Chapitre 10 : Évasion
Raido s'effondra contre un tronc d'arbre, à bout de souffle. Il ne savait même plus depuis combien de temps ils couraient comme ça. Le jour s'était levé depuis longtemps maintenant, le soleil était presque arrivé à son zénith. Ses rayons s'insinuaient sereinement à travers les rideaux de feuilles qui composaient cette forêt. Par prudence, ils avaient choisi de ne jamais avancer en terrain découvert, mais cela compliquait nettement leur progression. Ils devaient en permanence faire attention à ne pas tomber ou déraper. Cela leur permettait au moins de jouir de l'ombre et de la fraîcheur que leur offrait la végétation alentour, songeait le ninja.
Il jeta un coup d'œil à ses deux coéquipiers qu'il venait de rejoindre. Si N paraissait relativement en bonne forme, Genma était à bout de force. Dire qu'il avait porté la jeune femme sans jamais faiblir une seule seconde... Depuis quand avait-il acquis une telle endurance ? Son visage était cependant d'une pâleur extrême et le balafré pouvait voir ses muscles trembler d'épuisement. Une véritable pause était plus que nécessaire, même s'ils ne pouvaient pas se le permettre sans se mettre en danger.
— Il faut qu'on se remette en route, souffla Genma.
— On ne bougera pas d'ici tant que vous n'aurez pas un peu récupéré tous les deux, lui répondit N.
Raido lui lança un regard emprunt de gratitude. Elle était la seule à tenir tête de cette façon à leur chef d'escouade. L'affection que ce dernier lui portait l'empêchait de s'énerver contre elle. Elle fouilla dans un de leurs sacs et en sortit de quoi se restaurer. Daisuke avait eu la gentillesse de leur fournir quelques vivres avant leur départ. Le balafré attrapa l'onigiri qu'elle lui tendait et mordit dedans avec un plaisir non-dissimulé. Il mourrait de faim et ces quelques bouchées de riz étaient plus que bienvenues dans son estomac.
Face à lui, N s'était assise à côté de Genma et le forçait à boire et à manger. Loin des préoccupations de la jeune ninja, celui-ci continuait à insister pour repartir immédiatement.
— Tu n'arrives même plus à mettre un pied l'un devant l'autre ! Comment comptes-tu repartir ? En rampant ? s'emporta la jeune femme, déjà à court de patience.
L'air boudeur que le ninja adopta les fit rire. Souvent, Raido se demandait comment il pouvait être un tel ninja et chef d'escouade tout en ayant des habitudes comme celle-ci... Toujours silencieux, il continua d'observer ses deux coéquipiers. La véhémence des propos de N contrastait avec la douceur dont elle faisait preuve pour aider Genma. Parfois, une certaine jalousie l'étreignait lorsqu'il les voyait interagir de cette façon. À ses yeux, l'affection qu'ils se portaient mutuellement ne faisait aucun doute et il ne comprenait toujours pas pourquoi ils ne s'engageaient pas dans une véritable relation. Ils étaient faits l'un pour l'autre après tout... Il rêvait lui-même de trouver quelqu'un avec qui il aurait la possibilité de créer un lien aussi puissant. Il secoua la tête, résigné : quelle femme voudrait d'un homme défiguré ?
Ne remarquant rien du trouble qui agitait leur aîné, N et Genma continuaient leur lutte :
— Il faut te mettre à l'abri le plus vite possible N ! Je doute que nos poursuivants prennent la peine de ralentir sous prétexte qu'on s'arrête pour manger.
— Aucun de nous trois n'est en état de courir pour l'instant.
— Pourtant, nous n'avons pas le choix Gamine. S'ils nous rattrapent, on ne tiendra pas dix minutes.
— Tout dépend de leur niveau... Rien ne nous dit que ce sont de puissants ninjas !
— Et rien ne nous dit qu'ils ne le sont pas, compléta le Jonin. En revanche, une chose est sûre : aucun de nous trois n'est en pleine possession de ses capacités. En tant que chef d'escouade, je ne peux pas prendre le risque d'un affrontement.
N soupira. Genma avait entièrement raison. Le combat n'était pas une option viable dans leur état. Seule la fuite leur permettrait de se sortir indemnes de cette situation. Elle se crispa. Au fond d'elle, elle s'en voulait d'être la cause de tous leurs déboires. Si elle n'avait pas été là, ces deux coéquipiers auraient pu rentrer à Konoha en pleine forme et depuis bien longtemps.
— Si je...
— Ne songe même pas une seule seconde à cette solution ma belle, la coupa Genma. Tu n'as pas à te sentir responsable de la situation et il est hors de question que tu te sacrifies pour que l'on puisse fuir. Compris ?
Elle grogna. Depuis quand arrivait-il à lire dans ses pensées aussi facilement ? Une seconde question lui taraudait l'esprit : depuis quand était-elle prête à se sacrifier pour ses coéquipiers ? Elle qui avait toujours tout fait pour s'en sortir, elle qui faisait systématiquement passer sa propre survie au premier plan... Voilà qu'elle songeait à aller droit vers la mort pour eux. Son attachement à ces deux hommes l'avait décidément bien changée.
Occupée à divaguer, elle sursauta lorsque Genma attrapa sa main et entrelaça leurs doigts. Elle n'osa pas relever la tête de peur de croiser son regard. Elle savait qu'il pourrait y lire bien trop facilement tous les sentiments qu'elle éprouvait lorsqu'elle était près de lui.
— On va s'en sortir. Ensemble.
Sa voix s'était faite rassurante, ses doigts avaient resserré leur étreinte. La jeune femme avait envie de le croire. Elle ne se voyait pas abandonner maintenant après tant d'épreuves. Ils devaient tout faire pour regagner Konoha. Genma se redressa un peu, sans chercher à dissimuler la grimace de douleur qui envahit ses traits alors qu'il activait ses muscles endoloris. Après quelques secondes, une fois sûr qu'il maitrisait sa voix, il demanda :
— Tu as pu récupérer un peu de chakra depuis ton réveil ?
— J'ai à peu près reconstitué la moitié de mes réserves. Pourquoi ?
— Est-ce possible que tu nous remettes en forme Raido et moi ?
