Chapitre 18 : Reconnaissance
Il descendit les escaliers lentement, prenant garde à ne pas louper la moindre marche. Il ne pouvait se permettre une chute, pas avec le nourrisson qu'il tenait entre ses bras. Ce nourrisson... Non, son fils. Né quelques heures auparavant, à grand renfort de cris. Jamais il ne s'était senti aussi complet qu'au moment où il avait posé ses yeux sur ce minuscule humain. Jamais il n'avait imaginé pouvoir ressentir un tel élan d'amour pour un être humain. Toujours était-il que maintenant, tout avait changé. Maintenant, grâce à son fils, il se sentait plus déterminé que jamais. Pour lui, il allait créer un monde sans défauts. Un monde à son image.
Son premier enfant. Son avenir. Il allait le choyer comme jamais un enfant n'avait été choyé. Il allait tout faire pour que son fils grandisse dans un monde bien meilleur qu'il ne l'était aujourd'hui. Il était hors de question que son propre rejeton ait à côtoyer les bassesses de cet univers perverti par les humains. Tout devait être parfait.
Il s'installa dans un immense fauteuil aux allures de trône après avoir confié son fils à l'un de ses serviteurs. Les nourrices allaient s'occuper de lui, elles avaient bien plus d'expérience que la mère de cet enfant. Le confort que lui offrait son siège le soulagea. Son vieux corps n'était plus fait pour autant d'émotion. Il avait attendu tant d'années avant que la nature n'accepte de lui faire don d'un enfant... Dire qu'il pointait le bout de son nez alors qu'il arrivait au crépuscule de sa vie. Lui qui ne s'était jamais soucié de sa mort, voilà qu'il se retrouvait à la redouter. Qu'arriverait-il s'il ne parvenait pas à façonner son monde avant de rendre son dernier souffle ?
Un coup net résonna contre la porte.
— Entre.
Un homme aux cheveux bruns se présenta devant lui, s'agenouillant sans oser croiser son regard. Son plus fidèle lieutenant, mais aussi celui qui le craignait le plus, sans aucun doute. Il était le seul à l'avoir connu au plus haut de sa forme et à savoir de quoi il était capable. Le seul à en avoir fait les frais un bon nombre de fois, et a y avoir survécu.
Il ne savait dire s'il appréciait cette ténacité et ce dévouement. Comment avait-il pu réussir à avoir une telle emprise sur la vie d'un ninja ?
— Alors ?
Une question simple, mais dont il attendait tant. L'attaque de Konoha par ce serpent d'Orochimaru était une véritable aubaine. Une occasion rêvée de se débarrasser de ceux qui le gênaient depuis si longtemps.
— Le Hokage est mort. Konoha fait face à de lourdes pertes, sans compter la destruction partielle du village. Il leur faudra des mois pour se remettre à flots. Des cérémonies d'hommages auront lieu dès demain.
— Le numéro 317 ?
— Elle en est ressortie vivante, Maître.
L'homme s'était recroquevillé sur lui-même en prononçant cette phrase. Que cette furie aux cheveux blancs mette un tel point d'honneur à sortir vivante de chaque situation périlleuse était la source d'une immense frustration pour lui. Lui qui avait la mission de la tuer depuis tant d'année. Il ne pouvait imaginer ce que son Maître ressentait à chaque fois qu'il constatait sa survie.
— Ses coéquipiers ?
— Aucun mort à célébrer non plus, Maître. Celui à la balafre a été blessé, malheureusement, ses jours ne sont pas en danger.
Il baissa encore plus la tête. Il ne devait surtout pas croiser le regard de son Maître s'il voulait ressortir vivant de cette entrevue. Même s'il n'avait rien à voir dans tout ça, il savait pertinemment que lui apprendre de telles nouvelles était plus que risqué. Son corps portait déjà les marques de ses colères passées.
— Danzô ?
— Il n'a pas jugé bon de s'impliquer avec la Racine. Certains murmures parlaient d'une nomination au poste de Hokage, mais le choix des jonins semblent s'être porté sur le sannin Jiraya.
L'homme sur le trône grogna. Il avait un vague souvenir de cet énergumène aux crapauds. Savoir qu'il allait prendre la place de Sarutobi à Konoha ne le réjouissait guère. Il soupira. Tant de mauvaises nouvelles, mais curieusement, rien ne parvenait à ternir la joie qu'il ressentait en ce jour sacré. Le numéro 317 et Danzô n'était que des contre-temps, comme la survie des coéquipiers de l'esclave. Il parviendrait un jour à retirer ces épines plantées dans son pied depuis longtemps. Il le savait.
Son regard calme se posa sur son lieutenant. Celui-ci semblait se détendre lentement, alors qu'aucune sanction ne semblait tomber. Il passa sa main couverte de cicatrice dans ses cheveux, pour les plaquer de nouveau en arrière. "Un ninja d'exception se devait d'être toujours présentable" lui avait-il dit un jour, alors qu'il lui avait demandé avec curiosité pourquoi il perdait tant de temps dans sa coquetterie superflu.
Un véritable paradoxe pour le vieil homme. Un ninja n'avait pas de temps à perdre en futilité. La beauté pouvait certes être une arme, mais son lieutenant était loin d'être ce que l'on appelait un bel homme. C'était tout le contraire même. Un visage au trait enfantin malgré sa quarantaine passée. Un sourire déformé qui lui donnait des allures de psychopathe. Des yeux d'une froideur inhumaine, et surtout, d'immondes cicatrices boursouflées qui recouvraient les trois quarts de son visage.
Son lieutenant avait des allures de monstre, et il se plaisait à savoir qu'il en était en partie responsable. Nombre de ses cicatrices étaient de son fait. Des traces indélébiles de ces nombreux échecs. Il était important que son lieutenant le plus fidèle soit puni lorsqu'il échouait. Cela rappelait à tous les esclaves le sort qui les attendait s'ils désobéissaient. Si son bras droit subissait de telles blessures, quel serait l'état d'un simple esclave à sa place ?
La terreur qu'il leur inspirait à tous était le meilleur moyen qu'il possédait pour assoir son ascendance sur leur volonté. Il ne se leurrait plus : il se faisait vieux, et certains n'attendaient que sa mort pour prendre sa place. Il devait continuer à mener l'organisation d'une main de fer s'il voulait réussir son projet.
— Orochimaru n'est qu'un incapable, nous le savons depuis des années, mais sa conquête avortée nous ouvre de nombreuses portes. Il est essentiel que nous profitions de l'occasion : Konoha est affaibli. Danzô et l'esclave sont difficilement approchables pour l'instant, mais nous pouvons infiltrer le village pour obtenir un maximum d'informations. Qu'en est-il de la jeune femme dont tu m'as déjà parlé ?
