Chapitre 11 : Dissensions
La table, sur laquelle il vint abattre son poing se brisa, dans un fracas sonore.
- Une mise à pied pour avoir sauvé la vie de mes hommes ?! Et puis quoi encore ?! explosa-t-il.
N et Raido fixaient leur chef d'escouade avec une certaine appréhension. Genma était dans une colère noire depuis qu'ils lui avaient appris les faits qui leur étaient reprochés. Il avait su contenir sa fureur tout au long de leur séjour à l'hôpital, mais maintenant qu'ils se retrouvaient devant le conseil du village, il ne s'arrêtait plus. On pouvait d'ailleurs dire qu'il s'était relativement bien remis de ses blessures vu l'aura menaçante qu'il dégageait.
Raido connaissait Genma depuis une vingtaine d'années, et aussi loin qu'il s'en souvenait, jamais il ne l'avait vu perdre son calme de cette façon. Malgré toutes les épreuves qu'il avait traversées au cours de sa vie de ninja, il gardait toujours son habituel air impassible. C'était pour ça qu'il était connu dans le village : son incroyable nonchalance n'avait pas d'égale. Les rares fois où il perdait patience, il se contentait de mâchouiller son senbon plus rapidement que d'habitude en tapant du pied.
- Je te prierai de ne plus briser le mobilier Genma. Cela n'aidera en rien votre escouade, ajouta Homura.
Sa menace était à peine voilée, Genma ne s'y trompa pas. Il détestait ce vieillard depuis des années et celui-ci le lui rendait bien. Il était quasiment sûr que cette idée de mise à pied venait de Danzô, de lui, et de la vieille chouette qu'était Koharu. Ces trois-là lui avaient toujours reproché sa fidélité sans borne envers le Yondaime, et si, à l'époque, Minato se faisait un plaisir de le soutenir, ce n'était pas le cas de Sandaime aujourd'hui. Sa formation de ninja et son statut de jonin le forçaient à respecter le Hokage, mais il avait toujours gardé une certaine réserve envers le vieux singe. L'indécision qui le caractérisait et son manque de volonté pour combattre les instances qui gangrénaient le village faisaient de lui un mauvais dirigeant aux yeux du jonin.
Sarutobi cautionnait-il vraiment cette mascarade ? Rien n'était moins sûr.
- Si je peux me permettre, la colère de Genma est plus que légitime. Condamner de cette manière une escouade de jonins aguerris sans leur laisser la possibilité de s'expliquer est une aberration. Avec ce genre de décision hâtive, nous fragilisons la stabilité du village.
Shikaku Nara avait parlé d'une voix posée. Savoir qu'il les soutenait délivrait Genma d'un poids. Considéré comme le meilleur stratège et comme le cerveau du village, il avait une place importante au conseil. Il était un allié de choix en cette journée sombre.
Le chef d'escouade se calma un peu. Si une colère sourde grondait encore en lui, il savait qu'il devait jouer finement pour s'en sortir cette fois-ci. Son insubordination l'avait déjà plusieurs fois mené devant le conseil, mais jamais il n'avait eu à comparaître pour des actes qu'il considérait comme légitimes. À Konoha, la survie des coéquipiers était un des principes les plus importants. Depuis le drame de Sakumo Hatake, les mentalités s'étaient mises à changer lentement, mais sûrement. Seuls les membres de la Racine et quelques vieilles familles conservatrices considéraient que la réussite d'une mission primait sur la survie des ninjas. Le suicide d'un jonin légendaire faisait tache dans un village qui ventait la Volonté du feu...
Il observa d'un air blasé l'assemblée qui leur faisait face. Outre les anciens du village, le Hokage, et Shikaku, cinq autres personnes étaient présentes. Lyra était là en qualité de médic-nin : son témoignage allait être essentiel pour eux. Kakashi était là lui aussi. Pourquoi ? Genma ne le savait pas vraiment. Sa puissance lui donnait un statut particulier dans le village. Sans compter que Kakashi était toujours présent là où il y avait des problèmes, nota le ninja au senbon. Venait ensuite Hiashi Hyûga, représentant les clans du village. Difficile de savoir de quel côté il allait se placer dans cette affaire. Enfin, venait Ibiki Morino et Inoichi Yamanaka, les représentants des sections Interrogatoires et Renseignements du village. Leur présence était un avantage : leurs capacités pourraient les disculper si la situation venait à s'envenimer.
- La stabilité du village sera bien plus fragilisée si l'on décide de laisser trois traîtres agir à leur guise.
Danzô s'était exprimé avec le mépris qui le caractérisait tant.
- Nous n'avons aucune preuve de leur trahison, Danzô-sama, souligna Kakashi.
- Connaissant votre proximité avec cette escouade, je doute que votre avis soit objectif Hatake. Nous avons à faire à une étrangère, pire, une nukenin ! Et ses deux coéquipiers ne valent pas mieux, nous ont-ils déjà donné de véritables preuves de leur fidélité envers le village ? Shiranui est connu pour sa capacité à ne jamais suivre les ordres et Namiashi le suit comme un fidèle chien !
C'en était trop. La colère de Genma muta en une rage indescriptible. Celle-ci avait quelque chose de terrifiante. Il ne cria pas, et ne cassa rien. Seul le ton sur lequel il répondit laissait filtrer ses états d'âme. La haine qu'il éprouvait en cet instant et qui ressortait derrière chacune de ses phrases assassines aurait inquiété une armée entière.