— Ce n'est pas une solution Gen'. Si je fais ça, vous irez mieux pour quelques heures seulement, et ça ne sera pas suffisant pour rejoindre Konoha, lui répondit-elle.
— Donc théoriquement c'est faisable ? Parfait !
— Tu veux l'utiliser Genma ? intervint Raido, curieux de savoir à quelle stratégie son coéquipier songeait.
— Exactement ! Ça ne sera pas sans danger, mais on devrait réussir.
Le regard de N passa de l'un à l'autre de ses coéquipiers sans comprendre. Quel plan farfelu Genma avait-il encore trouvé ? Raido hochait la tête, tout en semblant peser le pour et le contre.
— Il faut qu'on se rapproche au maximum du village alors, argumenta le balafré.
— C'est pour ça que je veux que N nous soigne maintenant. On pourra se remettre à courir.
— Vous parlez de quoi ?
— Tu verras bien Gamine ! Maintenant, on doit se remettre en route. On ne pourra pas appliquer mon plan si nos poursuivants nous tombent dessus maintenant. Alors au boulot !
Sans comprendre ce qu'il se passait, elle exécuta l'ordre de son chef d'escouade sans rechigner. Elle avait toute confiance en lui. Elle se rendit cependant compte qu'elle avait présumé de ses forces. Une fois ces deux coéquipiers soignés, elle tenait à peine debout, vidée de quasiment tout son chakra. Genma la rattrapa de justesse alors qu'elle menaçait de s'évanouir une nouvelle fois.
— On sera bientôt à Konoha et tu pourras enfin être soigné, je te le promets.
Il lui avait dit ça d'une voix bienveillante et compatissante. Il se sentait sincèrement désolé de lui faire subir un voyage si fastidieux alors qu'elle était encore convalescente. Une fois de plus, il la prit sur son dos avant d'adresser un signe de tête à Raido. Un battement de cil plus tard, ils étaient déjà loin du jonin, sautant de branche en branche pour rallier au plus vite le village. Genma nota avec plaisir qu'il ne ressentait plus aucun tiraillement dans son corps. Les soins de sa subordonnée avaient été encore plus efficaces que ce qu'il avait espéré. Toute la fatigue qu'il avait accumulée semblait avoir intégralement disparu. Il savait que cette sensation ne durerait qu'un court laps de temps, mais il comptait bien mettre à profit ce répit pour s'enfuir.
Sur son dos, N fulminait. Elle ne supportait plus cette sensation d'être parfaitement inutile à leur escouade. Être juste bonne à s'évanouir la mettait hors d'elle. Sans compter qu'elle savait pertinemment que ses réserves de chakra soi-disant limitées n'étaient qu'une façade. Si elle brisait les sceaux et utilisait pleinement sa puissance, elle pouvait se soigner et éliminer leurs adversaires en un clin d'œil. Genma et Raido n'auraient alors pas besoin de fournir autant d'effort pour la mettre hors de danger. Une petite voix dans sa tête vînt cependant lui rappeler la réalité : ses sceaux lui permettaient de se contrôler, même s'ils bridaient son chakra. Sans eux, les ninjas de Kumo auraient été la dernière de leur préoccupation. Savoir qu'elle risquait de blesser ses coéquipiers lui stoppait toute envie d'utiliser ses vraies capacités...
— Tu as l'air pensive.
N ne se rendit pas tout de suite compte que Genma lui avait parlé. Ils s'étaient remis en route depuis trois bonnes heures et aucun d'entre eux n'avait prononcé le moindre mot. Ce fut lorsqu'elle le vit faire rouler son senbon entre ses lèvres, comme il le faisait toujours lorsqu'il attendait une réponse, qu'elle comprit.
— Oui, répondit-elle, laconique.
— Tu t'en veux toujours ? Accroche-toi, la prévint-il.
— Disons que je déteste me sentir aussi faible et inutile.
Il resserra sa prise sur ses jambes d'une main, prit impulsion sur une branche d'arbre, crocheta une seconde branche de sa main libre pour atterrir plusieurs mètres plus bas, sur un chemin de terre.
— Aucun ninja n'est infaillible. Tu as beau être une des kunoichis les plus douées du village, tu ne peux pas gérer tout ce qu'il se passe seule. C'est déjà un miracle que tu t'en sois sortie contre une douzaine d'adversaires.
— Si tu n'avais pas été là, je serais probablement morte.
— À d'autre.
Sa réponse créa un blanc. Que voulait-il dire ?
— Tu n'avais pas dit ton dernier mot. Quand je suis arrivé avec Katsuo tu allais exécuter un jutsu n'est-ce pas ? C'est la première fois que je te vois utiliser des mudras d'ailleurs.
Une certaine tension s'empara de N lorsqu'il lui posa cette question. Elle savait qu'il était quelqu'un d'observateur, mais elle avait espéré voir ce détail lui échapper. Comment pouvait-elle lui cacher la vérité sur la technique qu'elle allait utiliser ce jour-là ?
— J'imagine que ça a un rapport avec les sceaux inscrits sur tes poignets, continua le jonin.
— Alors tu les as...
— Déchiffré ? Non. Tu les caches depuis que l'on se connait, alors je me suis dit que tu n'allais pas apprécier si je prenais le temps de les étudier. J'ai simplement enroulé les bandages autour, pour que personne d'autre ne les voit.
Comment faisait-il pour être aussi prévenant ? N sentit un élan de gratitude l'emplir. Elle resserra son étreinte autour de son corps. Elle n'avait jamais été douée avec les mots, et cela encore moins lorsque ça concernait ses sentiments. Personne ne lui avait appris à les exprimer.
— Merci Gen', se contenta-t-elle de lui répondre.
— Je t'en prie. Par contre, ça ne veut pas dire que je suis aveugle. Ce sceau est particulier N, je n'en ai jamais vu de comme ça et ça m'inquiète. Sans compter que je n'aime pas ne pas savoir ce qui m'attend.
— Je ne ferais jamais rien qui vous mettra en danger Raido et toi ! affirma la jeune femme.
— Je sais ma belle. C'est pour ça que je respecte ton choix de ne rien dire, mais rappelle-toi que je suis ton chef d'escouade, c'est le genre de chose que tu n'es pas censée me cacher.
