Chapitre 45
Deux jours s'étaient écoulés. Le départ des soldats devait avoir lieu sur les coups de dix heures, en l'absence du roi. Une absence officieuse, bien entendu, car si le contrôle du château avait été confié à celle qui s'avérait la plus apte, il n'était pas question d'annoncer que le souverain projetait de quitter le palais. Pas après ce qu'il s'était produit.
Pas alors que les souvenirs du complot étaient si frais dans la mémoire de la Cour.
Lyssandre avait passé ces deux journées à organiser ce bref voyage. Si tout se déroulait selon ses espérances, il serait de retour moins de deux jours après son départ. Le château n'aurait même pas l'occasion de remarquer son absence. Au pire, les courtisans iraient imaginer une liaison avec la baronne de Meauvoir. Une relation tumultueuse déguisée en amitié et le roi aurait eu le cœur brisé d'apprendre les fiançailles de son aimée. Lyssandre se moquait bien de ces fabulations, tant qu'elles n'approchaient pas de trop près la vérité.
Il avait donc mis de l'ordre dans les affaires du palais. Le lendemain d'un complot échoué, il y avait du pain sur la planche et Lyssandre en avait conscience. La nuit qui précéda son départ fut courte, puisqu'il se permit de fermer l'œil que deux malheureuses heures avant l'aube. Ce travail acharné lui permit de ne pas déléguer aux ministres sa charge d'impératifs. Il tâchait par ailleurs de ne pas éveiller les soupçons. Il valait mieux que ces hommes ne soient pas tenus informés de son plan. Ils avaient été les alliés d'Elénaure pour la plupart et si l'information fuitait, si Tybalt avait l'occasion d'esquiver la visite du roi, le trône serait alors à nouveau vulnérable.
Le rythme infernal qu'il s'imposa lui permit également de ne pas s'apitoyer sur son sort. Plus il occupait ses pensées, moins celles-ci étaient susceptibles de lui imposer des réflexions douteuses.
Douloureuses.
Alors que deux valets patientaient dans la cour déserte, deux cheveux tenus en bride à leurs côtés, Lyssandre songeait à la conversation énergique qu'il avait eue avec sa tante la veille.
— Tu ne peux pas continuer à te réserver tout le travail. Le Royaume est vaste, chaque territoire comprend ses propres problématiques, ses caractéristiques, ses difficultés. Tu as besoin de ces hommes, ministres et conseillers inclus. Si tu t'obstines à ne leur déléguer que les affaires sans prétention, ils trouveront un autre prétexte pour te doubler.
Calypso avait raison et, sans mettre les mots adéquats sur ses craintes, elle songeait déjà à quel homme Lyssandre deviendrait s'il n'acceptait pas de miser sur ses subalternes. Il deviendrait pire que son père, un paranoïaque avide d'un contrôle absurde. Un tyran de la pire espèce.
— Ces hommes ne sont pas dignes de confiance, vous l'avez dit vous-même, et la liste de ceux qui ont adhéré à la volonté d'Elénaure n'est pas encore établie.
— Je m'y attèle, jeune homme, mais ces choses-là demandent du temps. Ta méfiance est naturelle, je dois dire même qu'elle me rassure parce qu'elle détrompe les rumeurs qui te disent d'une naïveté proche de la bêtise, mais...
— Je vous remercie, grinça Lyssandre.
Calypso grimaça. Elle n'avait jamais été réputée pour sa patience et si son neveu continuait à jouer les entêtés, elle risquait fort de lui présenter une vérité bien plus abrupte. Le jeune âge de Lyssandre lui faisait défaut et, pour la première fois, il donnait l'impression d'avoir véritablement vingt ans. Il avait été blessé dans son maigre orgueil, il avait appris à ses dépends à quel point l'humeur de la Cour pouvait être versatile et à quel point la loyauté n'était pas chose acquise pour tous, même lorsqu'on était de sang royal. Il lui fallait pourtant entendre raison.
— Ton père t'a entouré d'hommes d'expérience, à son insu, certes, mais ce sont des hommes capables, que tu le veuilles ou non.
