Chapitre 4 : Éloignement

Il faisait sombre. Très sombre. Elle arrivait à peine à distinguer ses mains dans l’obscurité. Elle tâtonna le sol. Il était froid. Un peu friable. Peut-être de la terre. Ses doigts heurtèrent quelque chose. Elle sursauta. Un caillou, c'était juste un caillou. Elle essaya de se redresser un peu. Elle entendit le bruit d’une chaîne. Elle l’avait presque oubliée. Elle bougea lentement sa jambe et étouffa un cri de douleur. Le fer avait entaillé sa chair. Des larmes vinrent perler aux coins de ses yeux. Elle avait peur, elle avait mal, elle voulait partir d’ici. Depuis combien de temps était-elle là d’ailleurs ? Elle avait été enfermée dans ce cachot directement, et n’avait pas revu la lumière du jour depuis. Ses ravisseurs lui emmenaient de la nourriture de temps en temps, mais rien ne lui indiquait combien de nuits étaient passées depuis leur enlèvement. Elle ne savait pas où était passé Haku non plus. Ils avaient été séparés directement. Elle s'inquiétait pour son petit frère. Est-ce qu’il allait bien ? Avait-il été blessé ? Avait-il peur ? Elle secoua la tête. Bien sûr qu’il avait peur. Elle aussi était terrorisée après tout. Et elle s’en voulait surtout. 

C’est elle qui avait insisté pour sortir se balader. C’est elle qui avait insisté auprès de son père pour avoir un peu plus de liberté. Elle voulait devenir une kunoichi après tout, elle ne pouvait pas rester constamment chez elle. Elle en avait eu marre d’être surprotégée en tant que membre d’une famille de politicien. Elle ne saisissait rien à leur affaire. Le seul truc qu’elle avait compris, c’est qu’avec son rang, elle devait se tenir dignement et rester sage. Ce n'était pas juste. Elle voulait faire comme les autres enfants qu’elle voyait jouer dehors. Ils s’amusaient tous à jouer aux ninjas. Ils se lançaient de faux kunaïs et shurikens dessus. Ils avaient l’air de bien s’amuser. Mais elle, elle devait rester enfermée avec Haku. Ils avaient le droit de sortir de leur demeure qu’en présence de leurs parents. Et ils étaient constamment surveillés par deux gardes. 

Elle en avait eu marre. À maintes reprises, elle avait insisté auprès de ses parents pour pouvoir sortir seule. Mais ils restaient de marbre devant ses supplications. Si bien qu’elle avait craqué. Elle avait préféré leur désobéir et elle avait entraîné son petit frère avec elle. Il ne comprenait pas encore réellement tout ça, mais l’idée d'explorer le monde extérieur l’avait immédiatement conquis. Il avait couru avec elle à travers la forêt qui longeait leur demeure. Du haut de ces sept ans, elle avait beaucoup réfléchit, elle avait conclu qu’il fallait mieux faire ça très tôt le matin. Quand leurs parents dormaient encore. Sans vraiment comprendre comment, elle avait réussi à convaincre une de leurs servantes de les aider. Elle avait fait comme les grands. Si elle avait bien saisi quelque chose à force d’observer les adultes autour d’elle, c’est que rien n’était plus essentiel que l’argent. Les grands pouvaient faire n’importe quoi pour en obtenir un peu plus. Alors elle avait rassemblé ses économies et celle de son frère – ils avaient le droit à quelques pièces à chacun de leurs anniversaires, mais ne pouvaient jamais les dépenser – et elle avait tout mis dans un modeste sac de toile. Elle avait attendu d’être seule en train de se préparer avec sa servante pour lui proposer son marché. Elle s’était d’abord attendue à ce que celle-ci la rabroue, mais la femme avait accepté sans hésiter une seule seconde. 

Le plan était simple, la servante devait distraire les gardes pendant quelques minutes, juste assez pour le permettre de sortir de leur chambre par leur fenêtre sans que personne ne s’en aperçoive. La jeune femme avait insisté pour mettre en œuvre le plan quelques jours plus tard, et non pas immédiatement, pour lui laisser le temps de tout préparer. Si bien que le grand matin arrivé, elle mit sa diversion en route, laissant aux deux petits le champ libre pour pouvoir s’enfuir. Ils durent courir vite pour atteindre la forêt avant que quiconque n’ait des soupçons.

Elle avait du mal à y croire, mais ils avaient réussi à sortir de la demeure. Ils avaient réussi, ils avaient trompé tout le monde ! Ils ne leur restaient plus qu’à profiter. Elle avait soutiré une carte de la région dans la bibliothèque de son père. Avec ça, il pourrait s’orienter. Elle avait un peu de mal à s’en servir, mais elle comptait réellement se débrouiller. Ils allaient pouvoir passer la journée dehors, elle en sautait de joie. Elle avait pris la main de son petit frère et ils avaient commencé à courir dans les bois. Mais avant même d’avoir pu atteindre la ville, le rêve s’était transformé en un cauchemar épouvantable. Des hommes leur avaient tendu une embuscade. Elle avait à peine eu le temps de résister. Elle avait hurlé le plus fort possible, en vain. Puis elle avait tenté de se débattre, usant de ses pieds et de ses poings, alors qu’un des hommes l’avait attrapé et l’avait jeté en travers de son épaule. Il avait très vite perdu patience… Elle effleura l’arrière de son crâne. Malgré l’épaisseur de ses cheveux, elle pouvait sentir la bosse qui s’était formée après que son agresseur l’ait assommée. 

Elle s’était réveillé dans ce cachot et n’avait vu personne depuis ce matin-là. Ses repas lui étaient donnés par une trappe aménagée dans l’un des murs. Tout ce qu’elle pouvait faire maintenant, c’était attendre et espérer que Haku allait bien. Si son petit frère était blessé jamais elle n’arriverait à se le pardonner. 

Elle perçut un bruit de l’autre côté du mur. Elle sursauta. Allait-elle enfin voir quelqu’un ? Elle était à la fois terrorisée et soulagée, partagée entre l’envie d’un contact humain et la peur de se retrouver face à ses agresseurs. Un vague espoir se faufila dans son esprit. Et si c’était des ninjas venus les sauver, son frère et elle ? Elle secoua la tête. C’était peu probable. Personne ne devait savoir où ils étaient retenus… Elle ferma les yeux, et se concentra pour essayer de percevoir le moindre bruit. Mais plus rien ne se faisait entendre. Elle sentit le désespoir prendre le dessus. Un torrent de larmes vint tracer son chemin sur ses joues d’enfant. Elle avait peur. 