Elle soupira. Elle se doutait bien que cette conversation finirait par arriver un jour où l'autre. Devait-elle prendre le risque de tout lui révéler ? Elle ne se sentait pas prête à lui avouer la vérité sur ce qu'elle était réellement. Surtout, elle redoutait sa réaction plus que tout. La perspective de le perdre lui enlevait tout courage. Les mots de Masahiro lui revinrent en tête.
Le doute est une force N. Une vraie et belle force. Veille simplement à ce qu'elle te pousse toujours en avant. Ces mots la hantaient depuis plusieurs mois. Qu'est-ce que le vieux fou avait-il voulu lui dire ? Elle cherchait le sens de cette phrase en vînt. Si seulement il ne s'était pas exprimé par énigme, peut-être aurait-elle su quoi répondre à son coéquipier...
Soudain, Genma se stoppa, sur ses gardes. Juste devant eux, les fourrées s'écartèrent, laissant apparaître Nozomi, toute essoufflée. Genma fit descendre sa coéquipière avant de s'approcher de son invocation.
— Pourquoi as-tu quitté ta position ? s'inquiéta-t-il.
— Quatre ninjas arrivent vers nous, ils sont à environ cinq kilomètres. J'ai bien peur que nous tombions dans une embuscade.
— Et merde ! jura-t-il.
Il posa sa main sur son oreillette et s'adressa à Raido :
— Raido ? Tu m'entends ?
— Oui.
Sa voix paraissait lointaine, leurs émetteurs couvraient à peine la distance qui les séparait.
— Nozomi a repéré des ninjas qui foncent dans notre direction. On ne sait pas si ce sont des amis ou des ennemis. Tu peux envoyer Osamu ?
— Compris. Je vous tiens au courant.
Genma coupa la communication et se tourna vers sa coéquipière. Cette dernière attendait patiemment, assise sur un rocher. Elle paraissait encore plus soucieuse face à ce changement de situation.
— Il te reste assez de chakra pour déclencher ton bouclier ?
— De quoi tenir une dizaine de minutes, au mieux, lui répondit-elle.
— Si ça tourne mal, tu restes en arrière et tu te protèges. D'accord ?
Elle savait qu'il ne lui laissait pas vraiment le choix. Dans son état, il lui était impossible de combattre. Si elle intervenait, elle risquerait de ne pas pouvoir se défendre et de mettre toute leur escouade en danger. Pour une fois, il fallait absolument qu'elle se tienne tranquille et qu'elle ne fonce pas tête baissée dans la mêlée. Elle détestait cette idée. En elle brûlait une envie d'en découdre et d'enfin pouvoir se défouler, trop de colère et de rancœur s'accumulaient en elle.
Genma s'installa à côté de sa subordonnée et lâcha un profond soupir. Il était épuisé et ne rêvait plus que d'une bonne nuit dans son lit. Risquer de nouveau sa vie dans un combat ne l'enchantait guère.
— On a aucune chance de s'en sortir à trois contre huit, marmonna N.
— Je sais.
— Alors pourquoi es-tu aussi calme ?! s'emporta-t-elle.
— Parce qu'on ne sait même pas si ceux qui se dirigent vers nous sont aussi nos ennemis. S'inquiéter ne te servira à rien, sauf si tu souhaites avoir l'esprit embrumé au pire moment. Et puis, je ne pense pas vraiment combattre si tu veux tout savoir, mais ça je te l'expliquerai le moment venu.
N laissa s'échapper un grognement. Pourquoi avait-il fallu que ses coéquipiers vouent un véritable culte aux devinettes et surprises ? Elle ne comptait plus le nombre de fois où ils s'amusaient à la faire tourner en rond sans lui donner de réponse claire. Sans compter que ces deux-là savaient qu'elle n'avait pas une once de patience et en profitaient pour la mettre hors d'elle. Cette fois-ci, la jeune femme devait tout de même avouer que l'attitude sereine de son chef d'escouade l'incitait à se calmer.
— Genma ? fit Raido
L'oreillette du ninja bourdonnait sous la voix lointaine du balafré.
— Je t'écoute.
— Nozomi a vu juste. Osamu a bien repéré quatre ninjas de Kumo, fonçant droit sur vous. Revenez vers moi au plus vite !
Genma se leva d'un bond et fit signe à sa coéquipière de grimper une nouvelle fois sur son dos. Une fois N bien installée, ils rebroussèrent chemin à toute vitesse, suivis par la renarde qui leur indiquait la direction à suivre. Ils ne tardèrent pas à retrouver Raido, essoufflé, lui aussi, par sa course effrénée.
— On a combien de temps devant nous ? demanda le chef d'escouade.
— Une dizaine de minutes maximum, soupira son ami. Tu penses que ton plan va fonctionner ?
— Sincèrement ? Je n'en ai aucune idée, on n'a pas pu avancer autant que je l'espérais. Nos réserves de chakra risque de ne pas être suffisante...
À cette phrase, N releva la tête, décidée. Son état ne lui permettait certes pas de combattre, mais il lui restait tout de même assez de chakra pour pouvoir maintenir son bouclier pour se protéger. Si elle le partageait avec ses coéquipiers, cela les aiderait sûrement à mettre à exécution leur fameux plan. Sans leur demander leur avis, elle s'avança entre les deux hommes et agrippa leur main.
Genma se figea, surpris par la sensation qu'il éprouvait. N l'avait soigné à de trop nombreuses occasions pour qu'il les compte encore, mais cette fois-ci, cela n'avait rien à voir avec un jutsu médical. C'était totalement différent. Il lui fallut un bon moment avant de comprendre ce qu'il se passait. Ces forces lui revenaient peu à peu, malgré l'épuisement qu'il ressentait dans ses muscles.
Raido comprit la démarche de la jeune femme au même moment que son coéquipier. N ne les soignait pas, au contraire. Elle leur fournissait tout simplement bien plus de chakra qu'ils n'auraient pu en espérer.
— Mais... bafouilla-t-il. Je croyais que tu étais à court de chakra ?
Elle ne lui répondit pas immédiatement, préférant se concentrer sur sa technique. Elle ne tarda cependant pas à sentir sa limite arriver. Lorsqu'elle rompit le contact, ses forces l'abandonnèrent totalement et elle s'effondra sur le sol, épuisée. Genma la releva avec délicatesse, sans cacher la frustration qu'il ressentait.
