Chapitre 21 : Tensions


— Tu as encore l'air d'une humeur épouvantable, fit-il.

Tamako ne lui répondit pas, elle se contenta de lui adresser un sourire presque chaleureux. Un sourire bien loin du regard tueur qu'elle lui avait décoché la première fois qu'ils s'étaient rencontrés.

— Ta journée s'est mal passée ?

Mal passée ? C'était peu dire. Elle détestait cet hôpital dans lequel on l'avait relégué. Elle détestait les gens qui y travaillaient avec elle. Les patients aussi. Elle n'en pouvait plus de perdre son temps auprès des gens qui ne cessaient de gémir.

Konoha n'était-il pas censé être un village ninja ? Un village rempli de shinobis fort et courageux ? Pourquoi passait-elle son temps à soigner les vilaines coupures des civils ? On la traitait comme une vulgaire infirmière.

— Tu ne devrais pas froncer les sourcils de cette façon, ça gâche la beauté de ton magnifique visage.

Il passa délicatement sa main sur sa joue, repoussant en arrière les quelques mèches noires qui s'étaient échappées de sa tresse. Tamako savoura ce contact autant qu'elle savoura le compliment. Rien n'était plus agréable que d'entendre quelqu'un admettre sa véritable valeur.

— Joben...

Elle leva ses pupilles émeraude vers son nouvel amant.

— Pardon ! s'excusa-t-il précipitamment. J'oublie toujours que tu ne veux pas que l'on nous voie.

— Ce n'est pas contre toi. C'est simplement que je ne veux pas que...

— ... Que Genma l'apprenne, termina-t-il tristement.

Tamako s'en voulait presque de le faire souffrir ainsi. Elle ne l'avait rencontré que depuis deux semaines, mais un lien fort s'était créé entre eux. Joben était un homme qui lui était entièrement dévoué, au point qu'elle avait accepté de lui céder son corps en échange du réconfort qu'il lui apportait chaque jour.

Ce simulacre d'amour lui permettait d'oublier plus facilement le jonin au senbon qui hantait chacun de ses rêves depuis des années.

— J'imagine que je devrais m'excuser de t'imposer une telle règle ? lui demanda-t-elle.

— Si tu étais une femme comme les autres, c'est ce que tu serais censée faire oui, mais tu es bien trop incroyable pour ça. Tu ne m'as jamais menti sur tes intentions, tu n'as donc pas à t'excuser.

Il n'avait pas tort. Une reine ne s'excusait jamais, et Tamako en avait toute la prestance. Elle avait joué franc-jeu avec lui dès le départ. Jamais elle n'éprouverait un quelconque attachement envers lui. Jamais. Jamais elle ne lui confierait son cœur, et encore moins son âme.

Tout ça n'était destiné qu'à une seule personne. À un seul ninja. Genma Shiranui. Celui qui lui avait sauvé la vie alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Elle n'avait jamais oublié ce jour où le ninja s'était dressé devant elle pour la protéger de ses agresseurs. Elle n'avait pas non plus oublié cette promesse qu'elle s'était faite à ce moment-là.

Joben n'était qu'un passe-temps. Un passe-temps fort agréable, certes, mais un passe-temps quand même. Il n'était là que pour l'aider à reconquérir le ninja qui avait capturé son cœur sans même s'en rendre compte.

Pourtant, elle devait avouer que son amant ne la laissait pas totalement indifférente, son sourire foudroyant était encore plus captivant que ses deux iris sombres qui semblaient la sonder à chaque instant.

La médic-nin remonta le drap sur elle. La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu'ils avaient rejoint son appartement où Joben l'avait entraîné, sans attendre, jusqu'à son lit. L'étreinte qui les avait liés lui avait presque permis d'oublier ses tracas.

— Tu n'arriveras jamais à l'avoir si tu ne tentes rien.

Joben lui avait dit ça d'une voix neutre, presque détachée. Comme s'il parlait d'un simple objet, et non pas de l'homme qui lui faisait de l'ombre. Celui qui l'éclipsait par sa simple aura.

Tamako le fixa, étonnée. Pourquoi la poussait-il dans les bras de son rival ? N'avait-il aucun attachement pour elle ? Ou alors était-ce le contraire ? L'avait-elle tellement envoûté qu'il était prêt à tout pour la rendre heureuse ? Prêt à se sacrifier pour qu'elle puisse atteindre son objectif ?

Cela paraissait trop beau pour être vrai.

— Et que veux-tu que je tente ? lui demanda-t-elle, l'agressivité suintant de sa voix. Genma est obnubilé par ce laideron !

Joben lui adressa un sourire terrifiant alors qu'il se plaçait au-dessus d'elle. Toute fuite lui était impossible maintenant qu'il la dominait totalement. Il plongea ses yeux dans les siens. Toute trace de douceur avait à présent déserté ses pupilles sombres.

— Beaucoup de gens souhaiteraient voir cette femme disparaître du village. Il ne tient qu'à toi de nous y aider.

Les yeux de la kunoichi s'écarquillèrent. Avait-elle bien entendu ce qu'il venait de proposer ?

— Ne me regarde pas comme si je te proposais quelque chose de monstrueux. Nous sommes des ninjas après tout, et n'affirmes-tu pas qu'on obtient rien sans efforts ? ?

Elle hocha la tête, approuvant ses dires. Que pouvait-elle faire d'autre ? Son corps tremblait comme une feuille alors que son nouvel amant continuait à la dévisager avec un sourire carnassier. Elle se força à articuler quelques mots :

— Tu as raison... Je vais réfléchir à tout ça. Puis elle ajouta, plus sûre d'elle : j'aimerais passer la nuit seule.

Joben se releva, satisfait de la tournure que prenait leur échange. Une proie terrifiée avait toujours meilleur goût. Il lui vola un dernier baiser et se dirigea vers la porte de la chambre, ramassant au passage ses vêtements éparpillés par leurs ébats.

— N'oublie pas, je serais toujours là pour te soutenir.

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— Le seigneur Shiranui ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Depuis quand es-tu un seigneur ? s'exclama Naori.

— Il n'en est pas un, grimaça Raido. Il s'agit de son père.

— Il est donc le fils d'un seigneur, ça revient au même.

Genma soupira, désemparé. Il aurait donné n'importe quoi oublier tout ce qui concernait sa famille.

— Gen' a été banni de sa famille, expliqua le balafré.

Il posa une main débordante de sollicitude sur l'épaule de son ami. Le voir aussi perdu l'inquiétait plus qu'il ne l'aurait pensé. Genma n'avait jamais vraiment réussi à tirer un trait sur son passé. Cette mission risquait de faire rejaillir de vieilles blessures.

— Pourquoi ?

