Chapitre 13
[L'encrage du dessin de ce cher Cassien, et un bout de coloration. Notamment ses fameux yeux gris :3]
Le petit salon était presque désert et seuls quelques passages animaient la pièce. Celle-ci, décorée à la manière d'un petit boudoir, avec des couleurs plus chaleureuses, moins formelles, et sans doute considérés comme plus féminins par les hommes qui évitaient le plus souvent ce lieu, réunissait quelques personnalités en quête d'un peu d'intimité. Loin des grands salons, bruyants et surchargés de monde, celui-ci possédait depuis longtemps la préférence de Calypso.
Soudain, quelques jeunes femmes entrèrent de la porte située face à Priam. Il les vit pénétrer à l'intérieur, agitant avec une grâce étudiée leurs éventails brodés, le pas conquérant et la conversation peu discrète. Elles cherchaient à être remarquées, galvanisées par leur nombre et par cette impression de toute-puissance faussée par nombre de prestiges matériels. Elles figuraient parmi la fine fleur de la noblesse du Royaume, elles en avaient conscience et en jouaient.
Priam les suivit du regard. Non pour admirer leurs figures délicatement poudrées, leurs yeux fardés et leurs bouches rosées avec soin. Non pour contempler leurs toilettes flambant neuves qui devaient coûter une petite fortune, mais qui mettaient en avant leurs atouts en plus de flatter un teint de lait. Calypso lut dans le regard de son protégé une peine profonde. Il aurait aimé les rejoindre, peut-être pas les courtiser, mais simplement échanger avec elles. Sa solitude transparaissait, la douleur qu'elle engendrait également. Priam avait beau vivre dans un lieu dans lequel le calme relevait de la légende, il n'en demeurait pas moins seul.
— Concentration, Priam.
L'intéressé acquiesça, s'arracha au joug de ses pensées, et avança un pion au hasard. De toute façon, le jeu était perdu d'avance.
Qu'il s'agisse des échecs ou du reste. Priam était familier de la défaite.
Les jeunes courtisanes traversèrent la pièce. L'une d'elles s'approcha de la table, la démarche contrôlée, l'air de la débutante encore maladroite, le tout accordé à des battements de cils sur un regard noisette. Priam suivit son initiative jusqu'à ce qu'elle parvienne jusqu'à eux et qu'elle s'incline profondément, exagérément. La vue plongeante sur sa gorge blanche, exhibée de façon tout à fait volontaire, décontenança l'adolescent.
— Mes hommages, madame...
Calypso la gratifia d'un regard sévère et ne desserra pas la mâchoire. La jeune femme effaça la moue de son visage et tenta sa chance du côté de chez Priam. Elle parut chercher ses mots afin de s'adresser à lui et la mise en scène, si grotesque que Calypso intervint, s'acheva de la sorte :
— Pour lui, ce sera prince.
— Cela va de soi. C'est un... honneur, prince.
Puis, elle s'en fut. Le garçon fut tenté de croire en sa bonne foi, mais à peine eut-elle rejoint ses amies qu'elle riait déjà à gorge déployée. Il n'avait pas pipé mot et il les entendait déjà prétendre qu'en plus d'être un bâtard à la peau étrange, il était débile.
— Ces écervelées ont de qui tenir, avec les vieilles pies qui leur servent de mères. Elles finiront dans le même état déplorable, tu verras. Insatisfaites, avides d'écraser autrui pour se sentir exister, aigries. Ces femmes, une fois leur charme fané, ne possèdent aucun esprit pour compenser la laideur qui se cache sous leur teint de porcelaine. Laisse-les se moquer, va ! Ce sont des mégères de mères en filles et je plains sincèrement les hommes qui les épouseront.
Calypso compléta intérieurement son jugement par l'idée que ces soupirants ne seraient sans doute guère mieux qu'elles. Ils formeraient des couples assortis, imbuvables, superficiels et hypocrites.