-o-

Genma se réveilla d’un coup. Un éclair illuminait la pièce d’une lumière vive. Que faisait-il dans le salon ? Il essaya de se remémorer les événements de la veille. Ses joues se colorèrent lorsqu’il se souvint s’être endormi en tenant N dans ses bras. Son cœur battit la chamade quand il repensa à la complicité qui s’était imposée à eux en si peu de temps. Il ne s’était pas senti aussi proche de qui que ce soit depuis des années. Son bandana tomba au sol alors qu’il allumait la lampe qui se trouvait à côté de lui. Il passa une main las dans ses cheveux. Il était épuisé. Un nouvel éclair illumina le ciel. Une tempête faisait rage au-dehors. Le grondement du tonnerre devait s’entendre à des kilomètres à la ronde… Il jeta un coup d’œil à l’horloge qui ornait la cheminée. Il était à peine 3 heures du matin. Il remarqua la couverture dans laquelle ses jambes s’étaient entortillées. N avait dû la déposer sur lui en partant. Il se leva avec difficulté. La banquette du salon n’était assurément pas le meilleur endroit pour passer la nuit. Il se dirigea vers sa chambre. En passant à côté de la porte d’entrée, il constata qu’il n’y avait que ses chaussures. Raido n’était pas rentré alors… C’était inhabituel qu’il découche sans prévenir. Une fois arrivé près de son lit, il nota qu’il ne ressentait plus aucune douleur dans le bras. N avait vraiment fait du bon boulot. Il plongea avec un plaisir non dissimulé dans ses draps. S’il y avait bien un endroit qu’il adorait dans cet appartement, c’était son lit. Rien n’était plus confortable. Si bien qu’il ne lui fallut que quelques instants pour plonger à nouveau dans les bras de Morphée. 

Il se réveilla pour la seconde fois tard dans la matinée. Il essaya de discipliner ses cheveux tant bien que mal, attrapa un senbon qu’il plaça entre ses lèvres et se leva. Son bras était un peu engourdi, mais ça n’avait rien à voir avec la douleur qu’il avait pu ressentir depuis qu’ils étaient rentrés de leur mission. Il se dirigea d’un pas traînant dans la cuisine et se prépara un bol de céréales. Il allait beau avoir bientôt trente ans, il n’avait jamais réussi à avaler autre chose que des céréales pour enfant le matin. C’était la source de bien des moqueries de la part de Raido qui le voyait fréquemment la tête dans son bol à son réveil. Il versa un peu de lait et partit s’installer dans le salon. Son colocataire n’était toujours pas rentré, l’appartement était désert. L’horloge lui indiqua qu’il était presque midi. Il avait été vraiment épuisé pour dormir autant…

Alors qu’il s’installait dans son fauteuil favori, face à la fenêtre, son regard fût enfin attiré par le petit calepin que N avait déposé sur la table. Intrigué, il se leva pour l’attraper. Les premières pages étaient recouvertes d’écriture en tout genre venant de Raido ou de lui-même. Ils utilisaient souvent ce calepin pour communiquer quand ils ne se croisaient pas. Genma arriva rapidement à l'une des dernières pages remplies. Cette fois-ci, l’écriture n’était pas la même. Plus fine, mais aussi plus franche. Il sut immédiatement que le mot avait été écrit par N. Il se frotta les yeux, encore endormis, avant de déchiffrer son message. 

« Genma, 

Raido et moi devons partir en mission, je ne pourrais pas poursuivre les soins pour ton épaule. Dès demain, rends-toi à l’hôpital de Konoha et demande à voir Lyra Kaneko. Précise-lui bien que tu viens de ma part et confie-lui le mot que j’ai écrit sur la page suivante. Elle s’occupera de tes soins. 

J’aurais aimé passer plus de temps avec toi.

Repose-toi bien et fais attention à toi.

N. »

Il regarda la page suivante, remplie d’indication médicale auxquelles il ne saisissait pas grand-chose. Il la détacha du calepin et la posa sur la table. Il vit alors que son colocataire avait également laissé un mot. Contrairement à celle de N, son écriture était difficilement lisible, et minuscule. Mais il avait pris l’habitude de déchiffrer les diverses notes de Raido.

« Mission urgente de rang A pour N et moi. Danger. Enlèvement avec rançon.

Quelque chose n’est pas normal à propos de N. On n'aurait pas dû être envoyé sur cette mission vu son état. Je te laisse enquêter. Entre ça et les documents trouvés pendant la dernière mission, ça fait beaucoup. 

Je compte sur toi.

Prends soin de toi.

Raido.»

Il sentit son sang bouillonner en lui. Une mission de rang A ? Mais à quoi pensait l’Hokage ?! Vu l’état de N, c’était les envoyer dans la gueule du loup directement ! Il mâchonnait son senbon, sentant la rage monter en lui. Il ne comprenait rien aux agissements du Hokage. Pourquoi envoyer la jeune femme à la mort après l’avoir placé dans leur équipe, justement spécialisée dans la protection. Il n’aimait pas ça. Depuis la mort du quatrième, il avait tout fait pour ne plus s’impliquer dans la gestion du village et dans les affaires politiques. Il savait pertinemment que l’équilibre de Konoha était menacé par certaines factions qui gangrénaient le système à sa source. Mais il avait décidé d’observer ça de l’extérieur, sans s’en mêler, à la fois pour protéger le peu de proche qu’il avait, mais aussi pour se protéger lui-même. Son esprit aiguisé avait vite compris que la version officielle de certains événements avait été remaniée. Il avait passé assez de temps au côté de Yondaime pour avoir pu mettre un pied dans les arcanes du pouvoir. Son expérience en tant que garde du corps et son expérience sur le terrain pendant de nombreuses missions lui avaient appris à se méfier de tout. 