- Dois-je vous rappeler ce que vos guerres m'ont coûté ? Dois-je vous rappeler les sacrifices que j'ai dû faire pour mener à bien tant de mission ? Dois-je vous rappeler les souffrances que Raido endure encore aujourd'hui ? Dois-je vous rappeler le nombre de missions périlleuses que N a effectué depuis qu'elle est dans ce village. Comment pouvez-vous oser prononcer de telles phrases ? Il me semble que vous êtes absent des champs de batailles depuis bien trop longtemps pour pouvoir juger qui que ce soit. Alors ne vous avisez plus de remettre en cause ma loyauté et celle de mes coéquipiers quand votre principale occupation est de comploter dans l'ombre.
Un silence de mort s'abattit sur l'assemblée. Que pouvait répondre Danzô à une telle tirade ? Personne ici ne pouvait remettre en cause les souffrances que Genma avait affrontées dans sa vie de ninja. Pourtant le vieux renard se redressa. Il ne pouvait laisser qui que ce soit lui parler de cette façon, et certainement pas un jonin de pacotille. Il fit claquer sa canne sur le sol, menaçant.
- Du calme Messieurs.
Le Hokage s'adressait autant à Genma qu'à Danzô. Il reprit :
- Nous ne sommes pas là pour remettre en cause vos sacrifices passés. Nous savons tous ici ce qu'est le quotidien d'un ninja en service, plus particulièrement lors des guerres. Les pertes que nous encaissons et la douleur que nous éprouvons ne doivent pas être oubliées. Cependant, vos actes doivent être justifiés, ajouta-t-il en fixant Genma. Vous avez interrompu une réunion secrète du conseil, mais surtout vous avez utilisé le sceau de l'Hiraishin présent sur moi. Cet acte, s'il n'a pas été basé sur de solides raisons, sera assimilé à de la haute trahison.
- Hokage-sama. Au vu de l'état dans lequel ils sont tous les trois revenus, il me semble raisonnable de penser que cette action a été faite car c'était l'unique possibilité qui s'offrait à eux.
Lyra s'était exprimée en s'avançant légèrement au centre de la pièce. Elle parlait avec la même assurance que tous les médics-nin qu'il avait pu côtoyer. Elle continua :
- Les blessures de N étaient trop profondes pour qu'elle puisse s'en remettre seule et ce malgré ses capacités. Raido présentait lui aussi une blessure au crâne. En outre, ils étaient tous les trois en rupture de chakra lorsqu'ils ont débarqué pendant la réunion du conseil. Si l'on ajoute à ça les risques que présente un Hiraishin incomplet et les dégâts importants que Raido et Genma ont subis en le pratiquant, je doute qu'ils aient débarqué pour attenter à votre vie ou pour espionner le conseil.
- D'où viennent ces blessures alors ? Nos équipes ont reçu un rapport presque une semaine avant leur retour. Il était indiqué que la mission avait été accomplie sans problème et sans que l'un des trois n'ait été blessé, souligna Ibiki.
- Presque une semaine entière sans donner la moindre nouvelle, à errer dans le pays sans tenir leurs supérieurs au courant. Encore une belle preuve de traîtrise.
Comme toujours, Koharu se rangeait du côté des autres anciens. Avec de tels conseillers au pouvoir, il paraissait normal que le village de la feuille s'enlise dans sa propre politique. Genma ne pouvait s'empêcher de trouver ironique d'être accusé de traîtrise par trois experts en la matière. S'ils se tenaient dans l'ombre depuis que Sarutobi avait repris le poste de Hokage, le Jonin n'avait pas oublié leur comportement lorsque Minato était encore vivant.
- Nous sommes tombés dans une embuscade, N en est ressortie grièvement blessée. Nous avons choisi de faire escale chez des fermiers qui nous ont accueillis. Malheureusement, l'un d'eux nous a trahis. Nous avons fui le plus rapidement possible, mais ça n'a pas suffi. Au vu de notre état d'épuisement, combattre n'était pas une option possible. La seule solution était d'utiliser l'Hiraishin, intervint Raido, plus calme que son chef d'escouade.
Sa tirade eut le mérite de faire taire pendant quelques secondes les membres du conseil, mais Danzô reprit rapidement la parole :
- Sommes-nous censés croire qu'une simple embuscade tendue par des bandits pourrait venir à bout d'une escouade de Jonins ? Cessez donc de débiter de telles âneries Namiashi.
- Ils n'ont jamais prétendu que c'était des bandits qui les avaient attaqués, remarqua Kakashi.
- Qui d'autre alors ? demanda Homura.
- Des ninjas de Kumo, au vu de leur bandeau frontal.
- Et pourquoi des ninjas de Kumo prendraient-ils le risque de passer la frontière en période de paix ?
- Pour me tuer, répondit N avec un air sombre. Comme vous le dites si bien, je suis une nukenin. Ils ne cesseront jamais de me traquer.
- Des ninjas de Kumo s'octroyant le droit de traquer une nukenin qui ne se trouve plus sur leur territoire sans en informer les seigneurs du pays ? C'est ridicule ! Jamais le Raikage n'aurait autorisé une telle manœuvre !
- La question n'est pas de savoir si le Raikage l'a autorisé, mais plutôt de savoir comment autant de ninja ont pu passer la frontière sans que personne ne les arrête avant nous ! protesta le chef d'escouade.
Genma sentait la fatigue et la lassitude prendre le dessus sur sa colère. Il n'avait qu'une envie, rentrer chez lui et s'affaler dans son canapé devant un bon livre. Avec N à ses côtés, si possible.
N sentait son coéquipier faiblir et lui lança un regard inquiet. S'il n'y avait pas eu cette menace de mise à pied, et cette convocation devant le conseil, elle l'aurait sûrement forcé à rester alité encore quelques jours. Leur vie de ninja ne leur laissait décidément aucun répit... Elle n'arrivait même plus à se souvenir de quand datait la dernière fois qu'ils avaient passés plus de trois jours sans partir en mission. D'une certaine façon, une mise à pied pourrait avoir des côtés positifs... songea la jeune femme.