La verve de sa tante ne chassa pas la peine de Priam. Il y était pourtant habitué et rares étaient les jours au cours desquels il ne se heurtait pas aux moqueries imagées et sans grande originalité des courtisans. On déplorait la peau trop foncée du prince, on s'interrogeait sur sa provenance, restée secrète, et on se scandalisait un peu plus de la tâche inacceptable que l'existence de ce garçon constituait pour la famille royale.
Priam avait eu le malheur de naître dans un monde fourbe, dans un monde d'ignobles persifleurs et d'affables hypocrites.
Surtout, Priam a eu le malheur de naître prince bâtard et métis en ce monde.
— Eh, mon garçon, le rappela Calypso, d'une voix plus douce. Elles ont tort de se moquer, crois-moi. Ne te chagrine pas de leur mépris, ce sont elles qui ne méritent pas ton attention.
Priam tenta un pauvre sourire.
La femme trempa ses lèvres dans un verre de vin avant d'avancer un ultime pion et de lancer, à l'instant où Lyssandre entra dans la pièce :
— Échec et mat.
Priam contempla le plateau pour constater les faits. Sa reine était prise, son roi ne possédait plus aucune issue. Elle avait gagné, une fois de plus, et jubilait avec une évidente absence d'humilité.
— Pourquoi s'obstiner à jouer lorsque vous êtes certaine de la victoire ? s'enquit Lyssandre, avec légèreté.
— Justement pour le plaisir de la victoire, mon cher. Y vois-tu un autre intérêt ?
— Aucun, ma tante.
— La seule chose qui soit vraiment déplorable, c'est que plus aucun de ces hommes accepte de se mesurer à moi. Je crois bien que je les effraie, se plaignit-t-elle avec emphase.
— Ils admettent mal la défaite, je suppose.
— Et tu supposes à merveille, mon cher ! L'intérêt du jeu disparaît lorsque leur orgueil masculin est en jeu. C'est attristant, voilà ce que j'en pense.
— Si j'en trouve le temps, j'accepterai de perdre contre vous, ma tante, céda Lyssandre, de bon cœur.
— Fort bien ! Nos convives doivent déjà nous attendre, si nous tardons trop, il ne nous restera que des os et du pain rassis. Dépêchons !
Calypso s'était levée avec une étonnante souplesse. Pleine d'énergie, plus sans doute que Priam qui traînait la patte à l'idée d'être enfermé dans une pièce en compagnie des Lanceny. Alors qu'ils traversaient les couloirs, croisant bon nombre de courtisans qui flânaient à l'heure du repas, Calypso déclara :
— L'on raconte que ton premier conseil s'était avéré mémorable, mon enfant. La rumeur est-elle fondée ou dois-je la mettre sur le compte d'un de ces quiproquos qui nourrit chaque jour les discussions ?
— Pitié, ma tante, ne pourrions-nous pas en discuter un autre jour ? gémit Lyssandre.
— Rassure-toi, je n'ai pas l'intention de te rabattre les oreilles avec l'une de ces infâmes leçons. Je suis ravie que tu aies remis ces vipères à leur place, quitte à esquinter leurs orgueils mal sentis et leurs prétentions déplacés.
Lyssandre n'avait pas la plus petite envie d'épiloguer à ce sujet. Il avait amèrement regretté son initiative et renvoyer ses conseillers et ministres n'avait pas été sans conséquence. Calypso n'insista pas outre mesure dessus, mais la Cour s'était scandalisée. Quelques-uns avaient eu le bon goût de se réjouir, une poignée s'étonnait de voir apparaître une personnalité affirmée de la part du roi, et le reste voyait d'un mauvais œil cette prise de risques. Bien entendu, les hommes mécontents avaient nourri ces discussions et n'avaient que trop peu caché leur courroux. Lyssandre ne reviendrait pas sur sa position pour ne pas être considéré comme un de ces rois versatiles. Il avait été affublé de suffisamment de défauts pour ne pas se voir celui-ci lui être associé.
— Ils me considèrent indignes au trône, lâcha Lyssandre, sans chercher à être plaint, simplement parce que cette réflexion l'obsédait depuis des heures.
— Leur vision de ce que doit être un roi est conditionnée par un modèle établi il y a des générations. Tu es différent de ces rois guerriers et de ces insensibles qui régnaient au nom d'un triomphe égoïste.