— Ça ne sert à rien de me regarder comme ça Gen'. Ce chakra vous sera bien plus utile à vous deux qu'à moi, vu mon état.
— Tu aurais dû le garder pour te protéger au cas où.
— Tu m'as bien dit tout à l'heure que tu ne comptais pas engager le combat non ? Je te fais confiance, tes plans tordus nous sortent toujours d'affaire. D'ailleurs, pour te répondre Raido, fit-elle se tournant vers son coéquipier, mes réserves de chakra sont bien plus grandes que les vôtres, et je récupère bien plus vite que n'importe quel ninja.
Les jonins se sentirent à la fois flattés et désespérés par ce manque de prudence. Ils devaient tout de même avouer qu'avec le chakra de la kunoichi, le plan passait de "quasiment à impossible" à "très dangereux".
— Raido, où en sont-ils ?
— Ils seront là dans deux minutes. On ne peut plus attendre.
Katsuo débarqua devant eux au même moment. Il prit le temps de s'étirer comme un chat avant d'annoncer à son invocatrice :
— Vous êtes totalement cernés par vos ennemis.
Genma hocha la tête, et, sans lancer le temps à N de répondre, il prit la parole :
— Merci pour votre aide Katsuo, Nozomi. Merci à toi aussi Osamu.
Puis il se tourna vers ses coéquipiers avant d'ajouter :
— Annulez vos invocations maintenant, ça ne sert à rien de leur faire courir des risques inutiles.
Quelques secondes plus tard, trois nuages de fumée se dissipèrent, laissant à la place des animaux un grand vide. Des bruits de pas se firent entendre autour d'eux. Katsuo avait vu juste, ils étaient totalement encerclés d'ennemis. N sentit ses muscles se tendre, l'adrénaline commença à se répandre dans son sang. Elle avait beau savoir qu'elle ne combattrait pas, son corps réagissait automatiquement à ce genre de situation. Elle aimait se plonger dans la tension vibrante des affrontements, le fracas des armes étaient une douce mélodie pour ses tympans.
Mais ce n'était pas aujourd'hui qu'elle entendrait cette fascinante symphonie. Elle vit Genma et Raido l'entourer de leur bras, joignant leurs mains dans un mudra. Elle les fixa, curieuse de savoir les raisons de ce comportement étrange.
— Ferme les yeux et retiens ton souffle Gamine, ça risque d'être mouvementé. Raido, tu es prêt ?
— Toujours, répondit le balafré d'un air concentré.
L'endroit où ils se trouvaient s'effondra d'un coup, créant un gouffre immense. Alors que la terre tremblait encore, un ninja de Kumo s'approcha prudemment du bord. Ses yeux pâles fouillèrent l'endroit avec empressement. Il n'était pas sûr de les avoir eu avec son jutsu. Constatant la profondeur du gouffre, il se sentit soulagé. Il était impossible de survivre à ce genre d'attaque, tous ses anciens adversaires n'étaient d'ailleurs plus là pour en témoigner. D'un geste qu'il semblait avoir répété des milliers de fois, il plaqua ses cheveux bruns en arrière, ne laissant aucune mèche s'échapper. Un ninja d'exception se devait d'être toujours présentable, il prit le temps d'essuyer les résidus de poussière qui s'étaient déposés sur ses vêtements. C'était le principal inconvénient des jutsus Doton : il était toujours difficile d'en ressortir sans s'être sali.
Il fit signe aux deux escouades qu'il dirigeait de s'approcher. Cinq hommes et deux femmes sortirent avec précipitation de l'ombre rassurante de la forêt. Le brun laissa s'échapper un bruyant soupir avant de se ressaisir. Les esclaves n'étaient vraiment plus aussi utiles qu'avant. Ceux-là faisaient preuve, malgré leur terrible formation, d'une lourdeur terrible pendant leurs déplacements. D'ailleurs, il détestait avoir à se soucier d'eux comme de véritables frères d'armes. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il ne se serait jamais embarrassé de ces ratés pour cette mission.
Par précaution, il les envoya fouiller les alentours. Ces trois-là avaient déjà éliminés une quinzaine de ses hommes, il devait faire preuve de prudence et ne pas crier victoire trop vite. Il y avait peu de chance qu'ils aient réchappé de son attaque surprise, mais par acquit de conscience, il préférait vérifier.
Vingt minutes plus tard, ces hommes lui confirmèrent que la forêt était vide de toute présence. Il ne subsistait pas même une trace de leur chakra. La nouvelle le fit sourire. Tuer le n°317 lui ôtait une sacrée épine du pied. Cette femme n'était qu'une erreur, jamais ils n'auraient dû la laisser en vie aussi longtemps. Il avait été ravi lorsqu'il avait appris par ses contacts qu'elle se cachait dans ce village de lâche qu'était Konoha. Depuis le temps qu'ils cherchaient cette déserteuse...
Il se redressa. Il était important pour un ninja de se tenir toujours droit. Rien ne l'énervait autant que ces hommes toujours bossus, les mains dans les poches. Il était temps pour eux de repartir dans leur pays, et de disparaître de la vue des gens lambdas. Personne ne devait soupçonner leur existence. Au moment où il allait ordonner à ses esclaves de se mettre en route, une idée lumineuse lui traversa l'esprit. Un sourire torve apparu sur son visage au trait enfantin. Cela les ralentirait légèrement, mais il était persuadé que ces actes plairaient à son Maître.
— Nous retournons à la ferme, annonça-t-il d'une voix forte.
-o-
N sentit ces genoux cogner durement le sol. Elle chercha à se relever, mais elle était encore trop désorientée pour réussir à tenir debout. Des cris se faisaient entendre autour d'elle, sans qu'elle puisse distinguer le moindre sens à ces exclamations. Ses oreilles bourdonnaient. Son souffle s'emballait à mesure qu'elle paniquait. Que s'était-il passé ? Où étaient Genma et Raido ? Où était-elle ? Elle ne comprenait pas, ses derniers souvenirs remontaient à leur fuite dans la forêt. Quelle technique avait été utilisée par ses deux coéquipiers ?
