Chapitre 3
Pomfresh était bien embêtée. Nerveuse et les sourcils froncés, elle tournait en rond dans la chambre occupée par Harry Potter. Lorsque Drago Malefoy toqua à la porte pour lui signaler que le professeur Rogue était arrivé, elle se détendit légèrement et sortit de la pièce, en prenant le soin de fermer la porte derrière elle.
- Merlin soit loué, vous êtes là, soupira-t-elle de soulagement.
Elle était même contente de voir le jeune Malefoy. Le fait qu'il ait amené Harry Potter ici et l'inquiétude qui se lisait sur son visage voulait dire beaucoup pour l'infirmière. Les intentions du Serpentard n'étaient pas mauvaises, elle le sentait. De toute façon, pour certaines raisons, elle savait qu'il n'était pas responsable des malheurs de Potter.
- Que se passe-t-il avec Potter ? Demanda Rogue avec sa froideur habituelle.
Un air qu'il avait appris à utiliser et garder au fil des années, tout comme Drago. Il n'était pas son parrain pour rien.
- Je ne saurais pas vraiment vous dire, répondit Pomfresh, l'air très contrarié. J'ai guéri la plupart de ses blessures les plus légères et passé de la pommade sur ses ecchymoses.
- Ses ecchymoses ? S'étonna Drago.
À aucun moment il n'avait vu de blessure chez Potter. La surprise s'empara également de Rogue, bien qu'il le montra moins que son filleul.
- Elles ne sont pas récentes et je suis étonnée qu'il ne soit pas venu me voir avant, déplora-t-elle. Mais ce n'est pas le plus troublant. Il est toujours réveillé mais ne réagit à rien et... Je pense avoir ma petite idée là-dessus.
Elle sortit d'un tiroir un kit permettant de faire des prises de sang. Drago reconnut facilement les fioles aux bouchons de couleurs différentes. Les mondes sorcier et moldu partageaient beaucoup de connaissances et pratiques au niveau de la médecine. Même un bon sort ne dispensait pas d'un réel examen. La prise de sang en faisait partie. Et malheureusement, Drago avait l'impression que madame Pomfresh avait la même idée que lui sur la raison pour laquelle Harry Potter ne réagissait pas, même en étant conscient. Ce regard vitreux, ancré dans sa mémoire, était bien trop particulier.
Rogue, de son côté, tentait de rester stoïque même si c'était compliqué. Il avait beau n'avoir jamais réellement apprécié Potter à cause du père de ce dernier, il restait un professeur. Un enseignant digne de ce nom avait plus ou moins à cœur le bien-être de ses élèves en plus d'en avoir la responsabilité. Potter ou non, il devait faire attention. Et là, le fils de Lily était en mauvaise posture. Même si voir le visage de James sur ce garçon le répugnait, il ne devait pas oublier que ce n'était que son fils, pas lui. Harry ne méritait pas d'être traité ainsi, simplement parce qu'il était le fils de cet arrogant. C'était le combat intérieur que se livrait régulièrement Severus, lorsque Potter entrait en jeu.
- Je vais lui faire une prise de sang. Pour être honnête avec vous, même si ça parait complètement invraisemblable au vu de l'endroit où nous sommes, je pense qu'il a été drogué.
Drago avait beau s'en douter fortement, l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre avait un impact certain. La surprise remplaça bien vite le choc, même s'il n'en montra rien. Pour quelle raison madame Pomfresh disait-elle cela devant lui ? Il n'était qu'un élève de huitième année, rattrapant sa septième année perdue à cause des affres de la guerre, comme beaucoup. Pourquoi ne l'écartait-elle pas pour ne parler qu'à Rogue ? Cependant, c'était loin de lui déplaire. Il voulait en apprendre plus et surtout, comprendre. Comprendre pourquoi on aurait voulu droguer Potter ou même simplement lui faire du mal. Il n'était pas sans savoir qu'il avait des ennemis, comme tout le monde. Être connu, même en bien, n'épargnait pas des intentions et regards mauvais. Mais tout de même, Harry, de par sa puissance et son acte héroïque, forçait le respect à la plupart des gens. Alors, Drago ne comprenait pas. Il fallait être complètement fou pour oser s'attaquer de manière aussi directe à Harry Potter. Lui-même n'était jamais allé jusque-là. Quelques sorts et un soupçon de moqueries, de joutes verbales lui avaient toujours suffi. Jamais il n'avait voulu faire réellement mal à Harry.
Pomfresh informa Rogue et Drago que le gryffondor allait rester à l'infirmerie cette nuit. Dans son état, il ne valait mieux pas qu'il retrouve son dortoir, ni ses amis. Il avait besoin de repos, dans un endroit où personne ne pourrait lui faire de mal. Rogue acquiesça, d'accord avec l'infirmière, avant de lui demander de le tenir au courant concernant Potter. Après avoir obtenu son accord, il s'en alla et si Drago ne le connaissait pas aussi bien, il aurait trouvé son air totalement indifférent. Or, il avait appris à déchiffrer son parrain et il pouvait aisément deviner qu'il était soucieux. Quoi de plus normal, alors qu'on venait de lui annoncer que l'un de ses élèves s'était fait agresser et potentiellement droguer ?
