Chapitre 9 : Convalescence
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
N peinait à ouvrir les yeux, sa bouche était pâteuse. Articuler ces quelques mots avait représenté un véritable effort pour la jeune femme. Elle éprouvait la désagréable impression d’être ballottée dans tous les sens. Son corps était lourd, douloureux, chaque respiration lui donnait le tournis. C’était comme si une chape de plomb comprimait sa poitrine. Elle sentait une barre de fer dans son dos et une sous ses genoux.
Puis les mouvements s’arrêtèrent. À la place des barres de fer, elle sentait à présent une plaque rugueuse contre son corps, dur et irrégulière. Elle la tâta de sa main droite, en bougeant le moins possible. C’était quelque chose de friable, un peu froid. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre que c’était de la terre. Elle était allongée sur le sol.
— N ? fit une voix inquiète.
La jeune femme connaissait cette voix. Encore quelques instants et elle réussit enfin à soulever ses paupières qui lui paraissait si lourde. Un visage préoccupé lui faisait face. Des mèches flottaient tout autour, portées par de petites bourrasques. Des pupilles noisette la fixaient, guettant une réponse. Ce regard… Elle s’était perdue dedans des centaines de fois, et rien ne l’apaisait autant que le fait de le contempler. Enfin, son cerveau se décida à se remettre en marche.
— N ? Réponds-moi… fit Genma.
— Genma ? La voix de la jeune femme n’était qu’un murmure hésitant.
— Enfin ! Tu m’as vraiment fait peur Gamine !
Malgré son ton accusateur, N remarqua le sourire soulagé qui s’était dessiné sur son visage.
— Katsuo ! L’Hiraishin ! Kof ! Kof !
Une douleur insoutenable lui vrilla la poitrine. Elle se redressa d’un coup, cherchant à tout prix à reprendre son souffle. Pourquoi avait-elle si mal ? Ses pensées peinaient à se remettre en ordre.
— Calme-toi ! lui ordonna son chef d’escouade.
Il sortit une gourde de sa veste et la porta jusqu’aux lèvres de sa subordonnée. Celle-ci s’empressa de la vider, au risque de s’étouffer une nouvelle fois, tant sa gorge lui paraissait sèche.
— Doucement. Tu as au moins cinq côtes cassées, de ce que j’ai pu voir. C’est pour ça que tu as du mal à respirer. Katsuo va bien, tu as pu le soigner à temps, ajouta le ninja avant de reprendre : il surveille les alentours le temps qu’on rejoigne Raido. Quant à l’Hiraishin… On en parlera plus tard d’accord ?
Sa question n’en était pas réellement une, si bien que N se contenta d’acquiescer sans chercher à en apprendre plus pour l’instant. Savoir que Katsuo était hors de danger la soulagea. L’une des dernières images qu’elle avait en tête était ses mains recouvertes par le sang du lynx… En parlant de sang, un détail lui sauta aux yeux. Dans un effort qui lui parut surhumain, elle parvint à hisser sa main jusqu’au visage de son coéquipier alors qu’il rangeait sa gourde. Des traînées de sang séché partaient des commissures de ses lèvres et recouvraient une partie de son menton. C’était comme s’il avait été victime d’une hémorragie interne et qu’il avait recraché son propre sang.
— Tu as été blessé ? lui demanda-t-elle dans un murmure.
— Ce n’est rien de grave, ne t’inquiète pas. On va rejoindre Raido au plus vite et te trouver un endroit pour que tu puisses te reposer. Tu es à court de chakra, tes blessures ne se referment plus, et malheureusement, ton état dépasse mes piètres compétences en soin.
Il n’avait pas cherché à masquer l’inquiétude qui perçait dans sa voix. Il disposa un bras dans son dos, une sous ses genoux, et la souleva précautionneusement. N comprit que les barres de fer qu’elle avait cru sentir lors de son réveil n’étaient autres que les bras de son coéquipier. Elle laissa sa tête se reposer contre son torse. Installée comme ça, elle se sentait à l’abri de tout danger. Cinq minutes plus tard, elle sombrait de nouveau dans l’inconscience.
-o-
Depuis combien de temps dormait-elle ? Et où était-elle d’ailleurs ? Ses souvenirs s’entremêlaient, tout lui paraissait brumeux dans sa mémoire. Elle se souvenait d’un combat, ce qui expliquait sûrement cette sensation d’engourdissement qu’elle ressentait dans tout son corps, mais elle était incapable de savoir comment elle était arrivée ici. Elle sentait les rayons du soleil effleurer son visage délicatement. La chaleur sur sa peau avait quelque chose d’agréable, d’apaisant même. N avait envie de rester là pour toujours, bien au chaud, loin de tous ses problèmes. L’idée était plus qu’alléchante pour la jeune femme.
Pourtant, elle se sentit obligée d’ouvrir les yeux. Elle fut vite éblouie par la lumière environnante. Elle laissa le temps à ses yeux de s’adapter avant de chercher à observer la pièce où elle se trouvait. Son regard balaya les murs, à la recherche d’un élément qui lui paraitrait familier, mais il n’y avait rien. Il s’agissait d’une chambre des plus sobres, et dont le lit, qu’elle occupait, trônait au centre. La pièce était entièrement faite en bois, du sol jusqu’au plafond. Cela ne ressemblait pas à l’hôpital de Konoha, mais plutôt à une modeste maison de campagne.