— Tamako ? C'est une kunoichi sans talent rongée par sa jalousie envers tous ceux qui réussissent mieux qu'elle. Elle semble haïr l'esclave.
— Une kunoichi faible est une porte ouverte pour nous. Fais le nécessaire pour qu'elle se range de notre côté.
— Bien, Maître.
— Tu peux disposer.
Le lieutenant hocha la tête, soulagé. Il avait échappé de peu à une punition cuisante, il en avait bel et bien conscience. La rumeur qu'il avait entendue en arrivant dans la demeure était donc sûrement vraie...
— Maître ? osa-t-il, la main sur la poignée de la porte.
— Je t'écoute.
— Félicitation pour votre enfant, Maître.
Était-ce une étincelle de bonheur qui venait d'irradier le regard du vieil homme ? Rien n'était moins sûr... Pourtant, les prémices d'un sourire venaient faire sautiller le coin de ses lèvres fines.
— Je te remercie. Laisse-moi maintenant, je dois m'occuper de mon héritier.
-o-
Naori se glissa avec discrétion dans l'appartement de ses coéquipiers. La nuit était déjà bien trop avancée à son goût. Les heures de sommeil qu'elle s'apprêtait à savourer pourraient se compter sur les doigts d'une main. Elle se sentait lessivée par cette journée passée à l'hôpital, constamment sur le qui-vive. Ses réserves de chakra étaient au plus bas et la sensation d'épuisement qui en découlait était loin d'être agréable. Chaque mouvement devenait une véritable épreuve.
Au moins se sentait-elle utile en faisant tant d'effort. Les ninjas de Konoha semblaient lui accorder une certaine reconnaissance depuis qu'elle avait été nommée pour recevoir une médaille par le Daimyô lui-même. Shikaku, Kakashi et Genma avaient eu raison. Ce simple événement allait changer énormément de choses pour elle.
Elle s'appuya contre le mur du couloir pour reprendre son souffle. Elle était proche de ses limites. Utiliser autant ses capacités était coûteux pour son organisme. Avec difficulté, elle se traîna jusqu'à la dernière porte, celle qui donnait sur la chambre de Genma. Elle l'ouvrit en silence, sans savoir s'il dormait déjà, où si son service auprès du Daimyô continuait. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait l'irrépressible envie de passer une nouvelle nuit dans les bras du ninja et de profiter de son étreinte rassurante.
Une profonde déception vint l'envahir lorsqu'elle nota que le lit était vide. La lueur fantomatique de la lune éclairait légèrement la pièce, lui permettant d'entrevoir un amas de draps sans aucun corps en dessous. L'esprit de Naori s'égara. Le corps musclé de son chef d'escouade s'amusa à accaparer ses pensées. Dire qu'elle avait à peine pu en profiter... Elle rêvait de pouvoir de nouveau caresser cette peau qu'elle aimait tant.
Elle secoua la tête. Le sommeil était précieux, elle n'avait pas de temps à perdre dans des pensées futiles. Sa frustration avait beau être immense, elle savait que le moment de profiter de son coéquipier viendrait tôt ou tard. Il lui suffisait de se montrer patiente.
Sauf que la patience était loin d'être sa principale qualité. Combien de fois Genma et Raido l'avaient charriée pour ça ? Elle ne pouvait s'empêcher de trépigner dès qu'elle devait attendre quelque chose. Un grognement de frustration s'échappa de sa gorge alors qu'elle se débarrassait de ses vêtements. Sans réfléchir plus longtemps, elle attrapa ce qui semblait être un t-shirt appartenant à Genma, l'enfila, et se glissa avec un plaisir non dissimulé dans les draps frais. Ce lit était une véritable ode au sommeil. Celui-ci s'empara d'ailleurs d'elle en quelques minutes à peine.
-o-
Genma déboula dans l'appartement sans aucune discrétion. L'aube pointait déjà le bout de son nez, pour son plus grand malheur. La nuit allait être courte. Très courte. La relève pour la garde du Daimyô avait mis un temps fou à arriver, retardant la fin de son service. Sans compter qu'on l'avait nommé capitaine, il avait donc dû se charger de la transition entre les deux escouades...
L'appartement était calme, comme souvent ces derniers temps. Raido et lui était rarement présent. Avec ses blessures, ce dernier était encore à l'hôpital par précaution. Naori, quant à elle, devait sûrement y être aussi, ou alors était-elle rentrée dans son propre appartement pour prendre un peu de repos ?
Le rôle des médics-nin après une invasion était primordial, et ceux-ci souffraient d'un rythme insoutenable. Avec ses capacités hors du commun, Naori devait être un élément essentiel pour les soins des ninjas blessés. Il n'imaginait pas le coût exorbitant en chakra que cela nécessitait pour soigner tout le monde.
Il passa la porte de sa chambre sans faire le moindre effort pour être discret. La moindre minute supplémentaire de sommeil était essentielle. Ses vêtements rejoignirent le sol en quelques secondes à peine et il se tourna vers son lit, heureux d'enfin le retrouver.
Le senbon qu'il mâchonnait s'écrasa au sol alors qu'il constatait que celui-ci n'était pas vide. Naori le fixait d'un air peu amical. Être réveillée avec tant de brutalité pendant sa courte nuit ne lui plaisait manifestement pas le moins du monde.
Malgré son air menaçant, Genma ne put s'empêcher de sourire. Elle était là. Dans son lit. Elle était revenue. Pour son plus grand bonheur.
Sans prévenir, il vint accaparer ses lèvres, se délectant avec plaisir de ce contact qu'il avait tant désiré tout au long de la journée. Ils n'avaient été séparés que quelques heures, et pourtant, sa présence lui avait manqué plus que jamais.
Alors que leur baiser cessait, Naori lui accorda un regard sans une once d'animosité. Un regard d'une douceur infinie.
— Désolé ma belle, je ne savais pas que tu étais là...
Elle ne lui répondit pas, se contentant de se réfugier dans ses bras, ravie de retrouver cette présence rassurante. Son sommeil avait été agité. Entendre les hurlements de douleur des ninjas tout au long d'une journée et d'une nuit était une tâche pesante dans son esprit. Ceux-ci étaient même venus envahir ses rêves pourtant doux...
Les lèvres du ninjas s'attardèrent quelques secondes dans son cou, avides. L'envie qu'il ressentait n'avait fait qu'augmenter durant cette longue journée. La retrouver quasiment nue dans son lit n'aidait en rien. Son self-control était mis à rude épreuve.
— Gen'... Regarde-moi, lui chuchota-t-elle.