Et aujourd’hui, sa méfiance lui criait d’être prudent. Le chemin sur lequel il allait s’engager était bien loin d’être sûr. Mais il n’avait pas le choix, son attachement, bien que récent, à N l’empêchait de rester les bras croisés. Sans compter que Raido était également impliqué à présent. Il refusait de les laisser comme ça sans rien tenter de son côté. 

Il soupira, déjà las de sa journée. Il avait espéré un peu de repos, maintenant que toutes les conséquences de leur précédente mission avaient été gérées. Vu les indications laissées par N, il aurait dû passer ses journées dans son fauteuil à lire les livres de sa bibliothèque…

Il décida de passer en premier lieu à l'hôpital. Il connaissait le quartier par cœur à force d’y passer. En tant que ninja, il était rentré des centaines de fois dans ce bâtiment. Il avait eu la chance d’en ressortir à chaque fois en bon état. À chaque fois qu’il passait ces portes, il repensait aux nombreuses missions qui l’avaient mené ici, il repensait à ses coéquipiers qu’il n’avait pas réussis à protéger, à ceux qui ne s’en étaient pas sortis. Il haïssait l’hôpital… Il se rendit directement à l’accueil et demanda à voir Lyra Kaneko.

Le jeune homme qui tenait l’accueil haussa un sourcil surpris. Il était plutôt inhabituel que quelqu’un demande la medic-nin de si bon matin. Surtout qu’il ne faisait visiblement pas partie de son unité de soin. Il remarqua cependant le bandeau ninja et le bras qu’il portait en écharpe. Sans se poser plus de questions, il lui indiqua le chemin à suivre :

— Vous trouverez le docteur Kaneko dans son bureau à cette heure-ci. Il est au troisième étage de l’aile ouest, vous pouvez y accéder par les escaliers qui se trouvent à votre droite. 

— Merci. 

— Ah, et monsieur, je vous prierais de ranger le senbon que vous tenez, vous êtes dans un hôpital ici. 

Genma cligna des yeux, surpris par le ton autoritaire que le jeune homme de l’accueil avait pris d’un seul coup. Il n’aimait pas qu’on lui parle comme ça. C’était peut-être son plus grand défaut en tant que ninja d’ailleurs. Son sensei lui répétait souvent à l’époque. Il était tout simplement réfractaire à l’autorité. Il décida néanmoins de passer outre son agacement pour cette fois-ci. Il n’avait pas de temps à perdre aujourd’hui, il avait trop de choses à gérer pour s'embarrasser de broutilles. Il retira donc son senbon d’entre ses lèvres et se dirigea vers les escaliers, sans prendre la peine de remercier l’homme. 

Une fois les premières marches grimpées, il replaça son arme favorite dans sa bouche. Il détestait ne pas l’avoir. Il arriva rapidement au troisième étage. Il s’avança dans un long couloir aux murs blancs et lavandes. Cette partie du bâtiment avait été construite dans un style épurée et lumineux. En y pensant, malgré ses nombreux passages dans l’hôpital, il n’était jamais venu par ici. Tout était paisible, il n’y avait pas de medic-nins qui couraient dans tous les sens, pas de ninjas qui déboulaient en sang. Peu de visiteurs. Il se demanda pendant quelques instants s’il était bien au bon endroit. Le seul bruit qui se faisait entendre était celui de la pluie contre les carreaux des fenêtres. Il fixait chaque écriteau accroché aux portes. Il reconnaissait quelques noms de patients. Tous des ninjas. Et si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, ils avaient tous été blessés gravement durant les derniers mois… Il n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps, il venait de trouver la bonne porte. L’écriteau mentionnait cette fois-ci le nom du Dr.Kaneko. Il hésita sur la marche à suivre avant de simplement toquer à la porte. Une voix éraillée lui répondit après quelques secondes pour l’inviter à entrer. Il pénétra alors dans le bureau, sans savoir comment présenter la raison de sa venue.

Lyra braqua ses yeux fatigués sur le ninja qui venait d’entrer. Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Elle n’avait aucune consultation de prévue ce matin-là. Elle nota immédiatement sa blessure à l’épaule, qui semblait importante vu le bandage qui lui maintenait le bras en place. Puis ce fut son air épuisé et soucieux qu’elle nota. Qui que ce soit, ce ninja semblait avoir besoin d’aide. Elle n’aimait pas être dérangée en plein travail, mais la situation l’intriguait assez pour qu’elle lui désigne le fauteuil qui faisait face à son bureau.

Genma s’installa, non sans jeter un coup d’œil autour de lui. Les étagères autour de lui croulaient sous les dossiers médicaux, des rouleaux de parchemin étaient entassés çà et là. Son regard s’attarda ensuite sur la femme qui lui faisait face. Elle était un peu plus âgée que lui. Il tenta un sourire lorsqu’elle le fixa de ses yeux gris.

— Que puis-je faire pour vous ? lui demanda-t-elle. 

— Je viens de part de N, elle m’a dit de faire appel à vous. 

Il lui tendit la note écrite par sa coéquipière la veille. La medic-nin s’était redressée en entendant le nom de N. Elle attrapa le document et le déposa sur son bureau. Elle passa sa main au-dessus, et concentra son chakra. Sous la lueur bleutée, les hiraganas se mélangèrent, laissant place à un nouveau message. Abasourdi, Genma tenta de déchiffrer la note de sa place, mais il était trop loin pour réussir. Elle releva finalement la tête vers lui et lui lança un sourire franc. 

— Genma, c’est ça ? Je suis Lyra Kaneko, une... amie de N, hésita-t-elle brièvement . Tu es son nouveau chef d’escouade si j’ai bien compris ? 

— Exactement. Elle avait codé son message ? Je n’ai même pas remarqué…

— Tu ne la connais pas assez longtemps pour reconnaître la signature de son chakra. Et, accessoirement, N code tous ses messages de cette façon, c’est une technique particulière qu’elle a mis au point il y a quelques années.

— Tu as l’air de bien la connaître, avança-t-il, intrigué. Pourtant, elle ne m’a jamais parlé de toi. 

— Tu comprendras avec le temps que N est une femme très secrète et méfiante. Il est rarissime qu’elle accorde sa confiance aux gens qui l’entourent. Cela fait plus de dix ans que je la fréquente à présent, et je ne peux prétendre connaître ne serait-ce qu’un quart de sa vie et de ses pensées. 

