Chapitre 6 : Soulagement


— Maître Hokage ?

Genma rangea immédiatement le senbon qui était apparu dans sa main alors qu'il avait entendu une voix derrière lui. S'il y avait bien une personne qu'il ne pensait pas croiser ce soir-là, c'était effectivement Hiruzen Sarutobi. Après avoir passé plusieurs jours à tenter d'obtenir une audience, il trouvait ça ironique que celui-ci apparaisse ici sans prévenir. Un peu irrité par la tournure qu'avaient pris ses jours de convalescence, il ne manqua pas l'occasion de lui dire ce qu'il pensait de la situation.

— Quelle étrange chose de vous voir en dehors de votre bureau, et surtout, quelle étrange sensation de voir que vous daignez vous adresser à moi.

Si Kakashi paru surpris d'entendre le ton sur lequel Genma s'adressait au Hokage, il n'en laissa cependant rien paraître. Il comprenait la frustration du ninja et son besoin de l'évacuer. Après tout, il s'était retrouvé à la même place que lui deux ans en arrière, peu après sa rencontre avec N. Il savait ce que c'était cette sensation d'être mis à l'écart par les gens en qui il possédait une entière confiance. Il savait ce que c'était que de s'inquiéter pour sa coéquipière. Bien que le lien qui unissait Genma à N semblait radicalement différent de celui qui l'unissait lui-même à la jeune femme...

— Je te dois des excuses Genma. J'en ai bien conscience, ajouta Hiruzen devant le visage fermé du ninja. Je ne pouvais cependant pas risquer de te recevoir après ce qu'il s'est passé lors de votre précédente mission.

— C'est vrai que la mission s'est tellement bien passé, et qu'il n'y a pas du tout eu de complication qui exigeait un minimum de discussion. Après tout, on s'en est tous sortis indemnes, n'est-ce pas ? Il planta son regard dans celui du Hokage. Laisser sortir sa colère lui faisait un bien fou.

— Ta colère est légitime. Tout comme ta soif de réponse. Je te prierais cependant de ne pas dépasser les bornes avec moi Genma Shiranui.

Le ton du vieil homme était bien plus froid que celui qu'il utilisait habituellement. Genma se rendit compte qu'il avait légèrement dépassé les bornes. Mettre en colère le vieux singe n'engendrerait rien de bon pour lui. Il songea à Lyra et à ses conseils. Il ne devait pas se mettre à dos les gens en qui il avait confiance seulement parce qu'il ne comprenait pas leurs agissements. La situation était forcément nettement plus compliquée qu'il n'y paraissait. En vérité, il commençait presque à en vouloir à N et à son obsession du secret. Si tout le monde avait joué franc-jeu depuis le départ, il y aurait eu singulièrement moins de soucis. Il mâchonna son senbon, attendant que le Hokage reprenne la parole. Il n'avait pas envie de lui présenter ses excuses et ce dernier semblait l'avoir compris, et décida de passer outre son comportement, puisqu'il continua sur sa lancée.

— Avant que tu ne le demandes, je ne suis pas ici par pur hasard, mais simplement parce que Kakashi est venu me parler de votre échange qui a eu lieu cette après-midi. Je me doutais bien que tu allais te représenter à mon bureau et je savais qu'il fallait que je te parle de toute urgence avant que ta présence au sein du bâtiment central plusieurs jours de suite ne se fasse remarquer. Sache que notre marge de manœuvre est excessivement restreinte, et on ne peut pas se permettre d'agir en plein jour si nous voulons réussir.

— Mais réussir quoi bordel ? Comment voulez-vous que je vous aide si je ne sais même pas ce qu'il se passe ? Je sais pertinemment qu'un ninja est censé obéir aux ordres sans poser de question, mais vous n'avez pas l'impression que ce genre de règle finit par poser problème ?

— Calme-toi Genma. Si je suis ici, c'est précisément pour te permettre d'en savoir un peu plus sur la situation de ton escouade. Commençons par le début, veux-tu ? Que sais-tu de N ?

— Il ne sait rien maître Hokage. N ne leur a rien dévoilé ni sur qui elle est, ni sur sa situation, ajouta Kakashi.

C'était la première fois que Kakashi prenait la parole depuis que Hiruzen était apparu derrière eux. Genma appréciait moyennement le fait que ce soit pour étaler son ignorance devant le chef du village. Sa fierté, mal placée, ne supportait que très peu le fait de passer pour un demeuré devant d'autres ninjas.

— Voilà qui va nous compliquer la tâche... Par quoi...

— De ce que je sais, coupa Genma, N est une déserteuse de Kumo. Je ne sais pas pourquoi elle est partie de son village, ni pourquoi elle a rejoint Konoha. Je sais néanmoins que quelqu'un cherche à la faire disparaître, ou au moins à la faire taire. C'est pour ça que vous l'avez placé d'abord dans l'équipe de Kakashi, puis dans la mienne. Raido et moi sommes là pour la protéger, n'est-ce-pas ? Il y a également une fuite d'information, où même une taupe au sein du village. Ce qui expliquerait pourquoi des documents classifiés sont apparus dans les mains de nos ennemis. Et d'après ce que j'ai pu comprendre du peu que Kakashi a daigné me dire ce matin, ce cher Danzô n'est pas étranger à tout ce qu'il se passe.

— Danzô n'est jamais étranger à ce qu'il se passe de plus sombre dans notre village. Il est la racine de Konoha après tout. Et si nous nous doutons de son implication dans cette affaire, nous ne disposons d'aucune preuve de ces agissements, commença Sandaime. Il est cependant assez aisé de connaître, ou même d'entrevoir son but : il veut à tout prix faire éliminer N.

— Pourquoi on ne fait rien alors ? À ce rythme-là, elle finira par y passer ! s'énerva le jonin.

— Un ninja se doit d'agir dans l'ombre Genma. N ne sera pas réellement en danger tant que nous saurons là pour la protéger. Peu des hommes de Danzô sont capables de rivaliser avec Raido, Kakashi et toi, et cette jeune femme est parfaitement capable d'assurer ses arrières. Comme tu l'as deviné, ce n'est pas pour rien que je l'ai fait rentrer dans votre escouade, je vous fais pleinement confiance pour sa protection.