— Ils ne me seront jamais fidèles. Je ne suis pas un guerrier, ni même un chef de guerre. Pire, j'entends bien pacifier Loajess. Ce mépris qu'ils me vouent n'est que le début.
— Si tu souhaites les écarter tous, un à un, fais-le, mais sache qu'il te faudra en trouver d'autres. Des piliers solides pour élever Loajess et lui donner un nouveau souffle.
Calypso lui avait donné son assentiment. Tant qu'ils n'empruntaient pas des routes trop extrêmes, tant qu'il ne reproduisait pas les erreurs de son père, elle serait pour lui le plus sûr des soutiens.
Lyssandre pouvait s'en aller le cœur léger. Lorsqu'il remercia d'un hochement de tête le valet, il se sentait à peine moins nerveux. L'aube se levait à peine et, pour des mesures de discrétion, le roi quittait le château avant même le lever des servants. Le palais était silencieux lorsqu'il enfourcha son étalon dans la fraîcheur de l'aurore. Nausicaa l'imita, le visage froissé par une nuit sans sommeil. Sans échanger la moindre parole, ils se mirent en route.
Dans leur sillage, une petite dizaine de soldats galopaient. Cassien les avait choisis lui-même, après avoir marqué une certaine réticence à l'idée de laisser le roi se jeter dans la gueule du loup en son absence. Lyssandre n'avait pas discuté lorsqu'il avait désigné les meilleurs éléments de la garde royale pour l'accompagner à Phortel.
La baronne de Meauvoir connaissait le chemin. Après tout, sa famille possédait un palais non loin de celui des Lanceny et elle avait passé bon nombre de semaines en la compagnie du duc avant le couronnement de Lyssandre. Elle reconnaissait les paysages, lavés des bois interminables qui caractérisaient le Sud. Les champs étaient marqués de quelques reliefs battus par les vents. Les vents qui se faisaient de plus en plus violents. L'humidité rendait la fraîcheur plus pénible en hiver, mais adoucissait les longs étés. Nausicaa inspira l'air gorgée d'humus humide et d'une vague odeur saline. Elle était de retour chez elle.
La fille de l'Est aurait seulement aimé que ces retrouvailles avec sa terre natale ait lieu en d'autres circonstances.
Phortel se dessina dans le creux d'une colline, en fin d'après-midi. Quelques marécages qu'il avait fallu contourner avaient ralenti l'expédition secrète et retardé leur arrivée. La ville se situait non loin du port, réputé pour le commerce, ses marchés aux poissons, et pour son ensoleillement digne du climat de Déalym. Phortel était posée sur l'eau. En effet traversée par les affluents d'une importante rivière, cette particularité conférait à cette ville tout son charme.
Lyssandre se rappelait y avoir mis les pieds à plusieurs reprises durant son enfance. Il n'y était plus retourné depuis le départ de Cassien, date approximative à laquelle il s'était renfermé et qu'il avait coupé, un à un, les liens qui l'unissaient au monde. Fouler les pavés de cette ville lumineuse lui fit un effet étrange, comme s'il renouait avec l'enfant curieux d'autrefois. Il avait masqué son visage d'un capuchon pour éviter d'attirer inutilement l'intention. Cette prudence excessive n'était pas naturelle, mais il s'efforçait à l'appliquer. Elle lui permettait un anonymat confortable, même dans le cadre d'une tranquille promenade dans une ville aussi charmante que Phortel.
Les habitations étaient implantées de part et d'autre de l'eau. Comme si, par la force des éléments, la ville avait été morcelée, fragmentée, lors de sa création. Cela lui conférait un atout singulier et ses ponts représentaient une attraction pour ceux qui traversaient le pays en quête de paysages nouveaux. Les balcons fleuris, les germes qui poussaient depuis le retour des beaux jours, les devantures colorées et attrayantes, tout dans ce cadre décriait l'essence d'une ville où il était bon de vivre.
— Mettons pieds à terre, suggéra Nausicaa, qui tâchait de ne pas se laisser submerger par la bonne humeur ambiance.
Un enfant heurta le poitrail de Providence, déjà contaminé par la nervosité de sa cavalière. L'hongre manqua de bousculer en retour plusieurs passants en accusant un écart. Nausicaa resta en selle et caressa l'encolure de sa monture pour le rassurer. Le môme, débraillé et craignant d'être disputé, se répandit en excuses avant de disparaître entre les maisons imposantes.
