait de bouger.
Je lançai un regard désemparé à ma tante mais cette dernière n'y prêta aucune attention. Ne se laissant pas déconcentrer, elle alluma les trois bougies. Elle saisit la mèche de cheveux qu'elle avait sectionné et la suspendit au-dessus de la flamme. Alors que cette dernière se consumait, Meredith m'adressa un dernier regard.
Un regard désolé.
« Et n'oublie pas, m'avertit-elle. Ne dis à personne d'où tu viens. Ne dis à personne que tu n'es pas originaire des Lymbes. »
Les Lymbes ? Mais avant que je n'aie pu demander quoi que ce soit, Meredith referma ses mains sur les cheveux brûlants et se mit à réciter. Ou plutôt à incanter.
Mes sens semblèrent alors s'affiner. Comme dans un état second, j'entendis chacune des syllabes étrangères sortir de la bouche de ma tante avec une fluidité déconcertante. Je vis l'homme encapuchonné se relever et donner un puissant coup de pied dans le ventre de mon frère. Je perçus le gémissement étouffé d'Alex qui se pliait en deux. J'entrevis l'éclat de la lame qui s'abattait inexorablement vers sa poitrine. J'aperçu ma mère, en pleurs, charger l'intrus pour protéger son fils. Je me sentis impuissante.
Terriblement impuissante.
Puis la pièce se mit à tourner, à tourner encore et encore jusqu'à ce que je ne puisse plus distinguer que des formes floues. Le sol sembla se dérober sous mes pieds et j'eus la sensation de sombrer dans un gouffre sans fond. Le froid s'insinua en moi, vorace, puis ce fut le noir.
Et dans cette obscurité totale et effrayante, une voix, chaude et réconfortante, chuchota au creux de mon oreille.
Pouvoir est synonyme de perdition.
***
Le sanctuaire du Mont Lera, voilà ce que m'avait dit Meredith. Mais qu'est-ce qu'était le Mont Lera ? Je n'avais jamais entendu ce nom avant. Et il y avait toutes ces choses que m'avait dites ma tante. Qu'est-ce qu'étaient les Lymbes ? Et ce « portail » qui m'avait transportée ici ? Tout ça était tiré par les cheveux. Peut-être étais-je en train de rêver ? Peut-être était-ce un énième cauchemar ? Mais quelque chose au fond de moi me murmurait que ce n'était pas le cas.
Tout cela était réel, que je le veuille ou non.
Je rangeai la lettre et sortis mon téléphone. Pas de réseau. Il fallait s'en douter.
Je portai un œil nouveau sur la forêt qui m'entourait. Où avais-je atterri ? Il n'y avait pas de tel bois à proximité de chez moi. A quelle distance de mon appartement avais-je été transportée ? Dix mille kilomètres ? Cent mille ?
J'étais seule. Seule perdue au milieu de nulle part. Je ne savais pas quoi faire, ni où aller. J'ignorais même ce qu'il était advenu de ma famille. Ma mère et mon frère étaient-ils seulement en vie ? Ou cet homme les avait-il tués ?
J'avais peur. Terriblement peur.
***
Ayan observa l'appartement. Au sol, les trois membres de la petite famille étaient inertes. Amochés et inconscients, mais vivants.
Dans sa main, le manche du couteau le démangeait. Il aurait tellement aimé l'abattre dans la poitrine de l'un d'eux. Mais il avait pour ordre de ne tuer personne. Et la récompense de sa mission était beaucoup plus alléchante que le plaisir minime que lui procureraient ces trois morts.
Sa mission...
La cible s'était échappée. La draïkar l'avait envoyée dans les Lymbes avant qu'il n'ait l'occasion de le faire. Où avait-elle bien pu atterrir ? Régnus n'allait pas apprécier.
Le mercenaire se tourna vers la femme inconsciente près du portail. Il donna un énième coup de pied au jeune homme à ses pieds et se dirigea vers cette dernière. Il coupa une mèche de ses cheveux sombres, fit de même avec les siens et ralluma les mèches des bougies.
En faisant basculer la draïkar sur son épaule, il vint se placer au cœur de cercle et fit brûler les cheveux. Après avoir pris une brève inspiration, il commença à psalmodier la formule que les mages l'avaient obligé à apprendre. Et alors que la pièce commençait à tournoyer, il eut une pensée fugace.
Il n'aimait vraiment pas les portails.
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Voilà pour ce premier chapitre !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, je suis ouverte à tous les avis. On se retrouve dimanche pour le chapitre 2 !
A bientôt !
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