Il releva la tête, curieux. Son regard noisette brillait d'envie dans le noir. Naori caressa lentement son visage, traçant le contour de ses yeux.
— Tu as l'air épuisé, constata-t-elle simplement, inquiète.
— La journée a été longue.
Il ne lui mentait pas. Cette journée lui avait paru sans fin. Le Daimyô s'était fait un plaisir de se balader partout à Konoha et en dehors du village, l'obligeant à une vigilance constante. Devoir gérer et anticiper les attaques possibles lui avait coûté toute son énergie.
— Alors profite des quelques heures de sommeil qu'il nous reste avant l'enterrement.
— Mais...
Elle posa un doigt sévère sur ses lèvres, n'admettant aucune protestation.
— Moi aussi j'ai envie de toi Gen', lui avoua-t-elle de but en blanc. Mais on est des ninjas, et on sait très bien que les mois à venir vont être épuisants. On doit profiter du peu de repos que l'on peut prendre.
Il grogna avant de répondre :
— Je finirai par te faire l'amour.
— J'y compte bien. Maintenant, dors.
Elle l'embrassa de nouveau avant de se recoucher en lui tournant le dos. Genma s'allongea à son tour, partagé entre la frustration et le bonheur intense qu'il ressentait. Il se plaça dans le dos de sa coéquipière, l'entourant de ses bras puissants, heureux.
— Bonne nuit, Naori, murmura-t-il avec un sourire avant de s'endormir à son tour.
-o-
— Tu ne rentres pas chez toi ? demanda Raido.
Lyra grogna. La rousse arborait une figure fatiguée et encore plus las que la veille.
— À quoi bon ? Je peux dormir ici, ça m'épargne le trajet.
— Sauf que tu ne dors pas, protesta le balafré.
— Il faut que je reste disponible, la vie de mes patients en dépend.
— Tu ne pourras plus les sauver si tu meurs d'épuisement.
— Je n'aurais plus à entendre tes reproches si c'est le cas. Ça sera déjà ça de gagné.
Raido lui envoya un regard accusateur, blessé par cette réponse. Plus il fréquentait Lyra, plus il se rendait compte qu'il devait vraiment être masochiste pour s'intéresser à une telle femme. Elle ne lui épargnait rien, et sa langue était bien plus fourbe que celle d'une vipère.
— Excuse-moi, soupira la médic-nin. Le stress me fait dire des âneries.
Elle se redressa dans son fauteuil, l'air soucieux. Raido fuyait son regard. Elle attrapa sa main, jouant distraitement avec les deux bagues qu'il portait en permanence.
— J'ai de la chance que tu te soucies de moi de cette façon.
— Apparemment, ça ne te plait pas tant que ça.
Jamais elle n'aurait imaginé que cet homme pouvait être aussi susceptible. Lui qui était toujours sérieux et combatif, comment pouvait-il être blessé par une simple remarque stupide ?
— Et si je te dis que toi tu me plais et que je veux bien entendre tes reproches tous les jours ?
— Je ne te croirais pas une seule seconde.
— T'es encore plus borné que moi, ma parole.
— C'est ce qui fait mon charme ? suggéra-t-il, ironique.
— Ça, et plein d'autres choses.
— Arrête Lyra. Ne joue pas à ce jeu-là avec moi.
Il la fixait froidement. Pourquoi s'amusait-elle à le faire espérer de cette façon ? Il ne pouvait rien avoir entre eux. Jamais une femme comme elle ne s'intéresserait à un homme comme lui. Elle était intelligente, belle, forte et indépendante. Elle n'avait pas de temps à perdre avec un ninja défiguré et taciturne. Ce dont elle avait besoin, c'était de trouver quelqu'un qui rayonnait autant qu'elle, et non pas quelqu'un d'aussi terne que lui.
Lyra soupira. C'était consternant de voir à quel point il était facile de suivre le cheminement des pensées du jonin. Elle ne le connaissait pas si bien que ça, et pourtant, elle savait parfaitement ce qui se passait dans son esprit en ce moment même. Cet homme se haïssait du plus profond de son être. Cela était tellement frappant qu'elle ressentait le désespoir qui le dévorait. Peut-être était-ce son âme de médic-nin qui se manifestait, mais l'envie de l'aider la hantait depuis qu'elle l'avait rencontré.
— Je ne joue pas, Namiashi. Il serait temps que tu t'en rendes compte.
— C'est ça.
Il détourna le regard, fatigué par cette conversation qui le blessait plus que de raison. Pourquoi cette femme avait un tel pouvoir sur lui ? Elle n'était personne dans sa vie.
— Jamais une femme ne perdrait son temps avec moi, affirma-t-il finalement.
— Tu es en train de me dire que tu n'as jamais eu personne ? lui demanda curieusement la médic-nin.
C'était plus fort qu'elle, elle voulait en savoir plus sur lui.
— Pas depuis que j'ai été défiguré.
— Et avant alors ?
— Genma ne t'en as jamais parlé ? Ce n'est pas étonnant.
— Ne me dis pas que vous avez été ensemble tous les deux ?! s'exclama la rousse, éberluée.
Raido éclata d'un rire sonore, il ne s'était pas attendu à une telle déduction.
— On vit ensemble, mais ça ne va pas plus loin. N me tuerait si je m'intéressais une seule seconde à Genma en plus. Sans compter que je n'ai pas d'attirance particulière pour les hommes.
— Pourquoi me parler de lui alors ? fit-elle, complètement perdue.
— Je suis sorti avec sa sœur jumelle pendant toute notre adolescence. C'est la seule et unique histoire d'amour que j'ai eu, soupira le ninja.
— Tu m'expliques depuis quand Genma a une sœur jumelle ?! Je ne l'ai jamais entendu en parler !
— Il ne parle jamais de sa famille.
— Comme beaucoup de ninja, j'ai l'impression. Toi non plus tu n'en parles jamais, remarqua la médic-nin. Qu'est-ce qu'il s'est passé alors ?
— Elle est morte pendant la dernière guerre.
Il avait dit ceci d'une voix neutre, comme si cela ne l'affectait plus. Mais Lyra n'était pas dupe. Son visage reflétait une culpabilité intense. Ça sautait aux yeux : il se sentait responsable de la mort de son premier amour. Peut-être mettait-elle enfin le doigt sur ce qu'il cachait derrière ce masque de ninja sans cœur ?
Elle aurait voulu s'excuser, mais elle ne parvenait pas à le faire. Elle se sentait désolée de lui faire parler de quelque chose qui le blessait manifestement, cependant, elle savait au plus profond d'elle-même que c'était nécessaire. Jamais il ne pourrait guérir s'il gardait pour lui tant de sentiments négatifs.
