Chapitre 25 : Morts
Pourquoi avait-il fallu qu'ils acceptent cette mission ? Pourquoi n'avaient-ils pas exigé un peu de repos avant de repartir sur le terrain ? Surtout, pourquoi étaient-ils allés vers la source de ce chakra maléfique ?
Tout avait pourtant bien commencé. Ils avaient accompli leur devoir de shinobi sans la moindre difficulté, expédiant cette foutue mission en un temps record. Peut-être était-ce dû à leur motivation toute particulière ? Passer trop de temps en dehors de Konoha était une chose qu'ils ne pouvaient se permettre. Pas alors que la vie de Naori ne tenait plus qu'à un fil.
Et s'ils rentraient trop tard ?
Et si c'était déjà fini ?
Et si Naori n'avait pas tenu jusqu'à leur retour ?
Des questions qui les avaient hantés durant tout leur voyage.
Des questions qui n'avaient plus aucune importance à présent. Ils ne rentreraient jamais à Konoha. Ils ne reverraient jamais leurs proches et leur foyer. Les pavés du village ne seraient plus jamais foulés par leurs pas pressés.
Ils allaient mourir ici, dans cette clairière dévastée, exécutés par les sbires d'Orochimaru.
Un genou à terre, le regard perdu dans le vide, Genma sentait sa vie s'échapper par les innombrables blessures reçues. Il ne souffrait même plus, à vrai dire. Son esprit était bien trop occupé à pleurer la perte de son frère d'armes.
Raido était tombé le premier, le corps transpercé à plusieurs reprises. Les immenses flèches tirées par cet homme-araignée avaient pulvérisé ses organes vitaux. Il n'avait eu aucune chance.
Son meilleur ami n'était plus.
Il l'avait mené à la mort.
Une fois de plus, Genma avait failli à sa mission principale. Il avait été incapable de protéger son coéquipier. Il n'avait rien pu faire, si ce n'est le regarder s'écrouler sur un sol déjà gorgé de son sang.
Raido n'était plus.
Il était mort.
On lui avait enlevé.
Et ses larmes coulaient sur son visage livide, inarrêtables.
Et son cœur hurlait, inconsolable.
Terrassé par une affliction démente, son esprit refusait de continuer.
À quoi bon se battre ?
À quoi bon survivre ?
Raido n'était plus.
Il était seul à présent.
Seul et bientôt mort.
Bientôt, il allait s'écrouler dans ce cratère. Il baignerait dans le même liquide carmin que son meilleur ami. C'était une bien maigre consolation que de savoir qu'il tomberait à ses côtés. Au moins n'aurait-il pas à faire le deuil de celui qui fût son frère pendant si longtemps.
Ils n'avaient rien pu faire.
Les deux jonins s'étaient pourtant jetés à corps perdu dans cette bataille, quand bien même ils savaient ce qui allait se passer. Ils savaient qu'ils n'avaient aucune chance. On n'affrontait pas les gardes rapprochés d'Orochimaru sans la moindre réserve de chakra.
Depuis la tentative d'invasion avortée du nukenin, Raido et Genma n'avait pas eu un seul instant pour se reposer et reconstituer leurs réserves d'énergies. Ils avaient enchaîné les missions, toutes plus dangereuses les unes que les autres, mettant en péril leurs existences. Cette situation leur avait déjà coûté Naori, elle leur coûtait à présent leurs propres vies.
Son second genou céda.
Sa fin était venue.
Il le sentait.
Son esprit se laissa emporter par la douce mélodie qui parvenait jusqu'à ses oreilles. Un air de flûte qui flottait autour de lui, improbable. Lui offrait-on une mélopée pour le guider sur le chemin de la mort ?
Un sourire torve étira son visage déjà terne lorsqu'il comprit. Ses adversaires ne lui épargnaient aucune souffrance. Voilà qu'on le plongeait dans un genjutsu des plus fourbes. La forêt autour de lui laissa place à une étendue désertique d'un rouge illusoire. D'antiques squelettes tardaient leur regard vide sur lui.
Puis ses bras se levèrent d'eux-mêmes, et le cauchemar continua. Les fils de fer factices, qui le retenaient prisonnier, s'enfonçaient dans sa chair alors que celle-ci se désagrégeait. Il observait son corps fondre, incapable de briser l'illusion dans laquelle il était retenu.
Pas le moindre son passa la barrière de ses lèvres asséchées. Pas un gémissement, pas un hurlement. Son esprit avait déjà atteint sa limite, son âme avait déjà abandonné. La douleur physique n'était rien lorsqu'on avait déjà perdu ce que l'on avait de plus cher.
Ses adversaires désiraient peut-être le rendre fou ? Comptaient-ils le torturer pendant des heures ? Lui faire subir ce qu'Hotaru avait subie ? Pensaient-ils l'interroger pour obtenir de quelconques renseignements ?
Ne comprenaient-ils donc pas ?
Il était mort à l'instant où le corps de Raido avait touché la terre.
Son esprit s'était égaré dans les abysses. Il s'était enfui trop profondément dans la noirceur du désespoir. Incapable de remonter à la surface, il ne pouvait que sombrer dans une détresse infinie.
Au moins ne trahirait-il pas son village.
— Tu perds ton temps Tayuya. Il est déjà mort.
L'illusion se brisa alors qu'une main le saisissait à la gorge. Le retour à la réalité n'avait plus rien de rassurant.
Le corps du jonin vacillait dans les airs alors que le colosse le tenait à bout de bras. Genma, qui avait eu l'air si fier, si orgueilleux au début de l'affrontement, n'était à présent que le réceptacle d'une vie chancelante.
Ses yeux, d'habitude si pétillants, reflétait à peine la lumière du soleil sur son faciès épuisé. Son sourire, d'habitude si taquin, s'était éteint, lui aussi. Ses lèvres entrouvertes laissaient s'échapper un filet de sang vermeil.
Il s'étouffait lentement, et son ennemi s'en délectait.
Voir mourir un jonin de Konoha était déjà un spectacle des plus plaisants, alors en voir mourir deux était une véritable symphonie pour les ninjas du son. Certes, ils avaient dû déclencher le second stade de leur malédiction pour espérer les vaincre, mais cela n'enlevait rien au plaisir d'observer les deux corps désarticulés.