— Alors pourquoi l'avoir laissé partir en mission seulement avec Raido alors qu'elle s'est à peine remise de son épuisement de chakra ?! insista le ninja

— Parce que la politique est un jeu délicat jeune homme. Je ne peux pas m'opposer aux décisions de conseil des anciens constamment, je suis obligé de devoir faire des concessions. Ils avaient prévu de l'envoyer seule sur cette mission, mais j'ai réussi à leur imposer Raido. En plus de cela, le jeune Hayate Gekkô a reçu l'ordre de les aider le plus discrètement possible. La mission qu'ils ont reçue sera certes périlleuse, mais ils possèdent largement les capacités pour s'en sortir. Cesse donc de t'en inquiéter autant.

— C'est mon rôle en tant que chef d'escouade de m'inquiéter pour mes hommes, Maître Sarutobi. Pourquoi Danzô souhaite autant sa mort ? Que lui a-t-elle fait ?

— Malheureusement, les desseins et les motivations de ce vieux renard me sont inconnus, fit-il à voix basse. Je ne peux qu'en deviner une partie : notre village a une dette envers cette jeune femme, et Danzô refuse de l'accepter.

-o-

La première réaction de N fut de lever les yeux vers son assaillant. L'homme était une véritable masse, une force de la nature. La dépassant largement, cette montagne de muscle la fixait d'un regard narquois. Après tout, il venait d'avoir l'une des ninjas responsables de l'explosion de leur repère. Des mois de travail gâchés par une gamine... Il venait de voir ses compagnons se faire décimer les uns après les autres, et rien ne le réjouissait plus que de savoir qu'il allait pouvoir de venger immédiatement.

N laissa un râle de douleur s'échapper. Elle avait reçu de nombreuses blessures au cours de ses années passées à combattre, mais celle-ci arrivait dans le haut du classement des plus douloureuses. Surtout que le géant s'appliquait à la faire souffrir le plus possible en bougeant son arme à l'intérieur de la plaie. Et dire qu'il avait fallu qu'un instant pour que cela se produise. Si elle n'avait pas détourné son regard pour abattre l'autre homme, elle aurait pu voir le coup arriver et l'éviter sans problème. Elle avait trop pris l'habitude de se reposer sur son bouclier en ce qui concernait sa défense. Elle manquait assurément de réflexe, songea-t-elle. Et si elle ne trouvait pas rapidement une solution, elle ne pourrait jamais y remédier. Elle sentait déjà ses forces disparaître.

Au bord de l'évanouissement, elle éprouva cette curieuse sensation que tout se déroulait au ralenti. Le temps ne semblait plus suivre son cours habituel. Même les mouvements de ceux qui se trouvaient autour d'elle lui paraissaient d'une lenteur exagérée. Depuis le cri de Raido, c'était comme si le temps était en train de s'arrêter.

Alors N comprit. Lorsque cette curieuse sensation s'estomperait, elle n'aurait plus la possibilité d'agir. Un choix s'imposait maintenant à elle. Soit elle laissait les évènements continuer, et tout s'arrêtait pour elle, soit elle luttait contre son propre destin, comme elle l'avait toujours fait. L'idée d'une fin aussi ridicule lui laissait un goût amer dans la gorge – à moins que ce ne soit le goût du sang... Elle avait encore trop de choses à accomplir pour se permettre d'abandonner ainsi. Un nouveau gémissement s'échappa de sa gorge. Elle voulait s'en sortir, mais elle n'arrivait à trouver comment faire. Elle avait beau réfléchir, elle ne trouvait aucune solution. Sa gorge se serra. Mais pas à cause de la douleur cette fois-ci. Elle avait simplement peur. N était terrifié par ce qui était en train de se passer. Elle ne voulait pas s'en aller comme ça. Elle n'avait plus la force de lutter. Malgré le repos qu'ils avaient pris dans le refuge, elle n'avait finalement pas récupéré assez de force et de chakra. Et ça allait lui être désormais fatal.

— N ! Annule ton clone, je m'occupe de protéger les gamins !

Le cri de Raido lui fit reprendre ses esprits. Elle avait complètement oublié les enfants et son clone qui les protégeaient. Elle le fit disparaître immédiatement. Le résultat de cette manœuvre se fit sentir rapidement. Elle avait récupéré un peu de chakra, celui qu'elle avait laissé au clone pour qu'il puisse maintenir le bouclier le plus longtemps possible. Avec cette énergie, elle allait pouvoir s'en sortir !

Le temps avait repris son cours habituel. Le géant avait redressé la barre de fer plus haut, dans l'espoir de faire souffrir toujours plus la kunoichi. À présent, ses pieds effleuraient à peine le sol, et la douleur devenait insoutenable pour N. Il était temps pour elle d'agir. Avec un grognement, elle agrippa la barre de fer de ses deux mains. Un rictus narquois vint de nouveau apparaître sur le visage du ravisseur. Comme si cette gamine était de taille contre lui. Comme si elle pouvait faire quoique ce soit dans cette situation. Il en avait tué des ninjas. Tous bien plus forts et bien plus grands qu'elle. On l'appelait même le "tueur de ninja" dans son milieu. Celui qui le battait n'était pas encore né, pensa l'homme. Il allait se débarrasser de cette bonne femme, puis il se ferait un plaisir d'envoyer son coéquipier balafré la rejoindre au pays des morts. Aucun ninja ne pourrait lui résister après ça, et avec un peu de chance, ça lui permettrait de monter des grades dans leur organisation. Après tout, le chef avait dit qu'il fallait se distinguer par des faits d'arme sur le terrain.

Mais la petite kunoichi ne semblait pas vouloir abandonner. Il soupira. Comment pouvait-on laisser des femmes défendre le pays du feu ? Leur place était dans leur maison, pas sur un champ de bataille. Elle tenait toujours la barre de fer de ses deux mains, affichant un visage concentré. Du sang coulait de ses lèvres et se répandait sur sa poitrine. Que tentait-elle de faire ? Aucune de ses manœuvres ne pourrait la sauver de toute façon. Elle avait déjà perdu beaucoup de sang.