La médic-nin se redressa légèrement, luttant contre une migraine qui martelait son crâne. Elle remarqua qu’elle ne portait plus sa tenue de combat, mais une simple tunique verte. D’où venait-elle ? Ses yeux s’arrêtèrent sur ses poignets, couverts comme toujours par des bandages. Cette vision la fit paniquer : elle se souvenait de les avoir retirés durant son combat… Qui lui avait remis ? Genma ? Si c’était le cas, il avait forcément remarqué les sceaux présents sur sa peau. Qu’en avait-il déduit ? L’idée qu’il soit au courant de son secret ne lui plaisait guère.
Elle fit une première tentative pour se lever qui ne fut que peu concluante : elle avait la désagréable impression que son corps avait été écrasé par un énorme rocher qui l’avait broyée. À la seconde tentative, elle parvint à rester debout. Il ne lui restait plus qu’à atteindre la porte pour se mettre à la recherche d’un visage amical. Elle constata que la tunique qu’elle portait était en vérité un simple t-shirt qui s’arrêtait en haut de ses cuisses. Une attelle faite artisanalement maintenait son genou gauche en place, l’empêchant de se déplacer correctement. Ce combat l’avait sacrément amoché si son corps ne s’était pas soigné de lui-même… Elle avait beau fouiller dans sa mémoire, elle n’arrivait plus à se souvenir de ce qu’il s’était passé.
Son premier pas l’envoya valser contre le mur, son genou était atrocement douloureux si bien qu’elle avait été incapable de trouver son équilibre et avait trébuché. Heureusement pour la jeune femme, ses réflexes de kunoichi prirent rapidement le dessus. Elle déplaça son centre de gravité sur sa jambe droite et, en s’aidant du mur, elle entreprit d’atteindre la porte de la chambre. Le trajet, bien que court, fut éprouvant pour la convalescente. Enfin sa main atteignit la poignée et appuya dessus.
Quand Raido voulu ouvrir la porte, il sentit une légère résistance. Sans réfléchir, il força sur la poignée. Le cri de douleur qu’il entendit alors qu’il poussait la porte l’informa de sa bêtise. N se trouvait au sol et lui lançait un regard meurtrier.
— Salut Gamine ! fit-il le ninja, avec un air faussement guilleret.
Il savait parfaitement que lorsque N regardait quelqu’un de cette façon, ce n’était rarement bon signe pour la personne visée. Cette kunoichi avait vraiment mauvais caractère en plus d’être bien plus dangereuse que n’importe quel humain lambda.
— Je te donne cinq secondes pour m’aider à me relever et pour effacer ce sourire stupide de ton visage.
Il s’exécuta de bonne grâce : il se baissa pour aider la jeune femme à se relever. Puis, cédant à son élan, il l’étreignit brièvement, en priant pour qu’elle ne décide pas de déclencher son bouclier. Les démonstrations d’affection envers N étaient toujours dangereuses : il était simplement impossible de savoir comment elle allait réagir. À sa connaissance, seul Genma parvenait à l’approcher sans rien risquer. Pourtant, elle sembla accepter son étreinte pour cette fois-ci.
— Content de te revoir sur pied, enfin presque… ajouta-t-il en riant.
La réaction de la jeune femme ne tarda pas : elle laissa son chakra parcourir son corps. Raido poussa un cri sonore sous l’effet de l’électrocution.
— Raido bordel ! Ferme-là, N doit se reposer ! fit une voix dans le couloir.
— Relax Vieux. Elle est réveillée.
Genma apparut, un air surpris sur le visage, son éternel senbon entre les lèvres. Air qui laissa vite place à un grand sourire. Il pénétra dans la chambre, ravi de voir sa subordonnée enfin réveillée.
— Je vous laisse cinq minutes, je vais te chercher de quoi manger N.
S’il y avait bien une qualité que Genma appréciait chez son ami de toujours, c’était sa capacité à savoir s’éclipser au bon moment. Une fois seul avec N dans la chambre, il referma la porte et s’avança vers sa subordonnée. Ces derniers mois, il avait réussi à limiter les contacts trop intimes avec la jeune femme. Ils avaient beau passer l’essentiel de leur temps ensemble, leurs proches les voyaient plutôt comme des amis inséparables que comme un couple. Pourtant, l’attirance qu’il ressentait envers la médic-nin n’avait pas changé. Elle s’était même renforcée avec le temps. Il éprouvait l’impression de lutter perpétuellement contre ses pulsions. Ce jour-là était une défaite.
Il agrippa son bras avant de l’attirer contre lui pour l’enlacer. N se laissa faire. Goûter à la chaleur réconfortante des bras du ninja lui fit un bien fou. Elle se laissa aller contre lui, posant sa tête contre son torse. Il resserra son étreinte, enfouissant son visage dans la chevelure blanche de la jeune femme.
— Ne me refais plus jamais peur comme ça, lui murmura le ninja.
— J’aimerais volontiers te le promettre Gen’, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il s’est passé…
— Comment ça ?
Il s’était légèrement écarté, à regret, et posait sur la kunoichi un regard inquiet. N hésita avant de lui répondre. Comment lui décrire fidèlement ce qu’elle ressentait ?
— Je… Je me souviens de notre mission, et du fait qu’on était sur le chemin du retour. Après, tout se mélange dans ma tête. Il y a eu un combat c’est ça ?
N avait l’air complètement perdu. Genma soupira. Il espérait sincèrement que cette perte de mémoire n’était que temporaire. Le monde des ninjas n’était pas tendre avec ceux dont l’esprit n’était plus clair. Sans lui demander son avis, il souleva la jeune femme et l’amena s’asseoir au bord du lit avant de s’installer près d’elle.
— Pour le moment, tu ne bouges pas de là. Tu as besoin de repos.