Elle aurait voulu le serrer dans ses bras et lui apporter un peu de réconfort, aussi. Les démonstrations d'affection n'étaient pas son fort malheureusement. Elle laissa donc un long silence s'installer entre eux. Il n'y avait rien à ajouter après une telle révélation après tout. Cette femme n'était plus, et personne ne pouvait la remplacer.
— Ne fais pas cette tête-là.
— Comment ça ?
— Tu as l'air triste pour moi.
— C'est normal non ? N a beau dire souvent que je n'ai pas de cœur, ce n'est pas totalement vrai. Je suis triste d'apprendre ce que tu as vécu et ce que tu dois surmonter.
— C'est ça la vie d'un ninja. On survit envers et contre tout, mais surtout, on perd tous les êtres qui nous sont chers. Je ne suis pas plus à plaindre qu'un autre.
Les ninjas étaient-ils donc tous stupides ?
— Ce n'est pas parce que d'autres ont vécu plus de perte que toi que tu dois faire comme si tout était normal, sombre idiot.
— J'ai perdu la femme que j'aimais, mais Genma a perdu une partie de lui-même. Tu penses vraiment que j'ai le droit de me plaindre devant lui ?
— La tristesse et le désespoir ne sont pas quantifiables Raido. Te priver d'un deuil qui pourrait t'être salutaire sous prétexte que Genma a perdu encore plus que toi est illogique.
— Mon deuil est fait depuis longtemps.
— Alors pourquoi tu te sens aussi coupable lorsque tu parles de cette femme ?
Lyra était décidément trop perspicace pour son bien, songea le jonin. Elle le perçait à jour avec une facilité déconcertante.
— Je ne me sens pas coupable, nia-t-il tout de même.
— C'est ça oui. À d'autres.
Le regard blasé qu'elle lui renvoya le fit sourire. Il avait l'impression de voir N en face de lui lorsqu'elle faisait cette tête-là.
— Tu ressembles à N quand tu me regardes comme ça. Elle me fixe de la même façon quand elle ne me croit pas.
— C'est plutôt elle qui me ressemble... soupira Lyra.
Elle s'affala de nouveau dans son fauteuil, sans pour autant lâcher la main de Raido qu'elle tenait toujours. Son contact était réconfortant, tout comme les joutes verbales qui s'installaient entre eux. Ça lui changeait les idées après avoir vu tant de morts passer devant elle.
— Tu penses que je pourrais voir la remise des médailles demain ? J'aimerais être là pour N. Et j'aimerais aussi aller aux enterrements...
La rousse le jaugea du regard, semblant tergiverser. Il allait manifestement mieux que la veille, et son état n'avait fait que s'améliorer, mais elle ne voulait pas trop s'avancer non plus. Il s'était presque vidé de son sang après tout.
— Seulement si tu es sage, plaisanta-t-elle malgré ses doutes.
Il lui tira la langue, enfantin.
— Je le suis toujours.
— Je dois avouer que tu es bien plus facile à soigner que les deux imbéciles qui te servent de coéquipiers. Toi, au moins tu restes tranquille au lieu de chercher à tout prix à esquiver les soins.
— C'est parce que la médic-nin qui s'occupe de moi est terrifiante. Tu devrais la voir, elle est rousse et fixe tous les blessés qui essayent de se relever avec un regard gris terrifiant.
— C'est pour mieux les dissuader de sortir de leur lit sans que je les y autorise, se justifia la médic-nin en riant. Je t'accompagnerai sûrement pendant les cérémonies de demain, si ça ne te dérange pas. Ça me permettra de garder un œil sur toi tout en y assistant.
— Tu me proposes un rendez-vous ? essaya-t-il de plaisanter.
— Je ne te propose pas, je te l'impose.
Elle ne put rajouter autre chose, l'appareil qu'elle gardait accroché à sa ceinture se mit à émettre un bip strident, faisant grogner Raido.
— On finit par s'y habituer, affirma-t-elle.
— Je préférerais m'en passer...
— Je m'en doute bien. Je t'abandonne pour cette nuit, repose-toi bien.
— À vos ordres, chef !
Le sourire que le jonin lui offrit ne la convainquit par un seul instant. Elle serra une dernière fois sa main entre ses doigts frêles avant de sortir de la chambre, toujours plus exténuée.
Alors qu'elle refermait la porte, Raido laissa enfin tomber le masque qu'il s'était appliqué à garder devant elle. Il était hors de question qu'elle sache à quel point sa culpabilité le rongeait. Sans trop comprendre pourquoi, il refusait qu'elle soit au courant de ce qu'il avait fait pendant la guerre. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme le traître et le lâche qu'il avait été.
Désespéré, il s'appliqua à s'enfouir dans les couvertures qui le recouvraient. Les larmes se mirent à couler d'elle-même. Comment pouvait-il se pardonner alors qu'il était le responsable de la mort de celle qu'il aimait ? Comment pouvait-il se pardonner la mort de Hotaru ?
-o-
Les mains de Naori cherchèrent par réflexe son sabre lorsqu'elle entendit des coups raisonner contre la fenêtre. Elles ne rencontrèrent finalement que le corps endormi de son chef d'escouade, qui laissa s'échapper un grognement de mécontentement.
Il lui fallut quelques secondes pour se redresser et jeter un œil à travers le carreau. Le visage masqué de Kakashi la regardait à l'envers, l'air amusé.
— D'après toi, qui est-ce que j'ai le plus envie de tuer ? Aoba qui nous a dérangé hier, ou toi qui nous déranges aujourd'hui ? lui demanda-t-elle après avoir ouvert la fenêtre.
— Aoba j'imagine, lui répondit le ninja copieur, le plus sérieusement du monde. D'après ce qu'il nous a raconté, vous étiez en pleine action hier, alors que là vous dormiez juste.
— Ce mec est un homme mort. J'espère qu'il s'en rend compte.
— Le connaissant, je ne pense pas, s'amusa le jonin.
— Bref, qu'est-ce que tu fous là ?
— J'ai vu que vous n'étiez pas au briefing ce matin, je me suis dit que vous n'aviez pas réussi à vous réveiller...
— Quel homme altruiste, ironisa la jeune femme.
— Le service de Genma commence dans une vingtaine de minutes, N. Je doute que le Daimyô du pays du Feu apprécie le retard du chef de sa garde rapprochée.
— Et merde... Je m'en occupe. Merci Kakashi, on se voit plus tard.
Naori referma la fenêtre dans plus de cérémonie alors que Kakashi disparaissait sur les toits au loin. Elle se précipita sur Genma, posa une main sur son épaule et le secoua avec force.
— Si tu veux me secouer, essaye une autre partie de mon corps, marmonna le jonin, toujours endormi.