- Cela me paraît hautement improbable, riposta Koharu. Personne ne pourrait passer nos frontières aussi facilement.
- C'est qu'ils ont été aidés de l'intérieur dans ce cas-là. Et puis merde ! On sait très bien que vous pouvez vérifier nos dires en demandant à Inoichi de fouiller nos esprits ! Alors pourquoi chercherions-nous à vous mentir ?! Que vous ne m'aimiez pas est une chose que j'ai comprise depuis un moment, mais je refuse d'être accusé pour des actes que je n'ai pas commis !
Kakashi eut du mal à retenir le sourire qui s'affichait sur ses lèvres malgré son masque. Le manque de patience de son ancienne coéquipière le faisait toujours autant rire, tout comme son manque de respect envers ses supérieurs. Il avait toujours trouvé que ça avait quelque chose de rafraîchissant dans un système gangréné par un respect feint. Son franc-parler finirait par lui porter préjudice cependant...
Genma adressa un regard blasé à sa subordonnée. Comme toujours, l'air s'était chargé en électricité à mesure qu'elle perdait patience. Si cette discussion s'éternisait, il était quasiment sûr que ça finirait par dégénérer...
- N a raison, intervint Shikaku. Nous avons plusieurs moyens de connaître la vérité et de les disculper s'ils sont vraiment innocents, ce dont je ne doute pas. Continuer cette mascarade n'a aucun sens, Hokage-sama.
- Nous allons commencer par envoyer une équipe là où les affrontements ont eu lieu. Nous attendrons leur rapport pour prendre une décision finale. Vous avez l'interdiction de quitter le village et d'effectuer des missions tant que l'on n'en saura pas plus sur la situation. En compensation, votre solde habituel sera maintenu.
Cette réunion est terminée. Vous pouvez tous disposer, à l'exception de Genma.
-o-
N soupira, frustrée. Rien ne se passait comme prévu depuis la fin de leur mission... Même si leurs vacances forcées l'arrangeaient, elle sentait le goût amer de la colère envahir son esprit. Malgré tous ses efforts pour s'intégrer, les anciens du village faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour l'éliminer. Elle ne comprenait pas la raison d'une telle haine envers elle. Sans compter que le pire scénario possible se déroulait sous ses yeux sans qu'elle ne puisse rien faire : Genma et Raido étaient en passe de devenir des parias par sa faute. Elle pouvait tolérer ce genre de rejet envers elle, elle y avait été habituée toute sa vie après tout, mais voir ses coéquipiers en pâtir la mettait hors d'elle.
Une petite voix dans sa tête lui rappela à quel point sa vie était bien plus simple quand elle ne se souciait que d'elle-même. Elle n'avait pas à redouter les conséquences de ses actions sur les autres, ni à se soucier de leur bien-être. Surtout, elle n'avait pas à s'inquiéter de leurs pensées. Mais maintenant, le moindre de ses actes devait être réfléchi, et elle détestait ça.
- Tu vas avoir des rides à force de ruminer comme ça Gamine.
N sursauta. Genma ne tenait à côté de sa subordonnée, un sourire taquin sur ses lèvres. Malgré elle, et sans qu'elle ne puisse y changer quoi que ce soit, son rythme cardiaque s'accéléra. Plus le temps passait, plus son cœur s'emballait lorsqu'elle se trouvait près de lui. Leur séjour à l'hôpital et les nuits passées à attendre qu'il se réveille lui avaient rappelé à quel point leur vie ne tenait qu'à un fil. Un fil qui pouvait se rompre à tout moment.
Elle jeta un coup d'œil rapide aux alentours, vérifiant que personne ne les observait. C'était désert. Rien de plus normal, vu qu'ils se trouvaient perchés sur un des toits du village. Rassurée, elle se réfugia dans les bras de son coéquipier, posant sa tête contre son torse, en quête de réconfort. Ce dernier, surpris par ce geste, resta les bras ballants pendant quelques secondes avant de se ressaisir. Finalement, il l'enlaça avec délicatesse. Ils demeurèrent ainsi, apaisés par leur proximité. Combien de temps restèrent-ils sans parler, simplement heureux à l'abri des regards, sous la fraîcheur du crépuscule ? Ses doigts caressant distraitement sa longue chevelure, alors qu'elle restait immobile contre lui.
- Ne t'inquiète pas, tout ce bordel finira par s'arranger. Je te le promets.
Il déposa un baiser sur son crâne, humant au passage son parfum boisé. N releva la tête, les lèvres légèrement entrouvertes, les yeux brillants. Leurs souffles se mêlaient lentement alors que leurs cœurs battaient à l'unisson. Genma n'avait plus qu'une envie : celle de s'emparer de ces lèvres charnues qui le tentaient depuis tellement longtemps. Combien de fois s'était-il imaginé y goûter ? Combien de fois avait-il voulu découvrir leur saveur ? Pourtant, alors que l'occasion se présentait enfin, il détourna la tête, presque par réflexe. La réaction de N ne tarda pas, elle se détacha de lui brusquement, avant de lui tourner le dos.
- Kaori ? lui demanda-t-elle d'une voix triste.
- Quoi ? Non ! Ça n'a rien à voir avec elle !
Que venait faire son ex-compagne dans cette conversation ? Depuis qu'il n'était plus avec, il faisait tout pour la fuir...
- Pourquoi cette réaction alors ?
- Il y a des limites qu'on ne devrait pas dépasser... Je suis ton...