Pourtant, il finit par comprendre qu'il allait se faire avoir par cette gamine. Ses mains s'étaient mises à luire d'un coup, puis sans prévenir, cette lueur se transforma en une multitude d'éclairs, tous plus foudroyant les uns que les autres. Et manque de chance pour lui, il restait assez de force à la kunoichi pour qu'elle puisse maintenir son jutsu. Le courant provoqué par l'électricité était si fort qu'il ne parvint pas à lâcher son arme de fortune. N fit tout son possible pour se débarrasser du géant. Et ses efforts finirent par payer, puisqu'après quelques décharges de plus, l'homme commença à perdre conscience. Son adversaire était moins robuste qu'il n'en avait l'air. Dans un ultime effort, la jeune femme se concentra pour donner forme à un courant électrique plus puissant que les précédents. L'homme s'effondra. Enfin. Il lâcha au passage la barre de fer qui transperçait toujours le ventre de la jeune femme. Celle-ci s'écroula à côté de son adversaire, le souffle coupé par la douleur qu'elle ressentait. Elle devait se soigner immédiatement si elle voulait pouvoir s'en sortir. Mais le combat n'était pas encore terminé...

Elle réussit à se relever légèrement, et jeta un coup d'œil sur ce qui se passait autour d'elle. Raido s'était rapproché des deux enfants. Ces derniers étaient sortis de leur cachette, et se tenaient à présent l'un contre l'autre, terrifiés par ce qui se passait autour d'eux. Elle observa son coéquipier tenter de repousser à lui seul les trois ravisseurs. Avec le chakra qu'il avait dépensé depuis le début de leur mission, la fatigue se ressentait dans ses mouvements. Il était plus lent qu'à son habitude et peinait à esquiver les coups que ses adversaires lui portaient. Il fallait absolument qu'elle se relève et qu'elle aille l'aider. À ce rythme-là, les choses risquaient de mal tourner pour lui aussi. Elle appliqua alors sa main sur son ventre, et de l'autre, elle retira d'un coup la barre de fer qui la transperçait.

La douleur fut encore pire que ce qu'elle avait pu imaginer. Elle tentait de stopper l'hémorragie en couvrant sa plaie pendant qu'elle cherchait du matériel dans sa sacoche de soin. Enfin, elle récupéra des bandes de tissus blanches. Elle compressa sa plaie avec de la gaze dans l'espoir de limiter les saignements. Elle devait agir promptement si elle ne voulait pas se vider de son sang. Déjà son jutsu agissait sur sa plaie, mais N se doutait qu'il ne serait pas suffisant cette fois-ci. Elle concentra le chakra qui lui restait dans sa main, en faisant tous les efforts du monde pour ne pas s'évanouir. Une fois son jutsu prêt, elle reconstitua les cellules endommagées de son corps. Elle n'avait pas le temps de panser la plaie entièrement, elle devait se contenter du minimum. Raido peinait à contenir ses adversaires qui se faisaient de plus en plus hargneux au fur et à mesure du combat.

Par chance, aucun de ses organes vitaux n'avait été touché par le coup, si bien qu'après des soins sommaires, elle pourrait prêter main forte à son coéquipier. Elle sentait son chakra agir en elle. C'était quelque chose d'assez étrange d'ailleurs, pour elle qui était habituée à ce que son corps se soigne seul, sans qu'elle n'ait besoin d'intervenir. La jeune femme n'était finalement pas sûre d'apprécier ce bourdonnement brûlant qu'elle ressentait au niveau de sa blessure. L'hémorragie semblait enfin s'endiguer, et N allait pouvoir arrêter ses soins. Son corps achèverait le travail de lui-même. Elle enroula un bandage épais autour de sa plaie afin de maintenir la compresse qu'elle avait installée. Son expérience dans la médecine et le ninjutsu médical lui avait permis de limiter les dégâts en un temps record. Elle allait enfin pouvoir rejoindre Raido.

Elle attendit de reprendre son souffle avant de se lever totalement. Une fois debout, le sol tangua légèrement sous ses pieds. La douleur était forte, mais supportable pour le moment. Il fallait qu'elle fasse attention à ne pas faire de faux mouvement pendant le combat. Elle n'avait pu assez de chakra pour pouvoir utiliser son sabre de foudre ou une quelconque autre technique. Elle fouilla dans la sacoche accrochée à sa jambe et en sortit un kunaï. Celui-ci avait une forme peu commune, bien plus allongée que la moyenne. Lors de sa dernière visite à l'armurerie de Konoha, N avait jugé bon de prévoir une autre arme pour le combat. Parfois, un kunaï pouvait valoir mille jutsu... Et comme elle n'était pas la plus à l'aise dans les combats à distance, elle avait délaissé les habituels shurikens pour cette arme. Elle correspondait bien plus à son style de combat qui consistait généralement à foncer dans le tas, pour être directement au contact de ses adversaires. Ce kunaï était parfait pour ce genre d'approche.

Raido s'accorda une demi-seconde d'inattention pour jeter un coup d'œil à sa coéquipière. La peur avait étreint son cœur lorsqu'il l'avait vu se faire blesser. Et cette sensation avait empiré quand il l'avait vu rester amorphe devant ce géant. Il avait eu peur pour elle. Peur qu'elle abandonne toute résistance, toute combativité. Puis il avait compris qu'elle ne trouvait simplement aucune solution pour s'en sortir. Un coup d'œil vers deux enfants lui avait permis de voir que son clone était toujours actif, tout comme son bouclier. La solution avait été simple à trouver finalement. Avec un peu de chance, en annulant son clone, le chakra qu'elle récupérerait serait suffisant, s'était-il dit. C'était pour ça qu'il avait crié et qu'il s'était ensuite décalé pour couvrir plus aisément les enfants. Il n'avait pas pu observer la suite des évènements, trop occupés à occuper à tenter de survivre face à ses trois assaillants. Le cri de douleur du géant lui avait cependant appris que N avait pu reprendre du poil de la bête. Il en avait été grandement soulagé. Genma l'aurait tué si elle ne s'en était pas sortie... Mais ils n'étaient pas encore totalement tirés d'affaire. Il devait absolument la couvrir elle aussi, dans son état, elle constituait une cible facile. La solution s'imposa alors d'elle-même à son esprit.

