-Luce !

La pluie avait étouffé plusieurs fois mes appels et Lucie ne s'était jamais arrêtée, mais cette fois, alors qu'elle s'apprêtait à traverser une route qui nous séparerait pour longtemps, ma voix parvint à ses oreilles. Elle se retourna vers moi, les gouttes de pluie s'échappant lentement de ses cheveux auburn et se faisant irrémédiablement remplacer par d'autres. La lueur blafarde du lampadaire de ville éclairant son visage trempé par l'intempérie, sa peau claire commençant à apparaître sous sa blouse nouée blanche, ses fines jambes tremblotantes sous sa jupe courte. Elle me regardait dans l'incompréhension, elle se demandait pourquoi je venais de l'appeler, elle m'avait déjà prévenu en s'excusant mille fois pour son départ précipité à l'étranger. Ses yeux verts m'observaient, inquiets, cette crainte accentuée par la légère ouverture que laissaient ses lèvres rosies par la fraîcheur du soir.

-Avant que tu ne partes...

C'est dur, très dur malgré l'urgence, mon cœur bat à m'en exploser les côtes, une chaleur vient s'emparer de mon crâne, mes lèvres tremblent plus que ses jambes de le font. J'ai une boule dans la gorge ou plutôt une masse que je ne peux ni avaler, ni régurgiter car elle n'existe pas.

-... Je dois te dire que... je t'aime ! Plus qu'un simple ami, je t'aime vraiment.

J'ai prononcé ces mots en fermant les yeux, lorsque je les rouvre, elle se tient face à moi, me sourie, et s'apprête à ouvrir la bouche.

-Je t'aime aussi, Mathieu.

Tout s'accélère, la joie m'emplit, un klaxon retentit, une femme hurle, des phares éclairent Lucie, elle disparaît, une voiture plie le panneau en deux, elle est sous le véhicule, immobile, sans vie.

-LUCE !