Soudain, elle sentit la pointe d'un kunaï entre ses omoplates. La lame écorchait sa peau, laissant une douleur foudroyante. Elle fut tentée d'activer son bouclier avant de se souvenir d'avoir donné le reste de son chakra à ses deux amis. Sans réfléchir plus longtemps, elle se prépara à riposter. Quitte à être tuée, elle préférait se défendre jusqu'à son dernier souffle.
— Ça suffit !
Cette voix lui semblait familière. Son esprit commença enfin à remettre les choses à leur place. Sa vision s'éclaircit soudainement. Ses yeux se posèrent immédiatement sur les corps inertes qui jonchaient le sol. Elle les aurait reconnus entre mille... Genma et Raido ne bougeait pas, ils ne semblaient même plus respirer. Du sang s'écoulait lentement de leurs lèvres, créant une flaque vermeille sur le parquet. Elle se précipita à leur côté, trébuchant plusieurs fois, incapable de marcher correctement. Son attention restait focalisée sur leur corps. Rien d'autre ne comptait à ses yeux. Un silence de mort régnait autour d'elle, mais peu lui importait. La seule chose qui l'intéressait en cet instant était de les sauver.
Sa panique s'accentua lorsqu'elle réalisa qu'elle ne parvenait même plus à concentrer son chakra. Des larmes envahirent ses joues. Elle ne voulait pas les perdre. Elle n'osait imaginer l'avenir sans eux. D'un geste machinal, ses mains commencèrent à retirer les bandages qui entouraient ses poignets. Peu lui importait les conséquences, jamais elle ne les laisserait partir sans avoir tout tenté pour les sauver.
Une main stoppa son geste avec douceur. Elle releva les yeux vers celui qui venait de signer son arrêt de mort en s'autorisant à la déranger pendant cet instant fatidique. Un visage masqué ? Un regard blasé ? Une tignasse argentée ? Mais que diable Kakashi faisait-il là ? Elle ne comprenait plus rien. Le ninja copieur dû sentir la détresse qui s'emparait d'elle puisqu'il lui affirma :
— Calme-toi. Des médic-nins sont déjà en route, ils vont vous prendre en charge tous les trois, compris ?
Elle hocha la tête, incapable de former une véritable phrase. Comment avaient-ils pu atterrir à Konoha sans qu'elle se souvienne de rien ? Pourquoi ces deux coéquipiers étaient-ils au bord de la mort ? Elle se sentait perdre pied une nouvelle fois. Par chance, Kakashi eut le temps de la retenir alors qu'elle perdait de nouveau conscience.
-o-
Lorsque N se réveilla, son esprit était bien plus clair. Ses yeux s'accommodèrent rapidement à la lumière environnante si bien qu'elle détailla sans plus tarder l'endroit où elle se trouvait. L'hôpital de Konoha semblait bien calme en cette matinée ensoleillé. Elle ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé pour qu'elle atterrisse une nouvelle fois ici. C'était-elle évanouie encore une fois ? Ces pertes de conscience aussi rapprochées commençaient à la fatiguer. Jamais elle ne s'était sentie aussi faible que ces derniers jours, et elle détestait ça plus que tout.
Enfin, ses yeux se posèrent sur les deux lits en face du sien. Son cœur rata un battement en apercevant Genma et Raido. Ils étaient tous les deux inconscients, leur corps parsemé d'électrodes. Des dispositifs respiratoires les reliaient à d'imposantes machines bourdonnantes. Elle tenta de les rejoindre, se relevant rapidement. Une sonnerie stridente se déclencha lors de son mouvement. Elle n'avait pas réalisé qu'elle était elle-même reliée à plusieurs machines.
La porte de la chambre s'ouvrit à la volée, avant qu'elle ne puisse réparer sa bêtise. Sans prendre la peine de se retourner, elle se prépara mentalement au sermon qu'elle allait recevoir. Après tout, elle ne mettait jamais un pied dans cet hôpital sans que Lyra ne lui tombe dessus...
— Tu te rallonges immédiatement !
Sa voix avait claqué, n'acceptant aucune protestation. Dans un soupir, la kunoichi s'exécuta. Elle savait parfaitement que défier Lyra dans ces moments-là ne lui apporterait rien de bon. La médic-nin pouvait se montrer terrifiante.
— Raido et Genma...
La jeune femme n'arriva pas à finir sa phrase, sa gorge était trop sèche. Son regard doré croisa celui de la rousse. Elle crut y lire une lueur d'étonnement.
— Leur état est stable, ils ont simplement besoin de repos. Le jutsu qu'ils ont utilisé était trop gourmand en chakra.
Elle posa une main emprunte de sollicitude sur l'épaule de sa cadette et lui fit boire un peu d'eau. Depuis quelque temps, Lyra constatait des changements immenses chez la kunoichi. L'enfant sauvage qu'elle avait recueillie des années auparavant semblait avoir totalement disparue. Avant de s'installer à Konoha, N n'aurait jamais pris le temps de s'inquiéter pour qui que ce soit. Lyra s'était d'ailleurs souvent rendu compte que sa protégée l'aurait abandonnée sans aucun regret si elle s'était révélé être un poids dans sa quête de la vérité. La voir se soucier autant de ses deux coéquipiers remplissait le cœur de la médic-nin d'une fierté sans borne.
— C'était quoi cette technique ?!
Avant même que la rousse ne puisse répondre, la porte s'ouvrit une seconde fois, laissant apparaître un chunnins qu'elles connaissaient bien. Iwashi s'avança vers les deux femmes avec un air désolé imprimé sur le visage.
— C'était l'Hiraishin N. La technique du Yondaime.
N le fixa avec curiosité. Pourquoi décelait-elle une note de culpabilité dans son annonce ?
— Il me semble que Yondaime ne finissait pas dans cet état-là lorsqu'il l'utilisait. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?
— Genma et Raido l'ont apprise lorsqu'ils étaient les gardes du corps du quatrième. Malheureusement, il est mort avant qu'ils aient pu finaliser leur apprentissage du jutsu. Pour l'exécuter sans risque, ils avaient besoin d'être trois. Le troisième était mon grand-frère, lui aussi mort pendant l'attaque de Kyûbi. J'ai pris sa place dans l'escouade peu de temps après son décès et ils m'ont appris à compléter le jutsu. Si j'avais été là pendant cette mission, vous n'auriez pas risqué la mort pour revenir.