- Arrête, le coupa-t-elle. On a dépassé ces limites depuis longtemps maintenant, tu le sais aussi bien que moi... Enfin bref, je te laisse. Passe une bonne soirée.
Elle sauta du toit avant qu'il ne puisse réagir, atterrissant souplement dans une ruelle. Alors qu'il se rapprocha du bord pour tenter de l'apercevoir, il la vit disparaître dans une rue passante, au milieu des badauds.
Le jonin passa une main las sur son visage. Qu'avait-il fait ? Ça n'avait jamais été dans ses intentions de blesser N de cette façon... Pourquoi s'évertuait-il donc à garder une distance de sécurité alors qu'il était fou d'elle ? Jamais elle ne lui pardonnerait un tel rejet, songea-t-il amèrement.
-o-
Raido se redressa dans son fauteuil alors qu'il entendait la porte de l'appartement s'ouvrir. Ça devait être Genma et N qui arrivaient enfin. Cette dernière avait insisté pour attendre leur chef d'escouade avant de se réunir enfin dans l'appartement des deux hommes.
Face à lui, Hayate et Yûgao étaient avachis sur la banquette, le sourire aux lèvres alors que Yûgao leur racontait sa dernière mission. Ils avaient tenu à être présent à leurs côtés lorsqu'ils avaient appris les menaces de mise à pied qui planaient au-dessus de leur tête.
- Alors ? Il te voulait quoi de plus le vieux singe ?
Il posa sa question au moment où Genma entrait dans le salon, seul.
- Des infos sur les affrontements qui ont eu lieu, leurs déroulements et leurs localisations surtout. Histoire de pouvoir vérifier nos dires. Salut vous deux, ajouta-t-il en voyant le couple sur la banquette.
- N n'est pas avec toi ? demanda Raido, surpris.
Genma détourna le regard, mais son ami eut le temps d'y lire une lueur de culpabilité. S'il ne le connaissait pas si bien, il n'aurait jamais pu la remarquer. Genma ne s'y trompa pas : en l'espace d'à peine quelques secondes, il s'était recomposé son habituelle expression détachée. Raido détestait quand il cachait ses sentiments de cette manière...
- Elle était fatiguée, elle a préféré rentrer chez elle pour se reposer. D'ailleurs ne m'en voulez pas, mais je vais faire de même !
Son sourire feint aurait pu tromper n'importe qui tant il avait l'habitude de l'utiliser, tout comme ce ton serein qu'il avait employé. Même Raido aurait pu se faire avoir. Pourtant, il sentait que quelque chose clochait. Il n'eut le temps de lui demander; son coéquipier s'était déjà éclipsé dans sa chambre. Le balafré se tourna vers leur deux amis, navré.
- Désolé, mais je crois qu'on fera la fête une autre fois...
- Il y a un souci avec N, tu penses ? lui demanda Yûgao.
- Aucune idée. Avec ces deux-là, plus rien ne m'étonne... J'attends avec impatience le jour où ils seront honnêtes l'un envers l'autre et où ils arrêteront de se tourner autour de cette façon sans agir !
- Leur situation n'est pas facile en même temps, ce n'est pas comme pour Yûgao et moi. Kof ! Kof ! Elle est sa subordonnée et lui, son supérieur, c'est normal qu'ils y réfléchissent à deux fois avant de se lancer, affirma Hayate.
C'était ce que se disait Genma de son côté, assis sur le bord de sa fenêtre alors que le jour s'éteignait lentement. Il mâchouillait son senbon nerveusement, incapable de faire le vide dans sa tête.
Jamais il n'avait autant regretté un geste.
Un bruit sourd contre sa porte le fit sursauter.
- Entre.
Raido ne se fit pas prier et vint s'avachir dans le lit de son coéquipier, soucieux.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Comment ça ?
- Ne joue pas à ça avec moi Vieux. Qu'est-ce qu'il s'est passé avec N ?
- Elle était fatiguée, éluda le jonin au senbon, peu enclin à discuter.
- C'est ça ouais, et Danzô est en passe de devenir strip-teaseuse aussi.
La vision du vieux ninja se trémoussant autour d'une barre de pôle-dance arracha un sourire de dégoût à Genma. Depuis qu'ils se connaissaient, ou plutôt depuis que Raido avait découvert que Genma imaginait avec détail tout ce qu'on pouvait lui dire, le balafré s'amusait souvent à lui mettre ce genre d'horreur en tête. Pour le plaisir de voir ses grimaces de dégoût selon lui.
- J'ai merdé.
- C'est-à-dire ?
Finalement, Genma se décida à résumer la scène qui avait eu lieu sur les toits du village. En quelques phrases, il détailla simplement la façon dont il avait rejeté la jeune femme et la réaction de cette dernière. Il vit la curiosité laisser place à la consternation sur le visage de son colocataire.
- T'as vraiment un problème, c'est pas possible ! affirma Raido.
- Merci pour ton soutien...
- Désolé, mais c'est la vérité mec. Je n'imagine pas comment N doit se sentir maintenant.
- Tu penses que je l'ai blessée ?
- D'après toi ? Ça te semblerait logique qu'une femme, qui vient d'être salement rejetée par l'homme qu'elle aime depuis plusieurs mois, se sente blessée ?
- C'était le mieux à faire... Je suis son chef d'escouade.
- Rien n'interdit une relation entre une subordonnée et son supérieur. C'est simplement déconseillé. Tu le sais très bien d'ailleurs. À mon avis, tu utilises cette excuse pour ne pas avoir à t'engager, parce que t'as peur.
Raido et son tact légendaire.
- Et ça se passera comment si l'on se rend compte que ça ne fonctionne pas entre nous ? Si on finit par se détester ? Et si, pendant une mission, je dois choisir entre la sauver et te sauver ? Et si je devais la sacrifier pour la réussite d'une mission ? Regarde où j'en suis avec Kaori alors que ce n'est qu'une civile !