N était par nature quelqu'un de silencieux et discret. Elle n'avait jamais aimé se faire remarquer. Avec son entraînement quotidien et les nombreuses missions qu'elle avait effectuées tout au long de son parcours, elle avait pu s'exercer à se mouvoir dans n'importe quel environnement dans un silence presque absolu. Cette fois-ci, avec sa blessure, elle avait le pas bien plus lourd qu'à son habitude, et elle entendit plusieurs fois des brindilles craquer sous le poids de son corps. Mais pourtant, les trois ravisseurs ne semblaient pas l'entendre et restaient concentrés sur leur combat contre Raido. Il fallut quelques secondes à la kunoichi pour comprendre qu'une fois de plus, Raido la protégeait. À tous les coups, les trois hommes étaient plongés dans un des genjutsus du balafré. Elle allait pouvoir agir sans qu'ils ne puissent riposter. Elle se glissa derrière l'homme le plus proche d'elle et l'exécuta sans aucune hésitation.

Cela fut suffisant pour briser le genjutsu, mais Raido se tenait prêt. Il profita de l'étonnement de ses deux adversaires pour en éliminer un. Le dernier se reprit à temps pour éviter partiellement le sabre du balafré. Celui-ci laissa cependant une trainée sanglante dans la chair de son bras. Raido se permit enfin de souffler un peu. Même dans leur état actuel, N et lui étaient bien plus fort que cet homme.

Cette dernière ne lui accorda d'ailleurs pas le temps d'agir. À peine s'était-il remis du coup de Raido que N était déjà là. Une fois de plus, l'homme esquiva de justesse le coup qu'elle lui porta. Il avait l'air étonné de la voir de nouveau debout. Comment cette gamine avait-elle pu réussir à s'en sortir face au plus fort d'entre eux ? Il serra les dents. Ça ne présageait rien de bon pour lui. Il devait absolument trouver une solution rapidement s'il voulait s'en sortir vivant.

Face à deux ninjas expérimentés de Konoha, ses chances de gagner dans un combat loyal étaient infimes, si ce n'est inexistantes. Il le savait. Et une fois cette constatation ancrée en lui, son esprit se mit à tourner à toute vitesse. Ils possédaient deux points faibles : le ventre de la fille, et les deux gamins, terrorisés, derrière eux. Mais malgré son état, la femme semblait être encore capable de se défendre. Il devait rester prudent avec elle. En se concentrant sur les deux enfants, il tiendrait peut-être sa porte de sortie.

Au moindre de ses mouvements, les deux ninjas seraient prêts à contre-attaquer sévèrement. Il n'aurait qu'une seule chance. Il n'aurait le droit qu'à une seule tentative pour s'en sortir. S'il attaquait que d'un seul ou de deux côtés, le balafré défendrait les deux enfants, et la femme se couvrirait seule. Il devait attaquer les trois en même temps. Il fouilla dans la sacoche qu'il portait à la taille. Il ne lui restait que trois explosifs et un fumigène. Ce n'était pas beaucoup, mais cela restait assez si son plan fonctionnait.

Raido épiait l'homme, méfiant. Il tramait quelque chose, il en aurait mis sa main au feu. Il devait absolument rester sur ses gardes. Ce n'était pas pour rien que leur adversaire était encore vivant. Malgré tous les coups qu'il avait tentés de lui porter, Raido n'avait pas réussi une seule fois à le blesser vraiment. Une seule égratignure sur un bras, et malgré le poison qu'il avait l'habitude de disséminer sur sa lame, il doutait que ce soit suffisant pour le mettre hors-service. Lorsqu'il le vit fouiller dans sa sacoche, le ninja se demanda ce qu'il comptait faire. Cet homme n'était pas sot au point de penser s'en sortir face à N et lui. Il ne se battrait pas de façon loyale. Raido en était sûr. Et vu l'état de N, il devait la couvrir elle aussi, en plus des deux enfants.

Il n'eut pas le temps de réfléchir pour longtemps. L'homme passa à l'action. Dans une première salve, il envoya deux parchemins explosifs : l'un sur N et l'un sur Raido. Les deux ninjas réussirent à les éviter, et agrippèrent les enfants pour battre en retraite. Dans une seconde salve, envoya sa bombe fumigène droit sur le groupe. Les deux ninjas ne voyaient plus rien. Les enfants peinaient à respirer, la fumée s'insinuant dans leurs poumons. Au moment où cette fumée se dissipa, N distingua la troisième salve. Parmi une nuée de kunaïs, leur assaillant avait glissé un nouveau parchemin explosif. N attrapa les mains des enfants et celle de Raido. Ils n'avaient pas le temps de faire autrement, qui savait de combien d'explosif cet homme disposait ? La kunoichi puisa dans le peu de chakra qu'il lui restait pour dresser son bouclier autour d'eux. Ce ne serait pas suffisant pour sortir indemne de l'explosion, mais ça limiterait les dégâts. Elle attendit l'impact, anxieuse.

Mais il ne vint pas. Elle regarda autour d'elle. La surprise se lisait sur son visage. Que s'était-il passé ? L'explosion aurait déjà dû se déclencher sur eux. Elle aperçut enfin le parchemin, gisant sur le sol. Il avait été coupé en deux avant de pouvoir se déclencher. Un cri de douleur accompagna sa découverte. Raido délaissa sa main, et se mit à rire.

— T'es en retard !

— Je dirais plutôt que j'arrive pile à temps ! Kof, kof.

— Hayate ?!

La voix de la jeune femme tremblait légèrement, soulagé par la tournure que prenaient les événements. Le nouvel arrivé lui fit un clin d'œil avant d'essuyer son katana et de le ranger. Un cadavre s'étendant à ses pieds. Il avait éliminé le dernier des ravisseurs.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Raido. Je croyais que ton unité ne devait pas intervenir sur cette mission en dehors du repérage.