— Débarrasse-toi-en Jirôbô, on est déjà en retard, ordonna l'homme à deux têtes.
Le colosse grogna avant de jeter négligemment le jonin au senbon contre un arbre. Ce combat l'avait frustré, sa transformation lui avait donné faim, et l'absence de chakra à absorber n'arrangeait rien. Sans compter qu'il n'arrivait pas à se réjouir de leur victoire. Vaincre deux hommes déjà épuisés n'avait rien de glorieux. Que ces deux ninjas aient réussis à les pousser dans leurs retranchements était même insultant pour le quartet du son.
Les corps des quatre assaillants finirent par reprendre forme humaine. Tous paraissaient essoufflés et esquintés par le combat qui avait détruit la clairière. Jamais ils n'auraient imaginé que les jonins de Konoha possédait un tel niveau de maîtrise des arts ninjas. Ces deux-là étaient loin d'avoir été des proies faciles, comme ils se l'étaient imaginés au départ.
Le quartet du son abandonna finalement la clairière, sans le moindre regard en arrière pour les deux hommes qu'ils avaient massacrés. Ils ne prirent même pas la peine de les achever, persuadés que la mort les avait déjà fauchés.
Les poumons perforés par le choc, les membres brisés par les assauts répétés, Genma respirait à peine. Il ne parvenait plus à ouvrir les yeux, ni même à pleurer.
C'était trop tard de toute façon.
À quoi bon verser des larmes ?
Raido était déjà mort.
Il était seul.
Il allait mourir seul.
Personne ne chercherait à le sauver. Tous les êtres qui lui étaient chers avaient déjà péris par sa faute. Peut-être n'était-il pas celui qui avait porté le coup fatal, mais toujours restait-il celui qui les avait tués.
Il ne lui restait que Naori. La seule qui avait réussi à ravir son cœur, la seule à l'avoir fait abaisser les murailles qu'il avait construites autour de lui. Celle qui lui redonnait le sourire et apaisait ses craintes. Celle qui le rendait fou de désir en un seul regard.
Celle qu'il aimait.
Son visage s'imposa à son esprit, effaçant toute pensée parasite.
Était-elle déjà partie, elle aussi ? Avait-elle succombé à ses blessures ? Ou bien les attendait-elle dans son lit d'hôpital, dans l'espoir de les revoir encore une fois ?
Elle lui manquait terriblement. En quelques semaines à peine, il avait perdu l'habitude d'être séparée de sa subordonnée. Raido lui avait d'ailleurs fait remarquer : jamais il n'avait été aussi agité que pendant cette dernière mission. Trop occupé à s'inquiéter, il avait négligé leur sécurité plus d'une fois.
Si seulement il avait écouté Shizune lorsqu'elle avait proposé de s'arrêter une nuit dans une auberge pour prendre du repos. Cela leur aurait permis à tous de reprendre des forces et de reconstituer quelques réserves de chakra.
C'était une proposition des plus logiques, mais il avait insisté pour reprendre la route de Konoha au plus vite. Chaque minute loin de Naori était une torture, et il avait refusé de prendre le risque de revenir trop tard. Finalement, il s'était condamné lui-même à une mort douloureuse et inutile, et il avait mené Raido dans son sillage.
Son impatience les avait tués.
Il était le seul responsable.
Pourquoi avait-il ordonné à Raido de le suivre lorsqu'il avait perçu ce chakra maléfique au cœur de la forêt ? Il savait pertinemment qu'il allait au-devant du danger en voulant enquêter sur la source de cette puissance. Après tout, si lui avait pu percevoir un tel déferlement, alors même qu'il avait toujours été un piètre ninja sensitif, cela ne pouvait être qu'un mauvais signe.
Dire que Raido l'avait suivi sans la moindre hésitation ? Pourquoi ne l'avait-il pas résonné ? Konoha était proche, à peine deux heures de marche avant de retrouver leur coéquipière... Mais comme toujours, le balafré lui avait fait une confiance aveugle, se lançant dans cette bataille perdue d'avance.
Et il avait perdu la vie en le protégeant.
Il s'était sacrifié en vain.
►●◄
— On devrait se mettre à leur recherche.
Iwashi tournait en rond depuis une bonne dizaine de minutes déjà. Il s'était senti soulagé lorsque Genma avait ordonné une halte, constatant que l'allure qu'il leur avait imposé était inhumaine. Le soulagement s'était prolongé lorsque le chef d'escouade ne lui avait pas demandé de le suivre pour trouver la source de ce chakra maléfique.
— C'est la cinquième fois que tu le dis.
— Ils sont partis depuis trop longtemps, ajouta-t-il.
Il n'arrivait pas à se débarrasser du mauvais pressentiment qui le hantait à présent. Il aurait dû leurs dire que c'était une mauvaise idée de se rendre là-bas dans leur état. Ils étaient trop fatigués, trop perturbés pour se risquer à combattre. Contrairement à Raido et Genma, Iwashi était un ninja sensitif, et il avait pleinement ressenti la puissance maléfique qui avait envahi la forêt pendant un court instant. Ses deux coéquipiers avaient été incapables d'en mesurer la pleine mesure, mais lui avait pu le faire, et rien ne l'avait autant terrorisé depuis le jour où Kyûbi avait presque rasé le village de la feuille.
— Ils ont peut-être décidé de poursuivre leurs investigations un peu plus loin ? suggéra Shizune, nullement inquiète.
Iwashi la dévisagea, ne sachant sur quel pied danser avec elle. Hiérarchiquement, elle était son supérieur, et il se devait d'obéir à ses ordres sans les remettre en question. Il n'était qu'un simple chunnin. Cependant, elle venait à peine de revenir au village après des années d'absence et il ne parvenait pas à la considérer comme légitime dans son rôle de jonin. Certes, elle avait été formée par la Princesse Tsunade, et semblait exceller dans bien des domaines, mais elle n'avait jamais été présente pour Konoha.