- Tu peux te trouver des milliers d'excuses de cette manière... Mais je trouve ça consternant de voir à quel point tu te voiles la face.
Genma posa un regard interrogateur sur son ami, curieux de savoir ce qu'il voulait dire par là. Celui-ci, jouant à présent avec un kunaï, ajouta :
- Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que vous êtes fait l'un pour l'autre. Le pire, c'est que j'ai l'impression que vous êtes les seuls à ne pas vous en être aperçu. Quasiment tous ceux qui vous connaissent et vous côtoient sont déjà persuadés que vous finirez votre vie ensemble. Et je ne peux pas vraiment les contredire : depuis que vous vous êtes rencontrés, vous êtes devenu fou l'un de l'autre. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure ! Alors arrête de te trouver des excuses moisies !
- Tu le penses vraiment ?
- C'est la femme de ta vie vieux. Tu n'en trouveras pas deux comme ça, alors ne la laisse pas partir simplement parce que tu as peur de l'engagement.
-o-
N trainait des pieds, plongée dans ses pensées. hermétique à tout ce qu'il se passait autour d'elle. Ses pas la menèrent jusqu'au terrain d'entraînement. Là où elle avait passé tant d'heure à s'entraîner avec ses deux coéquipiers. Avec Genma.
Qu'avait-elle fait ? Pourquoi n'était-elle pas simplement restée dans ses bras, sans bouger ? Pourquoi avait-elle relevé la tête ?
Et sa réaction... Elle avait tout gâché en partant comme ça. Plus rien ne serait comme avant maintenant. Elle n'était même pas sûre de pouvoir encore le regarder en face sans mourir de honte...
D'un côté, c'était peut-être pas plus mal que cela se soit passé de cette manière, songea-telle, amer. Il était son chef d'escouade après tout. S'attacher de cette manière était tout, sauf conseillé. Surtout qu'elle avait elle-même toujours considéré que s'attacher aux autres ne menait à rien, sinon à des ennuis. Elle avait passé vingt-quatre ans sans s'attacher à personne, elle pouvait très bien continuer comme ça, loin des autres, et ne gardant que ses objectifs en tête. Sa priorité était de découvrir qui elle était et d'où elle venait, elle n'avait pas le temps pour le reste.
Pourtant son cœur saignait bien plus que le crépuscule. Plus rien n'avait d'importance si ce n'était la douleur qu'elle ressentait au fond d'elle en ce moment. Comment pouvait-elle se sentir aussi triste pour la mort d'une relation qui n'avait même pas encore commencée ? Elle ne comprenait pas. Depuis quand une telle histoire pouvait-elle l'affecter autant ?
La réponse, bien trop sournoise, s'imposa à son esprit sans lui laisser la possibilité de la fuir. Tout avait changé depuis qu'elle l'avait rencontré.
Il lui fallut plusieurs heures pour réussir à se calmer. La nuit était déjà tombée depuis longtemps lorsqu'elle regagna son appartement. L'endroit, vide de toute présence, lui donnait le cafard. Il n'y avait ni décoration, ni photo. Aucun signe que cet appartement était habité, si ce n'était les kunaïs et shurikens qui trainaient sur la table. À vrai dire, elle passait le plus clair de son temps chez ses deux coéquipiers, lorsqu'ils ne partaient pas en mission tous les trois. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle s'était endormie sur leur vieille banquette, un livre à la main.
Elle ne comptait plus le nombre de fois où Genma l'avait porté jusqu'à son lit et le lui avait laissé pour la nuit.
Ce qui était sûr, c'était que ce genre de chose n'arriverait plus, songea-t-elle avec un nouveau pincement au cœur.
Les jours passèrent sans qu'elle ne s'en rende compte, elle était bien trop occupée à ruminer dans son coin. Maintenant qu'elle avait accès aux nombreux documents des archives, elle ne s'arrêtait plus dans ses recherches. Très vite, son appartement se retrouva enterré sous un nombre incalculable de rouleaux de parchemin. Elle passait des heures entières à s'user les yeux pour décrypter les écritures des ninjas qui les avaient rédigés. Elle ne voulait laisser aucune piste inexplorée.
Cette occupation avait au moins le mérite de lui occuper l'esprit. Plus elle se plongeait dans ses parchemins, moins elle passait de temps à songer à son chef d'escouade. Pourtant, lorsque venait l'heure de manger, qu'elle descendait chercher de quoi se restaurer chez Ichiraku - elle avait trouvé un nouvel appartement juste à côté de l'échoppe - et qu'elle rentrait le soir, elle se sentait plus seule que jamais.
Elle n'avait revu personne depuis ce jour-là. Pas même Raido. Il n'y avait rien d'étonnant à cela. Ces gens qu'elle considérait comme ses "amis" depuis ces derniers mois, ils la fréquentaient uniquement parce qu'elle était en équipe avec les deux hommes. Aucun d'eux n'avait jamais cherché à entrer en contact avec elle seule.
Elle en était presque à espérer une visite de Lyra ou de Kakashi. Mais le jonin était reparti en mission avec ses genins, et Lyra avait bien d'autres choses à faire que de s'occuper d'elle. Sans compter qu'elle avait toujours repoussé tous les élans d'affection que cette dernière avait pu avoir envers elle. C'était dans l'ordre des choses qu'elle ne vienne pas la soutenir.
Raido lui manquait, lui aussi. Son air taciturne et sérieux avait quelque chose de réconfortant. Ces bons conseils lui manquaient. Était-il au courant de la situation ? À n'en pas douter. Genma et lui étaient inséparables. Il lui avait sûrement tout raconté le soir même...