Il s’efforça de pas rester fixé sur les jambes nues de sa coéquipière, qu’il trouvait terriblement tentantes.
— Genma ? Tu m’expliques ?
La migraine que ressentait N martelait ses tempes. Elle mourrait d’envie de se rendormir, mais sa curiosité l’emportait pour l’instant. Elle n’aimait pas rester dans l’ignorance.
— En rentrant de mission, on est tombé dans une embuscade. Nous avons tous les trois été séparés. Je me suis débarrassé de mes adversaires plutôt facilement, et j’ai retrouvé Raido dans la foulée. Notre fuite ne nous avait pas trop éloignés l’un de l’autre. Il avait aussi éliminé les ninjas qui l’ont attaqué, mais ils avaient réussi à le blesser au crâne. Je l’ai laissé sur place après les premiers soins et je suis parti à ta recherche.
Il guetta une réaction quelconque sur le visage de sa subordonnée, une réaction qui lui montrerait qu’elle retrouvait ses souvenirs. Mais face à lui, la jeune femme restait impassible, attendant la suite.
— J’ai passé vingt minutes à retrouver l’endroit où l’on avait été séparé. Sur place, j’ai trouvé un bout de ton foulard. J’ai invoqué Nozomi, qui m’a mis sur ta piste. On est vite tombé sur ton invocation, Katsuo. Tu l’avais envoyé chercher de l’aide : tu étais blessée à la jambe et encerclée d’ennemi. J’ai envoyé Nozomi auprès de Raido et j’ai suivi Katsuo jusqu’en bas de la falaise où le combat se déroulait. Quand on est arrivé, tu avais éliminé la moitié de tes assaillants, mais tu tenais à peine debout.
Il se stoppa, remarquant que N avait fermé les yeux, concentrée. Les souvenirs commençaient à affluer dans sa mémoire. La chute dans le précipice, la douleur atroce au genou. La mission de Katsuo… L’affrontement, la décision de briser le sceau, l’arrivée in-extremis de Genma... Tout se bousculait dans son crâne.
— Katsuo s’est remis de sa blessure ?
— Oui, tu as pu le sauver à temps. C’est pour ça que tu t’es évanouie. Tu as usé tes dernières réserves de chakra pour le soigner. J’ai sincèrement cru que tu étais allé trop loin cette fois-ci… que tu…
Il laissa sa phrase en suspens, préférant ne pas la finir. Prononcer les mots qu’il pensait l’aurait obligé à affronter l’impitoyable réalité qui était la leur. S’il était arrivé ne serait-ce qu’une seconde plus tard, qui sait ce qui aurait pu se passer ? Il sentait déjà la culpabilité le ronger, il préférait ne pas imaginer le pire.
N le connaissait depuis assez longtemps maintenant pour savoir comment fonctionnait son chef d’escouade. S’il ne lui avait toujours rien révélé sur son passé, elle se doutait bien qu’il avait perdu des êtres chers. Il en avait développé une inquiétude constante pour ses proches et se rongeait les sangs pour eux. Elle pouvait lire sur son visage la culpabilité qui le hantait.
— Arrête.
Il releva la tête sans comprendre ce qu’elle lui demandait. Devant son air penaud, la jeune femme ajouta :
— Arrête de t’en vouloir, tu n’es en rien responsable de ce qu’il s’est passé.
— Je…
— Non ! le coupa-t-elle. Je refuse que tu te sentes coupable ! Sans toi, je serais sûrement morte à l’heure qu’il est. Sans toi, qui sait ce que ces hommes auraient fait d’une nukenin comme moi ? Tu m’as sauvé la vie Genma, et pour ça, je t’en serais éternellement reconnaissante. Alors, s'il te plait, arrête de te laisser envahir par cette foutue culpabilité !
Sa voix était montée crescendo. La patience n’était pas son fort, ni même le tact. Elle détestait voir Genma comme ça, et ne se privait pas de lui faire savoir.
— Tu ne m’en veux pas d’être arrivé aussi tard ?
— Comment je pourrais t’en vouloir après tout ce que tu fais pour moi ? J’ai la chance d’avoir un véritable ange-gardien à mes côtés. Ce n’est pas donné à tout le monde, ajouta la jeune femme avec un doux sourire.
Il y eut un long silence. Ils étaient épuisés par toute cette histoire et surtout, ils savaient tous les deux que ça ne faisait que commencer. Si Kumo avait décidé d’agir, ils n’étaient pas près de se calmer rapidement. Pour N, la situation était presque normale. Elle avait pris l’habitude d’être traquée par les chasseurs de nukenin depuis longtemps. Pour Genma, c’était différent. Il redoutait la suite, et surtout, il redoutait le moment où il ne serait plus assez fort pour la protéger.
— Je ferais toujours tout ce que je peux pour te protéger.
Ça sonnait comme une promesse, et c’en était une aux yeux du ninja. Jamais il ne l’abandonnerait.
— Je sais Genma.
Elle glissa sa main dans la sienne, bien plus grande et couverte de cicatrice. À l’image de son chef d’escouade, la médic-nin avait de plus en plus de mal à réfréner ses sentiments. Chacun de leur contact l’électrisait et elle n'éprouvait qu’une envie : faire sauter les barrières qu’ils s’étaient eux-mêmes imposées. Au regard qu’il lui lança, alors que leurs doigts s’entrelaçaient, que leurs souffles se mêlaient, et que leurs cœurs battaient à tout rompre, elle comprit que leurs pensées étaient semblables. Mais l’instant tant désiré n’était pas encore venu. Ce n’était ni le lieu, ni le moment de songer à ce genre de chose. À leur grand regret.