Alors que Drago allait s'en aller à son tour, ne trouvant plus sa présence utile, Pomfresh l'alpagua et lui demanda de venir l'aider.
- J'aimerais le mettre dans la pièce du fond, histoire qu'il soit tranquille si jamais un autre élève a besoin de mes services, lui indiqua-t-elle.
Il devina ce qu'elle voulait lui signifier implicitement : ne pas ébruiter l'état dans lequel se trouvait le Survivant. Il comprenait. Mais pourquoi lui ? Drago n'était pourtant pas un ami de Potter. Pourquoi lui faisait-elle confiance à lui ? Soit, Malefoy junior suivit l'infirmière, qui l'emmena dans la première chambre. Il vit tout de suite Harry, allongé sur l'un des quatre lits. Il n'avait pas bougé, était presque tel que l'avait laissé Drago lorsqu'il l'avait amené ici. Alors que le blond s'approchait du lit, Harry réussit à tourner très légèrement la tête vers lui. Ses yeux sont toujours vitreux, l'air sans vie. Ses lèvres bougent légèrement, mais aucun son n'en sort. C'était comme s'il essayait de parler mais qu'il se trouvait dans l'incapacité de le faire. Il était bridé. Drogué. Pomfresh avait remarqué la presque activité de Harry et avait l'air d'en être arrivée à la même conclusion que Drago. Alors même qu'elle ne lui avait pas encore fait la prise de sang, son hypothèse se confirmait petit à petit.
Drago porta le gryffon dans la pièce du fond, une autre chambre, un peu plus discrète. Après l'avoir posé plus ou moins délicatement sur le lit, il se recula, laissant la place à Pomfresh, qui s'attela à sa tâche. En deux petites minutes, quelques petits flacons furent remplis et l'infirmière lui dit qu'il pouvait rester un peu, mais pas trop longtemps, histoire que le Sauveur se repose.
Sans savoir vraiment pourquoi, Drago accepta de rester un peu. Il se laissa tomber sur une chaise à côté du lit et se retrouva un peu déstabilisé. Même si sa haine envers le Survivant n'était plus d'actualité depuis longtemps déjà, le serpent n'aurait jamais imaginé se retrouver à veiller sur lui à l'infirmerie. Cependant, cela ne devait pas se savoir. Le peu de réputation qu'il restait à Drago ne tenait qu'à un fil : à la moindre erreur, beaucoup n'hésiteraient pas à lui sauter dessus et lui reprocher tous leurs malheurs. Si l'on apprenait qu'il s'était retrouvé près de Saint Potter à un moment où celui-ci s'était trouvé mal, nul doute qu'il serait le premier accusé. Ses épaules s'affaissèrent et Drago se voûta légèrement. Son passé de Mangemort le hantait, jusqu'à pourrir son présent. Il n'avait jamais voulu prendre la marque, s'y était fermement opposé, mais avait été forcé d'obéir aux ordres, pour survivre. Là encore, il devait agir très prudemment, pour survivre. Un grand nombre d'étudiants à Poudlard voulaient sa peau, attendant qu'il fasse une erreur pour agir. Avec ce qu'il s'était passé, il allait falloir que Drago redouble de prudence. C'était lourd, si lourd à porter.
Il releva ses yeux mercure sur ceux, émeraude, de Harry, qui avait une nouvelle fois réussi à tourner légèrement la tête vers lui. Ses prunelles vitreuses semblaient avoir du mal à se fixer sur Malefoy, les muscles de ses globes oculaires ayant du mal à répondre. Voir cela fit honnêtement de la peine à Drago. Tout Sauveur qu'il fut, Potter ne méritait pas ça. Il était une larve, l'air sans vie, incapable de bouger, de parler. Le blondinet ne savait même pas s'il était réellement conscient, prisonnier de la paralysie de son corps, ou s'il était déjà loin.
Ne devant néanmoins pas trop traîner au chevet du brun aux yeux verts, Drago se leva, regarda Potter les lèvres pincées.
- Je reviendrai demain, mais je te déconseille de t'habituer à mes rares actes de charité, Potter.
Le ton railleur et la fausse méprise étaient venus naturellement à lui, pour la forme, comme une barrière pour l'empêcher de ressentir pleinement ses émotions actuelles. Car oui, Drago était un peu plus touché qu'il ne voulait l'admettre. Était-ce du déni ? Tout à fait.
Néanmoins, le cœur de Drago se serra en sortant de l'infirmerie.
Il était désormais sûr d'une chose ; un être sinistre aux sombres desseins se trouvait à Poudlard et cela ne lui disait clairement rien qui vaille.
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