— Elle a toujours été comme ça ? 

— Elle était pire lorsqu’elle était plus jeune. J’ai l’impression que son arrivée à Konoha lui a fait beaucoup de bien. Enfin, trève de bavardage sur N, nous n’avons pas le temps pour ça. Tu as été blessé à l’épaule au cours de votre dernière mission, c’est ça ?

— Oui, j’ai été pris dans une explosion. N a commencé les soins hier soir, mais elle a été renvoyé en mission cette nuit…expliqua-t-il dans un soupir. 

— Et bien on va voir ça, je te laisse retirer ta chemise, je vais t’examiner.

Cette fois-ci, il se débrouilla seul pour retirer son haut. Il commençait à prendre le coup de main à force. Lyra lui fit signe de s'asseoir sa table d’observation qui trônait dans un coin de la pièce. Une fois installé, elle s’approcha de lui, attachant rapidement ses longs cheveux roux en une queue-de-cheval, et retira délicatement son bandage. Le baume que N lui avait appliqué la veille avait intégralement disparu, laissant place à une immense ecchymose violacée.

— Eh bien, tu ne t’es pas loupé, observa Lyra.

Il aimait bien son franc-parler. C’était rare qu’un medic-nin s'autorise ce genre de commentaire. Tout bien considéré, il était plutôt pour, cela rendait l’examen moins froid et déprimant. Il serra les dents lorsqu’elle palpa sa blessure. Il ne put s’empêcher de noter qu’elle était moins délicate que N… Plusieurs fois, il vit la rousse concentrer son chakra dans sa main gauche, tandis qu’elle écrivait rapidement sur un calepin de la main droite. L’examen préliminaire se termina rapidement, au grand soulagement de Genma qui avait eu son compte de douleur pour plusieurs jours. Elle avait manipulé son bras pour lui faire faire divers mouvements, et il n’avait éprouvé qu’une hâte : que ça se finisse le plus vite possible. Il attendit son verdict alors qu’elle retournait vers son bureau. 

— N a fait du très bon travail, comme toujours. Par contre, tes muscles ont été touchés en profondeur, les dégâts sont importants. Les medics-nin t’ont donné combien de temps de repos ? 

— Deux semaines, répondit-il.

— C’est pas assez. Si tu reprends trop hâtivement les combats, ton épaule ne tiendra pas le coup. Au moindre choc ou faux mouvements, tu te trouveras dans un état pire qu’actuellement. Tu as quel âge ? Une trentaine d’années à vue d’œil… Au risque de te vexer, tu n’es pas un adolescent, et même si tu t’entretiens, ton corps fatigue. Il lui faut plus de temps que lorsque tu étais jeune pour se remettre. Tu en as pour un bon mois de repos là. 

— Un mois sérieusement ? Je suis un ninja, je ne peux pas me permettre de rester aussi longtemps sans partir en mission ! 

Lyra soupira, déjà lassée par la discussion. C’était toujours pareil avec les ninjas, ils n’avaient aucune conscience de leurs limites et de celles de leur corps. Combien en avait-elle soigné depuis le début de sa carrière de médic-nin ? Combien d’entre eux s’étaient entêtés et étaient repartis trop tôt au combat ? Elle avait cessé de compter depuis plusieurs années déjà… Elle passa une main dans ses cheveux, les replaçant derrière son oreille, et fixa son regard à celui de Genma. 

— Sais-tu à quoi sert cette partie du bâtiment Genma ? As-tu une idée de mon travail ici ? lui demanda-t-elle, un peu agressive.

— Non ? admit-il.

— Chaque patient qui se trouve à cet étage décédera dans les prochaines heures, ou les prochains jours qui arriveront. Ce sont tous des ninjas, grièvement blessés pendant leur dernière mission. Malheureusement, la médecine a ses limites, et on ne plus rien faire pour eux. Beaucoup sont partis en mission alors qu’ils étaient épuisés ou pas encore remis d’une ancienne blessure. Chaque jour, je vois arriver de nouveaux patients que je soignerais seulement pour quelques instants. Chaque jour, je fais tout ce que je peux pour qu’ils souffrent le moins possible. Certain n’ont ni famille, ni ami. Ils passent leurs derniers jours en ma seule compagnie, terrorisés par ce qui les attend. Le système ninja actuel vous pousse à en faire toujours plus, à vous dépasser encore et encore pour revenir vivant de vos missions...Regarde toi... Depuis combien de temps ne t’es-tu pas reposé réellement ? Ne crois pas que je ne remarque pas tes cernes ou même tes tics nerveux. Certes, ce senbon que tu machouilles te calme, mais ce n’est pas suffisant. Il suffit d’être un minimum observatrice pour pouvoir comprendre que tu es littéralement épuisé. Tu le caches très bien derrière ton air nonchalant et détaché, mais tu ne me duperas pas aussi aisément. À vouloir trop en faire, tu te tues à petit feu. Je ne sais pas de quoi ta vie a été faite, et quelles ont été les épreuves que tu as traversées. Je ne sais pas pourquoi tu es comme ça, et j’ai bien conscience que ça peut paraître facile de ma part de te sortir de telles remarques. Mais tu as besoin de lever le pied, réellement. Tu es un chef d’escouade, la vie de tes hommes reposes sur tes épaules. Et sans mauvais jeu de mot, tu en as une en très mauvais état…

Sa dernière remarque tira un sourire à Genma. Il ne résistait jamais à un peu d’humour. Pourtant, le discours qu’elle venait de lui tenir l’avait touché. Elle l’avait cerné avec tant de facilité en si peu de temps. Dire qu’il la connaissait depuis à peine une vingtaine de minutes. Cette femme était impressionnante. Elle lui avait balancé à la figure une vérité qui lui était pénible à accepter, mais il n’avait pas vraiment le choix. Il refusait de mettre la vie de Raido et de N en danger, ainsi que celle d’Iwashi d’ailleurs. Il culpabilisait suffisamment depuis sa dernière mission en vérité. Et il savait que l’entrée de N dans son escouade ne présageait pas une vie tranquille et sans problème. Il s’y était préparé mentalement, mais ça n’avait pas suffit. À vrai dire, N était tellement secrète qu’il était quasiment impossible de comprendre quels étaient les véritables enjeux de sa protection.