- N ? Tu as vraiment mauvaise mine !
Elle releva la tête pour rencontrer le regard carmin de Kurenaï. Elle avait déjà discuté quelques fois avec la jonin, après avoir appris qu'elle était une ancienne coéquipière de Raido.
- C'est à cause de la mise à pied j'imagine... C'est un scandale ce qu'il se passe ! Mais tu ne devrais pas t'inquiéter autant, je doute que vous soyez condamné.
N approuva, peu désireuse de la contredire. La mise à pied lui offrait un prétexte parfait pour cacher ce qu'elle ressentait. Voyant que la jeune femme ne passait pas son chemin, la nukenin se composa une expression un peu plus avenante et fit l'effort de lui répondre. Après tout, un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal...
Elle essayait encore de s'en persuader le soir même, alors qu'elle se rendait dans l'une des nombreuses tavernes de Konoha. Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter l'invitation de Kurenaï ? Cette dernière fêtait son anniversaire, qu'elle n'avait pas pu célébrer en mission et avait réussi à la convaincre de venir s'amuser avec les autres ninjas du village.
Elle passa la porte de la taverne en ressentant une certaine angoisse. C'était la première fois qu'on la conviait à ce genre de soirée, avec tant de personnes... Elle n'était pas sûre d'être à l'aise. Par chance, Kakashi était présent, ça avait été l'un des principaux arguments de la brune pour la convaincre de venir.
N chercha sa tignasse argentée dans la foule.
- Tu as une mine affreuse.
Pourquoi diable fallait-il que lui aussi le remarque ? Le ninja copieur se tenait à côté d'elle, avec un grand sourire stupide caché sous son masque.
- T'es bien placé pour dire ce genre de chose. Tu caches les trois quarts de ton visage constamment...
- C'est pour ne pas trop éblouir les gens autour de moi, lui avoua-t-il.
Le regard blasé qu'elle lui renvoya le fit rire. Elle faisait partie des rares personnes à l'avoir vu plusieurs fois sans son masque. D'une certaine façon, elle savait qu'il n'était pas loin de la vérité.
- Je ne vois pas tes deux coéquipiers. Ils ne viennent pas ?
- Aucune idée.
À la manière dont la kunoichi lui avait répondu, et à la façon dont elle s'était tendue en regardant autour d'elle, il comprit qu'elle lui cachait quelque chose.
- Tu t'es disputé avec Genma ? déduisit-il.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Il n'y a qu'une dispute avec lui qui pourrait t'affecter autant. Je ne t'ai jamais vu avec un air aussi déprimé.
- Je ne déprime pas.
- Bien sûr. Tu me racontes ?
- Non. Je n'ai aucune envie d'y penser.
Elle se dirigea vers une table encore libre, après avoir salué la reine de la soirée. Puis, alors que Kakashi s'installait en face d'elle, elle prit la décision la plus simple : il fallait qu'elle oublie ce qu'il s'était passé. Qu'elle fasse comme si tout allait bien. Et le meilleur moyen pour cela, c'était de boire.
Alors elle but, levant son verre plusieurs fois, prenant plaisir à ressentir la brûlure que laissait le saké dans sa gorge. Elle continua sans s'arrêter, laissant pantois Kakashi, qui ne comprenait pas comment un si petit corps pouvait aussi bien tenir l'alcool.
-o-
Il n'avait aucune envie de venir ici et de participer à cette fête, et si Raido ne l'avait pas forcé à sortir, il serait sûrement resté cloîtré dans sa chambre, loin de toute cette agitation, songea Genma. Il se figea en entrant dans la taverne, si bien que son colocataire le bouscula. Le regard du balafré suivit celui de son ami jusqu'à une table qui se trouvait un peu en retrait. Deux personnes y étaient attablées. Kakashi et N. Forcément.
- Tu préfères qu'on rentre ? demanda-t-il.
- Je...
- Raido ! Genma ! Vous êtes en retard !
Genma soupira. Il venait de perdre son unique occasion de fuir cette soirée. Gaï se dirigeait vers eux, son sourire immense encore plus grand que d'habitude. Il passa ses bras sur les épaules des deux hommes, ne leur laissant pas le loisir de fuir. Il les mena à la table principale, à quelques mètres seulement de N et Kakashi, là où les plus proches amis de Kurenaï étaient rassemblés.
Genma hésitait... Devait-il aller lui parler ? Il devait absolument dissiper ce malentendu. Il refusait de prendre le risque qu'elle se persuade qu'il ne ressentait rien pour elle. C'était tout le contraire, et c'était bien ça le problème.
- Il n'arrête pas de te fixer, annonça le ninja copieur à son ancienne coéquipière.
- Je n'en ai rien à faire. Resserre-moi du saké.
Kakashi s'exécuta. Elle vida son verre d'un trait.
- Il a l'air de s'en vouloir.
- Ça m'étonnerait.
- Tu ne veux pas aller lui parler ?
- Non. Du saké.
Cela continua toute la soirée. Kakashi s'attendait à voir N complètement saoule, mais la kunoichi tenait le coup. Seule sa rancœur s'accentuait à mesure que les minutes s'écoulaient.
Enfin, Genma sembla se décider alors que N commandait une nouvelle bouteille de saké. Il n'avait pas pu détourner son regard de la jeune femme pendant toute la soirée, et il en était arrivé à un constat : il devait absolument faire quelque chose pour que la situation s'arrange avant de devenir fou. Il se redressa, prêt à se diriger vers sa subordonnée, mais fut coupé dans son élan :
- Et toi Genma ? Tu en es où avec ta fiancée ?
Un jour, il tuerait Gaï.