Le ton de Naori était plus dur qu'à l'accoutumée. Apprendre la vérité changeait tout dans son esprit. Elle ne pouvait croire que Genma lui avait caché une telle chose sur son passé. Certes, il n'avait jamais été très bavard à ce propos, mais delà à n'avoir jamais mentionné son statut de noble...

— On parlera de ça plus tard. Je suis désolé Naori, mais je crois qu'on a besoin d'un peu de temps pour digérer ça. On se retrouve à la porte du village dans deux heures pour partir.

Raido s'approcha de Genma qui semblait ne plus pouvoir réagir. Comme si la nouvelle de leur mission l'avait totalement déconnecté de la réalité. Il attrapa son bras et le passa autour de ses épaules, de manière à le soutenir plus facilement. Il adressa un sourire navré à leur coéquipière, incapable de rajouter quoi que ce soit. Lui aussi avait besoin d'un peu de temps.

Le trajet jusqu'à leur appartement ne prit que quelques minutes seulement. Genma émergea lentement de sa transe alors qu'ils passaient la porte du salon. Raido le força à s'asseoir avant de s'installer face à lui.

— Elle doit nous en vouloir...

— Elle l'aurait appris tôt ou tard. Il aurait été préférable que ça soit d'une autre manière, mais on ne peut plus revenir en arrière, raisonna Raido.

— J'aurais dû être sincère avec elle.

— Arrête de culpabiliser, Gen'. Tu n'es pas responsable de ce qu'il se passe aujourd'hui. On avait un accord avec Sarutobi, on nous avait garanti que plus jamais on aurait affaire à ta famille. Cet accord ne semble plus être d'actualité...

— Cet enfoiré de Danzô me le paiera, je vais lui faire la-

— Tu ne vas rien du tout ! l'interrompit Raido. C'est trop tard Gen'. on est obligé de réaliser cette mission, c'est notre devoir. Il va falloir que tu fasses la paix avec ton passé si tu veux rester en vie et pouvoir protéger Naori. Compris ?

Il était rare que Raido se montre aussi ferme avec son meilleur ami, mais il n'avait pas le choix. Cette mission allait être un enfer pour eux, et leur coéquipière risquerait fort d'en pâtir. Il était à présent le commandant de leur escouade, c'était son rôle de limiter la casse.

Alors pourquoi se sentait-il aussi mal à l'aise à l'idée d'affronter les Shiranui ?

— Où est-ce que tu vas ? demanda le jonin au senbon.

Raido s'était levé du canapé.

— Me préparer pour la mission. J'aimerais profiter du peu de temps qu'il me restera pour aller voir Lyra.

— Elle est au courant ?

— Pour Hotaru ? Oui. Mais je ne lui ai rien révélé de plus pour l'instant.

Entendre son nom lui faisait toujours aussi mal même après tant d'années passées depuis la mort de sa sœur. Depuis ce jour où on lui avait arraché une partie de lui-même.

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Naori pestait. Pourquoi fallait-il que son histoire avec Genma se complique toujours plus ? Pourquoi fallait-il que son chef d'escouade soit un noble du pays du Feu ? Elle n'arrivait toujours pas à digérer la nouvelle. Devait-elle se méfier de lui à présent ?

Les nobles n'avaient jamais rien apporté de bon dans sa vie après tout.

Non. Elle ne pouvait pas faire ça. Elle devait lui laisser le bénéfice du doute. Genma n'avait peut-être pas toujours été sincère avec elle, mais il avait tant de fois risqué sa vie pour la sienne qu'elle ne pouvait le rejeter.

Le rejeter. Comme si elle était capable de faire une telle chose. Comment cette idée pouvait-elle seulement germer dans son esprit alors qu'elle n'avait jamais été aussi heureuse que depuis qu'elle l'avait rencontré ? Elle était simplement incapable de le faire sortir de sa vie.

Mais que devait-elle faire ? Demander des conseils à Lyra n'était pas une option. Cette mégère se moquerait sûrement d'elle plus qu'autre chose. Elle ne se voyait pas non plus sollicitée l'aide de Yûgao ; la jeune femme était devenue d'une froideur sans nom depuis l'assassinat d'Hayate. Ce n'était certainement pas le moment de l'embêter avec ses histoires de cœur.

Restait Kakashi. Son meilleur ami, mais aussi son dernier choix. Il était loin d'être le mieux placé pour ce genre de problème... Sauf qu'elle n'avait pas le choix, elle ne connaissait personne d'autres dans le village. Elle se mit donc en quête du ninja copieur. En vain.

— N ? Que fais-tu par ici ?

Naori se retourna vivement, la main déjà prête à dégainer son sabre. Kurenaï lui adressa un sourire indulgent.

— Excuse-moi, je suis un peu à cran aujourd'hui, marmonna la plus jeune. Tu n'aurais pas vu Kakashi par hasard ?

— Kakashi ? Tu n'es pas au courant ?

Le ton navré que prenait la femme aux yeux rouges ne valait rien de bon.

— Il est à l'hôpital. Ça fait dix jours qu'il est inconscient... lui avoua Kurenaï. Tu pourrais peut-être le soigner d'ailleurs ?

Son regard s'illumina, et sans même lui demander son avis, elle traina Naori jusqu'à l'hôpital, grimpant quatre par quatre les marches qui menaient jusqu'à la chambre du ninja copieur.

La pièce était petite. Presque vide. Un bouquet de fleurs trônait sur la table de nuit, apportant un peu de vie dans cette atmosphère morose. Une jeune fille aux cheveux roses se tenait devant la fenêtre. Elle se retourna à leur arrivée. Des larmes avaient creusé de longs sillons sur ses joues aux courbes encore enfantines.

— Kurenaï-senseï, salua-t-elle tristement. Et vous devez être N...

— Sakura, lui répondit Kurenaï. Une quelconque amélioration ?

— Toujours aucun signe de réveil, senseï.

Naori assista à l'échange sans intervenir. Cette gamine connaissait son nom, elle devait être l'une des genins de Kakashi.

— Et pour Sasuke ?

— Toujours rien non plus.

Une nouvelle larme perla au coin de l'œil de la genin. Manifestement, le sort de ce fameux Sasuke lui importait bien plus que celui de son senseï. Naori se ferait un plaisir de taquiner Kakashi à ce sujet. Enfin, elle le ferait une fois qu'elle l'aurait soigné...

— Que s'est-il passé ? demanda-t-elle finalement.

