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Évangeline portait un énième coup au rondin de bois qu'on lui avait secrètement confectionné.

Un mois s'était écoulé pour que la douleur se mut en colère, que l'enterrement se soit fait avec tous les honneurs et prestiges qu'on lui devait, et que la jeune fille soit à présent sous pression d'obligation royale : reprendre la couronne. Sa mère étant devenue trop faible suite à une maladie contractée le mois dernier, Évie n'avait donc d'autre choix que de succéder au trône, qu'elle le veuille ou non.

Elle aimait certes les tiares que les servantes lui dégotait à droit à gauche, sauf que la couronne ne lui siérait pas. Trop lourde, trop précieuse, trop extravagante, ce n'était pas elle.

Le pasteur de la cour du Soleil était venue la trouver, une semaine après la pluie qu'avait été ses yeux, pour lui parler de ses prochaines obligations. Dont celle qu'elle aurait aimé ne pas avoir sur les épaules : un mariage. Et, bien qu'elle décide de son mari, elle ne choisirait pas par bonté de cœur. Une sélection lui sera imposée, trié sur le volet par sa mère et quelques nobles de hautes fonctions qu'elle ne connaissait que de vue et de nom. Les autres dynasties et royaumes viendront se présenter à elle ce soir, et un grand bal sera tenu en l'honneur de toutes ces coutumes.

Évie aurait aimé choisir quelqu'un d'autre, quelqu'un de confiance, de digne et de valeureux. Pas le premier venu qui semblait un temps soit peu convenable et attirant.

Elle frappa à nouveau le rondin, alignant force et précision afin de l'entailler assez profondément pour qu'elle en soit satisfaite. Mais en serait-elle vraiment satisfaite ? Cela était le quatrième coup porté pour blesser et elle ne se sentait pas mieux. Elle grogna de frustration avant de se détourner, laissant ses cheveux venir frôler l'objet de sa lassitude. Ce n'était pas digne d'une princesse que de lancer un poignard à une dizaine de pas comme une traîtresse et de viser le cœur, si cœur il y avait.

Et en plus de cela, d'être vu et étudié comme un chat sauvage.

«– Quelle maîtrise, princesse, siffla d'admiration Sunghoon.»

Affaissé contre l'encadrement de la porte du sous-sol, il revenait d'une courte expédition en ville pour accompagner sa mère au marché — un de ses plaisirs qu'aucun ne serait lui refuser. Évie avait repoussé l'offre en prétextant une fatigue monstre et un besoin de repos.

«– Je ne vous savais pas déjà revenu, dit-elle en essuyant ses mains sur son pantalon.»

Seuls Capucine et le garde la voyait porté un tel accoutrement, personne n'était au courant de ses petits cours de sport dans la salle des gardes.

Sunghoon, dont les cheveux corbeaux reflétaient la lumière des bougies, souriais en coin avant de venir à sa rencontre. Son uniforme était aussi propre que lorsqu'il l'avait quitté ce matin. Le nuit de son veston souligne la courbe de ses épaules et de ses bras, chose qu'elle aimait particulièrement regardé après ses beaux yeux. Ou bien sa bouche. Peut-être aussi son nez ?

Elle aimait tout de lui.

«– Votre mère m'a congédié pour rêvasserie.

– Vous rêviez éveillé ?»

Il retira aisément le canif du bois avant de le faire rouler dans sa main, pas impressionné qu'une personne de sa classe se permette de telle chose.

«– Je ne saurais dire, avoue-t-il à quelques centimètres de la jeune fille. Serais-je en train de rêver ?»

Il lui tendit l'arme par la lame, laissant ses doigts s'enrouler autour du manche sans briser le contact visuel.

«– Vous me semblez bien réveillé, Sunghoon.

– Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?»

Ramenant ses mains derrière son dos, il étudia le visage élégant et fin de la jeune fille, admirant plus longuement ses mirettes bleues qu'il retrouvait dans le ciel étoilé. Dieux savaient qu'il restait éveillé la nuit uniquement pour admirer ce qu'il n'avait le droit de s'approprier.