Raido passa la porte avec un plateau repas dans les mains, brisant ainsi la bulle de tendresse qui s’était formée entre ses deux coéquipiers. Maintenant qu’elle avait les idées remises en place, N remarqua le bandage qui enserrait le crâne du balafré.
— Alors comme ça, tu laisses de simples chunnins te blesser à la tête toi ? Tu te ramollis mon vieux ! ne put s’empêcher de taquiner N.
— T’es sûre que tu veux parler de ça dans ton état ? plaisanta Raido, loin de se vexer.
— Commencez pas tous les deux…
Genma se passa une main las sur le visage avant de continuer :
— N, tu devrais manger un bout avant de te reposer. Plus vite tu seras sur pied, plus vite nous pourrons rentrer à Konoha.
— J’ai été inconsciente combien de temps ? Et d’ailleurs, où sommes-nous ?
— Une trentaine d’heures environ. De jeunes paysans ont accepté de nous loger le temps de ta rémission. Nous leur donnons un coup de main en échange.
Une trentaine d’heures… Pas étonnant que son corps lui paraissait encore autant engourdi, songea la jeune femme.
— D’ici demain, je devrais être capable de remarcher correctement. On pourra rentrer à Konoha.
— On verra bien. D’ici là, mange et repose-toi.
-o-
N se réveilla de nouveau alors que la nuit tombait. Elle sentit que son corps était moins engourdi que le matin même. Sa migraine semblait n’être plus qu’un mauvais souvenir. Elle se releva doucement dans l’obscurité. Sa jambe la faisait moins souffrir. Elle ne parvenait pas encore à marcher correctement, mais elle pouvait enchainer quelques pas sans trébucher. Ce constat fait, elle se mit en quête de ses coéquipiers.
La chambre donnait sur un long couloir, parsemé de nombreuses portes. Un silence pesant régnait derrière chacune d’entre elle. N avança jusqu’à l’autre bout pour constater qu’il donnait sur un escalier. Elle jura entre ses dents. Les descendre seule, c’était une chute quasiment assurée. Mais son estomac grondait et elle n’avait aucune envie de retourner dormir. Elle ne mit pas très longtemps à se décider. Son estomac l’emporta sur sa raison. Avec prudence, elle s’élança sur la première marche. Descendre l’escalier lui prit un temps fou. Son estomac grondait de plus en plus. Elle venait de débarquer dans un nouveau couloir parsemé de nombreuses portes. Un mince filet de lumière filtrait à travers la dernière porte. Entre-ouverte, elle était à une vingtaine de mètres. N soupira avant de se remettre en route.
D’un pas chancelant, elle se dirigea jusqu’à la pièce du fond. Avec un peu de chance, ses deux compères ne devaient plus être très loin. La porte donnait sur une cuisine à l’ancienne. Elle se souvint des paroles de Genma. Les gens qui les avaient accueillis étaient des paysans. La bâtisse devait être un vieux corps de ferme. Cela expliquait le nombre de pièces et la décoration désuète. Elle s’approcha d’une fenêtre et chercha à apercevoir les alentours. Elle ne distingua cependant qu’un vaste monde obscur. Il n’y avait pas un rayon lunaire pour illuminer le paysage. N ne put s’empêcher de trouver ça oppressant, presque angoissant. Elle n’avait jamais été à l’aise dans l’obscurité totale. Cela lui évoquait trop de mauvais souvenirs.
Plongée dans ses pensées, elle ne réalisa pas tout de suite qu’elle n’était plus seule dans la pièce. Puis, son instinct prit les devants et la poussa à faire volte-face. Un homme d’une vingtaine d’années se tenait à l’autre bout de la cuisine, devant une porte qu’elle n’avait pas remarquée. Quelque chose en lui déplut immédiatement à la jeune femme. Était-ce son sourire qui sonnait faux ? Ou bien le regard lubrique qu’il lui adressait ?
Les réflexes de la kunoichi prirent le dessus sur ses bonnes manières. Discrètement, elle se plaça en position de combat, tout en veillant à ne pas solliciter trop fortement sa jambe gauche. L’homme ne sembla pas s’en rendre compte, puisqu’il continuait à la dévisager de son air malsain. Après l’avoir observé sans la moindre gêne, il daigna enfin lui parler :
— Bonsoir… Mademoiselle… fit-il en s’inclinant légèrement.
Même sa voix lui déplut.
— Hayashi ? À qui parles-tu, petit frère ?
Un deuxième homme apparut alors dans l’embrasure de la porte. Il aurait été difficile de trouver deux frères qui se ressemblaient encore moins que ces deux-là, nota N. L’homme leva alors les yeux vers elle. Elle fut vite troublée. Il avait l’air bien plus aimable que son frère, mais son regard exprimait clairement une mise en garde.
— Je ne t’avais pas dit de rester allongée ?
Genma daigna enfin apparaître, la sauvant du calvaire qu’elle était en train de vivre. Rencontrer des inconnus n’avait jamais été son fort. Cela encore moins lorsqu’elle venait de passer deux jours entiers à dormir dans une de leurs chambres et qu’elle était à moitié nue devant eux…
L’un des plus gros points forts du chef d’escouade était sans hésiter son sens de l’observation. Le moindre détail lui sautait aux yeux, et il faisait preuve d’une étonnante habilité à déchiffrer les situations. En un instant, il remarqua la position de défense de sa subordonnée et son regard perdu. Comme un écho à la tension de la jeune femme, Daisuke fixait d’un air réprobateur son frère. Hayashi, lui, l’ignorait tout en ne se privant pas de la déshabiller du regard. Il sentit un élan de colère monter en lui. De quel droit ce gamin se permettait-il ce genre de comportement ?!