— Mon père...
— Ton père ne vaut pas plus cher !
Lyssandre ralentit le pas, ébranlé par la virulence des propos de Calypso. Celle-ci était réputée pour ses paroles entières, sans concession, mais jamais elle n'avait aussi ouvertement critiqué le règne de son propre frère. Ils s'arrêtèrent devant l'imposante porte close située dans l'aile privative du roi et de son entourage proche. Calypso asséna, son regard noisette planté dans celui de son neveu :
— Ils s'offusqueront encore, Lyssandre. Ils s'offusqueront peut-être longtemps, mais si tu restes ce garçon idéaliste, plein d'une volonté qui ne demande qu'à être exploitée, alors ils finiront par se laisser convaincre. Peu importe que tu ne correspondes par au modèle que ces hommes ont érigé !
Derrière eux, toujours en retrait et effacé comme il en avait pris l'habitude, Priam acquiesça. Tous deux avaient toujours été considérés différemment, pas d'une manière identique, mais cela permettait à l'adolescent de comprendre la difficulté à laquelle Lyssandre se mesurait. Calypso ouvrit les portes en grand et n'insista pas. Il était inutile de rappeler à quel point le jeu auquel son neveu jouait était risqué. Il n'était pas encore un aussi bon joueur qu'elle, mais il le deviendrait.
Il n'avait pas d'autres choix.
La pièce qui s'ouvrit était lumineuse, assez vaste pour accueillir un nombre infini de convives. Le feu qui brûlait dans l'âtre au bout de la grande table qui avait été dressée laissait diffuser une ambiance plus chaleureuse. Le grand lustre suspendu au-dessus des mets odorants constituait la plus grande fantaisie de l'agencement plutôt sobre. Les cristaux luisaient à la lueur des bougies et dansaient au moindre mouvement d'air. Ici, il n'y avait pas de musiciens, pas de rires gras et sonores, pas de séduction ostentatoire dissimulée sous quelques regards évocateurs. Il n'y avait que la famille des Lanceny, quelques gardes postés aux entrées, et ses membres n'en étaient que plus redoutables.
Ils se levèrent d'un même mouvement et saluèrent le roi ainsi que les personnalités, jugées probablement secondaires, qui l'accompagnaient. Lyssandre ne put s'empêcher de relever le ridicule de la situation : leurs deux familles étaient unies par alliance et il leur fallait une telle mascarade pour être exceptionnellement réunis.
Nausicaa ne manquait pas à l'appel, vêtue d'une robe d'un remarquable indigo et d'une simplicité qu'elle préférait aux rubans et aux volants. Tybalt se tenait dans son sillage, droit et rigide dans ses habits sombres. Ses boucles noires dessinaient des boucles soyeuses sur ses épaules et sa mère, de laquelle il tenait son élégance, se révélait plus sophistiquée. Son chignon dégageait son visage et un maquillage irréprochable taillait l'angle tranchant de sa mâchoire ainsi que ses pommettes hautes et dessinées.
Le repas débuta dans un silence peu engageant, à peine interrompu par le tintement des couverts et par la mastication des convives.
— Je pense que nous devons cette... sympathique réunion familiale à ma fiancée, émit soudain Tybalt, et la banalité de sa remarque contrasta avec le ton employé.
— Il semblerait, en convint sa mère, avec une raideur qui lui était peu coutumière.
— Nausicaa possède un redoutable sens de la persuasion, aucun homme ne saurait résister.
— Le roi n'y est guère insensible, accorda Lyssandre, par souci de provocation à laquelle il cédait rarement.
— Il s'agit là du privilège des dames et, à vrai dire, il s'agit bien du seul, renchérit Calypso, qui dégustait avec gourmandise la pièce de choix qui trônait dans son assiette.
Nausicaa garda un silence prudent. Une violente envie de prendre la parole et de signaler qu'elle n'avait rien d'un trophée la tenaillait. L'attitude de Lyssandre comme celle de son fiancé la révulsaient au plus haut point. Non seulement elle faisait figure d'exception en dînant à la compagnie de deux familles déjà formées, de deux camps presque rivaux, mais en plus elle se devait d'endurer ces réflexions affligeantes de bêtise.