Voilà donc d'où venait cette culpabilité... Le ninja avait choisi de se retirer des combats peu après leur rencontre. Leur première mission, où il avait été séquestré et torturé, avait laissé des marques indélébiles dans son esprit. En tant que jeune père de famille, il avait finalement fait la demande à l'Hokage de ne s'occuper que de tâche administrative dans le village.
— Tu n'es pas responsable de ce qui nous est arrivé Iwashi, tu n'as pas à regretter ton choix. Cependant, il y a quelque chose que je ne comprends pas : j'ai vu Genma utilisé l'Hiraishin seul, il m'a même sauvé la vie grâce à ça.
— Tu sais aussi bien que moi que Genma est un cas à part. Il a toujours été meilleur que nous pour beaucoup de chose, l'Hiraishin en fait parti. Contrairement à Raido et moi qui ne pouvons-nous en servir que si nous sommes tous les trois réunis, Genma réussi l'exploit de l'exécuter seul sur de courte distance. En contrepartie, le coût pour son organisme est élevé. Il ne l'utilise donc qu'en cas d'extrême urgence. C'était un pari très risqué de tenter cette technique à deux seulement. Vous étiez loin de Konoha ?
— Il nous restait encore trois ou quatre bonnes heures de marche je crois...
— Alors c'est un miracle qu'ils aient tous les deux survécu ! Ce n'est pas tout, mais je vais devoir vous laisser, fit-il en s'étirant, le Hokage réclame ma présence.
Il les salua avant de s'éclipser discrètement. Lyra sentait que la jeune femme songeait à tout ce qu'elle avait appris. Souhaitant la rassurer, elle lui affirma :
— Ils sont solides, et ça fait déjà trois jours que vous êtes de retour. J'ai bon espoir qu'ils se réveillent bientôt, alors ne t'inquiète pas trop et repose-toi encore. Tu étais dans un état pitoyable quand Kakashi t'a amené jusqu'ici.
— Trois jours ? s'exclama la Kunoichi.
Elle qui pensait n'avoir été inconsciente que peu de temps...
— J'imagine que je vais devoir faire un rapport au Hokage à la place de Genma ?
— J'ai obtenu du vieux singe qu'il vous laisse en paix jusqu'à que vous vous remettiez en forme tous les trois, détends-toi, vous aurez des comptes à rendre bien assez vite.
— Comment ça ?
— Vous avez fait irruption tous les trois en pleine réunion secrète du conseil. Danzô considère ça comme un acte de trahison manifeste...
— Il n'en loupe pas une celui-là ! J'aimerais bien savoir de quoi il se mêle ce vieux débris.
— Je ne sais pas, et on ne peut rien y faire pour l'instant. Ni toi, ni moi, n'avons la force de persuasion nécessaires pour soustraire les membres du conseil de son emprise. Le seul qui a la capacité de régler cette affaire est Genma, et tant qu'il n'aura pas totalement récupéré, je ne laisserais personne s'approcher de cet endroit.
Le sourire désolée que lui adressa N valait tous les remerciements à ces yeux. Elle prit le temps de vérifier les constantes des deux hommes avant d'administrer une pléthore de traitement à la jeune femme, et ce, malgré ses protestations. Bientôt, N dormait à poings fermés et Lyra s'éclipsa à son tour, soulagée d'avoir réussi à lui cacher ses inquiétudes.
Alors qu'elle retournait dans son bureau, elle remarqua le visage masqué de Kakashi l'attendant devant la porte. Elle le fit entrer sans prononcer un mot, soucieuse de soustraire à tous les regards fouineurs potentiels.
— Ils sont réveillés ? demanda de but en blanc le ninja.
— Uniquement N. Je lui ai ré-administré des sédatifs pour qu'elle reste en place.
— Elle t'a expliqué ce qu'il s'est passé ?
— Je ne lui ai pas demandé. Elle a besoin de repos, affirma la médic-nin. Vu ce qui les attend tous les trois, plus ils se reposent, mieux ce sera. Tu as réussi à avoir des infos de ton côté ?
— Très peu. Le conseil des anciens est dans une colère noire, sans compter que Sandaime refuse de les emprisonner sans leur laisser une chance de s'expliquer... Je ne comprends pas ce qui leur a pris de faire ça. L'Hiraishin est censé n'être utilisé qu'en cas d'extrême nécessité !
— Je doute que Genma ait choisi de prendre un tel risque sans avoir examiné toutes les autres options auparavant. Ils ont dû tomber dans un piège, vu l'état dans lequel était N.
— Je l'espère sincèrement pour eux... Pour l'instant, la seule chose qu'il nous reste à faire, c'est de croiser les doigts dans l'espoir que la situation s'arrange rapidement, soupira le ninja copieur.
-o-
La première vision qu'eut Raido en se réveillant fut celle d'une ravissante poitrine penchée au-dessus de lui. Cela lui fit oublier les douleurs qu'il ressentait dans tout son corps. Enfin presque. Il n'aurait jamais pensé qu'utiliser l'Hiraishin lui causerait autant de maux. Vu les tuyaux qui s'enfonçaient dans sa gorge et ceux qui l'aident à respirer, les dégâts que le jutsu avait causés à son organisme devaient être considérables. Combien de temps était-il resté inconscient ?
Ses pensées suivantes allèrent vers ses coéquipiers. Genma était-il dans le même état que lui ? Il en était quasiment sûr, malheureusement. Il avait parfaitement senti que son meilleur ami avait pris une grande partie du coût énergétique du jutsu pour lui. Si cela avait été possible, il se serait fait un immense plaisir de l'engueuler en cet instant. Le jutsu les auraient tués sans l'aide de N...
Il se demandait comment la téléportation s'était déroulé pour la jeune femme. Cela avait dû être mouvementé, vu que le processus n'avait pas pu s'achever correctement. Il espérait sincèrement que cela n'avait pas aggravé son état. Surtout qu'ils n'avaient même pas pris la peine de lui expliquer leur plan. Elle allait leur passer le savon du siècle, songea le balafré.