Surtout, elle ne connaissait pas Genma et Raido comme lui les connaissait. Elle ne pouvait mesurer leurs motivations, ni même les comprendre. Elle ne savait rien de leurs habitudes et de leur façon de penser. Il brûlait d'envie de lui faire remarquer.
Sentant le regard pesant du chunnin sur elle, Shizune releva la tête alors qu'elle s'était adossé paresseusement à un tronc d'arbre.
— Dis ce que tu as dire, au lieu de me dévisager comme ça.
— Je... hésita Iwashi avant de se reprendre : Genma et Raido ne prendrais pas le risque de perdre du temps pendant cette mission.
— Pourquoi ça ? demanda-t-elle curieuse.
Elle avait senti l'impatience des deux hommes à retourner à Konoha, mais n'avait rien osé demander. C'était la première fois qu'elle se retrouvait en équipe avec eux, et elle refusait de se montrer trop insistante dans ses questions.
— Notre coéquipière habituelle est mourante. Ils sont inséparables en temps normal, je doute qu'ils s'attardent alors qu'ils pourraient être auprès d'elle. Ça a été une torture pour eux de partir en mission alors qu'elle vit ses derniers instants.
Shizune accusa le coup de la révélation. Enfin elle comprenait pourquoi les deux hommes avaient paru si maussades en apprenant la durée de leur mission... Elle l'avait d'abord pris pour elle, comme s'ils refusaient de l'intégrer dans leur escouade. Son égo en avait pris un coup, même si elle n'avait rien dit. Elle était une étrangère pour la plupart des ninjas de Konoha, s'intégrer lui prendrait du temps.
Maintenant qu'elle connaissait leur situation, elle s'en voulait d'avoir désiré prendre son temps pour rentrer à Konoha. Elle avait insisté plusieurs fois pour prendre des pauses, obtenant presque à chaque fois l'accord du chef d'escouade, et ce, malgré son air de plus en plus frustré.
— Tu parles de leur escouade comme si tu n'en faisais pas partie, nota-t-elle, curieuse d'en savoir plus sur le fonctionnement du quatuor.
— J'ai cessé d'aller sur le terrain peu après l'arrivée de N dans l'escouade. J'ai préféré me consacrer à ma vie de famille après une mission qui aurait pu m'être fatale. Ce n'est qu'avec la tentative d'invasion de cette enflure d'Orochimaru que j'ai recommencé à me battre et à intégrer leur équipe.
La kunoichi prit quelques secondes pour intégrer toutes les informations qu'il venait de lui délivrer. Ainsi, cette fameuse coéquipière mourante n'était nulle autre que la femme qui préoccupait tant Tsunade. Elle avait surpris sa mentor discuter d'elle avec une autre médic-nin à la chevelure rousse, et vraisemblablement, la kunoichi était dans un état déplorable.
— Ne perdons pas plus de temps, alors. Allons les rejoindre, décida-t-elle finalement.
Soulagé, Iwashi approuva sa décision, et ensemble, ils se mirent en route. Le ninja avait beau tenter de paraître serein, plus ils avançaient, plus l'inquiétude le rongeait. Il avait fait équipe avec Genma et Raido pendant des années et jamais les deux hommes ne s'étaient comportés ainsi. Qu'avait-il bien pu se passer pour qu'ils ne donnent plus signe de vie ? Pourquoi Genma n'avait-il pas envoyé Nozomi pour les informer si quelque chose les avait forcés à s'éloigner plus que prévu ?
Le terrible calme apparent de la forêt n'arrangeait rien à la situation. Depuis le déferlement de chakra maléfique, la vie semblait s'être tarie aux alentours, les laissant pour seules âmes errantes dans cette infinité verte. Le silence résonnant autour d'eux ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose : si combat il y avait eu, alors celui-ci devait être fini.
— Nous sommes encore loin ? lui demanda Shizune, elle aussi de plus en plus inquiète.
— Non. Une centaine de mètres, à peine.
Le spectacle, qui se dévoila sous leurs yeux quelques secondes plus tard, les terrifia. La clairière avait été dévastée : plusieurs arbres avaient été déracinés, le sol n'était qu'une vaste étendue de cratères et des centaines d'armes ninja étaient éparpillés dans ce carnage.
Leurs regards se posèrent sur les deux corps qui trônait au centre de ce massacre. Raido reposait face contre terre, son sang s'écoulait de ses multiples blessures et se rassemblait en une flaque carmin qui venait engorger la terre avide. Malgré la distance qui les séparait, Iwashi pouvait apercevoir des trous béants où aurait dû se trouver ses organes vitaux.
Shizune, elle, fixait Genma. Adossé à un tronc d'arbre, le jonin au senbon ne bougeait plus d'un cil. Ses membres semblaient avoir été brisés à plusieurs endroits et deux kunaïs s'étaient logés dans sa poitrine, bien trop proche de son corps. Elle ne parvenait pas à voir son visage, mais ce n'était pas peut-être pas plus mal. Voir ses traits nobles attaqués par la douleur risquait d'être un spectacle fortement déplaisant.
Le temps de la surprise passé, ils se précipitèrent auprès de leurs coéquipiers. Ils devaient en avoir le cœur net, et ce, malgré tous les signes leur indiquant le terrible sort des deux hommes.
— Raido respire encore, Shizune !
Un soulagement immense résonnait dans les paroles d'Iwashi.
La jeune femme, elle, plaqua son oreille contre le torse du capitaine d'escouade, terrifiée par sa possible mort. Un terrible silence s'ensuivit et ses espoirs se fanèrent d'un coup. Pourtant, elle ne s'en détacha pas directement, à la recherche de la moindre étincelle de vie dans ce corps détruit.
La chance sembla enfin lui sourire. Des battements de cœurs venaient de faire leur apparition.
Des battements terriblement faibles et erratiques.
— Ce n'est pas bon, murmura-t-elle. Iwashi, aide-moi à les déplacer !
Le chunnin se précipita pour lui obéir. Il déposa avec la plus grande délicatesse les deux corps inconscients l'un à côté de l'autre, s'efforçant de passer outre leurs visages figés dans des grimaces de douleur et de peur.