— J'avais oublié à quel point...
— Le charme de Phortel, souffla Nausicaa.
— Difficile d'imaginer qu'ils sont sous l'autorité du duc, poursuivit Lyssandre.
Il ne réalisa que trop tard son indélicatesse. Nausicaa avait froncé les sourcils, mais n'émit aucune remarque. Elle dirigeait l'expédition secrète à travers les rues avec un sérieux et un mutisme qui ne lui ressemblaient pas. En réalité, loin de tenir rancune à son ami, elle craignait le pire. Elle tâcherait de raisonner son promis, mais elle ne pouvait pas garantir sa coopération. Tybalt avait beau montrer son plus honnête visage en sa compagnie, il restait un être imprévisible, secret et tourmenté. C'était cette noirceur qui effrayait le plus Nausicaa, se caractère indéchiffrable et cette tendance à céder à la mélancolie.
Comment réagira-t-il lorsqu'il apprendra la mort de sa mère ? Elle qui dictait ses actes depuis qu'il était en âge de lui apporter un quelconque bénéfice et qui avait soumis jusqu'à ses pensées à son joug. C'était comme découper les fils qui retenaient un pantin, que restait-il de ce jouet une fois la liberté recouvrée ? La puissance du duc de Lanceny était immense, mais au-delà du bouleversement politique qu'il pourrait engendrer s'il le souhaitait, Nausicaa tremblait à l'idée du mal dont il était capable.
Le mal qu'il pouvait infliger, ou s'infliger.
— La demeure du duc ? hasarda Lyssandre, lorsque la courtisane s'immobilisa devant une noble bâtisse.
— Oui. Un cadeau de sa mère à l'occasion de ses dix-huit ans. Il s'y réfugie souvent lorsqu'il a besoin de solitude ou lorsque certaines pensées l'obsèdent.
Les paroles de Nausicaa se confondirent avec le brouhaha environnant. Elle préservait l'intimité de son promis, mais surtout les maigres aveux qu'il lui avait confiés lors de ses séjours à ses côtés. Une douleur aiguë lui pinça le cœur.
— Devons-nous...
— Toquer ? Il n'y aucune autre issue sinon celle-ci, répondit Nausicaa. Même si nous toquons, il n'aura aucun moyen de fuir.
Elle se répugnait d'évoquer Tybalt de la sorte. Il détesterait ces termes employés, qui faisaient de lui un animal traqué, un animal dont le sort avait déjà été décidé.
Lyssandre porta le dos de sa main enganté contre le battant de la porte. Peinte en noire, elle était du meilleur goût, et les coups résonnèrent longuement. L'absence de réponse, l'absence de son filtré par la porte, n'en fut que plus criant. Si Tybalt avait bel et bien trouvé refuge ici, il ne se manifestait pas.
Après avoir échangé avec Nausicaa un regard entendu, il posa la main sur la poignée de la porte. Celle-ci n'opposa aucune résistance et céda, à sa grande surprise. La baronne sourcilla. Ce n'était pas dans les habitudes du duc d'oublier de verrouiller son entrée et de laisser la porte ouverte au premier venu. Désormais qu'une menace très nette planait au-dessus de sa tête, il aurait dû se montrer plus prudent encore. Une telle facilité ne s'expliquait pas, sauf si le duc avait une excellente raison de souhaiter qu'un visiteur indésirable pénètre dans sa demeure.
L'estomac vide, comprimé par cette réflexion intrusive, Nausicaa faillit proposer à Lyssandre d'opérer autrement. Ils pouvaient attendre tous deux dehors, qu'un soldat ait repéré le lieu et soit bien sûr qu'aucun piège ne les y attendait.
Car cela ressemblait bel et bien à cela, à un piège.
— On ne devrait pas rester ensemble, dit Lyssandre, dans un murmure. Tu connais mieux que moi cet endroit, qu'est-ce que tu suggères ?