«– Serait-ce mes yeux qui vous aurait affirmer cela ? Ma voix ?, continue-t-il en se penchant vers elle.

– Votre posture tendue. Vous semblez sur vos gardes.»

Elle détaillait ses bras trop longuement positionnés dans son dos, le coin de sa mâchoire légèrement blanchâtre et son souffle plus court qu'à la normale. Sunghoon fronça une demi-seconde les sourcils avant de se relever, l'expression de la surprise atteignant presque ses yeux. Presque.

«– Il se pourrait que j'ai mal dormi, en effet, — si dormir signifiait fermer les yeux pour s'empêcher de la réveiller pour lui parler.

– Ma mère vous a-t-elle encore ordonné quelque chose ?, insiste Évie en replaçant son arme dans le fourreau de sa ceinture en cuir.

– Elle est encore reine, Évangeline. Je ne saurais lui refuser quoique ce soit sous peine de perdre ma tête.»

Sunghoon attrapa le bout de tissu rugueux sur le banc derrière la jeune fille, prenant son temps pour inspirer son odeur encore vanillé par-delà l'âpre de sa sueur. Il avait senti la princesse suivre ses gestes sans en perdre une miette avant de retrouver l'objet de ses rêves, entre ces cils.

«– De quoi vous a-t-elle parlé ?»

Il apporta la serviette à sa tempe pour tapoter doucement sa peau dorée, qu'il luttait pour ne pas embrasser à chaque seconde qui passait, replaçant ses cheveux décoiffés derrière son oreille.

«– De la ronde de ce soir, du changement qu'il y aura.

– Du changement ?, rebondit-elle aussitôt.»

Il aurait aimé sourire, lui assurer que son inquiétude n'avait pas lieu d'être et que tout se passera bien. Sauf que la conversation avec la reine ne s'était pas passé aussi bien qu'il aurait souhaité.

«– Qu'a-t-elle décidé ?, demanda-t-elle en arrêtant sa main de ses doigts encore chauds.

– Je ne serais pas votre gardien principal ce soir.

– Mais... Vous l'avez toujours été.»

Ses doigts le démangeaient de laisser tomber le tissu pour sentir sa joue dans le creux de sa main, d'abattre une énième bien-séance et d'assouvir sa curiosité. Il ne voulait que cela.

«– Votre mère pense que Riki sera plus compétent parmi les convives de ce soir, terminait-il dans un souffle.

– Où serez-vous ?

– Devant les portes, à vous protéger des grands méchants de l'extérieur, tentait-il de plaisanter.»

Sauf que la gravité du visage de la princesse lui passa tout envie de rire. Évangeline n'aimait pas le changement, elle avait déjà quitté des bals en son honneur uniquement parce qu'on l'avait prévenu tardivement que les danses ne seraient pas celles qu'elle avait apprise, et que ça aurait été à elle d'ouvrir les danses.

«– Ne vous faites pas tant de soucis, souriait-il doucement, je ne serais pas loin.

– Pourquoi n'avez-vous pas contesté ?, se plaignait-elle en attrapant sa main.»

La force des doigts du garde serrait ceux de la princesse, elle vouait sentir sa présence, s'assurer qu'il était bien là et qu'elle ne l'imaginait pas.

«– Aurais-je pu ?, demandait-il en sachant pertinemment la réponse.

– Vous connaissez la réponse, Sunghoon. Je refuserais toujours d'être séparé de vous.»

C'était aussi divin que du vin à ses oreilles, aussi doux qu'une caresse ou le rythme calme de son souffle sur son nez. Il aurait aimé qu'elle parle d'autre chose que de sa protection rapprochée, il aurait aimé que ses sentiments soient aussi vifs que les siens. Au lieu de la prendre dans ses bras, de lui assurer d'enfreindre les règles pour elle et de risquer d'y perdre la vie, il affirma :

«– Riki est un bon garde, et un futur excellent chevalier.»





Capucine finissait les dernières touches de sa complexe coiffure tressée afin de maintenir sa tiare en tout circonstance.