— Itachi Uchiha a fait son retour à Konoha, peu après le départ en mission de ton escouade. Avec Asuma, nous l'avons affronté alors qu'il était accompagné d'un homme au visage de requin, un nukenin de Kiri. On n'a malheureusement pas fait le poids face aux sharingans d'Itachi... Kakashi à tenter de nous sauver la mise, mais ce foutu Uchiha l'a plongé dans un genjutsu. Sans l'intervention de Gaï, aucun de nous n'en serait ressorti vivant je pense.

Kakashi avait encore voulu jouer les héros, comme à son habitude. Combien de fois lui avait-elle dit que ça le mènerait à sa perte ? Mais cet imbécile continuait à vouloir protéger tous ceux qui lui étaient cher.

Naori s'approcha de son ancien coéquipier. Elle n'était pas très optimiste. D'après les informations que lui avait fournies Kurenaï, le mal qui rongeait Kakashi était bien loin d'être un mal physique. Les médics-nin avaient eu la délicate attention de lui laisser le masque qui couvrait son visage. La jeune ne put s'empêcher de sourire. Kakashi et son masque... Une grande histoire d'amour qui l'amusait toujours autant.

Sa main se posa sur le front du jonin immobile, repoussant les mèches argentées qui tombaient sur son visage. Elle ferma les yeux, concentrée. Il était rare qu'elle s'adonne à ce genre d'exercice. Les soins de l'esprit étaient loin d'être sa spécialité...

Son ami était plongé dans un genjutsu puissant. Bien trop puissant pour la jeune femme. Elle percevait le chaos terrifiant qui rongeait son esprit et paniqua soudain lorsqu'elle sentit l'emprise du jutsu sur elle. L'homme qui était capable de créer une telle technique était un véritable monstre. Elle n'osait imaginer les souffrances que vivait intérieurement son meilleur ami.

Elle ressortit avec difficulté de la transe dans laquelle elle s'était elle-même plongée. Une larme perla lentement dans le coin de son œil. Elle n'y arriverait pas. Elle était impuissante. Comme toujours. Une frustration immense s'insinua en elle. Pourquoi était-elle toujours inutile quand il s'agissait d'aider ses proches ?

Kakashi, Genma, Raido... Lyra ou même Yûgao. Elle leur était totalement inutile. Et rien ne la faisait plus souffrir que de le constater. Rien n'était plus amère.

— Sakura, laisse-nous s'il te plait.

La voix de Kurenaï n'était qu'un murmure. Pourtant, la jeune genin n'hésita pas une seule seconde avant d'obéir. Se trouver dans la même pièce que ces deux grandes kunoichis l'angoissait. À leurs côtés, elle avait la désagréable impression de n'être qu'une misérable caricature de shinobi.

— N ?

Kurenaï tendit la main vers la jeune femme, sans oser l'approcher plus. À Konoha, tout le monde connaissait le danger. Approcher d'un peu trop près la nukenin aux cheveux blancs menait bien souvent dans une chambre d'hôpital. Elle ne tenait pas à en faire les frais aujourd'hui. Son rendez-vous avec Asuma risquerait d'en être compromis, elle ne pouvait pas prendre le moindre risque...

— Tu sais, tu n'as pas à t'en vouloir, si tu n'arrives pas à le soigner...

— Je déteste ça.

La jonin aux yeux rouges fixa la médic-nin sans comprendre. Que voulait-elle dire par cette phrase sibylline ? Avait-elle une haine particulière envers ceux qui essayaient de la réconforter ? Kakashi avait déjà évoqué le sale caractère de son amie à quelques reprises, mais Kurenaï ne s'était jamais doutée que cela allait aussi loin.

— Je ne parle pas de ce que tu fais, Kurenaï, se sentit obligé de préciser Naori.

L'air perdu de la jonin l'obligea à développer ses pensées :

— Je déteste simplement me sentir aussi impuissante. Je ne suis pas quelqu'un qui s'attache aux gens et qui leur montre de l'intérêt. Je ne suis pas quelqu'un de sympathique non plus. Vivre et être seule m'indiffère totalement, tant que j'atteins mon but. Je n'ai pas le temps de m'intéresser aux autres. Pourtant... Voir mes proches souffrir m'angoisse bien plus que ça ne le devrait.

— Tu ne parles pas que de Kakashi, n'est-ce pas ?

Kurenaï était une femme perspicace. Même si elle ne connaissait que peu Naori, deviner le trouble qui la hantait lui était aisé. La nukenin n'était pas de ceux qui se laissaient aller au sentimentalisme. Si elle réagissait ainsi, c'était que cela concernait quelqu'un d'encore plus important pour elle.

— Il s'est passé quelque chose avec Genma ? ajouta-t-elle.

Naori soupira alors qu'elle s'asseyait sur le bord du lit de Kakashi.

— Je viens d'apprendre son véritable statut.

— Comment ça ?

— Il fait partie d'une famille noble. Son père est l'un des seigneurs du pays, nous devons partir en mission pour son compte.

— Si je m'en souviens bien, Genma a été déchu par sa famille. Ils l'ont renié il y a longtemps déjà. L'homme que tu aimes n'est pas plus noble que toi ou moi, N.

— Alors toi aussi tu étais au courant ? nota Naori, amère.

— Tous ceux de notre génération le sont. La dernière guerre a fait énormément de dégât dans nos vies, plus encore dans celle de Genma. Mais ce n'est pas avec moi que tu devrais en parler. Va le voir, et, surtout, soutiens-le. C'est quand il se retrouvera en face de sa famille qu'il aura le plus besoin de toi. .

— Pourquoi je devrais le soutenir alors qu'il me cache la vérité ?

Par l'ermite Rikudô... Cette femme était incroyablement têtue. Pas étonnant qu'elle réussisse à faire plier des hommes tels que Kakashi, Raido et Genma avec un caractère aussi trempé.

— Parce que tu l'aimes, tout simplement. Ça crève les yeux N. Tu as cet homme dans la peau et, crois-moi, l'inverse est tout aussi vrai. Si tu veux voir ton histoire avec Genma fonctionner, tu te dois de le soutenir, quoi qu'il arrive. Il est temps pour toi de mettre ton égo de côté et surtout, n'oublie pas que toi aussi, tu pourras être amené à lui mentir pour son bien.

Jamais Naori ne s'était imaginée recevoir des conseils de Kurenaï en matière d'amour. Il fallait dire qu'elle savait taper juste.

— C'est ce que tu fais avec Asuma ?

— Avec Asuma ?

— Ne fais pas semblant. Je ne suis peut-être pas la plus douée pour comprendre les sentiments des gens, mais je ne suis pas aveugle non plus.

— Notre relation à Asuma et moi est bien loin d'être aussi compliquée que la vôtre... sourit Kurenaï, avant de continuer : tu devrais aller le retrouver avant de repartir en mission. On ne sait jamais ce qui peut se passer sur le terrain.