Sa remarque fit sourire sa subordonnée. Elle adorait son côté coquin qu'il laissait de plus en plus s'échapper en sa présence.
— Ça sera pas pour maintenant, Gen'. Ton service commence dans vingt minutes, il faut que tu te lèves !
Genma ouvrit les yeux en grand, paniqué. Il avait complètement oublié de régler son réveil la veille. Il se redressa d'un coup, les cheveux totalement ébouriffés par sa courte nuit.
— T'as plus l'âge de dormir aussi peu j'ai l'impression, ne pût s'empêcher de le taquiner Naori.
— C'est de ta faute si je suis dans cet état-là.
— Pourquoi ça, mon cher ?
Il l'attrapa d'un mouvement vif alors qu'elle s'approchait de lui, provocante.
— C'est toi qui es venue squatter mon lit sans prévenir. Comment veux-tu que je pense à mettre un réveil alors que j'avais la plus belle des femmes qui m'attendait, à moitié nue entre mes draps ?
Il la fit s'asseoir sur lui, joueur. Ses mains s'égarèrent sur ses cuisses, encore plus avides que la veille.
— En plus, tu portes un de mes t-shirts, et tu ne te rends même pas compte d'à quel point tu es sexy comme ça.
— Dit-il en ne portant qu'un simple caleçon... souligna Naori.
Le sourire taquin que lui offrit Genma valait de l'or aux yeux de la jeune femme. Elle se rendit compte que rien ne comptait plus à ses yeux que de le rendre heureux. Pouvoir le contempler au réveil avec son air endormi et ses cheveux en bataille provoquaient une véritable symphonie dans sa poitrine. Jamais elle n'avait ressenti de telle chose. Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse que depuis qu'elle l'avait rencontré.
Leurs lèvres se rencontrèrent une nouvelle fois, d'abord caressantes. Puis la caresse se mua en bataille alors qu'ils se laissaient submerger par un désir qui les dévorait depuis trop longtemps.
— Naori... murmura Genma entre deux baisers.
Son souffle se faisait erratique tandis qu'un désir immense enflait dangereusement en lui. Comment cette femme pouvait-elle réveiller de tel sentiment en seulement quelques secondes ? Depuis quand était-il devenu tellement accro à elle que sa présence lui provoquait les mêmes symptômes qu'une drogue aphrodisiaque ?
Il dut faire appel à toute sa volonté pour se calmer alors que ses doigts parcouraient d'eux-mêmes les courbes de la kunoichi.
— C'est pas juste, gémit-il.
Naori s'amusait à mordiller son oreille, ne lui laissant aucun répit.
— Je dois me préparer...
Les lèvres de la jeune femme descendirent lentement dans son cou, fatale. Elle parsemait sa peau d'une multitude de baisers délicats.
— Je doute que le Daimyô accepte la raison de mon retard...
— Ce vieux fou peut aller se faire voir, grogna la kunoichi sans s'arrêter.
— Naori... supplia Genma, alors que sa volonté s'effritait de plus en plus.
— Ça me tue qu'on nous prive du peu de temps que l'on peut passer ensemble... lui avoua-t-elle, se stoppant tout de même.
— Moi aussi ma belle.
Il posa son front contre celui de sa subordonnée pendant quelques secondes, cherchant à retrouver ses esprits.
— Mais on n'a pas le choix, on est des ninjas, on doit tenir nos responsabilités.
Naori leva les yeux au ciel, peu convaincue. Elle était devenue une kunoichi par la force des choses, pas par conviction. Elle se battait autant par plaisir que pour protéger les quelques êtres qui lui étaient chers. Les obligations politiques et morales des ninjas ne lui importaient que peu.
Cependant, elle savait que cela comptait énormément aux yeux de son compagnon. Il faisait toujours passer son devoir envers le village avant tout. Elle ne pouvait qu'admirer cette dévotion envers l'institution qu'était Konoha, même si elle ne la comprenait pas réellement.
Elle s'éloigna donc à regret de Genma, ne souhaitant pas lui causer d'ennuis.
— Va te préparer, il ne te reste plus beaucoup de temps.
Il suivit son conseil et quelques minutes plus tard, il se trouvait devant la porte de l'appartement, les cheveux encore dégoulinant d'eau après une douche froide salvatrice. Naori lui tendit son bandana ninja qu'il noua d'un geste expert sur son crâne.
— Fais attention à toi, lui murmura-t-elle, inquiète.
— Je te le promets. Tu retournes à l'hôpital aujourd'hui ?
— Pas avant ce soir, j'ai besoin de reconstituer mes réserves de chakra pour être utile.
— Alors on se verra à l'enterrement et à la remise de médaille.
Il déposa un nouveau baiser sur son front, accompagné d'une caresse sur sa joue. Il ne put s'empêcher de sourire devant la bouille frustrée qu'elle affichait.
— N'oublie pas, ce n'est que partie remise...
— Vivement que tout ce bordel soit terminé alors, affirma la jeune femme, impatiente.
Genma lui adressa un sourire coquin, l'embrassa une nouvelle fois, puis plaça un senbon entre ses lèvres. Le goût du métal lui paraissait bien fade après tant de baiser partager avec la femme qu'il aimait.
-o-
Une pluie battante ne cessait de tomber sur Konoha. Des nuages sombres recouvraient le ciel, laissant une impression de fin du monde dans le cœur des gens. Une légende racontait qu'il pleuvait toujours lorsqu'un Hokage était enterré. À croire que la météo s'accordait aux chagrins des gens. Des foutaises selon Naori. Ce n'était rien que le hasard des choses. Si on lui demandait d'expliquer un tel phénomène, elle répondrait sûrement que cela était dû aux perturbations que le chakra avait créé dans l'atmosphère. Un tel déchaînement sur un aussi petit périmètre devait forcément influencer la météo.
Et si le ciel se décidait à pleurer la mort de quelqu'un, ce n'était certainement pas celle de Sarutobi. Aux yeux de la jeune femme, les ninjas qui avaient perdu la vie dans ce conflit qui ne les concernait pas étaient les seuls qui méritaient cérémonie et sépulture dignes de ce nom. Sarutobi était l'artisan de cette guerre, pas sa victime.
Kakashi lui donna un léger coup de coude dans les côtes alors qu'il remarquait qu'elle n'était absolument pas attentive à ce qu'il se passait autour d'eux.
— Raido et Lyra sont là, lui apprit-il en montrant deux personnes qui se tenaient à l'écart des autres.
Naori ne put s'empêcher de sourire. Ils avaient l'air d'un véritable petit couple de loin, se chamaillant sans aucun doute. Elle abandonna Kakashi pour se diriger vers eux.
— Raido ! Lyra.