Évangeline s'était faufilée dans couloir, parmi les ombres, afin d'arriver dans sa chambre sans être vu dans l'indécence d'un pantalon. Capucine avait déjà fait couler un bain et l'avait nettoyé à la vitesse d'un cheval de course. Deux heures plus tard, d'après le descente du soleil, elle était vêtue de sa toilette et pomponnée à la manière des plus coquettes demoiselles de sa cour. Un fard à joues orangée avec de l'or sous les yeux, ses yeux brillaient presque de mille feux. Capucine avait aussi eut son mot à dire sur la toilette de sa dame, laissant ses épaules dégagées pour étaler la splendeur de sa parure et de la saillance de ses clavicules. Elle portrait donc les couleurs de son royaume : l'or. Et sa tiare n'était pas en reste, elle l'adorait.

Néanmoins, elle n'était pas d'humeur à s'émerveiller de sa beauté ce soir. Sunghoon avait pris congé devant la salle d'entrainement et elle ne savait pas lorsqu'elle le reverrait. Elle aurait aimé être accompagné et épaulé du dernier homme proche encore vivant dans sa vie. Son père aurait apprécié l'emmener à son coude, lui glisser à l'oreille qu'elle était resplendissante et que les autres princesses devaient être verte de jalousie. Ou bien aurait-il fait une blague pour la faire rire et combler le silence que les invités auraient fait à leur entrée.

Il lui manquait.

Et maintenant qu'elle savait qu'elle ne serait pas avec son deuxième homme préférée, l'idée de danser lui était passé.

«– Quelle est cette mine si triste ?»

La brunette releva les yeux vers sa servante, la trouvant arrêtée nette pour l'écouter.

«– Mère me prive de mon ami, avoue-t-elle en décroisant les bras.

– Vous parlez de Park ?»

Un maigre sourire caresse le visage de la jeune fille avant qu'elle ne le masque, étant imprudent de sourire pour un homme qu'on ne courtise pas.

«– Je ne suis pas ami avec beaucoup du château.

– Qui vous accompagne ce soir, votre altesse ?

– Riki, un garde rapprochée de la reine.»

Elle peaufine les derniers détails de sa chevelure avant de s'accroupir devant la princesse, hydratant une nouvelle fois ses lèvres.

«– Vous ne devriez pas vous inquiéter. Si votre mère vous a affilié ce nouvel homme, c'est qu'elle en a une inébranlable confiance.»

Évie pince ses lèvres entre elles, autant nerveusement que pour permettre au soin de pénétrer ses lèvres, puis se lève gracieusement pour rejoindre l'armoire vers laquelle la servante l'amène. Ses jupons l'incommode, comme à chaque fois qu'elle porte une nouvelle toilette et que son pantalon n'a pas été revêtu, et les talons de ses souliers la feront certainement souffrir dans les heures qui suivraient.

Évie était magnifique ainsi, la silhouette marquée de dentelle brodée, les bras habillés de gants en soie parsemés d'or et sa parure capturant chaque rayon de lumière des bougies. Mais c'est l'entrelacement d'or et d'argent soutenant des diamants sur le haut de sa tête qui lui plaisait le plus. Elle resplendissait devant le miroir.

«– Madame, je sais que vous plairez !»

Ce à quoi elle s'autorisa à sourire.





Évangeline entra sur une courte ballade de violons, sur laquelle les convives se sont tues pour l'admirer.

Elle n'avait pas vu Sunghoon devant les portes, certainement devait-il être devant les principales du château, ce qu'elle préférait à celles des entrées du royaume. Si cela lui avait pincé le cœur de se dire qu'elle ne pourrait s'extirper du bal un court instant pour lui rendre visite, elle fut bien vite occupée par des salutations diverses et variées.