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— On ne devait pas se retrouver ce soir ? J'espérais que tu avais prévu un dîner dans un beau restaurant.

— On repart en mission Lyra...

Lyra crispa les poings. C'était toujours pareil. À peine retrouvait-elle sa sérénité en voyant leur escouade rentrer saine et sauve qu'ils repartaient déjà. Des missions toujours plus périlleuses, toujours plus mortelles. Un jour, l'un d'eux ne reviendrait pas, elle en était persuadée. Ils aimaient bien trop jouer avec le feu pour vivre vieux. Mais lequel d'entre eux y passerait en premier ? Naori ? Celle qu'elle considérait comme sa sœur ? Ou bien Genma ? Un ami bien trop précieux ?

Ou Raido ? Un homme bien trop doux pour le milieu dans lequel il évoluait. L'homme qui se tenait en face d'elle avec cet air terrifié peint sur les traits.

Elle s'approcha de lui doucement, levant sa main jusqu'à son visage, effleurant du bout des doigts la cicatrice qui mangeait sa joue. C'était plus fort qu'elle : elle ne pouvait s'empêcher de vouloir se rapprocher de lui. Chacun de ses états d'âme l'affectait bien plus qu'elle ne l'aurait pensé.

— Ce n'est pas une mission comme les autres. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Genma ne sera pas le chef d'escouade, ça sera moi...

— Tu es tout aussi capable que lui pour ce genre de statut Raido.

— Nous devons assurer la sécurité de sa famille.

Il fallut quelques secondes à Lyra pour comprendre ce qu'impliquait une telle mission.

Hotaru.

Le souvenir d'une défunte qui les dévorait depuis trop d'années. Elle ne connaissait rien aux relations que Genma pouvait entretenir avec sa famille, mais elle ne se doutait que trop bien des conséquences qu'une telle mission pouvaient avoir sur les deux ninjas. Ni l'un, ni l'autre n'avait fait son deuil...

La médic-nin essuya machinalement la larme qui perlait au coin de l'œil du shinobi qui lui faisait face. Le passé l'avait déjà détruit, elle n'osait imaginer ce qu'il ressentait en cet instant.

— Je n'y arriverai jamais.

Ce n'était pas une plainte. Ni un gémissement. C'était une simple constatation. Un fait qu'il énonçait aussi facilement qu'une vérité absolue.

Plus brusquement qu'elle ne l'aurait véritablement voulu, Lyra poussa Raido contre le mur. Il se laissa faire malgré l'étonnement qu'avait fait naître chez lui la réaction de la médic-nin. Celle-ci, sans se démonter devant la menace potentielle que pouvait être un jonin, laissa exploser sa colère.

— Tu mèneras cette mission à terme Namiashi, siffla-t-elle. Je ne te laisse pas le choix ! Je t'interdis de flancher après tant d'années à te battre pour survivre !

— Et ça changerait quoi si je renonce ?

— Tu feras souffrir Genma, et par extension, N. Cette gamine a beau m'insupporter, je refuse que tu ruines tous les efforts que j'ai fait pour la préserver et la maintenir sur le droit chemin.

— Je ne suis rien d'autre qu'un membre de leur escouade à tes yeux ?

Ce constat lui brisait le cœur, bien plus qu'il ne voulait l'avouer.

— Tu n'es pas prêt à devenir plus que ça Raido. Rêver d'une relation avec un homme qui vit dans le passé n'est pas mon genre.

Lyra était bien trop fière pour admettre sa jalousie. Sa jalousie envers une femme qui était morte depuis trop longtemps maintenant.

— Je n'aurais jamais dû te parler d'elle, soupira le jonin.

Parler d'Hotaru était toujours une erreur. Son souvenir n'apportait rien de bon dans leurs vies, il le savait depuis des années. Son prénom ne faisait que raviver d'anciennes blessures.

— Au contraire. Tu nous as évité bien des souffrances...

Pousser par un élan de courage, Raido emprisonna la médic-nin dans ses bras. Cette étreinte avait le goût amer d'un adieu. Lyra se laissa faire, laissant reposer son visage contre son torse, décidée à profiter du peu de temps qu'ils pouvaient passer ensemble.

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Genma errait dans Konoha sans réel but. Que devait-il faire maintenant ? S'enfuir le plus loin possible de ce pays ? Déserter pour esquiver cette mission ? Raido ne le lui pardonnerait jamais. Mais peut-être que Naori accepterait de partir avec lui ?

Il secoua la tête. Comment de telles idées pouvaient-elles effleurer son esprit ? Il était incapable de tourner le dos à son devoir. Incapable de décevoir son meilleur ami. Et surtout, jamais il n'imposerait de nouveau le statut de nukenin à la femme qu'il aimait.

Il n'avait pas le choix. Danzô l'avait piégé d'une manière qui forçait l'admiration. Après tant d'années à le fuir, voilà qu'il se retrouvait face à son passé... Au pire moment de sa vie sûrement. Maintenant qu'il avait des choses à perdre, affronter sa famille le terrifiait.

Le jonin esquiva de justesse l'enfant qui lui fonçait dessus en courant. Pour la première fois depuis qu'il avait fui l'appartement, il s'intéressa à ce qui se trouvait autour de lui. Ses pas l'avaient mené jusqu'au sud du village, près d'un parc d'enfants. Il ne venait par ici que lorsqu'il était affecté à la surveillance. Le reste du temps, il s'appliquait à ne jamais faire un pas dans ce quartier.

Il se souvenait encore du jour où cet endroit avait été rasé. Ce jour où Kyûbi avait dévasté une partie du village. Tout avait été reconstruit depuis, mais Genma ne pouvait oublier ce qu'il avait vu durant l'attaque. Si l'horreur de la guerre l'avait déjà traumatisée, celle de cette catastrophe l'avait détruit.

Il se souvenait des corps qui jonchaient le sol, du sang qui se répandait, imprégnant la terre de son odeur de fer. Il se souvenait des cris aussi. Des cris emprunts de terreur et de désespoir devant un tel massacre.

Et il se souvenait du lendemain. Du moment où il s'est retrouvé devant leur corps sans vie.

Kushina et Minato. Pas un jour ne passait sans que ces deux-là ne lui manquent. La vie lui paraissait alors bien plus simple lorsqu'ils étaient encore à ses côtés...

— Genma !

L'intéressé sursauta. Il s'attendait à tout, sauf à entendre cette voix.

— Dégage de là, cracha-t-il.

— Il faut que tu m'écoutes !

Il se dégagea brusquement de la poigne de Tamako.

— Il me semblait t'avoir prévenu : je ne veux plus jamais entendre parler de toi.