Il passa entre les deux hommes et s’approcha de N. À la grande surprise de la kunoichi, il l’enlaça. Puis, veillant à ce que les deux frères ne puisse pas le voir remuer les lèvres, il articula doucement :
— Joue le jeu.
Elle lui lança un regard étonné, mais ne chercha pas plus loin. Elle avait toute confiance en lui. Genma se détacha légèrement d’elle, en laissant tout de même un bras possessif autour de sa taille.
— Messieurs, je vous présente Kaori, notre coéquipière. Kaori, voici Daisuke, le propriétaire de la ferme, et son petit frère Hayashi.
Elle ne tiqua pas devant le prénom qu’il lui avait donné. Vu la situation, il était plus prudent de taire leur véritable identité. Sans compter que ces deux frères ne lui inspiraient guère confiance. Daisuke se tourna vers elle :
— Ravi de vous revoir sur pied, Kaori. Je suis cependant d’avis à ce que vous suiviez le conseil de votre chef d’escouade, vous m’avez l’air encore bien fatiguée, vous devriez retourner vous allonger.
— Merci pour votre accueil Daisuke-sama, lui répondit N en s’inclinant légèrement. Pour ne pas vous mentir, je suis descendue parce que je mourrais de faim.
Elle se frotta la tête d’un air gêné. Au moins, il n’avait pas émis de remarque sur sa capacité à être sur pied rapidement malgré ses blessures. Moins ils en savaient sur leur escouade, mieux ils se porteraient.
— Épargnez-moi le “sama”, je ne suis pas beaucoup plus vieux que vous. Ryo, je te laisse la raccompagner dans sa chambre, je vous monte de quoi manger très vite.
Il se tourna vers son petit frère :
— Ta femme n’est toujours pas rentrée ?
— Non. Je suppose qu’elle a choisi de passer la nuit en ville. Le chemin n’est pas très sûr de nuit.
Daisuke hocha la tête. Pourtant, son visage se ferma instantanément suite à la réponse de son frère. Cela n’échappa aux deux ninjas qui le fixaient à présent, curieux. Finalement, Genma entraina N vers sa chambre en la soutenant. Raido les attendait en bas des escaliers, dans l’ombre. Une discussion s’imposait.
Alors qu’ils arrivaient dans la chambre, Genma ferma la porte avant d’invoquer Nozomi. La renarde apparue dans un nuage de fumée au milieu de la pièce, sous le regard des trois de Konoha. Comme à son habitude, elle vînt poser son museau contre le bras de son invocateur, pendant qu’il la gratifiait d’une caresse.
— Je suis contente de voir que tu vas mieux N.
La kunoichi fût étonné d’entendre une voix aussi harmonieuse venant d’une renarde. Genma lui avait parlé plusieurs fois d’elle, bien sûr, mais il n’avait pas mentionné cette aura de bienveillance qui émanait d’elle. En y réfléchissant bien, Nozomi était une invocation qui convenait parfaitement à son chef d’escouade…
— Merci pour toute l’aide que tu nous as apportée Nozomi. Je suis heureuse de te rencontrer enfin !
— On s’occupera des présentations et des remerciements plus tard, coupa Genma. Nozomi j’aimerais que tu surveilles les alentours, et surtout, je voudrais que tu me préviennes si quelqu’un s’approche de la chambre.
— Compris.
La jeune renarde s’installa près de la porte, le museau en l’air, la queue remuant silencieusement sur le sol, aux aguets.
— Qui sont ces hommes ? demanda N.
— Deux paysans. Mais je ne leur fais pas confiance. Enfin, je ne fais pas confiance au plus jeune, Hayashi. Quelque chose de malsain émane de lui.
— Et Daisuke ?
— Il a l’air réglo, répondit Raido. Mais par mesure de sécurité, nous n’avons pas dit ce qu’il nous était arrivé et nous n’avons pas utilisé nos vrais prénoms.
— C’est ce que j’ai pu comprendre en étant en bas. Je m’appelle Kaori du coup ?
Raido pouffa en entendant le prénom que Genma avait donné à leur coéquipière.
— T’exagères un peu, Vieux…
— Épargne-moi tes commentaires tu veux ?
N n’avait jamais vu Genma aussi gêné. Il essayait de se soustraire à son regard alors que Raido tentait de réprimer son fou rire à côté de lui.
— Il a quoi ce prénom ?
— Elle va te tuer Genma…
— C’est le prénom de mon ex, fit Genma en soupirant.
Raido n’arriva plus à se retenir, il explosa dans un fou rire incontrôlable. Les pupilles de la jeune femme fusillèrent Genma tandis que celui-ci ne savait plus où se mettre.
— Le prénom de ton ex ? Charmant. Je suis ravie de savoir que je te fais penser à ton ex.
Même Nozomi retroussait ses babines dans un rire silencieux. Malgré son succès, Genma n’avait jamais été très doué avec les femmes.
— Tu m’en voudras plus tard d’accord ? Il faut qu’on parle.
Elle hocha la tête. Il était inhabituel qu’il soit aussi sérieux.
— Comment tu te sens ? Tu peux faire le trajet jusqu’à Konoha ?
— Ça va mieux, mais je ne suis pas encore en état de courir, ni même de réellement marcher. Il me faut au moins deux bonnes nuits de sommeil pour ça.
— Tu as encore des pertes de mémoires ? lui demanda Genma.
— Non, enfin, je n’en ai pas l’impression.
Il parut soulagé. La situation n’était pas si mauvaise que ça finalement.