— Un mois alors ? Et je pourrais retourner sur le terrain ?

— Au minimum un mois, et sous réserve que tu te soignes correctement. Et quand je dis ça, je pense principalement au fait de te ménager, et non pas qu’au fait de suivre les exercices et soins qu’on fera ensemble. Compris ?

— Oui, m’dam…

— Je préfère ça. Pour l’instant, on va faire en sorte que tes muscles se reforment. Donc pas de mouvement, seulement des soins. 

— Dis moi, pourquoi N ne m’a rien dit pour le mois de repos ? lui demanda-t-il, curieux. 

— T’es bien curieux… Comment t’expliquer ça rapidement… Elle hésita quelques instants, avant de reprendre : N n’est pas une médic-nin à proprement parler. 

— Comment ça ? Il ne comprenait pas où elle voulait en venir. 

— Les jutsus de N sont particuliers. Là où un medic-nin va te soigner, N va te régénérer. Le jutsu qu’elle a utilisé sur toi t’épargne un second mois de convalescence. Malheureusement, bien que très pratique, ses techniques ont des limites, en plus d’être relativement dangereuses pour elle. Si elle peut accélérer ta guérison, elle ne peut cependant pas te soigner complètement. Et j’imagine que tu as dû remarquer comment elle est traité par le village. Elle n’a pas le statut de medic-nin, elle s'apparente plus à une mercenaire pour nos dirigeants. Si bien qu’elle n’a pas la possibilité de contester des ordres d’un véritable medic-nin du village. Même si elle n’était pas repartie en mission, elle t’aurait envoyé vers moi pour que je continue les soins, à mon avis. Sa parole n’a malheureusement aucune valeur ici… 

Genma pu percevoir une certaine amertume dans ses dernières paroles. Amertume qui faisait écho à celle qu’il ressentait. Il savait sa coéquipière rejetée par le village. Mais il n’avait pas vraiment pu prendre pleine mesure du problème. Il ne comprenait pas la haine dont elle faisait l’objet. Et le fait d’apprendre que même dans le domaine de la médecine, elle n’avait aucun pouvoir le révoltait. Il comprenait mieux maintenant la rancoeur dont elle faisait preuve lorsque l’on mentionnait le village. 

— D’un côté ça me révolte pour elle, de l’autre côté, je suis rassurée de voir que son chef d’équipe se soucie d’elle à ce point, ajouta Lyra, attendrie par la colère que ressentait le ninja. Bon, ce n’est pas tout, mais tu n’es pas le seul patient que je dois voir de la journée, on va attaquer les soins maintenant, avant que je sois vraiment en retard sur mon programme ! ajouta-t-elle.

Genma ressorti de l’hôpital complètement épuisé. Lyra Kaneko n’était pas la plus délicate des médecins et il redoutait déjà leur prochaine séance. En y pensant, il était difficile pour lui d’imaginer que N et elle pouvaient être des “amies” de longue date. Elles étaient totalement différentes l’une de l’autre. De ce qu’il avait pu observer en l’espace d’une heure, Lyra était une véritable boule d’énergie qui ne s’arrêtait jamais. Il appréciait sa tendance à aller droit au but tout en restant chaleureuse, ça changeait des médics-nin qu’il connaissait. De son côté N avait quelque chose de plus calme et mystérieux, presque sauvage. Il se demanda comment elles avaient pu bien s’entendre.

Il chassa toutes ces questions de sa tête. Il n’avait pas le temps pour ça. Il devait se rendre de toute urgence chez le Hokage. Il voulait comprendre pourquoi le chef du village risquait ainsi la vie de ses deux coéquipiers. Il savait que ce n’était pas dans les habitudes de Hiruzen de sacrifier les ninjas du village de cette façon. La situation devait forcément cacher autre chose. Et il se doutait bien qu’il ne tirerait aucune information de la part de N quand elle reviendrait. Il allait devoir enquêter de son côté. Il accéléra son pas jusqu’au grand bâtiment rond qui abritait entre autre le chef du village. Il sortit une montre à gousset de sa poche, semblable à celle de Raido et la consulta. L’après-midi était déjà bien avancé. À cette heure-ci, le Hokage devait travailler seul dans son bureau. Les missions, sauf exception, étaient distribuées le matin. 

Il salua rapidement le ninja qui se trouvait à l’entrée du bâtiment, grimpa plusieurs étages, puis s’enfonça dans un long couloir. Depuis le temps, il connaissait cet endroit par coeur. Il aurait pu s’y orienter les yeux fermés. Lorsqu’il avait été le garde du corps de Yondaime, il avait arpenter chaque pièce et couloir de long en large… Il avait dû mémoriser chaque recoin, chaque passage dissimulé, chaque angle mort. Il se souvint du travail colossal que ça lui avait demandé à l’époque alors qu’il avait à peine 16 ans. Avec Raido, ils avaient été si fiers d’être nommés à ce poste par le nouvel Hokage lui-même. Malheureusement, cette joie n’avait pu durer qu’un an… Il secoua la tête. Ce n’était pas le moment non plus de penser à ce genre de chose. Il devait se concentrer sur son objectif : soutirer des informations à Sarutobi. Un objectif bien plus facile à dire qu’à faire, forcément ! Il marchait d’un pas vif, parcourant le couloir rapidement, jusqu’à arriver devant une grande porte en bois. Un chunin était placé devant. Il ne parvenait plus à se souvenir de son nom. Ce dernier le dévisagea, curieux. Pourquoi un ninja blessé venait déranger le Hokage maintenant ? 

— C’est pourquoi ?

— Préviens le Hokage que je souhaite le voir. 

Le jeune ninja hocha la tête avant de frapper trois coups lents à la porte. La voix fatiguée de Hiruzen leur parvint : 

— Qu’est-ce qu’il se passe Naoki ? 

— Un ninja souhaite vous voir, maître Hokage.

— Et qui est ce ninja ?

— Euh… 

Il se tourna vers Genma, confus. Celui-ci le regarda avec un petit air narquois. Un garde novice… 

— Genma Shiranui, lui répondit-il avant même que celui-ci n’ait le temps de lui demander son prénom. 

— Merci. Il s’agit de Genma Shiranui, maître Hokage ! ajouta-t-il, plus fort. 