— Comment peut-on les battre tous les deux ? Ils font partie de l'élite de Konoha ! s'indigna-t-il.
— Sans réserve ce chakra, même des ninjas d'élites ne peuvent rien contre de simple genin. Et vu leur état, je doute qu'ils soient tombés contre des débutants.
Les mains de la médic-nin luisaient déjà d'une lueur verte alors qu'elle tentait vainement de stopper les hémorragies de ses deux coéquipiers. Mais les blessures étaient trop nombreuses et trop profondes pour qu'elle puisse les sauver seules. Elle n'avait ni les compétences, ni les ressources requises pour prodiguer de tels soins.
À vrai dire, à part Tsunade, elle ne voyait personne d'autre pour sauver les deux hommes, et ce constat lui brisait le cœur. Elle refusait que sa première mission pour Konoha se déroule ainsi. Surtout, elle refusait de devoir porter la mort de ses deux coéquipiers sur les épaules. Après tout, si elle avait écouté directement les inquiétudes d'Iwashi, ils auraient pu arriver sur le champ de bataille bien plus vite.
Elle aurait peut-être pu les sauver.
— Je ne peux rien faire de plus, finit-elle par abandonner dix minutes plus tard.
Son visage était devenu pâle suite à l'effort fourni et la tristesse se lisait déjà sur ses traits.
— Shizune... Je devrais les poursuivre...
Iwashi préférait fuir l'endroit au plus vite, incapable de rester là, sans rien faire, alors que ses deux amis mourraient lentement sous ses yeux. Comme toujours, il était impuissant, et ça le rendait fou.
Combien de fois Raido et Genma l'avaient sauvé d'une mort certaine ?
Combien de fois avaient-ils bravés tous les dangers simplement pour le protéger ?
— Non ! s'écria la médic-nin.
Iwashi n'avait assurément aucune chance face à des personnes capables de terrasser les deux jonins.
— Mais...
— I... Iwashi... Arrête, fit une voix faible dans son dos.
Genma semblait avoir repris conscience. Son regard vitreux et sa respiration de plus en plus faible laissaient présager le pire.
— Leurs jutsus... Ça n'a plus rien à voir avec les arts ninjas. Si tu les poursuis seul, tu n'as aucune chance. Kof ! Kof !
Une gerbe de sang s'échappa de ses lèvres.
— Gen'. Arrête de parler, économise tes forces.
Iwashi s'était accroupi à ses côtés et le fixait avec sollicitude. L'essentiel était de ne pas lui montrer à quel point son état l'inquiétait.
— N...
— Je sais.
Il savait ce qu'il devrait lui dire et cela le terrorisait. L'annonce de la mort des deux hommes risquait d'être terriblement dévastatrice pour la jeune femme.
— Iwashi, on va tenter le tout pour le tout. Fonce au village et trouve les meilleurs médic-nin pour t'aider. Je vais les maintenir en vie et l'on va tout faire pour les sauver.
Le chunnin accepta sans protester. S'il restait un infime espoir, il se devait de faire tout son possible pour que cela fonctionne. Il ne pouvait pas les laisser simplement mourir sans rien tenter.
— « Les » ? demanda Genma, à peine conscient.
Contrairement à ses coéquipiers, il n'avait déjà plus d'espoir. Jamais il ne pourrait tenir jusqu'à l'arrivée de renfort. C'était déjà trop tard.
Pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher de réagir aux paroles de la médic-nin. Si lui était condamné, peut-être que...
— Raido est salement amoché, mais tout n'est pas encore perdu, alors n'abandonne pas toi non plus !
Il était vivant.
Une larme de bonheur coula sur sa joue, traçant son chemin à travers le sang séché et la poussière.
Raido était vivant.
Un soupir de soulagement s'échappa d'entre ses lèvres bleuies.
Il n'était plus seul.
►●◄
Tamako tremblait.
Elle avait froid.
Elle avait faim.
Elle avait mal.
Mais surtout, elle avait peur.
Elle était terrorisée par ce vieillard ignoble tenant dans ses bras un nourrisson. Elle était terrorisée par l'homme qui se tenait à ses côtés. Surtout, elle était terrorisée par ce qu'ils lui réservaient.
Elle avait été trainée ici peu après son altercation avec Genma, et depuis, on l'avait laissé moisir dans une cellule étriquée. La lumière du jour lui brûlait les rétines aussi sûrement que les visages répugnants de ces ravisseurs. Malgré le temps qui s'était écoulé, la kunoichi ne parvenait pas à s'habituer au visage ravagé du faux Joben.
Comment pouvait-on être aussi laid ?
Le vieillard à ses côtés n'était d'ailleurs pas mieux. Sa peau était creusée par le temps, fissurée par endroit. Ses lèvres trop fines semblaient murmurer des mots doux à l'enfant qu'il berçait doucement.
Finalement, une femme s'approcha de l'ancien qui lui remit son précieux descendant. Tamako ne put s'empêcher de remarquer les chaînes à ses poignées, si semblable à celle qui entravait ses propres mouvements. Était-elle, elle aussi, retenue ici contre son gré ? Si oui, combien étaient-ils à avoir été privé de leur liberté par ces deux inconnus ?
— Tu devais t'en faire une alliée.
Le reproche était teinté d'une menace à peine voilée. Le faux Joben ne s'y trompa pas. Son instinct lui criait de se montrer prudent dans les prochaines paroles qu'il allait prononcer. Il ne voulait pas que son visage se retrouve une fois de plus marqué par l'un des accès de colère de son Maître.
— Pardonnez-mon erreur, Maître. Elle s'est avérée plus fidèle à Konoha que prévu.
— Pourquoi ne pas l'avoir simplement éliminé ?
Il n'appréciait pas l'idée de retenir une shinobi de Konoha ici. C'était prendre trop de risque. Si jamais le village de la feuille s'apercevait de sa disparition et se mettait à sa recherche, cela pouvait compromettre tout son royaume.
— Elle peut encore nous être utile en tant qu'appât. Il se trouve que cette idiote à un passé commun avec le supérieur du numéro 317.
Le numéro 317 ? Le supérieur ? Mais de quoi parlaient ces deux fous ?
— Est-ce vrai ?