— Combien de temps va-t-on rester ici ? demanda Raido à son ami
— Ça, ça ne dépend pas de moi, mais de nos hôtes.
— Vous allez pouvoir leur demander : il y en a un qui arrive ! prévînt Nozomi.
— Merci. Cache-toi sous le lit pendant qu’il est là.
La renarde se faufila d’un pas souple dans l’ombre du lit. Quelques secondes plus tard, des pas se firent entendre dans le couloir, puis quelqu’un frappa à la porte.
Daisuke n’était pas un homme facilement impressionnable. Même s’il avait toujours mené une vie banale, à travailler dans ses champs, il avait toujours pris soin de cultiver son esprit de manière à ne pas se laisser surprendre. Pourtant, lorsqu’il entra dans la chambre, il marqua un temps d’arrêt. Ces trois ninjas avaient assurément quelque chose de spécial en eux. Il avait déjà eu l’occasion de côtoyer des soldats de Konoha, mais aucun ne lui avait procuré une telle impression. Ils avaient un je-ne-sais-quoi en plus qui le captivait. Peut-être était-ce ce lien si fort qui semblait les unir ? C’était encore plus flagrant maintenant que leur coéquipière était réveillée. Ils dégageaient une cohésion rare, et pour lui qui avait grandi isolé du monde, avec un frère si différent, ça lui sautait aux yeux. Ou alors était-ce cette impression de puissance qui se dégageait d’eux ? Les deux hommes l’avaient déjà épaté de par leur stature, mais avec la fameuse Kaori éveillée, une nouvelle aura, bien plus forte, les entourait.
Il devait s’avouer à lui-même qu’il n’était pas insensible au charme sauvage de la jeune femme. Maintenant qu’il pouvait voir l’éclat de son regard briller en observant tout ce qu’il l’entourait, il se retrouvait complètement fasciné par la kunoichi. C’est lui qui avait aidé à la soigner lorsqu’ils avaient débarqué en pleine nuit. Lui qui était si peu familier à l’univers des ninjas, il avait dû prendre sur lui pour panser des blessures qui ressemblaient à celles du temps de la dernière guerre. C’était d’ailleurs inattendu de la revoir aussi vite sur pied, vu l’état dans lequel elle était arrivée...
Cependant, il n’était pas aveugle, loin de là. Il avait toujours su déchiffrer les sentiments des gens, et il était clair qu’il y avait bien plus qu’une simple amitié entre Ryo et Kaori. Chacun de leur geste, chacun de leur regard laissait transparaître les sentiments qui les liaient. C’était tellement flagrant qu’il se demandait s’ils en avaient conscience. Après tout, les ninjas n’étaient-ils pas censés n’éprouver aucun sentiment, ou du moins, ne jamais les montrer ? Enfin… de toute façon, qui était-il pour se mettre entre ces deux-là ?
C’est l’esprit hanté par cette réflexion qu’il déposa un plateau rempli de nourriture sur le lit. Les regards affamés qu’y portèrent les trois ninjas lui arrachèrent un sourire. Le monde était fait de changements, mais s’il y avait bien une chose qui restait immuable, c’était l’appétit légendaire des ninjas.
— J’aimerais vous demander un service.
Son air sérieux eut le mérite de détourner les trois ninjas de leur festin. Ce fût Genma qui lui répondit :
— Je t’écoute ?
— Est-ce que l’un de vous serait en mesure de m’indiquer si mon frère se trouve toujours dans la ferme ?
Les trois de Konoha se fixèrent. Genma avait déjà son avis sur la question, mais il préférait prendre en compte l’avis de ses deux coéquipiers. Alors qu’ils acquiesçaient chacun leur tour, il reprit la parole :
— Nozomi, tu peux sortir de ta cachette.
Daisuke eu un mouvement de recul en apercevant la renarde sortir de l’ombre du lit. Depuis quand était-elle là ? Elle était tellement différente de tous les renards qu’il avait pu croiser au-dehors. Son comportement indiquait qu’elle obéissait à Ryo et celui-ci semblait avoir pleinement confiance en elle. Il n’y avait donc rien à craindre ?
— Tu sens sa présence ? demanda N à la renarde.
Nozomi se concentra quelques instants, les pupilles fermées, le museau en l’air. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle annonça d’une voix formelle :
— Il est en train de s’éloigner d’ici. Il est à environ trois kilomètres de la ferme.
— J’en étais sûr ! s’emporta Daisuke.
N le dévisagea avec curiosité. Il y avait quelque chose d’étrange à voir s’énerver cet homme. Du peu qu’elle avait pu observer depuis qu’elle s’était réveillée, il avait l’air du genre à garder son calme en toute circonstance. Elle avait bien remarqué son temps d’arrêt lorsqu’il avait pénétré dans la chambre, mais il avait pris soin de camoufler toute autre émotion sur son visage. Pourquoi perdait-il donc son calme ainsi ?
— Vous nous expliquez ?
Daisuke soupira avant de s’asseoir sur le sol. Il avait l’air à bout de force vu comme ça, comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules.
— Il compte vous dénoncer, ou du moins essayer.
— Comment ça ? Genma s’était exprimé d’une voix glaciale.
— Il est évident que vous chercher à vous cacher depuis que vous êtes arrivés ici. Dès que vous mettez un pied dehors, vous vous métamorphosez et j’imagine que les prénoms que vous nous avez annoncés sont faux. Il est donc évident que vous fuyez quelqu’un. Je ne compte pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, et les raisons qui vous poussent à vous dissimuler sont sûrement à mille lieues de ce que je peux imaginer. Hayashi a bien compris votre situation, lui aussi, mais il compte bien s’en servir contre vous.