La poitrine qui se mouvait devant ses yeux laissa place à un visage pâle qu'il avait appris à craindre. Lyra était donc son médecin... Son état était-il si grave que ça ? Elle ne s'occupait que des ninjas proches de la mort normalement.
Ses yeux gris rencontrèrent les siens, qu'elle devait sûrement trouver ternes à en mourir. De toute façon, il s'était habitué à ce que personne ne le fixe dans les yeux. En voyant son visage, bien des gens détournaient le regard, gênés par la cicatrice qui lui dévorait la peau. Aussi fût-il surpris lorsqu'il se rendit compte que loin d'être dégoûté à sa vue, Lyra lui adressait un sourire aussi doux qu'une caresse. Ce simple fait emplissait son cœur de joie, même s'il ne comprenait pas vraiment pourquoi.
Sans se départir de sa douceur, la médic-nin retira l'appareillage qui l'avait maintenue en vie ces derniers jours. Lorsqu'elle lui retira le dernier tuyau qui était encore enfoncé dans sa gorge, il ne put s'empêcher de prendre une longue respiration qui lui brula la gorge. Voyant qu'il partait dans une quinte de toux, elle l'aida à se redresser dans l'espoir qu'il puisse reprendre son souffle.
— Doucement, tu dois laisser à ton corps le temps de reprendre ses marques.
— Raido ?!
N s'était redressée dans le lit en face du sien, et se tenait prête à bondir pour le rejoindre, soulagée de le voir enfin se réveiller.
— Si tu sors encore une fois de ce lit N, je te fais attacher, compris ?
S'il en avait eu la force Raido se serait esclaffé devant la mine déconfite de la kunoichi. Il avait toujours trouvé hilarante la relation qui liait ces deux femmes. Il devait d'ailleurs avouer que Lyra avait toute son admiration rien que pour le fait qu'elle réussisse à prendre le dessus sur sa coéquipière. Le caractère de la jeune femme n'était pas le plus facile à vivre et toute personne osant lui tenir tête en prenait pour son grade. Oser la menacer de cette manière sans rien risquer en retour constituait un véritable exploit à ses yeux.
— Genma ? demanda-t-il, inquiet.
N lui fit signe de regarder à sa droite.
— Toujours inconscient. Son organisme a été mis à rude et épreuve et les dégâts restent considérables, mais sa vie n'est pas en danger. Il a seulement besoin de repos, ajouta la rousse dans l'espoir de les réconforter un petit peu.
Elle ne pouvait qu'admirer la puissance du lien qui les liait tous les trois. Une bonne entente était fréquente dans les escouades de ninjas, mais surtout nécessaire, et c'était pour cette raison que tout était fait pour que leur composition ne varie que rarement. Cependant, cette escouade n'avait rien à voir avec toutes les autres. Ils étaient tous les trois prêts à se sacrifier pour le bien être de leur coéquipier. Un tel dévouement représentait bien plus la Volonté du Feu que n'importe quel autre comportement aux yeux de Lyra.
N l'observa administrer les soins nécessaires à son coéquipier. Elle n'avait qu'une envie, sortir enfin de ce lit. Depuis qu'elle s'était réveillée, la veille, son amie l'avait constamment menacé pour qu'elle ne sorte pas d'entre ses draps et rien ne la rendait plus folle que de rester inactive. Elle vivait le réveil de Raido comme une délivrance. Pourtant son cœur continuait à se tordre d'inquiétude dans sa poitrine. Son regard déviait sans cesse vers le lit où se trouvait son chef d'escouade. Si seulement lui aussi pouvait se réveiller...
-o-
Un éclat de voix résonna dans le couloir. Des bruits de pas, une porte claquée brutalement. Puis un profond soupir. Des murmures inquiets, des draps froissés. Un bip sonore qui se répétait inlassablement. Tous ces sons l'agressaient. Une douleur inouïe irradiait de sa cage thoracique. L'air ne semblait plus pénétrer correctement dans ses poumons. Était-ce pour cela qu'il sentait de longs tuyaux passer dans sa gorge ? La sensation de brûlure qui en résultait lui donnait envie de vomir, mais il ne parvenait même plus à bouger ou même à émettre le moindre bruit. Son corps était paralysé par la douleur.
Ce constat l'angoissait de plus en plus. Toutes ces présences autour de lui, et il restait incapable de faire un signe pour demander de l'aide. Cette souffrance insupportable l'usait lentement. Au plus profond de lui-même, il se doutait qu'il ne tiendrait plus très longtemps dans cet état. Chaque respiration était une véritable épreuve, qui devenait toujours plus difficile à mesure que le temps passait. L'air lui manquait, et, en réponse, les battements de son cœur devenaient de plus en plus irréguliers.
— Merde !
— Lyra ? demanda N, sur le qui-vive.
Elle sauta en dehors de son lit avec souplesse. Le ton paniqué de Lyra l'inquiétait. La médic-nin ne perdait jamais son sang-froid. Elle se rendit très vite compte que les machines qui maintenant Genma en vie s'emballaient. Elle jeta un coup d'œil rapide à Raido qui s'était lui aussi redressé dans son lit. Il semblait plus pâle qu'un cadavre, et ses yeux bruns reflétaient une peur terrible de perdre son meilleur ami. Son frère d'armes. Sans qu'il prononçât le moindre mot, la kunoichi comprit qu'il la suppliait d'intervenir.
Elle ne se fit pas prier plus longtemps. Malgré les protestations de Lyra, elle se savait incapable de rester là, sans rien faire, alors que Genma souffrait le martyre, et que sa vie ne tenait plus qu'à un fil. Cela faisait plus d'une semaine qu'ils étaient tous les trois alités à l'hôpital de Konoha. Elle savait pertinemment que son propre corps s'était remis totalement de leurs dernières mésaventures. Seule demeurait l'angoisse des jours passés à attendre que Genma se réveille. Angoisse qui ne disparaitrait pas avant qu'elle ne puisse revoir le sourire charmeur de son chef d'escouade.
Genma voulu hurler lorsque quelqu'un arracha les tuyaux qui passaient dans sa gorge et le maintenait en vie. Il s'étouffait, incapable d'inspirer un peu d'air. Alors qu'il sentait ses dernières forces l'abandonner lentement, une douce chaleur s'empara de sa poitrine. Cette sensation, il pouvait la reconnaître entre mille : seul le chakra de N lui procurait un tel réconfort.