Tamako fixa le vieillard avec mépris. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il lui voulait. En revanche, une chose était sûre, elle refusait de lui faciliter la tâche en répondant à ses questions.
Le faux Joben n'apprécia pas cet élan de fierté de la chunnin. Il se dirigea promptement vers elle, furieux. Sa main droite, toujours gantée, attrapa le menton de la jeune femme et la força à le regarder. Ses pupilles pâles se plongèrent dans celles émeraudes de la kunoichi. La lueur de défi qu'il y lisait ne lui plaisait pas. Il se devait de la faire disparaître au plus vite.
Sans prévenir, sa seconde main s'éleva dans les airs avant de venir s'écraser sur la joue crasseuse de Tamako. La puissance du coup l'envoya valser sur le sol, le visage en sang. L'homme s'approcha ensuite d'elle pour s'accroupir à sa hauteur.
— Voilà ce que tu m'obligeras à faire dès que tu manqueras de respect au Maître, lui expliqua-t-il avec douceur.
Loin de se démonter, la brune lui cracha du sang au visage.
— Crève !
Le sourire carnassier qu'il lui offrit en essuyant son visage eut le mérite de la calmer. Plus elles résistaient, plus il aimait ça. Et cette fois-ci, il semblait être tombé sur une femme avec plus de ressource qu'il n'en paraissait.
— Alors ? s'impatienta le vieillard.
— Je ne sais même pas de qui vous parlez ! s'emporta Tamako
L'homme de main haussa un sourcil surpris. Se pouvait-il qu'elle dise la vérité ? N'avait-elle donc aucune idée sur ce qui se tramait contre le numéro 317 ?
— Ton idole. Shiranui et la kunoichi qui l'accompagne.
La jeune femme se figea en entendant ces paroles. Devait-elle sa capture à cette pourriture de N ? Que lui voulaient-ils ? Et surtout, que venait faire Genma dans cette histoire ?
— Je ne le trahirai pas, affirma-t-elle avec force.
Elle était prête à tout pour protéger Genma, et ce, même si cela impliquait de ne pas trahir sa pire ennemie. Elle haïssait N de tout son cœur, mais elle refusait de se laisser porter par sa colère dans une telle situation.
— Une digne shinobi de Konoha, admit le vieillard.
Sa remarque intrigua la kunoichi. Venait-il de lui faire un compliment ?
— Dommage que cela se manifeste par cette stupide inhérente à ceux de ton village. Cela te perdra autant que ton pseudo-courage.
►●◄
— Pourquoi vous faites toutes les deux des têtes d'enterrement ? La perspective de me perdre vous déprime tant que ça ? s'amusa Naori.
Étrangement, elle s'était rapidement faite à l'idée que sa vie s'éteindrait trop tôt. Elle avait fait son choix : préserver ses coéquipiers de la vérité et mourir, plutôt que de leur dévoiler sa vraie nature. Moins ils en savaient, mieux cela était pour leur sécurité. Elle les avait suffisamment mis en danger ces derniers mois, il était temps pour elle de se montrer moins égoïste et de tirer sa révérence. Elle s'en voulait pour ce qu'ils avaient déjà dû traverser par sa faute.
Avant qu'elle n'intègre leur escouade, Genma et Raido menaient une vie bien rangée de Jonins et n'avaient rien à craindre des hautes instances du Pays du Feu. Combien de fois s'étaient-ils retrouvés en danger de mort à cause d'elle depuis ?
Quoiqu'elle tente, cela finissait toujours par se répercuter sur les deux hommes.
— C'est plutôt la perspective de devoir l'annoncer à tes deux coéquipiers qui m'inquiète, répliqua Lyra.
Jamais la rousse ne lui avouerait la tristesse qui l'envahissait à l'idée de la perdre. Cela ferait bien trop plaisir à la kunoichi.
— Ils s'en remettront, et dans le pire des cas, je compte sur toi pour réconforter Raido de la meilleure des manières, fit Naori avec un sourire lourd de sous-entendus.
Elle observait le jeu de séduction qui avait lieu entre ses deux amis depuis des mois maintenant. Il était grand temps que l'un d'eux se lance à présent.
— Lyra n'a pas tort. En abandonnant ainsi, la peine que tu feras à tes coéquipiers sera immense. Et crois-moi, ces deux gosses ont vécu bien assez de tragédies pour une seule vie, renchérit Tsunade.
— Vous n'êtes pas un peu jeune pour parler d'eux comme ça ? s'amusa la kunoichi.
Lyra ne put s'empêcher de sourire. Naori était loin d'être la première à se laisser berner par l'apparence juvénile de la nouvelle Hokage.
— Ne te laisse pas avoir, elle est bien plus vieille que moi.
— Au moins, on ne voit pas mes rides, contrairement à certaines.
Loin de s'énerver, la médic-nin laissa s'échapper un rire avant de redevenir sérieuse.
— Trève de plaisanterie. Et Genma ? Tu y as songé ? Tu ne crois pas qu'il mérite mieux que ça ?
— Arrête.
— Tu vas lui imposer cette épreuve par pur égoïsme ?
— Lyra.
— Tu l'aimes donc si peu ?
— Ferme-là !
La jeune femme s'était relevé d'un coup. La lueur amusée qui avait orné son regard avait à présent disparu. Au contraire, ses pupilles étaient désormais embuées de larmes. L'amertume de la situation l'empêchait de digérer les paroles de la médic-nin.
— Par pitié, ferme-là...
Épuisée par le simple fait de s'être relevée, Naori s'écroula sur le sol, en pleurs.
Elle ne voulait pas.
Elle ne voulait pas le faire souffrir.
Elle ne voulait pas le faire pleurer.
Son bonheur était la seule chose qu'elle souhaitait.
Son sourire était la seule chose qui comptait.
— Il trouvera mieux que moi.
Peu importe combien lui coûtait ces paroles, combien elles lui faisaient mal. Elle devait s'en persuader, s'en faire une évidence. Genma méritait mieux que le monstre qu'elle était. Il méritait mieux qu'une femme prête à l'abandonner uniquement pour conserver ses secrets. Mieux qu'une femme incapable de s'impliquer.