— J'ai reçu un message à la planque peu de temps de temps avant que vous soyez partis. Il m'indiquait de prendre part à la mission en tant que soutien. Kof, kof. Il me semble que le Hokage a eu une excellente intuition en envoyant ce message, vu l'état dans lequel vous êtes.

— En parlant de ça, N a besoin de soin rapide, vous avez un medic-nin dans votre escouade ?

— Les soins attendront Raido, je peux tenir avec mon jutsu pour l'instant. Il faut que l'on conduise les petits en lieu sûr. Ça ne m'étonnerait pas qu'il y ait encore des ravisseurs qui surgissent de nulle part...

Raido se tourna vers les deux enfants. Ils étaient pâles comme un linge et avait l'air totalement terrifié par ce qu'il venait de se passer autour d'eux.

— Sen et Haku c'est ça ? Vous pouvez marcher ? demanda Hayate. Les enfants hochèrent la tête, peu rassurés devant l'air blasé du ninja.

— Parfait, répondit Raido. Hayate, tu ouvres la marche jusqu'au repère et tu t'assures de la protection des enfants. N vient par là, je vais te soutenir. Vu ton état, tu ne pourras pas crapahuter dans la forêt bien longtemps...

— Je suis obligée ? lui demanda-t-elle, taquine.

— Oui, il haussa un sourcil avec un air espiègle avant de rajouter. Je t'aurais bien abandonné ici, histoire d'avoir la paix, mais j'en connais un qui risquerait de me faire la peau si je fais ça.

-o-

— Tu arbores une meilleure mine qu'il y a une semaine.

— Logique, une vieille sorcière me menace si je ne me repose pas, répondit Genma, avec un grand sourire.

S'il avait bien compris une chose à propos de Lyra à force de la côtoyer, c'était qu'elle détestait qu'on lui rappelle son âge. Elle se mettait inévitablement dans une colère noire et menaçait tous ceux qui avaient le malheur de se trouver dans la même pièce qu'elle. Depuis qu'il avait appris ce détail sur elle, il s'était fait un malin plaisir de la taquiner dès que possible. Ce matin-là n'était pas une exception à la règle. Elle s'évertuait à le faire venir aux aurores pour le soigner, alors qu'il aurait donné n'importe quoi pour une grasse matinée. Il avait donc trouvé cette solution, qu'il appréciait comme un semblant de vengeance.

Cette stratégie paraissait fonctionner au vu de la réaction de la medic-nin. Celle-ci s'était mise à grogner et le fixait à présent avec un regard peu amène. Les ninjas étaient définitivement tous les mêmes du point de vue de Lyra. Ils cherchaient constamment à éprouver les limites des gens autour d'eux dans l'optique de les juger. Cette tendance légèrement orgueilleuse était encore plus marquée chez les capitaines d'escouade. Elle pouvait comprendre ce genre de procédé dans le cadre des missions qui leur étaient imposées, mais dans la vie civil, rien n'était plus fatiguant qu'un ninja qui vous taquinait à peine le soleil levé.

Elle soupira. Vivement le retour de ses deux coéquipiers, il aura quelqu'un d'autre à embêter, pensa la rousse. Ils étaient partis depuis une bonne semaine, et depuis, ils n'avaient pu obtenir aucune nouvelle, que ce soit Genma auprès de sa hiérarchie qu'elle auprès de ses contacts. Elle ne voulait pas alarmer le ninja, mais elle n'aimait pas ça. Le talent de N pour s'attirer des ennuis l'avait toujours effaré. Cette gamine jouissait d'un véritable don pour ça. De ce fait, elle espérait que leur mission se passait bien...

— La guérison de ton bras avance bien. Dans deux jours, tu pourras retirer totalement les bandages qui le maintiennent en place.

— Parfait, et quand est-ce que je pourrais recommencer l'entrainement ? ses yeux brillaient d'excitation, comme ceux d'un enfant devant un nouveau jouet.

— Quand tu arrêteras de me traiter de vieille.

Un sourire presque sadique s'imprima sur son visage, amusée par la mine déconfite qu'avait pris Genma. Elle commençait à comprendre comment le ninja fonctionnait. Sous son apparence détachée et blasée, il était quelqu'un de loyal. Elle avait vite compris qu'il était prêt à tous les sacrifices pour ceux qu'il aimait. D'un autre côté, elle découvrait son caractère joueur et taquin. Ce n'était pas surprenant qu'il s'entende si bien avec N...

Une fois de plus, elle appliqua un baume sur l'épaule du ninja avant de s'aider de son chakra pour le faire pénétrer. Sa guérison avançait bien, il avait l'air d'appliquer les conseils qu'elle lui avait donnés, et de prendre un maximum de repos. S'il continuait comme ça, il ne conserverait aucune séquelle de ses blessures. Cette pensée rassura un peu la medic-nin. Elle ne voulait pas le voir débarquer dans son service après une mission qui avait mal tourné. C'était le problème de soigner des gens qui n'appartenaient pas à son service, elle s'y attachait souvent et finissait par redouter le moment où ils passeraient les portes de la mort en entrant dans son service.

Genma l'observa refaire son bandage en silence. La nuit avait dû être interminable pour elle. La veille au soir, il avait entendu parler d'une mission qui avait mal fini à la frontière du pays. Les anbus avaient ramenés deux corps sans vie et deux autres ninjas en piteux état. Tous étaient des chunnins aguerris, mais ça n'avait apparemment pas suffi contre leur ennemi... Il s'apprêta à parler quand il vit un grand sourire apparaître sur ses lèvres.

— On a de la visite !

— Comment ça ? lui demanda-t-il.

Mais Lyra s'était déjà relevée et se dirigeait à présent vers la porte de son bureau. Celle-ci s'ouvrit avant même qu'elle ne l'atteigne. La rousse lui dissimulant l'entrée, Genma ne put voir qui se tenait dans l'entrebâillement de la porte. Un sourire apparu cependant sur son visage lorsqu'il reconnut la voix de la personne qui s'exprimait. Une voix douce, bien qu'un peu éraillée...

— Salut vieille peau !