- Ma fiancée ? demanda-t-il, se forçant à garder son calme.
Avec un peu de chance, N ne les entendait pas.
- Oui ! Comment elle s'appelle déjà ? Kaori non ?
Un bruit de verre brisé se fit entendre dans son dos. Il ne prit pas la peine de se retourner, il savait d'où cela venait. N les avait entendus.
Gai était un homme mort.
Le verre brisé entailla sa main sans qu'elle ne lui accorde le moindre regard. La douleur causée par les éclats de verre n'était rien en comparaison à celle qu'elle ressentait dans sa poitrine en cet instant. Sa fiancée.
-o-
Le réveil fut une épreuve. Tout se mélangeait dans son crâne. Avant même qu'elle ne réussisse à remettre les évènements de la veille dans le bon ordre dans sa tête, N sentit un voile de tristesse s'abattre sur elle. Des larmes coulaient déjà le long de ses joues lorsqu'elle comprit d'où venait son mal-être.
- Tu ne devrais pas pleurer.
Pourquoi Kakashi se trouvait-il tranquillement attablé chez elle ? se demanda la jeune femme. Puis elle regarda autour d'elle. La véritable question était plutôt : que faisait-elle à dormir dans le canapé du ninja copieur ?
- Vu les quantités astronomiques de saké que tu as avalé hier, être un peu désorientée est la moindre des choses.
- L'alcool n'a jamais eu vraiment d'effet sur moi.
- J'ai cru remarqué oui. Tu pleures encore.
- Je sais.
Elle ne parvenait pas à stopper ce flot de larmes qui jaillissaient sans véritable raison. Elle lança un regard désemparé à son ami. Celui-ci soupira. Pour une fois que N se montrait un peu plus humaine, il fallait que ce soit pour de mauvaises raisons. Il se leva, contourna la table et vint s'accroupir devant le canapé. Là, il attrapa une de ses mains, forçant N à se concentrer sur lui.
- Ils ne sont plus ensemble depuis plusieurs années, mais elle ne l'a jamais accepté. C'est une civile un peu folle, qui continue à le harceler depuis qu'il a rompu leurs fiançailles.
- Comment tu sais tout ça ?
- Tout le monde le sait, sauf Gaï vraisemblablement... Tu n'étais pas encore au village quand ça s'est passé, ajouta Kakashi.
Elle ferma les yeux quelques instants, cherchant à faire le tri dans ces nouvelles informations. Même si ce que disait Kakashi était vrai, cela ne suffisait pas pour remonter son moral au plus bas. Les liens qui l'unissaient à son chef d'escouade l'avait changé au plus profond d'elle-même. La façon dont il les avait brisés, en l'espace de quelques secondes, restait marqué en elle. La kunoichi savait pourtant qu'elle ne pouvait pas rester plus longtemps sur la voie de la tristesse. Elle devait absolument se ressaisir avant de s'enfoncer trop profondément pour pouvoir remonter la pente.
Elle s'employa donc, les jours suivants, à dissimuler au plus profond de son cœur le désespoir qui la hantait. Il fallait absolument qu'elle parvienne à rester neutre lorsqu'elle reverrait ses coéquipiers. Ces derniers n'avaient d'ailleurs pas cherché à la contacter depuis l'anniversaire de Kurenaï. Il fallait dire qu'elle ne restait quasiment jamais dans son appartement. Kakashi, constatant son état de détresse, lui avait proposé de rester chez lui, afin qu'elle ne reste pas seule chez elle à ruminer. Bien qu'il passât énormément de temps à l'extérieur pour entraîner ses genins, N ne pouvait nier que sa présence était réconfortante. Elle avait cette curieuse impression de revenir deux ans en arrière, lorsqu'ils commençaient à faire équipe et qu'ils étaient constamment sur le terrain à enchaîner les missions les plus périlleuses.
Tout lui paraissait plus simple à cette époque-là. Il lui suffisait de se battre pour survivre et de taquiner à longueur de journée son coéquipier. Elle se souvenait encore du jour où ils s'étaient rencontrés. Elle figurait toujours sur les BingoBooks de Konoha à ce moment-là. Il l'avait traqué pendant des jours entiers sans faiblir, jusqu'à ce qu'elle se décide enfin à arrêter de fuir pour le combattre sur un terrain qui lui était favorable. Elle avait eu une chance incroyable de réussir à lui tenir tête alors qu'il était bien meilleur qu'elle. La longue traque et la sur-utilisation de son sharingan l'avait laissé épuisé. Finalement, l'étonnante endurance de la jeune femme lui avait permis d'avoir le dessus et de lui porter un coup fatal. Puis, sans vraiment comprendre pourquoi, au lieu de le laisser agoniser et de repartir, elle avait décidé de le soigner. Peut-être en avait-elle eu marre de cette solitude pesante...
- Debout !
- Hm ?
Elle se redressa dans le canapé, encore endormie.
- Tous les jonins sont convoqués chez l'Hokage.
- Qu'est-ce qu'il nous veut encore ce vieux débris ?
- Aucune idée.
L'absence totale de motivation chez la jeune femme lui fit replonger dans les méandres du canapé. Elle n'était pas officiellement une jonin, même si on l'avait toujours traité comme tel. Techniquement, elle pouvait se passer de ce genre de réunion.
Kakashi posa un regard consterné sur la masse informe qu'était N avachie. Sans tergiverser plus longtemps, il exécuta plusieurs mudras. N se releva d'un coup, trempée par l'eau qui venait de lui tomber dessus. Ses cheveux restaient collés à son visage blasé. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle : le salon était presque inondé.
- Je m'en fous. C'est pas mon canapé, nota-t-elle.