Son regard dédaigneux, son mouvement de recul, cette haine qui filtrait dans son regard, ce dégoût perceptible qui suintait de chacun des pores de sa peau... Tant de choses qui blessèrent Tamako aussi violemment qu'un kunaï l'aurait fait.

Malgré la tristesse qui s'emparait d'elle et la terreur qu'elle éprouvait devant le comportement du jonin, elle s'efforça de garder son calme.

— N est en danger.

Elle espérait qu'avec une telle déclaration, Genma daignerait l'écouter plus attentivement.

Il n'en fut rien.

Sans aucune forme de cérémonie, il l'attrapa par le bras pour la traîner dans un endroit désert. Là, alors que plus aucun passant ne pouvait assister à leurs échanges, le jonin relâcha toute la tension qui l'habitait. Il plaqua la chunnin contre un mur, menaçant sa gorge avec un senbon.

Tamako n'osait plus bouger. Elle avait déjà vu Genma combattre et même s'énerver, mais jamais elle ne l'avait vu lâcher prise à ce point-là. Il semblait prêt à la tuer au moindre faux pas, et lorsque sa voix s'éleva dans les airs, elle se tassa sur elle-même.

— Le seul danger que je vois, c'est toi et ta perfidie. Approche-toi de N, ose lui parler ou même la regarder, et je serais là. Je serais là et je me ferais un plaisir de t'égorger. Je te regarderais te vider de ton sang sans même tenter d'abréger tes souffrances. Compris ?

Sa voix n'était plus qu'un murmure glacial qui vint envouter son esprit. Ses mots lacérèrent le cœur de la jeune femme, incapable de résister à ce froid polaire qui se dégageait du jonin. Comment cet homme qu'elle aimait depuis sa plus tendre enfance pouvait-il la terroriser aussi facilement ?

— Je... tenta-t-elle d'articuler.

La pression du senbon sur gorge était trop forte, l'acier vint entailler sa peau. Tamako se mordit les lèvres sous la douleur. Genma se rendait-il compte de ce qu'il lui faisait subir ?

Il semblait que oui, puisqu'il recula d'un bond en voyant le sang perler sur le cou de la jeune fille. Un sifflement agacé s'échappa de ses lèvres alors qu'il se passa une main lasse sur le visage.

Tamako tomba au sol, ses jambes flageolantes étant devenues trop faibles pour la porter. Lorsqu'elle avait décidé de prévenir Genma pour ce qui se profilait dans l'ombre, elle était persuadée que cela permettrait d'apaiser les tensions entre eux. Finalement, ça avait été tout le contraire puisqu'il disparut sans même lui accorder un regard. Elle se recroquevilla sur elle-même, totalement désorientée.

Pour une fois qu'elle avait été sûre de faire le bon choix, qu'elle avait pu montrer sa loyauté envers son village... Voilà comment on la récompensait. Malgré sa haine pour N, elle avait choisi de rester fidèle à Konoha en tentant de protéger la jonin.

Ce n'était pas pure bonté qu'elle avait agi ainsi. Elle refusait de gagner contre elle en devenant une traître. Elle l'écraserait à la loyale, aussi dignement que possible. Elle en était persuadée.

— Tu me déçois Tamako.

La chunnin se redressa d'un coup, cherchant à tout prix à fuir le propriétaire de cette voix dénuée de toute chaleur. Un clone apparu alors qu'elle tentait de s'échapper, lui coupant toute retraite possible. Elle n'avait jamais affronté Joben, mais elle était intimement persuadée qu'elle n'avait aucune chance contre lui. Lui faire face quelques secondes à peine après avoir été menacée par Genma la fit pâlir.

— Je te faisais confiance et tu m'as trahi sans hésiter.

Sa voix était douce, son ton doucereux. Il restait étonnement calme malgré les reproches qu'il lui faisait.

— Je t'ai offert une possibilité d'obtenir enfin ce que tu voulais, mais tu as préféré y renoncer au nom de la loyauté... Moi qui te pensais différente des autres ninjas.

Il s'avança vers elle d'un pas léger, semblant presque glisser sur le sol. Elle recula, souhaitant mettre le plus de distance possible entre elle et son ancien amant. Trop inquiète pour faire attention à son environnement, elle trébucha et se retrouva de nouveau au sol, le cœur battant à tout rompre.

Jamais elle n'avait eu aussi peur pour sa vie. Jamais elle ne s'était sentie aussi impuissante qu'en cet instant. Joben avança encore, l'obligeant à ramper pour tenter de le fuir. Dire qu'elle se trainait par terre, elle, la plus belle femme de Konoha. C'était un affront ultime à ses yeux.

Elle se retrouva finalement acculée contre un mur, les jambes tremblantes, les mains moites. Devant elle, Joben s'accroupit, mettant son visage à la même hauteur que le sien.

— J'imagine que je vais devoir faire usage de la force maintenant, ajouta-t-il simplement.

Puis, sous les yeux ébahis de la jeune kunoichi, ses traits se brouillèrent. Ses cheveux s'assombrirent alors que ses pupilles devinrent aussi pâles qu'un ciel d'hiver. Le visage charmant dont elle s'était de nombreuses fois délecté disparut pour laisser place à une horreur sans nom. Un homme d'une quarantaine d'années lui faisait à présent face, un sourire torve apparaissant derrière les nombreuses cicatrices qui recouvraient sa peau. Même Raido aurait pu passer pour un véritable mannequin à côté d'un homme tel que lui, songea la chunnin.

Elle ne parvenait plus à détourner son regard, presque fascinée devant la révélation qui venait de se produire. Joben n'existait donc pas, elle s'était faite avoir depuis le début. Elle dévisagea l'homme sans retenue. Quelque chose en lui la terrifiait, elle ne parvenait à saisir quoi. Cependant, elle était sûre d'une chose : il n'était pas un shinobi de Konoha.

Elle ne put retenir un soupir de soulagement. Konoha n'était donc pas gangréné par les traîtres et Joben n'était pas à la tête d'une branche obscure du village. Il s'agissait simplement d'un fou qui voulait la peau de N. Sûrement un homme de Kumo déduit-elle après quelques secondes de réflexion.

— Tu ne trembles plus, constata l'homme.

— Une shinobi n'a pas peur de la mort, le défia Tamako.

Il était hors de question qu'elle se laisse manipuler par un homme aussi laid. Sans compter qu'il avait eu l'audace de se jouer d'elle...

— Crois-moi, le sort qui t'attend est bien pire que la mort ma belle.

Il retira l'un des gants noirs qu'il portait et leva sa main jusqu'au visage de la kunoichi. Elle réprima un mouvement de recul alors qu'il effleura doucement sa joue. Puis, effaçant toute trace de délicatesse, il saisit fermement son menton, l'obligeant à lever ses yeux vers lui.