N et Raido était enfin de retour. Genma voulu se lever pour saluer ses coéquipiers, mais Lyra venait de leur claquer la porte au nez. Elle était vraiment susceptible ce matin... La porte se rouvrit doucement, et cette fois, ce fut la voix de Raido qu'il distingua :

— Excusez-moi pour ma coéquipière. Elle est insupportable quand elle est fatiguée... Raido observa la medic-nin avec un air navré imprimé sur son visage. Raido Namiashi, salua-t-il.

— Je sais, répondit-elle, narquoise.

Elle ouvrit la porte en grand et se décala de façon à laisser entrer les deux nouveaux arrivants dans son bureau. Les yeux de Raido s'écarquillèrent lorsqu'il reconnut Genma dans l'ombre de Lyra. Ce dernier détailla son coéquipier rapidement : il avait l'air fatigué, sa tenue de ninja était dans un état lamentable, mais il ne semblait pas avoir été blessé. Il sentit un poids déserter son cœur.

— Genma ?! s'étonna N en entrant à son tour. Lyr', tu le fais vraiment venir à l'aube pour ses soins ?

— Il a osé dire que j'étais vieille.

Entendre le rire de la jeune femme lui fit un bien fou. Contrairement à Raido, elle avait l'air en pleine forme. Enfin, ça c'était si l'on exceptait le trou béant dans sa tunique et le sang qui avait taché toute sa tenue.

— N ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu vas bien ? s'enquerra le ninja, inquiet.

— On pourra noter qu'il aurait aussi pu me poser la question, mais apparemment, je ne l'intéresse pas plus que ça... souligna le balafré.

— Aux dernières nouvelles tu n'es pas couvert de sang toi, et tu m'as l'air plutôt en forme quand il s'agit de râler !

— Tout va bien Gen', c'était juste un petit accident pendant un combat, apaisa la jeune femme.

— Un "petit accident" qui te laisse recouverte de sang ?

— Tu connais mes capacités, je me suis vite relevée. Lyra, N se tourna vers son amie, Hiruzen m'a demandé de quand même faire un examen de contrôle avec toi. Tu as le temps de t'en occuper ?

— Comme si j'avais le choix. On va s'y mettre maintenant d'ailleurs. Elle se tourna vers les deux ninjas : Messieurs, si vous voulez bien sortir d'ici.

Le ton qu'elle avait employé ne leur laissait pas le choix. Raido et Genma se dirigèrent vers la sortie, non sans ébouriffer au passage les cheveux de leur coéquipière. Lyra leur ferma la porte au nez, les laissant pantois dans le couloir. Genma ne résista pas plus longtemps : il avait besoin de savoir comment s'était passée la mission. Il avait passé trop de temps à se faire du souci pour attendre le retour de N.

— Alors ?

— C'était une vraie galère, vieux. Heureusement que N était là, cette mission était impossible à accomplir seul. On a failli y rester, mais comme tu le vois, on est revenu entier !

— Heureusement que Hayate vous a prêté main fort surtout...

— Comment es-tu au courant ? s'étonna le ninja. Hayate m'a prévenu que c'était une information classifiée. Même le reste de son escouade ne sait pas qu'il nous a aidé !

— Sandaime m'a prévenu.

— Tu es allé le voir ?

— On parlera de ça plus tard. Et la blessure de N ?

Raido détourna le regard, gêné. Il s'en voulait de ne pas avoir protégé correctement leur coéquipière. Après tout, il avait été le chef pendant la mission, et il se devait d'être celui qui se mettait en danger. Un bon chef ne faisait pas prendre de risque inutile à ses hommes. Il passa dans ses cheveux ébouriffés, souffla un coup et reprit la parole :

— Un homme lui a transpercé le ventre avec une barre de fer...

— T'es sérieux ? Et elle ose faire comme si tout allait bien ?!

— Sans vouloir te contredire, elle va bien actuellement. Ça fait trois jours qu'on marche pour rejoindre le village et elle n'a eu aucun mal à conserver le rythme qu'on s'est imposé. Cette gamine est une experte en ninjutsu médical en plus d'avoir une volonté de fer. Il lui a fallu à peine deux minutes pour se remettre d'aplomb. Je sais que tu l'apprécies et que tu t'inquiètes pour elle, mais tu dois apprendre à lui faire confiance Genma.

S'il y avait bien une chose que Genma admirait chez son ami, c'était sa capacité à tout analyser de façon détachée. Il arrivait toujours à voir les bons côtés d'une situation catastrophique. Il avait aussi ce don pour apaiser les gens qui le fréquentaient. Son calme déteignait sur son entourage.

— Et toi alors ? Ça a donné quoi cette semaine ? Pourquoi as-tu rencontré le Hokage ? ajouta le balafré.

— Je n'ai pas fait grand-chose à part tourner en rond. Je suis venu ici tous les jours pour Lyra s'occupe de mon épaule.

— Qui est cette femme d'ailleurs ? Je ne l'ai jamais croisé. C'est la première fois que je viens dans cette partie de l'hôpital en y pensant.

— Une amie de longue date de N, de ce que j'ai pu comprendre. Et réjouis-toi de ne pas connaître cet endroit. Le service qui s'y trouve et dont Lyra se charge est un mouroir. Elle exécute les derniers soins pour les ninjas blessés mortellement en mission.

— Charmant. J'imagine que ça ne doit pas être de tout repos. Et en parlant de repos, ne m'en veut pas, mais mon lit m'attend impatiemment, et je compte bien aller le rejoindre ! plaisanta Raido.

— Va te reposer dans ce cas, je vais attendre N moi.

De l'autre côté de la porte, Lyra rouspétait :

— Une barre de fer sérieusement ? Combien de fois je t'ai dit d'être prudente ! Tes capacités ne seront pas toujours suffisantes pour soigner ce genre de blessure !

— Elles l'ont été cette fois-ci, donc pas besoin d'en faire un drame, argumenta la jeune femme.

— Et à quel prix ? J'imagine que tu as dû ouvrir partiellement les sceaux ? lui demanda Lyra.

— Oui, mais pas à cause de la blessure. J'étais à court de chakra et j'ai dû déclencher mon bouclier pour nous protéger Raido, les gamins et moi.