Les volets avaient été rabattus et une lumière ténue filtrait à travers les quelques interstices. L'entrée se prolongeait sur un couloir et un gigantesque escalier à l'angle. Le style était sobre, dans des tons que Lyssandre devinait sombre. Du pourpre, peut-être, ou un rouge sombre couplé à du noir. Quelque chose d'inquiétant se dégageait d'entre ces murs vides. Il n'y avait, à première vue, pas âme qui vive ici. Soit Tybalt s'était douté qu'il ne serait pas en sécurité ici, dans une demeure connue de bien peu de personnes, soit il souhaitait en donner l'illusion.
— Prends cet escalier, lui ordonna Nausicaa, d'une voix tendue. Je me charge du rez-de-chaussée.
Lyssandre, visiblement impatient de quitter cette demeure lugubre, se saisit d'une chandelle qu'un des gardes alluma. La lumière ne suffisait pas à produire un éclairage satisfaisant et digne de balayer toutes les ombres, mais la flamme vacillante eut le mérite de calmer un peu les appréhensions du roi. Il commençait à regretter cet éclat de courage et de témérité. Ni l'un ni l'autre ne lui ressemblait.
— Si tu souhaites rebrousser chemin, Nausicaa, tu le peux encore ?
— Je te renvoie le compliment, rétorqua la jeune femme.
Lyssandre lui adressa un pâle sourire. Elle était plus brave que lui, cela ne faisait aucun doute. Un garde ouvrit la marche et gravit les marches des escaliers, le roi sur ses talons. Nausicaa ouvrit la porte qui menait à la grande salle à manger. Tybalt y invitait occasionnellement quelques amis, quelques vagues connaissances, eux-mêmes nobles héritiers. L'argent, la puissance et le pouvoir pouvaient nouer des alliances prometteuses, mais certainement pas de bonnes amitiés. La plupart du temps, le duc jouissait d'une grande solitude. Solitude qu'il maudissait et qu'il chérissait à la fois.
Nausicaa traversa la pièce, faillit trébucher sur une marche, puis examina l'antichambre pour y trouver un indice.
Où es-tu donc passé, Tybalt ?
Elle n'osait pas penser qu'il ait pu l'abandonner. Sans doute l'aurait-il fait sans une once d'hésitation s'il n'avait pas possédé un argument de taille pour l'en empêcher. Elle ne pouvait croire qu'il fuirait sans un regard en arrière, sans un mot, et s'il n'avait pas trouvé l'asile entre ses murs, Nausicaa espérait égoïstement qu'il lui ait laissé un mot, une attention. Un signe qui balayerait le doute, à défaut de faire de lui un innocent. C'était cela le plus terrible, le fait que la rancœur subsistait, mais que le cœur l'emportait sur la raison. Il avait trahi Loajess, avait indirectement causé la mort de centaines de soldats et méritait en cela la peine capitale. Au milieu des enjeux politiques, de sa conscience qui la tiraillait, Nausicaa n'était qu'une femme.
Une femme amoureuse.
Elle pénétra avec prudence dans le bureau de son fiancé. Elle s'y aventura d'un pas feutré, inaudible sur le parquet lustré. La peur lui nouait le ventre et elle se rappelait avoir vu Tybalt à ce bureau, submergé lui aussi par la gestion de son duché. Elle s'approcha de celui-ci, orphelin de son propriétaire, mais toujours recouvert par plusieurs liasses de documents. Seul fils d'Elénaure, le jeune homme avait très vite dû s'investir dans l'administration de son domaine. Des obligations bien moins réjouissantes que le faste du palais.
Nausicaa devait se rendre à l'évidence, le traître de Loajess n'était pas ici. Elle allait poursuivre lorsqu'elle remarqua une fleur déposée là, au milieu de la paperasse. Son cœur s'emballa.
— Ouvrez les volets !
La lumière crue du jour annihila le doute.
Une fleur l'attendait, encore fraîche comme si elle venait d'être cueillie.
Une tulipe blanche, celle du pardon.
Celle qui, abandonnée ici, ressemblait fort à un aveu.
Hésitante, troublée par l'attention, Nausicaa porta la tulipe pour en humer les effluves si délicats, qu'ils paraissaient indécelables. Une beauté cachée, pas fade, pas racoleuse, à l'image de Tybalt.