Kakashi ne lui répondit pas, préférant détourner le regard. Il n'avait pas remarqué qu'elle portait un débardeur blanc lorsqu'il avait décidé de l'arroser. Elle ne comprit pas directement la réaction de son ami, trop occupée à rouspéter. Il lui fallut quelques secondes pour, qu'enfin, elle comprenne d'où venait la gêne du ninja. Elle baissa les yeux, et remarqua que sa poitrine était totalement visible sous son haut.
- Kakashi ?
- Hm ?
- Je te déteste.
Elle partit en vitesse se réfugier dans la salle de bain, insultant de tous les noms possibles le ninja copieur.
Vingt minutes plus tard, ils attendaient patiemment chez le Hokage que les autres jonins arrivent. N s'était posté dans un coin, loin des autres alors que Kakashi avait préféré s'avancer au premier rang. Les bras croisés, le regard dans le vide, elle songeait avec angoisse à l'arriver de ses coéquipiers. Qu'allait-elle leur dire ?
Raido fit d'ailleurs son entrée à ce moment-là, essoufflé, suivit de Genma, quelques minutes plus tard, qui ne semblait pas s'être pressé pour le moins du monde.
- Je t'avais bien dit qu'on n'avait pas besoin de se presser. Il manque encore plein de monde, nota le ninja au senbon.
- C'est pas une raison pour être en retard, lui répondit l'homme à la balafre.
Voilà quelque chose qui lui avait manqué : les joutes verbales entre les deux hommes la faisaient toujours rire. Le contraste entre le sérieux de Raido et la nonchalance de Genma l'avait frappé dès leur première rencontre. Ce dernier dû sentir qu'elle les observait, puisqu'il leva les yeux vers elle. Si elle ne le connaissait pas aussi bien, et si elle n'avait pas passé des heures entières à le dévisager depuis qu'elle l'avait rencontré, elle aurait été persuadée qu'il allait bien. Les mains dans les poches, un senbon dans la bouche, un sourire taquin... C'était bien son Genma.
Pourtant, elle ne put s'empêcher de noter les cernes noires dessinés sous ses yeux, l'éclat presque terne de ses pupilles dans lesquelles elle s'était si souvent perdue. Son sourire n'était pas le même non plus... N s'inquiéta malgré elle. Était-il malade ? Elle avait l'impression d'avoir un sosie d'Hayate devant elle. Elle rassembla toute son énergie pour ne rien laisser paraître de l'inquiétude qui s'était emparé d'elle. Il était essentiel qu'elle parvienne à rester neutre devant lui.
Voyant le visage fermé que lui présenta sa coéquipière, Genma ne sût comment réagir. Il brûlait d'envie de la serrer dans ses bras et de l'embrasser; mais son idiotie lui avait fait perdre cette possibilité. Aurait-il eu le courage de le faire avec la plupart des jonins de Konoha autour d'eux ? Il n'en était pas sûr. Il savait simplement que ces deux semaines loin d'elle avait été une véritable torture. Entre les regrets qu'il éprouvait, et le manque de sa présence, c'était à peine s'il avait réussi à fermer l'œil depuis... Il se demanda pourquoi sa magnifique chevelure était trempée, mais il chassa très vite cette question de son esprit. L'imaginer sortir d'une douche chaude, nue, n'était pas la chose à faire s'il voulait garder un minimum de contenance. Elle devait le détester.
Sentant la tension qui s'emparer de ses deux coéquipiers, Raido se décida à intervenir, il s'avança vers la jeune femme et la serra dans ses bras, se moquant éperdument des regards qui auraient pu converger vers eux. Celle-ci lui rendit son étreinte, heureuse de retrouver son frère d'armes.
- N ! Je suis désolé de ne pas être venu te voir... Tu m'as manqué. Tu nous as manqué, rectifia-t-il dans un murmure.
- Vous aussi...
Sa voix se brisa et avant qu'elle ne puisse ajouter autre chose, les bruits autour d'eux se turent et les regards se tournèrent vers l'avant de la salle. De son point de vue, elle aperçut le vieux Sarutobi s'installer dans un immense fauteuil, derrière un bureau sur lequel demeurait une boule de cristal reposant sur un coussin pourpre. C'était avec cet objet qu'il surveillait la plupart du temps le village. Elle vit Genma se glisser vers le premier rang, derrière Kakashi alors que Raido restait près d'elle. Enfin, le vieux singe prit la parole :
- Si je vous ai tous convoqués, c'est pour une raison précise, commença le Hokage. Vous avez sans doute déjà deviné de quoi il s'agit.
N regarda d'un air coupable autour d'elle. Était-elle la seule à ne pas avoir compris de quoi il parlait ?
- Le temps est donc déjà venu... commença Kakashi
- Les autres pays ont déjà été prévenus, n'est-ce pas ? J'ai aperçu quelques étrangers en ville. Pour quand est-ce exactement ? demanda Genma.
- Pour dans une semaine.
- Ça nous laisse peu de temps pour nous préparer, constata le ninja au senbon.
Sarutobi baissa la tête, dissimulant son visage derrière son immense couvre-chef symbole des Kages. Il détacha ses lèvres de la vieille pipe qui ne le quittait jamais, crachant un épais nuage de fumée.
- Bien, je vous l'annonce officiellement : le premier jour de la septième lune, soit dans sept jours exactement, débutera l'examen de sélection des chunnins !
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Je déteste ce chapitre. Voilà c'est dit. Pourquoi j'ai écrit ça bordel ? N et Genma qui sont en froid j'ai l'impression que c'est contre nature T.T
J'veux retourner à la guimauve coulante !!
Le bon côté des choses, c'est que j'arrive enfin à la période que je voulais le plus écrire : l'examen chunnin o/
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