Tamako s'efforça à ne pas pâlir devant le sourire torve qu'il lui offrait. Cet homme allait faire de sa vie un enfer, elle en était persuadée. Et cette fois-ci, Genma ne serait pas là pour la sauver.

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— J'aurais dû me douter que je te trouverais ici, déclara Naori avec un sourire.

Elle avait fouillé le village à la recherche de Genma, en vain. L'appartement qu'il partageait avec Raido était vide de toute présence, et personne n'avait été capable de lui dire où le jonin s'était réfugié.

C'était en songeant à leur rencontre, qui avait eu lieu presque un an auparavant, que ses pas l'avaient mené près de la rivière. Ils n'avaient pas souvent eu l'occasion de revenir ici, trop occupées par leurs nombreuses missions et leurs perpétuelles disputes futiles.

C'était à cet endroit-là qu'ils s'étaient réconciliés pour la première fois, après le désastre de leur première mission ensemble. Elle s'en souvenait comme si tout ça s'était déroulé la veille ; l'angoisse qu'elle avait ressenti en l'abandonnant dans la clairière alors qu'il était gravement blessé, la colère qui l'avait envahie alors qu'il avait réussi par miracle à s'en sortir vivant, la frustration d'avoir été sous-estimée durant toute la mission alors qu'ils étaient rentrés à Konoha.

Mais elle se souvenait surtout du bonheur qu'elle avait ressenti lorsqu'ils s'étaient réconciliés. Elle se souvenait des premiers frissons qui l'avaient envahie alors que Genma avait caressé sa joue. À croire que tout s'était décidé à cet instant. Ils s'étaient liés l'un à l'autre sans même s'en rendre compte...

— Tu te rappelles la première fois que je t'ai emmené ici ? lui demanda Genma.

— Difficile d'oublier un tel moment... Tu étais dans un sale état.

— Ça ne t'avait pas empêché de me reluquer sans aucune discrétion.

Naori laissa s'échapper un sourire. Elle était déjà tombée sous le charme de son chef d'escouade à cette époque-là, et le voir se balader torse nu avait été un véritable plaisir.

— On a perdu tellement de temps, déclara la jeune femme, presque amer.

— Et on continue à en perdre pour des futilités... Je suis désolé d'être aussi stupide, commença-t-il tristement.

— T'es déjà pardonné. Je ne peux pas t'en vouloir de cacher ton passé. C'est juste que...

Naori laissa sa phrase en suspens, peu encline à dévoiler le fond de sa pensée. Parler de ses sentiments à son chef d'escouade restait toujours difficile, malgré le temps qu'ils avaient passé ensemble.

— Que ? l'encouragea Genma.

Sa coéquipière soupira. Pourquoi éprouvait-elle tant de difficulté à s'exprimer sur ce genre de sujet ?

Comprenant son trouble, le jonin vint s'asseoir derrière elle et l'entoura de ses bras puissants.

— J'espérais simplement avoir gagné ta confiance depuis le temps. Je m'en rends compte que ce n'est pas le cas.

— Ce n'est pas une question de confiance, ma belle... J'ai passé une bonne partie de mon existence à tenter de tirer un trait définitif sur mon passé. Je fuis ma famille et tout ce qui la concerne depuis des années. C'est pour ça que je n'en parle jamais : cela ruinerait tous les efforts que je fais pour oublier leur existence.

— Qu'est qu'il s'est passé pour que tu les haïsses à ce point ?

Que Genma cherche à fuir sa famille lui était incompréhensible. Elle qui faisait tout pour retrouver la sienne, il lui paraissait inconcevable que son chef d'escouade renie les siens.

— L'histoire est longue, et j'aimerais que Raido soit là quand je te la raconterai, ça le concerne aussi. Tu ne m'en veux pas si je te fais attendre encore un peu ?

— J'attendrais des années s'il le fallait Gen', tout ce qui compte à mes yeux, c'est que l'on puisse être ensemble.

Naori se redressa, surpris elle-même par sa propre déclaration. Depuis quand était-elle capable de dire ce genre de chose ? Ses joues devinrent rouges de honte alors qu'elle se réjouissait que Genma ne puisse voir son visage.

— J'ai une chance incroyable de t'avoir rencontrée Naori, lui murmura celui-ci, inconscient de son trouble.

La jeune femme se laissa finalement aller dans les bras de son compagnon, soulagée de voir la situation s'adoucir. Jamais elle n'aurait imaginé se rapprocher autant de son chef d'escouade, et certainement pas au point de s'inquiéter à leur moindre dispute.

Alors qu'il resserrait son étreinte, un gémissement de plaisir s'échappa de la gorge de la jeune femme. Avec une délicatesse infinie, Genma avait posé ses lèvres dans sa nuque. Il recouvrait de baiser la moindre parcelle de peau à sa portée avant d'en humer la senteur, se délectant de cette fragrance boisée.

Plus le temps passait, plus il se rendait compte de l'attachement qu'il éprouvait pour sa coéquipière. L'amour qu'il lui portait, il ne l'avait jamais ressenti pour qui que ce soit d'autre auparavant et chacun des moments qu'ils partageaient devenaient une source de bonheur sans faille. Naori lui était devenu essentielle, et ce constat, loin de l'effrayer, le comblait totalement.

— Gen'... On doit se préparer pour la mission.

Prononcer cette simple phrase avait été une véritable torture pour la jeune femme. Elle mourrait d'envie de s'abandonner complètement dans les bras de son coéquipier. Quitter la chaleur de son étreinte allait être une véritable torture.

— J'ai un mauvais pressentiment, lui avoua-t-il.

— Tu penses que la mission va mal se passer ?

— Elle ne peut que mal se passer... Mais je ne parle pas de ça. J'ai l'impression qu'on ne pourra plus passer un peu de temps seul avant longtemps, alors j'aimerais profiter au maximum, lui expliqua-t-il.

Cet homme avait le don de faire battre son cœur bien trop fort. Comment faisait-il pour déclencher une telle symphonie à chacune de ses déclarations ?

— Regarde-moi.

Naori s'était échappé de la douce quiétude de son étreinte pour se camper devant lui. Genma n'eut d'autres choix que de lui obéir. Il n'avait jamais su résister à son regard doré.

— Quoi qu'il arrive, on surmontera ça ensemble. Je ne laisserai personne nous séparer ni même te faire du mal. Peu importe ce qu'il se passera pendant cette mission, je ne t'abandonnerai pas.