Dans la salle blanche et dorée qu'elle connaissait par cœur, cette fois-ci décorée de bougies colorées et de pans sur les colonnes de marbre, se trouvaient les teintes des cinq autres royaumes voisins qu'elle n'avait vu que rarement. L'argent était pour la cour de la Lune, typique de leur regard félin. Le bleu qu'elle appréciait tant représentait la cour des Tempêtes, qui portait assez bien son nom d'après elle. Tandis que le noir était pour celui de la Cendre. Le violet pour les Lilas, les amoureux incontestés des fleurs. Et puis il y a le blanc pour la cour des Miracles, dont l'héritier masculin montrait tous les signes qu'il ne souhaitait pas être présent et qu'il y avait été forcé.

Ils s'inclinèrent sur son passage et elle les saluaient de la tête, l'impolitesse la rendait nerveuse. Évie avait lié ses mains devant elle, ne sachant comment se comporter maintenant que l'absence se trouvait à son côté. Heureusement que sa mère, habillée de couleurs similaires aux siennes, lui souriait comme un câlin réconfortant. C'est en passant près de la cour des Tempêtes qu'elle resta fixé sur la reine. Elle venait de croiser des yeux si vert et si purs qu'elle en fut retourner pour le rester de son ascension vers le trône.

Elle s'inclina jusqu'aux genoux devant sa mère avant de grimper sur l'estrade et de s'asseoir sur l'imposante et délicate chaise qui lui était destinée depuis enfant.

«– Où est Riki ?, murmura sa mère en tournant légèrement son visage vers elle.

– Devant la porte, fit-elle l'affront de répondre.»

Elle savait qu'elle ne répondrait pas puisque tous les regards étaient braqués sur elles, alors la reine se leva pour lever les bras et saluer l'ensemble de la salle avec un :

«– Bienvenue, chers alliés. Que cette soirée soit mémorable pour le reste de l'histoire.»

À en faire des montagnes pour juste de la discussion entre jeunes adultes. Tous applaudirent avant que les premiers représentants des royaumes se précipitent vers l'estrade. La reine prit le temps de s'asseoir avant de gronder sa fille :

«– Vous ne devez pas rester seule, ma fille, vous connaissez les risques.»

Auquel la concernée manqua de rouler des yeux.

Ce fut le porte-parole de la cour des Miracles qui se présenta en premier, étant le plus proche de l'estrade, avec le prince Sunoo qui s'ennuyait ferme jusqu'à présent. En dehors de cela, il était plutôt bel homme avec ses cheveux sombres, ses yeux de lynx et sa bouche en cœur, Évangeline ne refuserait pas d'apprendre à le connaître.

Ils s'inclinèrent de manière dissonante et la princesse haussa les sourcils. Elle parierait que l'héritier mettait tout en œuvres pour lui déplaire, ce qui lui esquissa un fin sourire.

«– Lumina, reine de la cour du Soleil je vous salue, commence le porte-parole gringalet. Évangeline, princesse héritière de la cour du Soleil je vous salue.»

Et cela cinq fois, ça allait être long. La reine ne leur donna pas plus de cinq minutes pour se présenter avant de retourner avec quelques nobles de leur cour. puis ce fut au tour de la cour de la Cendre avec son héritier mystérieux Heeseung, qui semblait déjà plus enjoué d'être présent. Ensuite il y eut celle des Lilas dont le prince héritier du nom Jake se trouvait avoir un sourire contagieux qui eut raison de la reine et qui plu aussi à la jeune fille. Un clin d'œil plus tard et il était déjà reparti dans la foule. La cour de la Lune a présenté l'ainé de sa famille, Jay aux yeux gris et aux cheveux parsemés d'argent, poli et gracieux, Évangeline s'était étonné de le suivre si longuement du regard.

Puis il y eut la cour des Tempêtes pour clôturer les présentations. La reine, qui était venu de bon cœur, a introduit son fils aussi brièvement que les cours précédentes et pourtant, celui-ci avait attiré immédiatement son regard et son attention. Un jeune homme de son âge aux cheveux d'or, au regard profond et vert, d'un teint hâlé sublime. Jungwon. Il portait bien son nom.

Lorsque leur yeux se croisèrent, elle sût qu'il y avait eu quelque chose dans l'air. Et son cœur avait battu pour la première fois pour quelqu'un d'autre.




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