Provoquer Lyra à chaque instant possible était un véritable sport à ses yeux. Voir la rousse s'énerver pour rien la faisait toujours autant rire.
— Vois à quel point cette sale gamine est ingrate, fit remarquer la médic-nin au blessé.
Raido ne put retenir son rire devant la grimace que Naori adressait à Lyra
— Salut N ! Ça a toujours été comme ça entre vous deux ? demanda-t-il, curieux.
— C'était sûrement bien pire avant. Elle me dit souvent que je me suis améliorée depuis que je vous ai rencontré toi et Genma...
— Elle n'a pas tort, depuis que tu les connais, tu es presque devenue fréquentable N.
Voilà que Kakashi s'incrustait dans la conversation.
— C'est sûr que c'est pas au contact d'un ours comme toi que j'allais devenir un peu plus sociable.
— Forcément, c'est de ma faute.
Le ninja copieur leva les yeux aux ciels avant de reprendre :
— Comment tu te sens Raido ? N m'a dit que tu avais été salement amoché pendant l'invasion.
— Je me remets doucement, mais sûrement. On m'a laissé sortir pour que je puisse assister aux enterrements et aux cérémonies, mais je devrais rester encore deux ou trois jours à l'hôpital.
— D'ailleurs, tu vas me faire le plaisir de te trouver une chaise. Un convalescent n'est pas censé rester debout pendant des heures... lui rappela sa médic-nin.
Leur conversation cessa au bout d'une dizaine de minutes. De plus en plus de ninjas et de villageois arrivaient pour rendre hommage aux défunts. Tous étaient vêtus de la tenue traditionnelle du village. Un océan de t-shirts et de pantalons de toile noire se créait devant leur yeux. Il était rare de voir autant de ninjas et de civils rassemblés en un seul et même endroit.
Naori se crispa. Elle n'était vraiment pas à l'aise dans une telle foule, et sans Genma à ses côtés, elle se sentait affreusement seule pour affronter cette marée qui menaçait de l'emporter. Conscient de son trouble, Raido lui indiqua un groupe d'une douzaine de personnes se détachant de la masse populaire.
Deux hommes qu'elle ne connaissait pas, des ninjas en tenues de jonins ouvraient le groupe. Ils étaient suivis de Genma qui se tenait lui-même devant le Daimyô du pays du feu. Venaient ensuite les Anciens du Conseil, Koharu et Homura, ainsi que Danzô. Enfin, deux autres jonins et trois membres de l'Anbu fermaient la marche, menaçant du regard quiconque osait s'approcher d'un peu trop près.
Le cœur de Naori se serra en apercevant celui qu'elle aimait. Genma devait se sentir fou de se retrouver à protéger un homme comme Danzô, lui qui le haïssait plus que n'importe qui d'autre dans ce village...
La foule se calma d'elle-même en apercevant ce cortège. Tant de pouvoir était réuni dans un aussi petit périmètre... Les gens s'alignèrent en silence, respectueux. Enfin le Daimyô s'approcha, le visage caché derrière son éventail, Genma dans son ombre. Le seigneur du feu ôta sa coiffe immense avant d'élever la voix.
— Je me dresse ici non pas en tant que le seigneur de ce pays, mais en tant qu'homme. Un homme redevable à ce village depuis tant d'année. Je me dresse ici avec toute l'humilité qu'il m'est possible d'avoir pour honorer ceux que nous avons perdus et ceux qui ont combattu. Des hommes et des femmes dont le sacrifice nous permets de nous tenir ici en étant certes affaiblis, mais toujours vivants. Je me dresse ici pour remercier ces ninjas et kunoichis qui ont donné leur vie pour sauver la nôtre.
Aucun mot ne pourra apaiser les peines que nous ressentons en cet instant. Aucune parole ne pourra suffire à nous apporter du réconfort devant cette perte bien trop grande.
Je me dresse ici devant vous pour me mettre à genoux. À genoux devant ceux qui ont combattu et qui ont péri. Je me dresse ici pour demander pardon à ces familles endeuillées. Ses familles qui ne seront plus jamais complètes. Je demande pardon à tous ces veufs et veuves qui ont perdu l'amour de leur vie. À tous ces orphelins qui devront grandir seuls.
La guerre n'est jamais une belle chose. Jamais elle ne ressemble à ce que l'on peut lire dans les romans. La guerre est d'une horrible laideur dont la noirceur peut nous emporter à chaque instant. Alors aujourd'hui, je vous demande à vous, civils de Konoha, de saluer ceux qui vous ont sauvé. Ninjas et Kunoichi de Konoha, nous vous sommes éternellement redevables.
Le Daimyô posa sa coiffe au sol avant d'initier le mouvement. Avec plus de facilité que ne l'aurait laissé penser son âge avancé, il s'inclina le plus bas qu'il lui était possible. En face de lui, des centaines de civils imitèrent son mouvement, sans qu'aucun bruit ne vienne perturber cet hommage. Les ninjas ne pouvaient s'empêcher de regarder autour d'eux, ébahis. Jamais on ne les avait célébrés de cette façon.
— Aujourd'hui est un jour où nous nous autorisons à pleurer, ajouta finalement le Daimyô en se redressant. Aujourd'hui, nos larmes rejoindront le sol et laveront le sang qui a souillé nos terres. Pour une seule journée, nous laisseront nos peines nous emporter, car lorsque nous nous relèverons demain, la bataille reprendra, plus dangereuse que jamais.
Alors célébrons et honorons ceux qui sont morts. Honorons Hayate Gekkô, le premier à avoir été sacrifié dans cette bataille insensée. Honorons-le comme nous honorons chacun des chunnins et jonins qui se sont sacrifiés pour nous défendre. Surtout, honorons notre Hokage. Hiruzen était un grand homme et Konoha pleurera à jamais sa perte. Lui qui affirmait que chaque citoyen du village étaient ses enfants, voilà qu'il nous laisse orphelins. Jamais une cérémonie ne parviendra à égaler ce qu'il a fait pour ce village et ce pays.
D'un pas sûr, il se dirigea vers l'autel funéraire qui avait été dressé, Genma toujours derrière lui, l'air plus abattu que jamais. Le Daimyô glissa sa main à l'intérieur de son kimono pour en ressortir une rose bien plus blanche que les stèles qui les entouraient. Avec une infinie délicatesse, il la déposa devant la photo d'Hiruzen, ne cherchant pas à cacher la peine qui l'accablait après la perte d'un homme qu'il avait toujours respecté pour son engagement. Il claqua ensuite des doigts, et deux hommes qui semblaient être ses serviteurs approchèrent, portant un immense coffre en bois d'ébène. Ils le posèrent au sol, près de l'autel, et l'ouvrirent avant de se retirer loin de la foule. Ce deuil ne les concernait pas.