Une telle conviction ressortait de ces paroles que Genma ne put qu'y croire. C'était bien plus qu'une promesse à ses yeux. Ils n'avaient jamais pris le temps d'aborder leur futur ensemble, Naori s'appliquant à vivre au jour le jour. L'entendre déclarer ce genre de chose apaisait le jonin.

Remarquant que son chef d'escouade retrouvait enfin tout le calme et la nonchalance qui le caractérisait tant, Naori lui offrit un sourire doux. Pour la première fois, elle se sentait utile à leur couple. Genma ne put résister plus longtemps, il s'empara de ses lèvres, ravi de pouvoir y goûter de nouveau. Il avait un besoin fou de s'en délecter avant de repartir en mission.

Quiconque les aurait surpris en cet instant aurait pu les confondre avec un couple d'adolescents un peu trop fou l'un de l'autre. Leurs lèvres étaient incapables de se séparer. Le bandana de Genma gisait sur le sol alors que sa coéquipière passait ses mains dans sa chevelure.

— Je te veux, murmura Naori, le souffle court.

— Comment veux-tu que je te résiste quand tu me dis ce genre de chose ?

Les mains du jonin se baladaient déjà sur le corps de sa coéquipière, s'insinuant avec avidité sous le haut qu'elle portait. Le désir qu'il éprouvait surpassait tout ce qu'il avait pu ressentir jusqu'ici. Pourtant, alors que leur baiser s'approfondissait et que leurs langues se liaient, Genma cessa tout mouvement.

— Naori ! Tu es blessée !

Il souleva le t-shirt de sa compagne qui le fixait d'un air sceptique. Là, il put découvrir l'ampleur de la blessure cachée sous un pansement sommaire. La plaie, béante, se situait manifestement près de la côte que Naori s'était cassée pendant leur dernière mission. Du sang s'en écoulait lentement.

— Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

— Tu te serais inquiété pour rien, et tu n'aurais pas voulu que je parte en mission avec vous.

Au regard qu'elle lui lançait, il comprit qu'elle le mettait au défi de la contredire. Il grogna. Pourquoi avait-il fallu qu'il tombe amoureux d'une femme aussi têtue ?

— Ça t'est déjà arrivé ce genre de problème avec ton jutsu ?

Elle secoua la tête en haussant les épaules. Il était hors de question qu'elle lui montre à quel point la situation l'affectait. Jamais elle ne s'était sentie aussi faible que depuis que son jutsu faisait des siennes...

— Tu devrais retourner voir Lyra.

— Je t'arrête tout de suite, je ne retournerai pas à l'hôpital aujourd'hui, et vous ne partirez pas en mission sans moi, Raido et toi.

— Naori...

— Je t'ai dit que je ne t'abandonnerai pas Gen'. Tu n'affronteras pas cette mission seul. Il faudra m'assommer pour que je reste ici.

— Ne me tente pas.

Genma tenta un sourire. Savoir que Naori était prête à mettre sa vie en danger pour le soutenir l'inquiétait autant que ça le touchait. Il s'apprêta une nouvelle fois à la convaincre de rester au village, mais le regard suppliant qu'elle lui lança lui ôta toute volonté.

— T'as gagné, grogna le ninja. Mais tu resteras en renfort pendant la mission, il est hors de question que tu sois de nouveau blessée.

— Je n'ai pas le choix j'imagine...

— Exactement. Maintenant, allonge-toi, que je puisse panser ta plaie correctement.

— Elle était correctement pansée, avant que tu ne te mettes à me tripoter.

— Il ne fallait pas être aussi tentante.

Il s'obligea à détourner le regard du sourire coquin qu'elle lui adressait. S'ils continuaient à ce rythme-là, Raido risquait de les attendre pendant des heures à la sortie du village.

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— Vous êtes en retard, souligna Raido en voyant enfin ses deux coéquipiers surgir devant lui.

— Un petit contre-temps, désolé vieux.

À l'air blasé que Raido adopta, Genma comprit qu'il se doutait de la nature de leur "contre-temps"... Pourtant, le balafré ne fit aucune remarque. Il était bien trop préoccupé par ce qui les attendait.

Ils se mirent en route silencieusement. La capitale du pays du Feu n'était qu'à une journée de marche de Konoha, ils n'avaient que peu de temps pour se préparer mentalement à la mission.

La journée était déjà bien avancée et le soleil déclinait lentement. Leur pas résonnait sur le sol en terre battue. Ils avaient opté pour la route principale après une brève concertation. Avec les temps qui couraient, ils étaient bien plus sûrs pour eux de ne pas couper à travers les forêts, et ce, pour le plus grand malheur de Naori. Elle aimait la pénombre que lui offraient les arbres et le cocon rassurants qu'ils pouvaient former autour d'eux. Se retrouver exposée ainsi à la vue de tous ne lui plaisait guère, sans compter les longues heures de marche en plein soleil.

— Pourquoi ta famille à besoin de la protection de ninja ? demanda-t-elle finalement à Genma.

Son compagnon lui avait promis des explications, elle comptait bien profiter de l'occasion pour glaner le plus d'informations possibles sur son passé.

— C'est la saison des réceptions. À cette époque de l'année, les grandes familles nobles se réunissent et organisent des fêtes somptueuses en l'honneur du Daimyô. Ce dernier ne s'y rend que rarement, mais j'imagine que cette fois-ci, il sera présent, vu qu'ils ont fait appel à Konoha pour la protection.

— Ce n'est pas toujours des ninjas qui s'en chargent ?

— Les nobles possèdent leurs propres milices privées, ils n'ont que rarement besoin du renfort de ninja. À l'inverse, la protection du Daimyô est toujours de notre fait, expliqua Raido à la jeune femme.

— Pourquoi un tel système ? Il ne serait pas plus simple que les ninjas protègent tout le monde ?

— Parce que les familles nobles sont conservatrices et enclines à comploter dès qu'une occasion se présente. Les ninjas ont toujours été fidèles au seigneur du pays, et cela ne leur plait pas...

Les visages fermés que lui présentaient ses deux coéquipiers ne pouvaient vouloir dire qu'une seule chose : rien ne les répugnait plus que les machinations politiques de la noblesse du pays.

— J'imagine que ton statut de ninja ne doit pas faire l'unanimité dans ta famille... tenta Naori, après un moment de silence.

Il lui était essentiel de savoir ce que lui cachait Genma si elle voulait aborder cette nouvelle mission sereinement.

Raido et lui se concertèrent du regard. Ils se connaissaient depuis tellement longtemps qu'un seul instant leur suffisait pour se mettre d'accord.

— La nuit va bientôt tomber, on va en profiter pour se reposer un peu, on a déjà bien avancé. Tu pourras nous poser toutes les questions que tu veux lorsqu'on aura installé le bivouac, N, déclara Raido.