— Il me semblait avoir été clair, et le Hokage aussi. Ouvrir les sceaux te met bien plus en danger que n'importe quelle blessure.

— J'aurais mieux fait de les laisser se prendre une explosion de plein fouet ? C'est ce que tu es en train de me dire ? Je ne dis pas qu'ouvrir ces foutus sceaux n'est pas dangereux, mais je ne compte pas laisser des gens mourir autour de moi seulement pour me protéger.

Elle ne s'était pas mise à crier, mais son ton glacial montrait clairement à Lyra qu'elle ne comptait pas prendre en compte ses reproches. N avait toujours été du genre à n'en faire qu'à sa tête. La médic-nin avait donc pris l'habitude de la recadrer de temps en temps, comme une grande sœur l'aurait fait.

— Ton coéquipier s'est rendu compte de quelque chose ?

— Raido ? Non. Il n'est pas de type sensoriel et on était trop occupé à survivre pour qu'il fasse attention à ce genre de détail.

— Et tu as prétexté quoi pour justifier le fait que tu sois indemne malgré la barre de fer qui t'a transpercé le ventre ?

— Lors de notre premier entraînement, je leur ai dit que j'avais développé un jutsu qui me permettait de me soigner automatiquement, expliqua N.

— Tu finiras par devoir le dire la vérité N. Je ne pense pas que mentir à tes coéquipiers soient une bonne chose. Sans compter sur le fait que tu peux potentiellement les mettre en danger si tu perds le contrôle. Ils ont le droit de connaître ce détail sur toi. Particulièrement Genma, c'est ton chef d'équipe. Fais-moi voir tes bras, je vais refermer les sceaux.

N ne répondit pas et se contenta de retirer les bandages qui enveloppaient ses poignets. Le tissu révéla des symboles incrustés dans sa peau, symboles qui se complétaient lorsqu'elle plaçait ses poignets l'un à côté de l'autre. Lyra retraça, à l'aide d'un pinceau et d'encre noire imprégnée de chakra, les morceaux manquant du dessin.

— Tu n'as quasiment rien utilisé de sa puissance, nota la rousse.

— Je ne voulais pas prendre trop de risque. N soupira. Comment va Genma ? demanda-t-elle en changeant complétement de sujet.

— Son épaule guérit bien, pour le reste...

— Le reste ? coupa la kunoichi.

— Il a besoin de repos. Il s'est fait un sang d'encre quand il a su pour votre mission. Il m'a l'air d'être un bon chef d'équipe, mais s'il continue à ce rythme, il ne tiendra pas longtemps. Je lui ai prescrit un bon mois de repos, autant pour son épaule que pour son mental. Il doit prendre le temps de se poser.

— Je pensais que c'était juste une fatigue passagère due à la situation ?

— Tu n'es pas la plus douée pour comprendre les sentiments des gens... Votre situation, disons... particulière, n'a pas aidé, mais sa fatigue vient de plus loin.

— Je n'ai pas eu l'occasion de côtoyer souvent des gens qui ne cherchaient pas à m'éliminer, grogna N à voix basse. Qu'est-ce que je peux faire pour l'aider ?

Lyra fixa son amie quelques secondes, intriguée. Il était inhabituel que N manifeste un quelconque intérêt envers quelqu'un. Elle n'était pas du genre à se préoccuper du bien des autres. Elle l'avait toujours vu comme un loup solitaire traçant sa route loin des autres. Il avait fallu plusieurs mois pour qu'elle commence à se soucier de Kakashi, c'était donc assez étonnant de sa part de s'occuper du bien-être de Genma de cette façon. Elle choisit cependant de ne pas lui faire remarquer, souhaitant éviter une énième joute verbale avec sa cadette. Elle termina de retracer le sceau et prit le temps de l'activer avant de lui répondre :

— Sois sincère avec lui. Savoir ce qui l'attend lui permettra d'être moins stressé.

N resta silencieuse, et prit le temps de réfléchir à ce que lui disait Lyra. Puis elle hocha la tête. Son aînée était assurément bien plus compétente qu'elle dans le domaine des relations humaines.

Genma, adossé au mur et mâchonnant son senbon, se redressa lorsqu'il vit la porte du bureau s'ouvrir.

— Raido n'est plus là ? demanda N à son chef.

— Il est rentré dormir à l'appartement. Apparemment une sale gamine l'aurait épuisé pendant la mission.

— Je me demande bien de qui il parlait, fit innocemment la kunoichi.

Elle se tourna ensuite vers son amie et la salua, Genma l'imitant. Après être sorti ensemble de l'hôpital, ce dernier lui demanda :

— Je te raccompagne ?

— Si tu veux, mais j'habite à l'opposé de chez toi.

— La journée ne fait que commencer pour moi, ça ne me pose pas de problème. Et puis comme ça, tu pourras me raconter un peu votre mission.

Retrouver la compagnie de Genma après une longue semaine de mission fît un bien fou à la kunoichi. Elle s'attacha à lui conter leurs péripéties en détail, omettant simplement la dispute avec Raido lors de leur première halte. Elle lui exprima également ses premières impressions sur Hayate, qu'elle considérait comme un "ninja légèrement flippant, mais plutôt gentil". Cette description fit bien rire son coéquipier. N remarqua que son rire lui avait manqué, il y avait quelque chose de réconfortant à le voir s'esclaffer ainsi. Son rire s'éteignit cependant lorsqu'il vit la direction qu'ils avaient prise.

— Tu vis par ici, lui demanda-t-il, bien plus sérieux.

— Oui pourquoi ?

— Tu es à côté de l'ancien quartier des Uchiha. Je ne savais pas qu'il y avait encore des gens qui habitaient par ici.

— Techniquement, je suis la seule. Je n'ai aucun voisin. Les anciens du village ont insisté pour que je vive à l'écart des autres. Ma présence poserait problème aux civils

L'enthousiasme de Genma avait disparu avec cette déclaration. Il fut étonné de voir que la situation ne semblait pas plus gêner N. Elle avait l'air totalement indifférente à l'accueil que lui avait réservé le village. Il savait qu'il était mal vu d'être un déserteur – c'était d'ailleurs pour ça que ces-derniers intégraient rarement des villages ennemis –, mais il n'aurait jamais songé que même après deux ans passés à Konoha, N subissait encore ce genre de traitement.