Il serait mieux sans elle.
Elle se le répéterait jusqu'à son dernier souffle.
Une ultime litanie imbibée de mensonge.
Il serait mieux sans elle.
►●◄
Iwashi courrait comme si sa vie en dépendait. Son souffle peinait à suivre le rythme. Il en regrettait presque les entrainements quotidiens que Genma et Raido lui faisait autrefois subir.
Chaque matin, les deux hommes lui imposaient une routine sportive des plus exigeantes, visant à le maintenir au meilleur de sa forme. Le chunnin soupçonnait d'ailleurs Genma de s'être inspiré des entrainements de Gaï tant le niveau était élevé.
Il n'avait jamais été le meilleur des ninjas, aussi bien physiquement que mentalement, pourtant, ses deux coéquipiers ne lui avaient jamais reprochés son niveau. Raido lui consacrait un temps fou lorsqu'ils n'étaient pas en mission, simplement dans le but de le faire progresser.
Un jour, il avait enfin osé lui demander pourquoi un tel traitement de faveur ? Il était de notoriété publique que les deux jonins refusaient de devenir des senseïs, qu'ils n'avaient aucune vocation à transmettre leurs connaissances à la jeune génération. Alors pourquoi l'avaient-ils pris sous leur aile ? Pourquoi persistaient-ils à lui accordaient-ils tant d'importance ?
Genma lui avait ri au nez ce jour-là. Pour lui, la réponse était évidente.
Pour sa famille.
Pour son frère, mort au combat, qu'il tentait vainement de remplacer dans l'escouade. Pour sa femme, qui partageait sa vie depuis son adolescence. Mais surtout, pour ses enfants.
Trop de drame avaient déjà eu lieu à Konoha. Les deux jonins refusait d'en risquer un autre, alors ils lui avaient donné toutes les clés pour le mener à la survie. Ils lui avaient tout appris pour ne jamais côtoyer la mort de trop près.
Ceux qui risquent leur vie devraient-être ceux qui n'ont déjà plus rien à perdre.
Cette phrase que Raido avait prononcée était restée gravée dans sa mémoire, comme une maxime à ne jamais oublier. Il en avait fait son mantra, sûrement par lâcheté.
Il les avait laissés prendre tous les risques, s'acharnant à rester en arrière à la moindre occasion.
Et voilà où cela les avait menés. Ils gisaient entre la vie et la mort, s'éteignant dans une solitude trop grande.
Iwashi accéléra encore le rythme, puisant dans son chakra pour compenser ses piètres capacités. Il refusait d'arriver trop tard. Il restait un infime espoir de les sauver, il devait tout faire pour y arriver.
Ou N ne lui pardonnerait jamais.
►●◄
Yatogo soupira. Quelque chose clochait, il en était sûr. Cette impression funeste qu'un détail lui échappait occupait son esprit depuis plusieurs jours. Ses amis et ses coéquipiers s'en étaient d'ailleurs rendus compte. Tous lui avait fait remarquer : il était définitivement distrait par des pensées parasites, et cela l'empêchait d'agir comme un véritable ninja.
Alors que le médic-nin en charge de son escouade s'affairait à bander son bras blessé, le jeune chunnin fixait le sol, l'air honteux. S'il avait été plus concentré, jamais son équipe et lui se serait retrouvé à attendre désespérément des soins à l'hôpital de Konoha. Dire que la mission aurait pu échouer par sa faute si le jonin en charge de son escouade n'était pas intervenu à temps.
Il avait réussi à appliquer les conseils de Genma et N jusque-là, et s'était appliqué à ne pas gâcher sa vie par stupidité. Néanmoins, cette dernière mission viendrait faire tache dans les prochains rapports sur ses progrès. Lui qui rêvait de devenir un Jonin au plus et rejoindre ainsi les plus grands ninjas de Konoha risquait de voir son rêve s'envoler trop rapidement.
Pourtant, il ne parvenait pas à se concentrer, et ce, malgré tous ses efforts. La disparition de Tamako hantait son esprit, parasitait la moindre de ses pensées. Il l'avait cherché dans tout le village durant ses jours de repos, il avait même interrogé ses voisins et ses anciens coéquipiers, mais personne ne semblait avoir aperçu la jeune kunoichi depuis plusieurs semaines.
Il ne lui restait plus qu'un seul endroit à fouiller, et par chance, il s'y trouvait actuellement. Ce passage éclair à l'hôpital lui permettrait de questionner les autres médic-nins et avec un peu de chance, quelqu'un saurait enfin en mesure de lui dire ou avait disparu Tamako.
Satisfait de voir que l'infirmière avait terminé ses soins, il lui demanda s'il pouvait prendre congé. Une fois son approbation obtenue, et l'accord de son chef d'escouade de disposer, le jeune ninja se mit à errer dans les couloirs agités de la bâtisse. Depuis la tentative d'invasion de ce serpent d'Orochimaru, l'endroit ne paraissait pas désemplir. Les ninjas étaient sans cesse appelés à se rendre en mission, négligeant ainsi leur santé. Malheureusement, cela se ressentait sur le taux de blessé bien plus élevé qu'en temps de paix.
Ses interrogatoires furent brefs : personne n'avait vu la chunnin depuis des semaines et personne ne s'en souciait. Visiblement, Tamako n'était pas des plus appréciées au sein de l'hôpital. Connaissant son caractère invivable, cela n'étonna pas Yatogo. La kunoichi pouvait se montrer aussi détestable qu'agréable selon son humeur...
En désespoir de cause, il dut se rendre à l'évidence : Tamako avait bel et bien disparue. Il devait prévenir au plus vite les instances de Konoha. La disparition d'un shinobi, qui qu'il soit, n'était jamais pris à la légère. Trop d'information importante risquaient d'être dévoilées, après tout. Il se pouvait même que la nouvelle Hokage se décide à envoyer les Anbus sur le terrain pour un tel cas.
— Excusez-moi, demanda-t-il à l'homme qui tenait l'accueil de l'hôpital. Je cherche Tsunade-sama.
— Vous êtes la deuxième personne à la chercher, doit-on s'inquiéter ?