— Qu’est-ce que l’on attend pour l’arrêter alors ? On devrait pouvoir le rattraper rapidement !
Cette fois, c’était Raido qui s’était exprimé. Sa véhémence ne surprenait guère ses coéquipiers : ils savaient pertinemment qu’il exécrait les traîtres. La droiture de son esprit l’empêchait de concevoir de tel comportement, si bien que Genma préféra intervenir immédiatement.
— Il est hors de question qu’on s’en prenne à un civil, alors calme-toi.
Comme souvent, son ton ne laissait place à aucune contestation. Sa parole faisait loi dans leur escouade.
— Daisuke, peux-tu nous expliquer pourquoi Hayashi agit de cette façon ? Il n’a aucune raison de nous en vouloir il me semble.
— Sa haine ne vous vise pas vous en particulier… Il déteste tous les ninjas venus de Konoha depuis des années, et il me déteste tout autant, puisque j’ai décidé de vous accueillir dans la ferme de nos défunts parents.
— Pourquoi cette haine envers Konoha ? intervint Raido, surpris par ces allégations.
— J’imagine que cela à avoir avec un crime de guerre ? tenta Genma.
Daisuke les fixa, désemparé. Des ninjas comme ces trois-là pouvaient-ils comprendre la douleur qu’endurait son petit-frère ? Pouvaient-ils comprendre à quel point leur famille avait été familière aux horreurs de ce monde ? Une petite voix dans sa tête lui affirma que, de par leur statut, ils avaient dû voir des choses bien pires que lui, si ce n’était les avoir commis. Il en savait assez pour savoir que la voie des ninjas n’était certainement pas la plus tendre. Il lui suffisait de voir l’état de la kunoichi devant lui pour s’en rappeler après tout.
— Effectivement. Cela s’est passé lors de la dernière grande guerre…
Les trois de Konoha pâlirent à l’évocation de cette période. La Troisième Grande Guerre Shinobi avait été la plus sanglante et la plus meurtrière de toutes. Pour eux qui y avait participé en tant qu’enfants-soldat, les souvenirs des massacres étaient restés ancrés dans leur esprit. Il n’en parlait jamais et faisait tout pour pouvoir laisser ces horreurs derrière eux.
— Notre famille habite sur ces terres depuis plusieurs générations, et jamais l’un de nous n’a été autre chose qu’un simple fermier. Jamais nous nous sommes mêlés des affaires des ninjas, et notre éloignement de Konoha nous a permis de vivre en paix sans nous soucier de la politique du Pays du Feu. Nous n’étions qu’une modeste famille souhaitant la tranquillité, rien de plus, mais tout a changé quand la guerre a commencé…
— Nous sommes près de la frontière avec Kusa ici, n’est-ce-pas ? demanda N en s’adressant à son chef d’escouade.
Il acquiesça, silencieux. La tournure que les événements prenaient ne lui plaisait guère. Après la guerre, il était vite devenu le garde du corps du Yondaime, et sa place lui avait permis d’en apprendre plus sur la réalité de cette période. De nombreux crimes de guerre avait été rapporté au Hokage à l’époque et les plus hautes sphères de Konoha et du pays du Feu avaient tout fait pour que cela ne se sache pas. Il redoutait la suite de l’histoire que leur contait Daisuke. Ce dernier reprit la parole :
— Hayashi n’était qu’un enfant à cette époque-là, il devait avoir tout au plus quatre ou cinq ans. La région n’était pas encore réellement en guerre, mais l’on voyait passer chaque jour un peu plus de ninjas sur nos terres. Nos parents avaient toujours accordé leur soutien à ceux de Konoha, et cela n’avait pas changé avec la guerre. Ils fournissaient des vivres aux escouades qui passaient pas là, ainsi qu’un gîte pour les blessés. Avec les mois qui passèrent et la guerre qui s’envenimait, la situation devint de plus en plus tendue dans la région. Une grande partie de nos récoltes fût détruite, si bien qu’il nous restait à peine de quoi subsister. Pourtant, nos parents n’ont pas hésité une seule seconde à partager le peu qu’il nous restait avec les soldats....
Daisuke se stoppa pendant quelques instants. Ses yeux fixaient le vide, sa voix était presque devenue un chuchotement. Toujours assis en tailleur sur le sol, les épaules de plus en plus affaissées, il semblait être ailleurs. Comme s’il revivait cette période de sa vie. Ou plutôt, comme si une partie de lui-même était restée bloquée à cette époque, songea N en l’observant. Après un nouveau long soupir, il continua :
— Rien n’aurait pu nous avertir de ce qu’il allait arriver. À vrai dire, je n’étais même pas sur place ce jour-là… Nos parents m’avaient envoyé en ville pour acheter un peu de nourriture. Lorsque je suis rentré, il était déjà trop tard.
Sa voix se brisa, ses yeux pâles étaient hantés par ses regrets. N céda à son élan et se leva pour le rejoindre. Genma la laissa faire, veillant tout de même à être prêt à intervenir si son corps lui faisait défaut. Après quelques pas trébuchants, la jeune femme vint s’asseoir près du paysan, déjà épuisée par le peu d’efforts qu’elle avait fournis. Elle posa une main bienveillante sur son bras, cherchant à capter son attention. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle ressentait une grande compassion pour cet homme qu’elle connaissait à peine. Enfin, elle parvint à capter son regard et l’encouragea à continuer son récit :
— Que s’est-il passé ? lui demanda-t-elle.