C'était plus fort que lui, il n'arrivait toujours pas à appeler sa coéquipière par son véritable prénom.

Cette dernière approuva sa décision en grognant, déclenchant un sourire chez les deux hommes. Elle devait vraiment vouloir en savoir plus sur eux pour se montrer aussi conciliante. Habituellement, elle se serait fait un plaisir de les harceler jusqu'à obtenir de vraies réponses.

Ils s'éloignèrent rapidement de la route principale, s'enfonçant finalement dans les bois pour trouver un endroit où dresser leur campement. Par chance, les deux jonins connaissaient cet endroit comme leur poche, et il leur fallut peu de temps pour trouver un endroit assez confortable qui les accueillerait tous les trois.

Leur campement était sommaire. L'air d'été était bien trop chaud pour qu'ils perdent leur temps à allumer un feu et les rations que Raido avait prévues leur épargnaient la tâche fastidieuse de la préparation d'un repas.

Sans prendre la peine de dérouler son sac de couchage, Genma s'était adossé à un arbre, se servant d'une des racines pour s'y accouder confortablement. Manifestement, dormir ne faisait pas partie de ses projets cette nuit.

Raido était manifestement sur la même longueur d'onde que son meilleur ami puisqu'il laissa choir ses affaires dans un coin du campement. Il s'était assis en tailleur sur une vieille souche d'arbre et ne prononçait plus un mot, concentré sur son exercice de méditation.

Jamais Naori ne les avait vus aussi calmes et agités à la fois. Leur comportement respectif, serein en apparence, ne la dupait en aucun cas. Une multitude de tics nerveux agitaient le visage balafré du nouveau chef d'escouade, trahissant son agitation intérieure. Quant à Genma... la jeune femme aurait presque pu tomber dans le piège si elle ne le connaissait pas aussi bien. Son senbon ne bougeait plus entre ses lèvres, ses pupilles fixaient le vide, et ses épaules étaient bien plus tendues qu'à son habitude.

Elle hésita quelques secondes avant de s'asseoir finalement sur son sac de couchage, renonçant à l'étreinte confortable qu'aurait pu lui offrir les bras de son compagnon. Elle devait les laisser faire le premier pas si elle voulait qu'ils se confient enfin à elle.

— Que veux-tu savoir exactement ? commença Raido après un long moment.

— Pourquoi Gen' a été banni de sa famille ? s'exclama de but en blanc Naori.

Elle avait largement dépassé son quota de patience pour la journée, elle voulait des réponses à ses questions.

— Ma famille a toujours haï les ninjas et s'en est toujours tenue à distance tant que cela était possible. Ils ont une haine incommensurable envers Konoha et le Daimyô actuel.

— Pourtant ils organisent une réception en son honneur ? coupa la jeune femme.

— Les joies du pouvoir. La famille du Daimyô et la mienne ont toujours été en concurrence pour diriger le pays... Mais ils ne peuvent pas se permettre de montrer au peuple les dissensions qui existent entre eux. Cette réception n'est là que pour faire croire au reste de la noblesse qu'aucune lutte interne n'existe pour le pouvoir.

— Et toi, quel rôle joues-tu dans tout ça ?

Naori n'avait jamais eu à s'inquiéter des intrigues politiques des pays, que ça soit lorsqu'elle se trouvait encore à Kumo ou lorsqu'elle était arrivée à Konoha. Pour elle, la situation était assez simple : qui que soit la personne au pouvoir, elle la considérait comme un ennemi potentiel.

— J'ai fui les miens lorsque j'avais neuf ans ; ils voulaient faire de moi le prochain dirigeant de la famille, je voulais devenir ninja. Deux activités incompatibles aux yeux de mon père.

— Ils t'ont banni simplement pour ça ? Ils ne pouvaient pas choisir un autre héritier ? s'insurgea Naori.

Comment pouvait-on rejeter son enfant d'une telle manière ?

— Il y aurait pu avoir une héritière si je ne l'avais pas entraîné avec moi pour poursuivre mon rêve.

Genma s'était exprimé d'une voix douce, presque lointaine. Il fixait le sol, un sourire triste accroché à ses lèvres.

— J'ai une sœur. Une sœur jumelle. Elle m'a suivi le jour où j'ai fui le domaine familial pour me réfugier à Konoha.

Presque quinze ans étaient déjà passés, et il ne parvenait toujours pas à parler au passé. Le fantôme d'Hotaru le hantait encore trop souvent.

Naori ne savait que répondre. Genma était un noble, et en plus de ça, il lui avait caché l'existence de sa sœur jumelle. Lui avait-il donc menti sur toute la ligne ? Était-il vraiment celui qu'il déclarait être ?

— Où est-elle ? voulu savoir la jeune femme.

Genma ne fut pas surpris d'entendre le ton froid sur lequel sa compagne s'était exprimée. Après tout, elle avait tant de raison de lui en vouloir après toutes les cachotteries qu'il lui avait faites...

— Elle est morte, depuis quinze ans. Non seulement je l'ai laissé me suivre à Konoha, mais en plus de cela, je n'ai même pas été capable de la protéger...

Des larmes coulaient sur ses joues, et pourtant, Genma restait étrangement impassible. Il ne bougeait plus un cil, perdu dans ses pensées. Hanté par des souvenirs encore trop frais.

— Que s'est-il passé ?

Naori voyait parfaitement le désespoir dans lequel s'enfonçait l'homme qu'elle aimait. Elle était incapable de comprendre ses sentiments, pourtant rien ne lui faisait plus de mal que de voir Genma souffrir ainsi.

Elle attendit une réponse de ce dernier. Réponse qui ne semblait pas vouloir venir.

Puis Raido s'exprima enfin, sa voix rauque faisant sursauter la jeune femme :

— Je l'ai tué. J'ai tué Hotaru. 

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Alors... Par où commencer ? 

Je sais ! Déjà, un immense merci à -PierreDeLune- pour sa bêta-read de qualité, son soutien et son aide. Clairement, meuf, sans toi je n'aurais jamais réussi à finir ce chapitre, je crois x) Tu gères sale gamine <3 

Ensuite... Désolée pour le retard ! Le mois de septembre a été particulièrement chargé de mon côté, entre le taff, les sorties et les problèmes de santé, j'ai pas trouvé le temps de me mettre sérieusement à l'écriture (ni la motivation).

Et pour le mois d'aout... et bien je vous invite à aller voir les deux OS que j'ai publiés dans le cadre de concours Wattpad. L'un est sur Genma et l'autre sur Raido ! 

En tout cas j'espère que ce chapitre vous a plu, et que vous attendrez impatiemment la suite, j'ai hâte d'avoir vos avis :D 

À bientôt, Klynde

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