Jardin secret
Elle déambulait sur le petit chemin herbu, longeant la clôture d'un pâturage. La nuit avait invité les grillons à grésiller contre ses tympans. Et malgré leur omniprésence agaçante, elle ne les entendait pas. Téléphone dans une main, clefs et sandales dans l'autre, son seul soucis était de relever sa ceinture de tissu de temps à autre.
La soirée avait été mouvementée. Alcools, tabacs, sons et basses assourdissantes... Une soirée comme une autre pour des bacheliers. Ses amis lui avaient interdit de prendre le volant. Ils lui avaient proposé, et surtout conseillé, de rester dormir. Mais elle était plus que têtue et ils s'en étaient bien aperçus lorsqu'elle s'éclipsa et partit sur les petits chemins à pieds. Quelle chance qu'ils soient dans la petite campagne. Loin des villes. Et même son village n'était pas très éloigné de celui qu'elle venait de quitter.
Ça y est. Le sol vient de changer. Il vient d'abandonner la terre et l'herbe pour du goudron. Elle s'arrêta quelques secondes pour se frotter la plante des pieds. Dégager la verdure humide pour bien accueillir les minuscules gravillons de la route.
La jeune fille connaissait parfaitement sa position. Elle venait enfin d'entrer dans sa commune, son territoire. Désormais, elle n'allait plus prêter attention au sol. Elle avait depuis longtemps cartographié les petites rues et avenues de cette ridicule communauté. Au milieu de la route, déviant parfois sur la gauche, d'autre fois sur la droite, elle marchait sereinement.
Toute son attention était maintenant portée sur son environnement. Elle voulait redécouvrir sa commune sous l'œil nocturne.
Des bruissements sourds et des bris de branches vers le bas. Des chats pour le plus mignon, des renards pour le plus dangereux. Pourquoi pas un serpent pour le plus effrayant. Ça ne l'intéressait pas, elle.
Les ombres tentaculaires et indistinctes des feuillages et branches. C'était là son attrait premier. Une imagination débordante qu'elle pouvait contenir. Elle y voyait nombres de créatures sylvestres. Des esprits au elfes danseurs, en passant par des volatiles mangeur d'hommes. Elle y puisait toutes ses connaissances en fantasy.
Aïe. Un gravillon plus pointu que d'autres venait de se loger dans son talon. Elle le dégagea et se frotta furtivement la zone endolorie avant de repartir. Encore quelques centaines de mètres. Que redécouvrir ?
Son école primaire. Même si elle ne voyait que l'ombre difforme des bâtiments dans la nuit noire. Elle se revit, elle, dix ans plus tôt. Elle se vit courir dans sa direction et enlacer sa mère venue la chercher à la sortie d'école. Ses amies faisant de même de leur côté et se saluant chacune d'entre elles avant de partir. Un dernier regard furtif et espiègle vers le garçon dont elle s'était éprise. L'amour d'enfant. Celui qui ne dure pas mais qu'on n'oubliera pour rien au monde. Dans sa rétrospective, son regard se perdit sur la voûte céleste. Une nuit d'été, sans nuages, fin Août. La dernière fois qu'elle sortirait aussi insouciante avant les prochaines vacances. Entrée dans le supérieur. Rentrée chez elle. Bienvenue Morphée.
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