— Ils ont été massacrés. Notre père et notre mère ont été sauvagement assassinés. Lorsque je suis rentré, ils étaient morts, il n’y avait plus une once de vie dans leur regard depuis longtemps. Dès que je ferme les yeux, je vois encore leur cadavre sur le sol du cellier…
— Des ninjas de Kumo ?
N lui avait demandé ça sans rien laisser paraître sur son visage. Si ceux qui avaient fait ce coup-là étaient bien de Kumo, ils avaient eu raison de ne rien dire sur leur identité…
— Non. C’était des ninjas de Konoha.
Sa réponse tomba, implacable. Comment était-ce possible ?
— C’est impossible ! s’exclama Raido haut et fort, comme un écho à ses pensées.
Le regard de N se posa sur leur chef d’escouade, en quête de réponse. Celui-ci se contenta de baisser la tête en mâchonnant son senbon, l’air las. Que savait-il de tout ça ?
— Et pourtant je vous dis la vérité, affirma Daisuke. Hayashi a été témoin du meurtre et il en est resté traumatisé depuis. Il voue une haine profonde à tout ce qui touche Konoha, alors autant vous dire que lorsque j’ai accepté de vous accueillir, il a vécu ça comme un affront. Il vous hait tous, sans exception, et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous nuire. Je suis désolé.
Il se leva, et sans attendre de réponse, il s’éclipsa, laissant les trois ninjas confus. Un silence pesant avait envahi la pièce. Finalement, Genma prit la parole :
— La priorité, c’est de te mettre en sécurité N. On part ce soir.
— Pourquoi se précipiter ? On est même pas sûr que ce gamin nous a trahis ! protesta Raido.
— Je ne prendrais pas le risque que l’un de vous deux soit de nouveau blessé. On part dans une heure, mangez un bout et préparez-vous.
Une fois encore, il ne leur laissait pas le loisir de protester contre sa décision. Ses deux coéquipiers acquiescèrent en silence, conscients qu’il serait impossible de le faire changer d’avis.
Ils se retrouvèrent une heure plus tard dans la fraicheur de la nuit, prêt à affronter une longue course jusqu’au village de la feuille. Daisuke avait eu la gentillesse de leur fournir des vivres et des vêtements plus chauds. N avait d’ailleurs quitté avec plaisir le vieux t-shirt qui la couvrait à peine. Toujours incapable de se déplacer correctement, elle avait profité du soutien de Raido pour boitiller jusqu’à l’orée de la forêt qui délimitait le domaine fermier.
— Comment on fait maintenant ? demanda-t-elle à Genma.
Celui-ci était resté étrangement silencieux depuis le discours de Daisuke. Quelque chose semblait l’avoir perturbé dans les allégations du paysan. Croyait-il vraiment cette histoire de crime de guerre ? Même Nozomi semblait avoir remarqué l’air soucieux qu’affichait le ninja.
— Vous commencez par invoquer Katsuo et Osamu, on va avoir besoin d’eux.
Ils s’exécutèrent immédiatement, N sortant un parchemin d’une de ses sacoches qu’elle avait enfin récupérées, et Raido apposant directement sa main sur le sol. Deux nuages de fumée se dissipèrent, laissant entrevoir l’imposant lynx et une buse au plumage tricolore. Celle-ci vint se percher rapidement sur l’épaule de son invocateur, utilisant l’épaulette renforcée de son uniforme ninja pour planter ses serres.
— Tu fais trop souvent appel à moi, femelle.
Katsuo s’était exprimé d’une voix las en toisant N. Cette dernière lui répondit d’un air blasé :
— La prochaine fois que tu es blessé, je te laisse te vider de ton sang.
— Tu n’oserais pas.
— Qui sait ?
Genma ne put s’empêcher de sourire devant la joute verbale qui se déroulait devant lui, même s’il y coupa court.
— Katsuo nous aurions besoin de ton aide cette nuit, peux-tu nous prêter main forte ? Ou plutôt “patte” forte ?
— Tu vas me dire qu’en plus de ça, ton chef d’escouade ose faire des jeux de mots aussi minables ? fit le lynx à N, ignorant complètement Genma.
— Moi aussi ça me consterne, mais on finit par s’y habituer…
La jeune femme partit dans un éclat de rire en voyant le visage faussement vexé du Jonin.
— Je croyais qu’on était pressé ? nota Raido, le sourire aux lèvres.
— Effectivement. Osamu, j’aimerais que tu voles en direction du Nord. Essaye de repérer un jeune homme blond seul, ou accompagné par un groupe de ninja. Katsuo, tu pars dans la même direction. Si vous repérez une quelconque menace, vous nous prévenez. Soyez prudent et ne vous faites pas repérer. Nozomi, tu pars direction Konoha, en ouvrant la marche. Ton flair permettra de repérer le moindre danger. N, je vais te porter pour aller plus vite. Et toi Raido, tu couvriras nos arrières. Des objections ?
Il avait dessiné le plan de leur formation au fur et à mesure de son discours, indiquant le placement de chacun et leur périmètre de surveillance. Personne ne lui répondit.
— Nous sommes à deux jours de marche de Konoha. En nous pressant, nous devrions pouvoir faire le trajet en moitié moins de temps. C’est parti !
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Pour changer... Ils sont bien dans la merde 😁
Des fois je me demande si ça serait pas plus simple de les laisser vivre leur vie de personnages sans les embêter...
Et après, mon sadisme me rattrape o/
On notera tout de même la présence d'une légère guimauve dans ce chapitre, j'en connais une qui va être contente, n'est-ce pas SweetySamaa ?
Sinon, y a plein de référence à d'autres oeuvres dans ce chapitre, vous les avez ? 😁
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