Hiruzen ne répondit pas immédiatement. Genma sentit les problèmes arriver. Et il eut raison. Après quelques secondes de silence, la porte du bureau s’ouvrit sur le vieil homme, puis sa voix s’éleva dans les airs, implacable.

— Je ne te recevrais pas Gemna. Merci de ne pas m’importuner plus longtemps.

-o-

 N passa une main dans ses cheveux trempés. Le troisième jour de leur mission débutait, et la tempête ne s’était toujours pas calmée. Après plusieurs heures de repos dans leur abris, Raido et elle avaient d’abord été tentés d’attendre une accalmie pour reprendre leur mission. Mais la météo en avait décidé autrement, et au lieu de se calmer, la tempête s’était intensifiée. Elle jura encore une fois, – elle n’avait pas arrêté depuis son réveil quelques heures plus tôt – avant d'accélérer son allure. Quoiqu’elle fasse, elle n’arrivait pas à se mouvoir aussi bien que Raido dans l’obscurité de l’aube naissante. Les éléments extérieurs ne semblaient pas avoir d’empris sur cet homme. Il avançaient aussi aisément dans une forêt touffue, sous des trombes d’eau et dans l’obscurité que sur une jolie route pavée. Sans compter sur le fait qu’il ne faisait quasiment aucun bruit en se déplaçant. C’était impressionnant à voir. En prenant ainsi le temps de l’observer, N comprenait enfin d’où lui venait sa réputation d’assassin hors pair. Lorsqu’elle avait questionné Kakashi sur ses nouveaux coéquipiers, celui-ci, plutôt avare en compliment, avait directement loué les capacités de Raido en tant que assassin. Il fallait dire qu’entre sa discrétion naturelle, sa maîtrise de son sabre et ses jutsus particulier, il semblait être fait pour ça.

Le fait d’avoir couper par la forêt leur donnait un avantage certain. Malgré la progression difficile à travers les branches, ils avaient pu prendre une avance considérable. Alors que l’aube se terminait et que la pluie se stoppait enfin, laissant place à un soleil pâle caché derrière d’épais nuages, Raido se mit à ralentir pour arriver à la même hauteur que sa coéquipière. Celle-ci lui lança un regard intrigué. 

— On est presque arrivé, d’ici un kilomètre, on sera au poste d’observation où se trouve l’escouade qui a repérer les ravisseurs. 

— Tu les connais ces ninjas ? demanda-t-elle, un peu méfiante à l’idée de devoir collaborer avec des gens qui la méprisaient déjà sûrement. 

— Seulement le chef d’escouade, Hayate Gekkô. C’est un de nos amis à Genma et moi. 

— Il est comment ? 

— C’est un petit génie du maniement du sabre. Il est sûrement meilleur que moi d’ailleurs. Il sera nommé Jônin d’ici peu, mais il ne le sait pas encore, donc pas un mot ! 

— C’est noté chef ! Et les autres c’est des chûnin ? 

— Oui, fraîchement promus. C’est leur première mission depuis qu’ils ont eu leur montée en grade. C’est pour ça qu’on nous fait intervenir nous, le Hokage estime qu’ils ne sont pas encore prêts pour gérer une prise d’otage d’enfants. 

— Tu ne crois pas si bien dire ! fit une voix éraillée, juste derrière eux.

Raido et N se retournèrent d’un bond, sabre à la main. Mais très vite, un sourire vint éclairer le visage balafré du plus âgé, il rangea prestement son arme. L'homme qui leur faisait face n’était nul autre qu’un ninja de Konoha : Hayate Gekkô.

— Hayate ! Je ne t’ai même pas entendu nous approcher.

— C’est ce que j’ai cru remarquer. Kof...Kof… J’essaye de vous rattraper depuis deux cent mètres environ, mais vous avancez vite. Kof...Kof…

— Il faut dire que tu es plutôt discret, et nous, plutôt pressés. On faisait tant de bruit que ça pour que tu nous repères aussi facilement ? 

— Non, vous n’avez pas fait plus de bruit que n’importe quelle créature qui peuple ces bois. À vrai dire, j’étais parti chasser en prévision de votre arrivée. Kof...Kof… Il leur montra deux lapins fraîchement abattus qu’il tenait dans sa main. J’ai juste eu de la chance, je vous ai aperçu au moment où j’allais retourner au poste d’observation.Kof...Kof…

— Ravi d’entendre que tu nous prépares un bon festin, je meurs de faim. Au passage, je te présente N, notre nouvelle coéquipière. N, voici Hayate Gekkô.

N dévisagea l’homme que son coéquipier lui présentait. S’il y avait bien une chose marquante chez Hayate, outre sa toux qui semblait chronique, c’était ses immenses cernes bleutées, ancrées profondément sous ses yeux. On avait l’impression qu’il n’avait pas fermé l’oeil depuis des jours et des jours. Il était un peu plus jeune qu’elle, mais il la dépassait aisément. N remarqua que quelque chose en lui lui faisait irrémédiablement penser à Genma. Peut-être était-ce son air détaché ? Ou bien simplement son bandeau frontal, qu’il nouait lui aussi comme un bandana ? Pourtant, elle lui trouvait moins de prestance dans sa façon de se mouvoir ou de se tenir. Un peu comme s’il était éteint, comme s’il n’était qu’un pâle reflet de lui-même. 

— Enchanté N. Kof...Kof… Le voyage jusqu’ici ne vous a pas poser trop de problème ? aucune mauvaise rencontre ? demanda-t-il, curieux.

— De même, lui répondit la kunoichi. Disons que le périple aurait été plus agréable s’il n’avait plus ressembler à une balade en forêt qu’à une nage dans un torrent en pleine crue et avec une eau glaciale, ajouta-t-elle avec un brin d’ironie. 