La deuxième personne ? Le chunnin s'efforça de ne pas y voir un mauvais signe. Tsunade était la nouvelle Hokage, il était parfaitement normal qu'elle soit si demandée.
— Pas à ma connaissance, il s'agit d'une affaire personnelle, fit-il en choisissant soigneusement ses mots.
Il avait déjà outrepassé ses droits en enquêtant ainsi sans prévenir sa hiérarchie. Il ne voulait pas que l'affaire s'ébruite trop rapidement, au risque de créer un nouveau vent de panique dans le village.
L'homme le jaugea du regard un instant avant de se décider enfin à répondre, sur un ton particulièrement hautain :
— Troisième étage, aile ouest. Vous pouvez y accéder par les escaliers qui se trouvent sur votre droite. Je doute cependant qu'elle accepte d'être dérangé par un novice.
Préférant ne pas réagir, Yatogo se précipita dans la direction indiquée, grimpant quatre à quatre les marches défraichies de l'escalier.
Tsunade se trouvait dans le couloir, en compagnie d'une médic-nin à la chevelure rousse et d'un ninja essoufflé. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître la femme avec qui il avait déjà discuté et qui prétendait être une amie de Genma, N et Raido. D'ailleurs, le ninja n'était nul autre qu'Iwashi, le dernier de leur coéquipier. Que faisait-il ici, et pourquoi arborait-il une grimace si inquiète ?
— Iwashi-sama ! Quelque chose ne va pas ? s'inquiéta-t-il, oubliant totalement la raison de sa présence ici.
Leur discussion se stoppa immédiatement, laissant un silence planer dans le couloir. Iwashi échangea un regard avec les deux femmes qui lui faisaient face, cherchant leur approbation. L'obtenant finalement, il s'autorisa à répondre à l'interrogation du plus jeune.
— Raido et Genma ont été grièvement blessés au retour d'une mission. Je suis à la recherche de médic-nin pouvant leur porter secours.
— N ne peut pas s'en charger ? s'interrogea Yatogo.
Un nouveau silence plana au-dessus d'eux. Cette fois-ci, ce fut la rousse qui se décida à lui répondre.
— N est alitée depuis plusieurs jours, elle ne doit en aucun cas savoir ce qu'il se passe.
— Je ne dois pas savoir quoi ?
La kunoichi aux cheveux blancs se tenait avachie contre le battant d'une porte de chambre, l'air plus épuisée que jamais.
— Rien, retourne te reposer, nia Lyra.
— Iwashi, où sont-ils ? l'ignora totalement la kunoichi.
Le brun n'osa prononcer un mot. L'état de la jeune femme s'était visiblement dégradé pendant leur absence, il craignait que la nouvelle aggrave son état de santé.
— Iwashi, s'impatienta Naori.
Elle n'était clairement pas en état de rester debout contre cette porte, ses jambes parvenaient à peine à la porter. Elle voulait une réponse, immédiatement.
Pourquoi Genma et Raido n'étaient pas avec Iwashi ? Pourquoi le quatuor qui lui faisait face paraissait si inquiet ?
— On doit lui dire, suggéra Tsunade.
Elle savait parfaitement que Lyra tentait d'épargner sa protégée, mais la situation était trop grave pour être gardée secrète.
— Non.
— Lyra...
Perdant totalement patience, Naori craqua. Son chakra, qu'elle contenait avec la plus grande peine depuis plusieurs jours, suintait par chaque pore de sa peau, envahissant les alentours.
— Une réponse. Maintenant ! ordonna-t-elle.
Iwashi songea un instant à désobéir, mais le chakra de sa coéquipière écrasa ses doutes sans la moindre peine.
— Genma et Raido sont entre la vie et la mort. Shizune tente de les maintenir en vie le temps qu'une équipe médicale les rejoignent !
Ses paroles calmèrent immédiatement la kunoichi.
Genma et Raido.
Entre la vie et la mort.
L'information faisait lentement son chemin dans son esprit. Elle s'insinuait dangereusement dans son cœur, grignotant le peu de force qu'il lui restait. seule la peur persistait, dominant sans le moindre mal les quelques nuances de bonheur qui avaient coloré sa vie.
Ce n'était pas possible.
Ils ne pouvaient pas mourir.
Pas eux.
Ils étaient les meilleurs jonins de Konoha.
La mort ne pouvait pas les atteindre.
Comment était-ce possible ? Qui avait pu les blesser si grièvement ? Qui avait osé poser la main sur ses coéquipiers ?
La peur laissa peu à peu la place à une colère froide. Celle-ci grandissait dangereusement, se reflétait dans ses pupilles dorées. Elle capturait son esprit, s'amusait à faire capituler sa raison sans le moindre mal.
Elle refusait.
— Qu'est-ce que vous attendez alors ? cracha la jonin.
— Aucune équipe médicale n'est en mesure de se rendre sur place actuellement, annonça Iwashi, sans s'attendre au déferlement de puissance qui allait suivre cette annonce.
Les murs se désagrégeaient lentement autour de la kunoichi. Ses cheveux flottaient dans les airs, couronnant son visage émacié. Ses pupilles s'étaient, quant à elles, rétrécies, et ne formaient à présent que deux minuscules fentes.
— Elle perd le contrôle, s'inquiéta Lyra.
C'était pour ça qu'elle voulait à tout prix éviter que Naori soit au courant de la situation. Son attachement envers ses deux coéquipiers était trop fort, et son état était trop instable. Sa peur, sa colère, et sa douleur formaient un cocktail des plus dangereux.
— Il faut l'éloigner d'ici, Tsunade !
Par réflexe, la Hokage s'était placée devant le petit groupe, prête à contre-attaquer si Naori faisait l'erreur de vouloir s'approcher d'eux. En tant que chef du village, elle savait parfaitement de quoi était capable la jeune femme, et l'idée qu'elle déchaîne sa puissance ici ne lui plaisait absolument pas.
— Je m'en occupe, annonça la nouvelle Hokage dans un grognement.
— Non ! Vous allez la tuer !