N... Il voulait, plus que tout, la revoir. Revoir son sourire, ses yeux brillants. Il voulait réentendre sa voix posée et son rire discret. Il voulait de nouveau connaître le plaisir de la serrer dans ses bras. Mais surtout, il voulait découvrir la douceur de sa peau et le goût de ses lèvres. Il en rêvait depuis tellement longtemps maintenant. Si seulement il pouvait avancer à ses côtés pour le restant de sa vie... Il le souhaitait de toute son âme.
C'était pour cela qu'il lutta de toutes ses forces contre la noirceur qui l'entourait et s'emparait de lui. Il lutta encore et encore, même lorsque tout lui sembla perdu. Il refusa d'abandonner après tant de sacrifice, et finalement, au prix d'un effort qui lui parût surhumain, il parvint à reprendre son souffle et ouvrir les yeux.
Lyra n'avait jamais observé un tel phénomène au cours de toute sa carrière de médic-nin. L'homme en face d'elle revenait littéralement d'entre les morts. Son cœur s'était arrêté de battre pendant plusieurs minutes, et sans l'intervention de N, il ne se serait sûrement jamais remis en marche. La rousse ne se laissa cependant pas le loisir d'être étonnée, il fallait qu'elle se ressaisisse au plus vite si elle ne voulait pas ruiner leurs efforts.
Elle contourna N qui reprenait son souffle et s'approcha du jonin. Son savoir-faire prit vite le dessus, et elle exécuta sans hésiter des gestes qu'elle avait déjà effectués tant de fois. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, elle avait déjà remplacé tous les équipements qui entourait le ninja, avant de le remettre rapidement sous oxygène pour l'aider à respirer plus sereinement.
Voyant que l'état du ninja se stabilisait sans qu'aucune autre mauvaise surprise ne surgisse, elle s'autorisa un soupir de soulagement. Elle savait que le chakra de N faisait des miracles dans ce genre de cas désespéré. Ainsi, après une semaine interminable d'attente et d'inquiétude, elle était maintenant sûre que ces trois-là étaient définitivement sortis d'affaire.
— Tu nous as fait une sacrée frayeur, vieux.
Raido s'était glissé silencieusement dans le dos de la médic-nin, faisant s'accélérer sans raison valable son rythme cardiaque, et s'était adressé à son meilleur ami avec une voix teintée de reproche. Lyra comprenait sa colère. En les soignant tous les deux, elle s'était vite rendu compte que si leurs blessures étaient de même nature, celles de Genma étaient bien plus profondes. Il avait, à n'en pas douter, pris pour lui la majeure partie du coût énergétique du jutsu. Elle avait préféré ne rien mentionner devant N. Elle connaissait que trop bien le caractère de la jeune femme et savait très bien que celle-ci en aurait voulu pendant longtemps à son chef d'escouade. Il fallait absolument que leur équipe reste la plus unie possible pour traverser les épreuves qui les attendaient... Elle s'éclipsa discrètement quelques minutes plus tard, ils avaient besoin de se retrouver entre eux.
Genma se réveilla une seconde fois alors que la chambre était plongée dans la pénombre. Tout était silencieux autour de lui, si l'on exceptait le bourdonnement discret des machines et le léger ronflement de Raido. Il se rendit compte que quelque chose appuyait sur le bord de son matelas. Veillant à ne pas trop solliciter ses muscles, il se releva lentement pour voir d'où venait ce poids. Son regard s'adoucissait alors qu'il constatait que N s'était endormie sur une chaise à côté de lui, la tête entre ses bras posés sur son matelas. Sa longue chevelure blanche dissimulait son visage qu'il aimait tant. Il aurait voulu la réveiller pour lui dire de mieux s'installer, mais son tuyau d'oxygène l'empêchait toujours de parler.
Par chance, N le sentit s'agiter près d'elle. Elle ouvrit les yeux avec difficulté, un peu perdue. Avec un geste poli par l'habitude, elle tenta de dompter sa crinière avec sa main, mais c'était peine perdue. Lorsqu'elle vit Genma l'observer, un sourire doux se dessina sur son visage. Elle avait eu si peur pour lui...
— Je suis désolée, j'ai dû te gêner pendant ton sommeil... Je vais retourner dans mon lit, s'excusa la kunoichi dans un murmure.
Le jonin secoua pour lui signifier qu'elle n'avait pas à s'en vouloir. Alors qu'elle se levait pour retourner dans son lit, il céda à son instinct et attrapa sa main, l'attirant vers lui. Elle le fixa, sans comprendre ce qu'il voulait. Elle aurait donné n'importe quoi pour pouvoir entendre le son de sa voix en cet instant. Alors qu'il se décalait avec difficulté, elle comprit enfin ce qu'il voulait. Elle s'installa près de lui, prenant garde à ne pas tirer sur les fils qui le reliaient aux machines. Il l'entoura très vite de ses bras, souhaitant la garder au plus près de lui.
En cette nuit de printemps, ils s'autorisèrent un instant de douceur, laissant de côté leurs résolutions. Les derniers évènements avaient laissé un goût amer dans leur cœur. Ils prenaient lentement conscience que tout pouvait partir en éclat en une seule seconde. Alors pendant que la lune était leur seul témoin, ils goutèrent silencieusement au réconfort d'une étreinte.
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J'ai failli oublier de mettre la fic à jour ^^"
Alors que ce chapitre là est un de mes favoris en plus. Peut-être à cause de la place plus importante de Raido dedans ? (-dybalia ce chapitre est pour toi ! ). Même si la fic n'est pas centrée sur lui, c'est un perso que j'adore : il est ultra discret mais plein de bonnes qualités et y a plein de choses de à exploiter sur lui *-*
Sinon, j'suis censée commencer un nouveau taff demain, donc j'aurais beauuuuuucoup moins de temps pour écrire et dessiner normalement ><. Il me reste plus que 2 chapitres d'avance donc je sais pas trop ce que ça va donner pour la suite, profitez bien tant qu'il en est encore temps :D
(SweetySamaa Profite aussi des derniers instants de guimauve (a) )
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