— Si ça peut te rassurer, la tempête semble totalement terminée maintenant. Vous allez enfin pouvoir vous sécher et vous mettre au chaud devant un bon feu. Kof...Kof…

Ils suivirent finalement le chunin jusqu’au poste d’observation qui se trouvait un peu plus loin, à quelques centaines de mètres de là où ils s’étaient stoppés. Ils s'arrêtèrent au flan d’une montagne, devant une vieille planche en bois presque moisie. Elle cachait l’entrée d’une grotte qui avait l’air d’être totalement envahie par une végétation luxuriante. Le lieu semblait être complètement déserté, comme pour le premier repère dans lequel ils avaient dormi deux jours plus tôt. À la manière de Raido, Hayate posa sa main au centre de la planche. Un sceau apparut, gravé dans le bois.Il se concentra et activa son chakra. Le sceau s’anima sous leur yeux. La planche en bois défraîchi laissa place à une véritable porte. Hayate l’ouvrit et passa en premier pour entre dans le couloir qu’elle venait de dévoiler. Alors que Raido s’apprêtait à le suivre, il remarqua le mouvement de recul que N venait d’avoir. Il la dévisagea quelques secondes, intrigué, avant de comprendre pourquoi elle semblait si soucieuse. Il s’approcha d’elle, et lui chuchota, d’une voix qui se voulait rassurante : 

— Ne t’inquiètes pas pour les autres, tout se passera bien et je resterai toujours à tes côtés, compris ?

— Merci, fit-elle en acquiesçant, reconnaissante. 

Ils entrèrent finalement à la suite de Hayate. Si celui-ci avait remarqué la réticence de N quant à ses coéquipiers, il eut le bon goût de ne pas relever son comportement. En un sens, il la comprenait un peu. Vu comment les ninjas du village l’avaient accueillie depuis qu’elle était arrivée à Konoha, sa méfiance était tout à fait légitime. Pour sa part, il était éprouvait plutôt de la curiosité envers la jeune femme. Genma lui avait parlé d’elle avant que leur escouade ne parte en mission, et il n’avait pas été avare en éloge à propos de la kunoichi. Et même sans l’avoir vu combattre, Hayate comprenait pourquoi tant de compliment. N avait quelque chose dans sa façon d’être, quelque chose qui fascinait. Il n’arrivait pas à savoir si ça venait de son comportement félin, presque sauvage, ou bien de l’aura mystérieuse qui émanait d’elle. Quoiqu’il en soit, il comprenait parfaitement pourquoi elle captivait autant son ami.

Le couloir les mena directement à une grande pièce dont les parois avaient taillées à même la roche. Contrairement au premier refuge que N avait visité, celui-ci était réellement aménager pour le confort des ninjas qui s’y trouvaient. De vieux meubles en bois se dressaient çà et là. Une grande table, couverte de cartes en tout genre, trônait au milieu de la salle.  Un feu éclairait le tout et réchauffait l’atmosphère glaciale de la grotte. Plusieurs couloirs partaient de cette pièce et menaient sûrement aux quartiers des ninjas. Plus qu’une cachette pour ninjas en mission, ce lieu était une véritable base souterraine pour Konoha. N nota que l’endroit semblait pour l’instant désert et en fût soulager. Elle ne se sentait pas la force de faire de nouvelle rencontre, épuisée et affamée comme elle était. 

— Les autres sont partis en repérage autour de la base des ravisseurs. On a essayé de rassembler un maximum de renseignement pour vous faciliter la mission. Kof...Kof… Vous voulez savoir où on est maintenant, ou vous préférez vous reposer un peu et  manger un morceau ?

Raido consulta N du regard et vit à quel point la jeune femme avait été éprouvé par le voyage. Elle méritait bien un peu de repos vu le rythme qu’elle avait tenu ces derniers jours…

— On va se contenter d’un truc à grignoter avant de dormir. On a tout les deux besoin de repos je crois, répondit le balafré.

— Il nous reste un peu de viande séchée, du fromage et du pain près du feu. Kof...Kof…

Les deux ninjas se précipitèrent sur la nourriture et se posèrent devant le feu. Ils se délectèrent de la sensation de chaleur que leur apportaient les flammes rougeoyantes. Passer autant de temps sous une pluie diluvienne, soumis aux caprices des éléments, les avait laissés épuiser l’un autant que l’autre. Finalement, Hayate les conduisit jusqu’à leurs quartiers. L’endroit n’était pas très grand, mais il était lui aussi chauffé par un feu, au plus grand plaisir de N. Des lits superposés prenaient une grande partie de la pièce. Sans même demander l’avis de Raido, la kunoichi se dirigea vers celui du bas, ravie de pouvoir dormir autre part que sur le sol. Après avoir déposé ses affaires encore trempées près du feu et s’être changer, elle s’écroula dans son lit. Il ne lui fut pas plus longtemps pour sombrer dans un sommeil profond. Raido la vit s’endormir à peine l’oreiller touché. Cette femme avait un don pour s’endormir rapidement, il n’avait jamais vu ça avant… Il remonta la couverture sur elle, avant de se préparer à son tour puis de s’allonger dans la couchette du haut. Ils devaient impérativement reprendre des forces, ces quelques heures de sommeil étaient cruciales pour eux. 

-o-

—  Kof...Kof…

—  Ta toux s’est aggravée Hayate, n’est-ce pas ? 

Raido se tenait sur le pas de la pièce, dans l’ombre. Il avait pu dormir assez longtemps pour se sentir en pleine forme. Il s’était levé discrètement, préférant laisser sa coéquipière se reposer le plus possible avant le véritable début de leur mission. 

— Ça fait trois bonnes semaines que ça a empiré. Ça devient de plus en plus problématique, les médic-nins ne savent toujours pas pourquoi je suis comme ça. 

— Comment réagit Yûgao ? 

— Elle s’inquiète beaucoup pour moi, comme toujours. Elle n’arrête pas de me répéter qu’il faudrait qu’on retrouve Tsunade-sama pour lui demander de m’examiner. Kof...Kof…

— Tu en as parlé avec le vieux singe ? lui demanda son ami.

— Non, s’il s’en rend compte, je risque d’être exclu de la plupart des missions le temps que ça aille mieux. Kof...Kof…

— Prendre un peu de repos ne te ferais pas de mal tu sais. 

Hayate préféra ne rien répondre. Il savait très bien Yûgao et Raido avaient tous les deux raisons. Pourtant, il refusait d’en savoir plus sur le mal qui le rongeait. Il ne préférait pas savoir ce qui l’attendait. Il se rendait compte qu’il éprouvait de plus en plus de mal à respirer et qu’il manquait de souffle. Mais il avait choisi de vivre dans le déni, afin de profiter au maximum du temps qui lui restait. Il voulait ignorer cette épée de damoclès qui vacillait au-dessus de sa tête depuis de nombreux mois maintenant. 