Le coffre contenait une myriade de roses blanches. Genma s'en approcha par automatisme, épuisé par cette cérémonie qui remuait des souvenirs profondément enfouis en lui. La dernière fois qu'un tel rassemblement avait eut lieu, c'était pour la mort de Yondaime, après l'attaque de Kyûbi, et jamais il n'avait pu oublier cette journée maudite.
Totalement distrait, il s'entailla un doigt sur une épine en saisissant l'une des roses. Il s'efforça de ne rien montrer, certains auraient pu considérer cela comme un mauvais présage. Il déposa finalement la rose devant l'autel, la tige légèrement teintée de vermeil, puis se retira afin de se replacer près de l'homme qu'il devait protéger.
Une longue procession se forma à sa suite, chacun venant prendre une fleur pour la placer sur l'autel. Naori se sentit mal à l'aise dans cette tristesse ambiante. Elle n'avait pas l'habitude de ce genre de chose, pour elle, les morts étaient morts, et aucune célébration quelconque ni changerait quoi que ce soit. Le seul moyen d'honorer les morts à ses yeux étaient de cesser les intrigues politiques qui causaient toujours plus de guerre et de désarroi. Si l'on pouvait déplorer autant de mort en période de paix, qu'en était-il en période de guerre ouverte ?
Surtout, elle se voyait mal afficher une tristesse feinte au milieu de tous ces gens en pleurs. Ce deuil ne la concernait que peu. Elle n'avait perdu aucun proche dans cette bataille, si ce n'était Hayate qui était mort avant. Et pour Sarutobi, elle ne pouvait se sentir triste. Elle était persuadée que le vieillard lui avait caché de nombreuse chose sur son passé et ses liens avec Danzô. Son inaction était l'une des raisons de ses difficultés à s'intégrer dans ce village, alors même s'il avait accepté de la soutenir, elle n'éprouvait aucune affection pour lui. La seule tristesse qu'elle ressentait en ce moment même venait d'une constatation : Sarutobi mort, ses recherches s'en trouveraient fortement retardé, et son avenir au sein de Konoha remis en cause.
— Ne te fais surtout pas remarquer maintenant.
Raido s'était faufilé en boitillant près d'elle et lui avait chuchoté ces quelques mots à l'oreille. Il glissa sa main dans son dos et la poussa légèrement en avant, l'encourageant à s'avancer dans la file pour suivre le mouvement.
Son coéquipier avait raison, pour son plus grand malheur. Si elle se faisait remarquer pour de mauvaise raison, Danzô ferait tout pour la faire bannir du village, et les deux Anciens se feraient un plaisir de l'y encourager et de le soutenir. L'appuie de Shikaku ne suffirait pas à la sauver de ce genre de situation. Elle devait se faire discrète, et également accepter la foutue médaille que ces hypocrites souhaitaient lui remettre. C'était sa seule solution pour rester à Konoha auprès de Genma.
Lorsque vint son tour, elle attrapa une rose et la plaça le plus loin possible du portrait de Sarutobi. Elle n'avait jamais su faire semblant, ce n'était pas maintenant qu'elle allait commencer à renier son mauvais caractère.
Son regard croisa celui de chef d'escouade lorsqu'elle se retourna pour s'éloigner. Celui-ci la fixait avec inquiétude. Il connaissait son point de vue sur les cérémonies, et redoutait sûrement un coup d'éclat de sa part. Il ne la connaissait que trop bien.
— Si vous souhaitez aider votre jeune amie, mon cher général, la fixer ainsi ne servira à rien. Vous attirer encore plus l'attention sur elle.
Genma sursauta, encore plus tendu qu'il ne l'était déjà. Le Daimyô lui avait parlé à voix basse, se cachant encore et toujours derrière son éventail, ne laissant apparaître qu'une partie de son sourire sibyllin.
— Je m'inquiète seulement pour ma coéquipière, Daimyô-sama.
Que pouvait-il faire, si ce n'était nier son attachement à la jeune femme ?
— Croyez-vous que j'ignore les liens qui vous lient réellement ? Vous me sous-estimez.
Genma grimaça. Ce n'était pas le moment de vexer le seigneur du pays.
— Je ne cherchais pas à vous manquer de respect, Daimyô-sama, fit-il en s'inclinant légèrement.
— Vous cherchez seulement à la protéger, ce que je comprends parfaitement.
Son sourire se fit encore plus mystérieux. Genma ne savait comment réagir avec cet homme. Son caractère précieux cachait quelqu'un d'extrêmement intelligent et rusé. Il devait absolument en savoir plus sur ses véritables intentions envers N.
— Puis-je vous poser une question, Daimyô-sama ? risqua le ninja.
— Je vous écoute mon cher général. Cependant, je ne vous garantis pas une réponse.
— Pourquoi notre relation retient-elle votre attention ?
S'il n'avouait pas son attachement envers Naori, il savait qu'il n'obtiendrait rien du vieil homme.
— Tout ce qui concerne cette jeune femme retient mon attention, Général.
Genma se tendit subrepticement. Cela ne valait rien de bon si le seigneur du pays en personne venait mettre son nez dans leurs affaires.
— Pourquoi vous intéressez-vous à elle ? grogna-t-il presque, oubliant à qu'il s'adressait.
— Calmez-vous mon jeune ami. Je ne le lui veux aucun mal, au contraire. Sachez seulement qu'il faudrait être fou pour ne pas s'intéresser à la jeune N. Ou à Naori devrais-je dire ?
— Vous connaissez son prénom ?
— Pensiez-vous vraiment qu'une nukenin de Kumo allait pouvoir trouver refuge à Konoha sans que j'en donne l'autorisation ? Un tel acte aurait pu déclencher une guerre ouverte entre nos deux pays. Alors oui, je connais son prénom.
— Que lui voulez-vous ? s'impatienta Genma.
— Elle est une des rares survivantes des camps d'esclaves formés pendant les deux dernières guerres. Son histoire la mène au centre de nombreuses intrigues politiques. Son témoignage, quant à lui, pourrait faire tomber de nombreuses têtes, mais il est encore trop tôt. Ma principale préoccupation actuelle est de la garder en vie. Pourquoi croyez-vous que Hiruzen l'ait placé sous votre commandement ?
— Ce n'était donc pas un hasard...
— Vous avez fait vos preuves à de nombreuses reprises, Shiranui-san. Il me paraissait logique de la placer sous votre protection. Vos talents de ninja la protègent tout autant que l'aura dont vous bénéficiez dans ce village.
— Je n'ai aucun pouvoir particulier pourtant, je ne suis qu'un simple jonin.
