𝔄𝔬𝔲𝔱
Messire Soley vient de mourir.
Voilà ce que ne cesse de répéter les servants et servantes se ruant dans les couloirs comme si la mort était à leur trousse. Ils ont patienté à son chevet, ils ont pleuré lorsque ses yeux se sont fermé. Voici ce qu'ils ne cessent de dire et redire. Ils ne semblent s'en lasser et ce, même si Évie leur a sommé de s'en aller.
Aucun n'a prononcé le mot roi en sa présence, dans ses appartements aux murs résonnants de son dernier souffle. Elle avait été interdite de séjourner auprès de son père, il avait ordonné aux employés de ne surtout pas la laisser l'approcher. Il savait qu'elle se serait tuée si elle avait vu la vie le quitter. Alors ils avaient écouté et ils l'avaient enfermé. C'était bien la première fois que la princesse avait été emprisonné sans qu'aucun ne daigne considérer ses émois, ses sentiments et ses pleurs qui emplissaient le château dans son ensemble.
On l'avait privé de son père. On l'avait mise à l'écart, ordre du roi.
Même Capucine, pourtant sa grande amie et confidente, venait d'être renvoyée a vaquer à d'autres occupations que de lui tenir compagnie. Évie ne voulait voir personne d'autre que son bien-aimé père, et sa mère, qui avait pourtant supplié son mari de laisser sa fille lui dire au revoir, dont la voix se muait en désespoir. Évie sanglotait contre sa fenêtre, elle mutilait son mouchoir à coup de griffes et de larmes, elle le déchirait un peu plus lorsque la cœur brisé de sa mère lui parvenait. Elle n'arrivait pas a bouger, cela était au-dessus de ses forces et de son désir de courir au chevet de ses parents pour saluer celui qui a été pendant dix-huit ans son meilleur ami.
Les servants déboulaient dans la cour pour prévenir quiconque ne serait pas déjà au courant, ils hurlaient que la mort était passée et que le roi était parti sans souffrance autre que de savoir qu'il ne reverrait plus le sourire de sa fille. Puis le silence précédent les cloches, les genoux de Évie se blessaient sur la pierre froide de ses appartements lorsqu'elle s'effondra à hurler sa douleur à qui voudrait l'entendre.
Et un cri strident retentit dans la ville en contrebas. Ou bien était-ce le sien ? Elle ne saurait dire. Sa voix lui semblait silencieuse, elle aussi étant parti rejoindre les cieux. Son cœur lui faisait si mal, son ventre lui paraissait être transpercé de poignards aiguisés et ses yeux baignés de sang. L'étoffe de ses jupons bleutés accueillaient volontiers ses larmes sans en discuter, le mouchoir se brisa entre ses doigts avant qu'elle ne le jette contre sa commode non loin, et sa tiare roula sur le tapis lorsque son front rejoignit presque le sol.
Jamais elle n'avait connu pareille douleur.
«– Princesse Évangeline !, éclata une voix sur le seuil de sa porte.»
Pourtant, elle ne l'avait pas entendu. Elle croisa ses bras sur sa poitrine comme pour retenir son cœur de s'y échapper, il était ce que ce son père préférait chez elle et elle refusait de le laisser s'en aller. On ramassa sa tiare pour la jeter sur le lit au fond de la chambre avant que de forts bras ne la relève dans une inquiétude monstre. C'était bien son visage peiné, dévasté et noyé qui croisa le regard du garde qui venait de franchir une ligne qui lui était pourtant interdite. Il outrepassa une autre de ses fonctions en venant essuyer les joues de la princesse avant de la prendre dans ses bras comme si personne ne pouvait les voir.
Et dieux qu'elle se fichait de savoir si quelqu'un les verrait ! Elle avait besoin de ses bras, de sa chaleur et de son réconfort là où le froid lui était insoutenable et tentant. Elle mouilla l'épaulette de bronze du jeune homme en s'accrochant désespérément à son uniforme, sanglotant corps et âme contre une poitrine défendue et des coutumes souillées.
«– Mon père..., crachotait sa voix entre deux toussotements secs.
– Je sais, Évangeline, chuchotait-il contre son oreille. Capucine est parti me trouver pour me le dire.
– Sunghoon, mon père...»
Sauf que sa phrase ne se finira jamais, étouffé entre des rivières de larmes que le garde ne lui conseilla pas d'arrêter. Il se doutait qu'elle n'en ferait rien et que l'inutilité de sa parole la froisserait.
Il caressa sa longue chevelure de bois, tenant peu compte de ses genoux sales sur la robe immaculé de celle pour qui il ferait tout.
Il finit par se lever, soulevant Évie dans ses bras pour la transporter hors de ses appartements isolés, fusillant du regard n'importe quel garde qui oserait le défier de la reposer par terre, de connaître ses limites et de se faire punir d'un tel comportement. Évie avait caché son visage contre son épaule, apaisant légèrement ses sanglots au rythme soutenu de Sunghoon qui parcourait les couloirs où les servants paniqués et peinés remplissaient pour répandre la nouvelle. Tous s'écartaient en voyant la princesse et tous inclinèrent la tête en guise de respect et de soutien.
S'ils avaient perdu un roi, elle avait perdu son monde.
«– Capucine, avec moi, somma-t-il sans plus la regarder.»
Capucine, aussi blonde que le soleil rayonnait dans les meilleurs jours, venait de remonter pour rejoindre les autres servants du cercle proche afin de servir les demandes de la reine. Elle ne se fit pas prier et suivit ses traces sans mot dire. Il la savait préparé de mouchoirs pour Évie et de mots justes pour la réconforter.
Arrivé dans le dernier couloir du château, la blondinette se rua devant le garde pour ouvrir l'immense double porte menant à la douleur d'une mère et à un corps maintenant inerte. Évie, encore caché contre Sunghoon, tourna difficilement la tête vers sa mère et son souffle s'arrêta. La reine, dont elle portait une partie des traits, venant de se lever en entendant la porte grincer et tituba jusqu'à sa fille.
«– Oh ma tendre Évie...
– Mère...»
Et les larmes reprirent lorsque le garde la reposa au sol pour léguer son support à Capucine, qui ne manqua pas de lui faire signe de s'en aller avant que les représailles ne lui tombent sur la tête. Sauf qu'en voyant la princesse s'effondrer contre la couette blanche du roi, il ne put se résoudre à faire demi-tour. Et son cri le paralysa corps et esprit. C'était bien le son le plus déchirant qu'il n'ai jamais entendu de son existence entière. Un mélange de tristesse, de colère et d'impuissance réunit dans un corps d'apparence si fragile, cela lui était insupportable.
Ce tableau, il ne l'oublierait pas.
Et ce n'est pas la main de Capucine dans la sienne, en guise de soutien, qui y changerait quelque chose.
[PAS RELU]
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