— Un de mes coéquipiers ne devrait pas tarder à revenir pour nous donner des nouvelles. Tu devrais aller réveiller N, je pense qu’elle préfère se lever tranquillement avant de rencontrer qui que ce soit d’autre…  Kof...Kof…

— Alors tu avais remarqué son comportement… 

— Oui, mais je ne lui en veux pas. Genma m’avait un peu parlé d’elle avant votre première mission ensemble, et j’imagine que la réaction qu’Iwashi a eu est loin d’être une réaction isolée. Je ne peux pas me figurer ce que c’est d’être à sa place, mais en tout cas, j’admire son courage.  Kof...Kof… Beaucoup d’entre nous auraient déjà jeté l’éponge avec un tel accueil. C’est une bonne chose qu’elle ait été placé dans votre escouade, votre présence à toi et Genma permettra sûrement de stopper ce genre de comportement.  Kof...Kof…

— Je l’espère, acquiesça le balafré. Mais je ne vais pas la réveiller tout de suite. Ils l’ont fait repartir en mission à peine sortie de l’hôpital après un épuisement total de chakra. Elle a besoin d’un maximum de repos si on veut pouvoir s’en sortir pendant cette mission.

-o-

N ouvrit les yeux avec difficulté. Elle se sentait bien mieux qu’à leur arrivée dans la grotte. Cette petite sieste lui avait permis de récupérer une grande partie de ses forces, ça lui serait plus qu’utile cette nuit. Sa tenue de combat avait eu le temps de sécher grâce à la chaleur que le feu dégageait encore. Raido avait dû remettre du bois pour ne pas qu’il s'éteigne, songea la jeune femme. Elle s’habilla rapidement, et se prépara mentalement à affronter les coéquipiers de Hayate. Ils étaient sûrement rentrée à la base maintenant… Elle ouvrit la porte de ses quartiers et s’engagea dans le couloir qui menait à la pièce principale. Seule la lumière lointaine du feu lui permettait de distinguer plus ou moins où elle mettait les pieds. Mais elle n’aperçut cependant pas le torse qui lui barra le passage et dans lequel elle rentra de plein fouet.

— Aie ! s’exclama-t-elle, en perdant l’équilibre.

— N ? Raido eut le réflexe de la rattraper avant qu’elle ne touche le sol. 

— Qui veux-tu que ce soit d’autre ? râla la kunoichi.

— Quelqu’un de moins grognon. Je venais te réveiller, il faut qu’on se prépare pour ce soir. 

— Je ne suis pas grognon. 

— À d’autre !

Il lui ébouriffa les cheveux, ricanant devant son regard tueur, puis il la pressa vers le bout du couloir. Alors qu’ils entrèrent dans la pièce, plusieurs paires d’yeux se levèrent vers eux. Alors que sa main touchait toujours le dos de sa coéquipière, il sentit ses muscles de tendre sous les regards. Une fois de plus, il lui chuchota discrètement : 

— Tout va bien, je suis là. 

Les présentations furent rapides, et aucun des jeunes chunin ne se permit de faire une réflexion sur N, à son grand soulagement. Après avoir avaler un morceau de viande, ils s’installèrent autour de la table centrale. Leur plan fut vide échafaudé. Les ravisseurs avaient basé leur planque dans une grotte. Et ni Raido, ni N ne maîtrisaient le Doton suffisamment pour pouvoir s’infiltrer discrètement à l’intérieur. Par contre, l’un des chunins avait repéré à une seconde entrée, cachée de l’autre côté de la montagne. Deux gardes montaient constamment la garde devant. En s’en débarrassant rapidement et discrètement, ils pourrait pénétrer leur repère. Malheureusement, ils n’avait pas plus d’information sur ce qui les attendait à l’intérieur. Un autre des chunins avait pu apprendre que les deux gamins étaient enfermé dans des geôles différentes. Ça n’allait pas leur faciliter la mission…

Lorsque Raido et N se mirent en route, la nuit était tombée depuis bien longtemps. Malgré ses vêtement secs, cette dernière frissonna sous l’air frais de la forêt. s’éclairant à la lumière de l’astre lunaire, ils avançaient le plus possible dans la direction indiqué par leur congénère de Konoha. Ils ne parlaient pas, plongés dans leur pensées respectives. N pouvait cependant lire l'inquiétude sur le visage de son chef de mission. Elle savait qu’il avait peur pour elle, et ce qu’elle lui avait appris au début de leur mission ne devait pas l’aider à rester serein. 

Alors que leur pas les avaient amenés à une centaine de mètres de l’entrée, leur démarche se fit plus discrète, plus chaloupée. Ils ne devait surtout pas se faire repérer maintenant. Raido ouvrait la marche, se dirigeant aisément à travers la végétation et laissant un passage praticable pour sa coéquipière. Il s’autorisa un regard furtif dans sa direction. Elle ne semblait pas se faire beaucoup de soucis pour la suite des opérations. Elle avait retrouvé cette assurance mystérieuse qui la caractérisait tant. Ses cheveux, qu’elle avait tressé, battaient ses hanches au rythme de sa cadence. Remarquant l’attention qu’il lui portait, elle releva la tête et lui offrit un sourire se voulant rassurant. Elle se sentait en pleine possession de ses moyens grâce au repos qu’elle avait pu prendre. 

Ils continuèrent leur progression en silence, jusqu’à apercevoir les deux sentinelles. La lumière de la lune reflétait sur leurs armes. Par chance, ils n’avait pas l’air d’être particulièrement sur leur garde. Après tout, ils ne devaient pas s’attendre à des ennuis aussi tôt. L’échange contre la rançon ne devait avoir lieu qu’au crépuscule suivant. Cachés derrière des arbres, N et Raido se tenaient côte à côte. La jeune femme sentait la tension qui émanait de son coéquipier, si bien qu’elle lui attrapa le bras pour attirer son attention. Alors qu’il la fixait, intrigué, il vit ses lèvres formuler une simple phrase : Tout se passera bien.

Si seulement.

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Ça va partir en couilles \o/
Désolée sweetysamaa mais la guimauve s'en va pour quelques temps 😂

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