— Un jonin de Konoha n'est jamais un simple jonin. Vous avez bien plus d'influence dans ce village que ce que vous pensez. Il n'appartient qu'à vous de vous en rendre compte et de vous en servir pour protéger la femme que vous aimez.
Genma avait la désagréable impression d'avoir été manipulé depuis des mois. Même s'il savait que l'arrivée de Naori dans son escouade n'avait jamais été le fruit du hasard, savoir que cet ordre venait du Daimyô en personne changeait tout. Sa subordonnée semblait encore plus importante que ce qu'il avait pensé aux premiers abords. Malheureusement, plus son importance était grande, plus les dangers qui la guettaient l'étaient également.
Les enterrements touchaient à leur fin, et chaque personne venue y assister avait tranquillement reprit sa place. Un ninja portant le masque de l'Anbu contourna la foule avant d'exécuter une série de mudras. Il plaqua ses mains sur le sol provoquant un tremblement de terre. Une tension inhabituelle se dégagea immédiatement de tous les ninjas qui se tenaient face à lui.
Finalement, une immense estrade en bois sortie du sol, finement ouvragé. Un pupitre se dressait en son centre. Le Daimyô s'y installa, l'air plus sérieux que jamais. Genma se trouvait de nouveau derrière lui, tentant de camoufler son inquiétude malgré les révélations qui lui avaient été faites.
— Nous avons célébré nos morts, commença l'homme à la gigantesque coiffe, et nous les célébrerons pendant encore des années, afin de les laisser survivre à travers nos mémoires. Il est cependant temps de célébrer les vivants. Il n'est pas coutume à Konoha d'organiser d'aussi grande cérémonie, pourtant, ils nous paraissaient essentiels de reconnaître à leur juste valeur les actions de certain d'entre vous. Ninja et Kunoichis de Konoha, c'est à vous que je m'adresse, et par les médailles que je vais à présent vous remettre, je souhaite vous prouver toute ma gratitude.
Il énuméra les ninjas récompensés un par un, les invitant à monter sur l'estrade pour recevoir un symbole de Konoha en or, accroché à un ruban rouge sang. Naori s'agitait de plus en plus, incapable de savoir comment elle devait agir. Elle mourrait d'envie de s'enfuir le plus loin possible de toute cette agitation. De se réfugier loin dans les montagnes, auprès de Genma, sans que personne ne puisse les déranger.
— J'aimerais à présent récompenser Genma Shiranui.
Genma releva la tête, aussi curieux qu'étonné. Personne ne l'avait prévenu pour cette médaille, et il ne pensait pas avoir été plus important qu'un autre dans cette bataille. Il quitta tout de même son poste de garde du corps après avoir ordonné à l'un des jonins sous ordres de le remplacer. Il se plaça face au Daimyô et s'inclina respectueusement avant de lui lancer un regard interrogateur.
— À vous qui êtes un ninja déjà récompensé de nombreuses fois, je souhaite vous attribuer cette nouvelle médaille. Pour avoir retenu l'un des hommes les plus puissants de Suna pendant une longue heure, permettant ainsi à vos coéquipiers de protéger ceux qui assistaient à l'examen chunnin. Pour avoir contribué à achever l'un des serpents géants d'Orochimaru et pour avoir mené d'une main de maître l'après bataille alors même que vous étiez gravement blessé. L'acceptez-vous ?
— Oui, Daimyô-sama.
Le seigneur du pays s'approcha de son garde du corps pour accrocher la médaille sur la veste de son uniforme. Dos à la foule, il en profita pour lui confier quelques mots, à l'abri des regards indiscrets.
— Je vous donne encore plus de pouvoir grâce à cette médaille, faites-en bon usage, et protégez votre compagne.
Genma hocha la tête, conscient de ce qu'il se jouait en cet instant.
De son côté, Naori trépignait, incapable de se calmer. Elle se sentait à la fois fière et heureuse de la récompense que l'on accordait à l'homme qu'elle aimait, mais une inquiétude palpable se dégageait d'elle. Chaque médaille était un geste politique, et elle redoutait l'implication de Genma dans l'enfer de son monde.
Inconscient de ses pensées, Raido attrapa sa main, se voulant rassurant.
— Calme-toi, tu n'as qu'une seule chose à faire, monter sur l'estrade quand tu seras appelée, t'incliner, et accepter cette médaille. Compris ?
Elle hocha la tête. Comment pouvait-elle lui avouer qu'elle n'avait aucune envie d'être récompensé par les hautes sphères de Konoha ?
Lorsque son pseudonyme résonna enfin dans l'air, la foule se fit encore plus silencieuse. Personne n'ignorait son statut de nukenin dans le village. La voir être récompensée aujourd'hui allait, à coup sûr, alimenter de nombreux débats.
Raido la poussa doucement en avant, l'obligeant à avancer, après lui avoir adressé un sourire encourageant. Elle passa prêt de Shikaku qui se comporta de la même manière. Elle pensa aux conseils qu'il lui avait donnés la veille. Puis son regard s'ancra à celui de Genma. Il la suppliait presque du regard d'accepter cette médaille qui la répugnait tant.
— Ceci est notre première rencontre, commença solennellement le vieil homme, agitant son éventail. Votre statut controversé à longtemps fait jaser dans ce village, pourtant, vos actions nous ont prouvé votre loyauté. Aujourd'hui, je souhaite vous récompenser. Pour avoir protégé le secteur dont vous aviez la charge, pour avoir sauvé la vie d'un grand nombre de ninjas, pour les avoir protégés, pour avoir éliminé l'un des serpents géants, et pour vos actions en tant que médic-nin, qui ont permis de grandement limiter nos pertes, je vous remets cette médaille. Par la présente, je vous signifie ma protection et mon soutien, ainsi que mon admiration. Les acceptez-vous ?
__________________________
Est-ce qu'un jour j'arrêterai de couper mes chapitres au pire moment ? Je ne pense pas. Mais au moins je suis sûre que vous avez envie de lire la suite avec ça (enfin j'espère)
Je sais que l'attente a été longue depuis le dernier chapitre, et je m'en excuse. Malheureusement, des évènements dans ma vie perso m'ont coupé pendant un moment toute motivation pour l'écriture de ce chapitre.
Alors je remercie grandement SweetySamaa, car c'est grâce à elle et Emweirdoy (maintenant que tu es identifiée ici, tu n'as plus le choix, tu dois tout liiiiiiiiire) que j'ai retrouvé l'envie d'écrire.
J'attends avec impatience vos avis sur ce chapitre qui a pris une tournure totalement inattendue dans mon esprit o/
(Et au passage, vive les sprints ! )
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top