La blonde tourna la tête vers le nouveau venu, prête à lui demander des comptes. Si Naori devenait un danger pour les citoyens de Konoha, elle n'hésiterait pas une seule seconde à la mettre hors d'état de nuire.
— Vos coups sont trop puissants, Tsunade-sama. Dans son état, ça lui sera fatal. Je m'occupe d'elle.
— J'espère que tu sais ce que tu fais Kakashi !
L'homme à la tignasse argentée ne prit pas la peine de répondre. D'un mouvement vif, il releva le bandeau frontal qui recouvrait son œil gauche. Plonger Naori dans un genjutsu était le seul moyen de la calmer et d'éviter la destruction de l'hôpital, tout en préservant sa vie.
L'effet de l'illusion fut radical : la jeune femme s'écroula sur elle-même, totalement désorientée.
— Détruire le village ne les ramènera pas, N.
La kunoichi leva un regard vitreux vers son meilleur ami.
— Tu ne comprends pas Kakashi. Je ne peux pas les perdre.
— Alors garde ton calme et ton chakra. Tu possèdes plus de ressources qu'une escouade entière de médecin, tu peux les sauver.
— Je n'arriverai jamais à temps ! tenta-t-elle de protester.
Comment lui dire qu'elle paniquait à l'idée de révéler son secret au grand jour ? Comment lui avouer qu'elle redoutait son jugement autant que celui de ses coéquipiers ?
— Alors je t'emmènerais jusque là-bas, si Tsunade m'y autorise, ajouta-t-il avec un regard vers la Hokage.
Celle-ci approuva immédiatement. S'il existait le moindre espoir de sauver les deux hommes, il était urgent d'agir. Ils étaient un atout précieux pour le village, et même si elle ne pouvait se permettre de faire du favoritisme à présent, elle se souvenait que trop bien des deux adolescents qu'ils avaient été. Les sacrifier ne pouvait pas être une option possible.
— La question est réglée alors. Kakashi, Lyra et Iwashi, vous accompagnez N. Faites tout ce que vous pouvez pour limiter les dégâts. N, je compte sur toi pour te maîtriser.
Les trois femmes échangèrent un regard inquiet. Elles savaient parfaitement les risques qu'engendrait cette mission. Si Naori ne parvenait pas à se contrôler, Genma et Raido ne seraient pas les seuls à perdre la vie.
Ils arrivèrent à l'orée de la forêt en quelques minutes à peine. Portée par Kakashi, Naori semblait être sur le point de s'évanouir. Son point de rupture était proche, trop proche.
— Éloignons-la encore du village, si elle perd le contrôle, il vaut mieux éviter qu'elle croise des civils ! ordonna Lyra.
— Comment va-t-on procéder ? s'interrogea Iwashi.
Il s'efforçait de garder son calme, mais la situation était si bancale qu'il parvenait à peine à garder un peu d'espoir.
— Tu verras bien. Nous sommes encore loin ?
— Encore une heure vers le Nord à ce rythme.
— On accélère alors. Plus on sera proche, plus cela aura de chance de fonctionner.
Les deux ninjas approuvèrent et ensemble, ils doublèrent la cadence. Si Kakashi avait d'abord craint que la médic-nin ne parvienne pas à suivre le rythme, ses réserves disparurent immédiatement en la voyant se mouvoir aussi aisément dans la forêt. Visiblement, N n'était pas la seule à cacher des secrets sous sa carapace. Lyra était, sans aucun doute, bien plus qu'une simple médecin de talent.
— Plus qu'un kilomètre.
— On s'arrête. Elle est toujours consciente ? demanda Lyra au ninja copieur.
L'homme à la tignasse argentée déposa avec délicatesse sa meilleure amie sur le sol. Celle-ci ne broncha pas. Le trajet jusqu'ici lui avait coûté trop de force.
— Plus pour longtemps !
— Parfait. Iwashi, tu cours prévenir Shizune. Il faut que vous vous éloigniez le plus possible, compris ?
Le cadet approuva d'un signe de tête avant de se mettre en route. Lyra se tourna ensuite vers Kakashi.
— Toi et moi, on va rester en arrière, tiens-toi prêt à intervenir au moindre signe. Si elle perd le contrôle, il faudra l'achever immédiatement.
— Il n'y a pas d'autre moyen ?
— Non.
L'homme serra les dents. Allait-il encore être responsable de la mort de l'un de ses proches ?
Lyra ne lui laissa pas le loisir d'y réfléchir. Elle exécuta plusieurs mudras et une trombe d'eau tomba sur la jeune femme au sol.
— On se réveille, N.
— Je ne te dirais à quel point je te déteste, crachota Naori.
— Plus tard les mots d'amour. C'est le moment d'ouvrir les sceaux. Tu es prête ?
La kunoichi haussa les épaules. Elle s'apprêtait à enfreindre le plus grand interdit qu'elle s'était fixée des années plus tôt.
« Quoiqu'il arrive, ne brise jamais ces sceaux. »
— Très bien, laisse nous nous éloigner un peu, et surtout, n'oublie pas l'objectif. Tu dois les sauver !
Naori lu dans les prunelles grises de son amie l'immense terreur qui l'habitait. Était-ce dû au fait qu'elle allait briser les sceaux et revivre son pire cauchemar ? Ou était-ce parce qu'à chaque minute, Raido se rapprochait un peu plus de la mort ?
— Tu vas y arriver. J'ai confiance en toi, murmura la rousse.
Étonnamment, Naori se sentait plus sereine que jamais alors qu'elle se trouvait enfin seule. Pour la première fois en plus d'une décennie, elle allait pouvoir relâcher cette pression qui pesait sur ses frêles épaules. Pour la première fois, elle allait pouvoir perdre le contrôle.
Elle secoua la tête.
Ce n'était pas l'objectif.
Son esprit devait tenir bon.
C'était le seul moyen de les sauver.
Elle se releva avec difficulté, titubant dangereusement, et ôta les bandages qui recouvraient ses poignets.
Elle devait garder le contrôle.
Ses yeux se fermèrent. Son sourire insolent apparut sur son visage.
Nul besoin de mudras pour dévoiler sa véritable nature.
Garder le contrôle.
Elle brisa les sceaux.
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