— Tu veux que j'intervienne ? lui proposa le ninja.

— Pour me trouver un autre logement ? Non merci. Je suis bien ici, et au moins je suis tranquille. D'ailleurs, pourquoi cet endroit est-il aussi désert ?

— Kakashi ne t'en as jamais parlé ? N secoua la tête. Ce n'est pas étonnant, cette histoire est un peu taboue. J'imagine que tu as déjà entendu parler du sharingan et des Uchiha ? Cette fois-ci, N hocha la tête. Leur clan vivait ici autrefois, mais il y a quatre ans, l'un des leurs, Itachi a massacré son clan. Ce gamin n'avait même pas encore quinze ans, mais il était déjà considéré comme l'un des meilleurs ninjas du village. Personne ne sait pourquoi il a fait ça, mais il a décimé tous ceux qui vivaient ici, à l'exception de son petit frère, Sasuke. J'ai été appelé en renfort lorsque le massacre a été découvert, on aurait dit un véritable charnier, et bien sûr, Itachi avait déjà déserté le village. Depuis plus personne ne vit dans ce quartier, et les alentours ont commencé à se vider quand des rumeurs de malédiction ont vu le jour.

— J'imagine même pas l'état mental de l'enfant qui a survécu après ça. Il doit être complétement perdu.

Genma haussa les épaules. Le village de la feuille n'était pas connu pour la prise en charge mentale de ses habitants. Il savait qu'après les trois grandes guerres, les ninjas n'avaient jamais reçu aucune aide, et ce, malgré les horreurs du champ de bataille, alors il n'imaginait pas ce que c'était pour un gamin comme l'Uchiha. À tous les coups, il était livré à lui-même, un peu comme le gamin Kyûbi... Il laissa échapper un soupir discret en songeant à l'attaque du démon renard. N, qui ne s'était rendu compte de rien, s'avança dans une ruelle et s'arrêta d'un coup, sur ces gardes. Genma n'y fit pas attention et la bouscula légèrement.

— N ? Tu m'expliques pourquoi tu t'arr...

Il se stoppa net dans sa phrase. Il venait de lever les yeux et de se rendre compte de ce qui clochait. La porte de l'immeuble qui se trouvait devant eux, avait été arrachée.

— Ton bouclier, chuchota le ninja à sa coéquipière.

Elle hocha la tête, fit apparaitre son bouclier autour d'elle, ainsi que son sabre de foudre dans sa main.

— Reste derrière moi, voulu dire la jeune femme.

Mais Genma s'était déjà avancé, sur ces gardes. Elle se rapprocha de lui, et ensemble, ils pénétrèrent dans le hall de l'immeuble. Il n'y avait pour l'instant aucune autre trace d'infraction.

— Quel étage ?

— Au second.

Leur instant de ninja reprenait le dessus, et ils progressèrent sans aucun bruit dans les escaliers. Cette fois-ci, la porte était simplement ouverte. N insista après de son chef d'escouade pour passer devant. Après tout, c'était chez elle. Mais alors qu'elle allait s'avancer, Genma la stoppa dans son élan.

— Ne bouge plus ! s'alarma-t-il.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Elle était restée en équilibre sur l'un de ses pieds, le deuxième toujours en l'air.

— Regarde au sol, sous ton pied.

N recula légèrement avant de s'accroupir. De plus près, elle put distinguer un fil transparent qui barrait l'entrée de l'appartement.

— Une alarme sûrement. Fais attention à bien l'enjamber.

Elle hocha une nouvelle fois la tête et entra enfin chez elle, en levant les jambes assez hautes pour passer le piège. Genma la suivit et observa l'endroit où il se trouvait. Malgré le nombre d'appartements possibles, N avait choisi un endroit plutôt exigu. Les rares meubles avaient été renversés. Des documents avaient été dispersés sur le sol. Il se dirigea sur sa gauche et ouvrit la porte près de lui. Elle menait à une petite salle de bain, vide de toute présence. Le miroir qui s'y trouvait avait été brisé en mille morceaux. Il rejoignit N qui se dirigeait à présent vers ce qui devait être sa chambre. La cloison en simples panneaux coulissants avait été éventrée, mais il était difficile de voir ce qui se cachait derrière. N l'ouvrit doucement, prudente. L'intuition de Genma avait été correcte : ils se trouvaient bel et bien dans sa chambre, ou plutôt, dans ce qu'il en restait. Plusieurs tatamis étaient retournés, et le futon était déchiré de toute part. Des traces de sang maculaient l'un des murs, diffusant une odeur métallique dans toute la pièce.

Elle soupira avant d'annuler son bouclier et de rétracter son sabre. Elle s'attacha les cheveux avant de se pencher pour rassembler les quelques affaires qui avaient été épargnées. Genma l'observa. Il était impressionné par le calme dont elle faisait preuve, surtout vu le caractère explosif qu'elle pouvait avoir. D'un côté ça l'inquiétait de la voir aussi sereine, presque amorphe. Comme si ce qu'il s'était passé ne l'atteignait pas. Il n'osa pas lui faire de remarque cependant et préféra s'approcher du mur pour examiner les traces.

— Ça n'a pas été fait il y a très longtemps vu l'odeur. Peut-être hier, ou il y a deux jours, tout au plus. Il te manque des affaires ? demanda le ninja

— Ceux qui ont fait ça ne cherchait rien ici. Je ne possède rien de précieux ou de dangereux. C'est simplement un avertissement.

— Un avertissement ?

— Pour me rappeler que je ne suis pas la bienvenue ici. 

____

C'est plus fort que moi, j'aime bien faire en sorte que la situation s'aggrave à chaque nouveau chapitre :D 

Sinon, je viens de réaliser que ça fait plus d'un an que j'ai commencé cette fic... Je dois dire que la reprise de l'écriture m'a bien aidé à surmonter cette année meeeeeerdique tant au niveau de ma santé qu'au niveau professionnel...

Du coup, gloire à Genma, Raido et N : sans eux, ma vie serait quand même nettement moins fun x)

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