Ces fleurs ne poussaient pas ici et ce fut ce constat qui permit à Nausicaa de comprendre l'étendue de son erreur. Elle serra si fort la tulipe entre ses doigts qu'elle en froissa les pétales.
Dans un murmure effaré, elle dit :
— Lyssandre !
***
Plus empressé que Nausicaa, le roi ne s'attardait pas dans les pièces qu'il traversait. Des chambres vides à n'en plus finir, des petits salons douillets qui trahissaient l'humeur mélancolique de leur propriétaire. Bien loin de la cruauté que Tybalt affichait et de son caractère venimeux.
Lyssandre avait le sentiment de violer l'intimité du duc et il en éprouvait un certain malaise. Une énième chambre déboucha sur la dernière pièce de l'étage. Au fond de celle-ci, le roi devinait l'escalier. Il pressa encore le pas avant qu'un grincement sur le plancher ne l'arrache à sa fuite. Son cœur heurta sa cage thoracique et son sang battit furieusement contre son cou. Il lui sembla que sa blessure à la gorge irradiait d'une douleur vive.
Sans un mot, Lyssandre fit signe à un des gardes d'entrouvrir les volets. L'atmosphère sombre, laconique, des lieux le rendait particulièrement nerveux. Aurait-il rêvé ce son ou était-ce seulement le bois qui avait craqué ? Sa flamme vacillante ne lui permettait pas d'entrevoir une réponse et, à la réflexion, il n'était pas certain de le souhaiter.
La lumière du jour révéla l'anatomie de la pièce. De nombreux livres couvraient les murs, rangés avec soin jusqu'au plafond. Lyssandre aurait sans doute trouvé l'endroit à son goût si une silhouette féminine ne se dessinait pas à quelques pas. Cachée par l'ombre des étagères, le roi ne devina pas son visage, mais seulement la menace qu'elle représentait.
— Ne savez-vous pas qu'il est fort impoli de s'inviter chez les gens sans leur permission, votre Majesté ?
Les gardes s'apprêtaient à tirer cette femme curieuse de l'endroit où elle s'était tenue cachée, quand celle-ci s'adressa encore à Lyssandre :
— Je vous conseille de dresser vos animaux de compagnie. Je peux m'en charger, mais je crains que vous n'appréciez pas l'état dans lequel vous retrouviez vos hommes.
Lyssandre leva une main pour éviter de provoquer un incident. À première vue, l'inconnue était seule, mais le roi connaissait trop peu la bâtisse pour pouvoir affirmer qu'aucun homme de main ne s'y était infiltré. La femme s'exprimait avec un aplomb remarquable et une diction parfaite. Ce n'était pas une gouvernante zélée, encore moins une servante dévouée. Sans deviner ses traits, Lyssandre sut qu'il s'agissait d'une dame de haut rang. Une femme puissante qui lui faisait froid dans le dos.
En effet, après avoir soigneusement détaillé sa robe sombre et son maintien impeccable, le roi lui trouva une ressemblance frappante avec une noble de sa connaissance.
Une noble qui avait trouvé la mort une petite semaine plus tôt.
L'inconnue dégageait une essence similaire à celle d'Elénaure de Lanceny.
Soudain, un deuxième volet claqua contre les murs pour laisser échapper un faisceau de lumière. Cette fois, plus de coin dans lequel se terrer, la plaisanterie s'achevait là. La femme que Lyssandre découvrit avait déjà un certain âge, des yeux d'un bleu limpide et des cheveux auburn tissés de fils blancs.
Ce n'était pas Elénaure.
— Lyssandre, écarte-toi d'elle ! lui ordonna Nausicaa, le souffle court.
— Qui est-elle ? murmura le roi.
— Elle est la...
— Qui je suis ? Voyons, vous m'offensez, Sire !
Le sourire qu'elle afficha était crispé, faux, dégoulinant d'amertume. Le mépris de cette femme équivalait celui de la défunte duchesse. Elle ne souriait pas, les lèvres pincées sur un flot de paroles âcres :
— Je suis Mora de Lanceny, la sœur du défunt duc et la belle-sœur de celle que vous avez tuée !
Le piège pouvait se refermer sur le roi et son amie.
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