Tybalt se tendit et sa mère dans son sillage. Cette dernière jeta un regard dédaigneux à cette tablée pour le moins mal assortie. Ses yeux perçants s'attardèrent sur la silhouette ratatinée sur son siège de Priam. Celui-ci se nourrissait à petites bouchées, comme s'il craignait des réprimandes. Elénaure choisit de l'épargner, malgré l'aisance avec laquelle elle aurait pu rayer ce grain de peau si foncé dans un Royaume qui prônait la pâleur de l'épiderme. Elle persifla plutôt :
— J'ai ouï dire que votre premier conseil avait eu lieu dans l'après-midi, j'ose espérer que tout s'est déroulé selon votre volonté.
— On raconte surtout que les conseillers et ministres ont quitté furieux la réunion, rectifia Tybalt, en humectant ses lèvres avec soin.
— Je vous en prie, fils ! le morigéna la duchesse de Lancny, l'air de rien. Je suis persuadé qu'il ne s'agit que de vulgaires rumeurs que la Cour juge bon de colporter. La vérité doit être bien différente, n'est-il pas vrai, Sire ?
Lyssandre déglutit. Ne pouvait-il pas espéré un seul instant de répit ? Là encore, il ne pouvait céder aucun morceau de terrain sans que sa belle-mère ne se jette sur l'opportunité. Cette fois, le doute n'était plus permis, elle tentait de le décontenancer, sinon de lui nuire. Pire, elle y prenait un plaisir certain en plus de chercher à décrocher quelques maigres vérités.
— Il est vrai que mes conseillers n'ont pas été comblés par le dénouement de la réunion, admit Lyssandre.
— La situation doit être terrible pour que vous perdiez ainsi vos moyens, s'alarma Elénaure.
— Je ne crois pas l'avoir entendu signaler une quelconque perte de moyens, rétorqua Calypso.
— Je croyais quant à moi m'être adressée à Lyssandre.
Les deux femmes se jaugèrent. L'animosité pour hostilité. Rancœur contre ressentiment. Elles ne s'appréciaient pas, cela n'avait rien d'un secret, et puisqu'elles formaient deux personnalités majeures de la Cour, ses membres tentaient de plaire à l'une d'elles. Calypso ayant acquis une solide réputation, la reine douairière avait beau effrayer, on tentait plus aisément sa chance de son côté. Les différends des deux femmes duraient depuis l'arrivée de la duchesse au château. La réticence qu'avait nourri la sœur du roi à l'égard de cette nouvelle venue avait sitôt fait d'attiser le dédain de la duchesse. Depuis, elles s'ignoraient avec talent et s'adressaient parfois des propos aigres qui faisaient mouches.
— La guerre est à nos portes et il semblerait qu'Äzmelan tente de percer nos défenses. Voilà ce qui est ressorti de ce conseil et voilà la problématique que je suis tenu de résoudre.
— La situation a déjà été bien pire par le passé.
— Sous Soann comme sous son père, Achille, déclara Nausicaa, d'une voix claire. Les forces des deux Royaumes se répondent et c'est bien pour cette raison que cette guerre dure depuis si longtemps.
Elle écopa d'un regard glacial de la part d'Elénaure. Celle-ci n'appréciait que très peu cette prise de parole, surtout venant d'une jeune femme. Ses lèvres pincées désapprouvaient ouvertement cette initiative et Tybalt s'était à nouveau tendu, comme s'il espérait, lui aussi, qu'elle se taise. Prise entre deux feux, entre le désir d'intégrer la conversation et agir comme elle avait l'habitude de faire, ou celui de se plier exceptionnellement au silence qu'on lui imposait, elle fit crisser son couvert sur l'assiette en porcelaine.
— La proposition que je vous ai faite n'est sans doute pas illimitée, mais sachez qu'elle peut toujours être considérée. Je suis certaine que vous aurez la sagesse nécessaire à comprendre le bien fondé de ma disposition. Tybalt ferait un allié de choix, sans compter le fait que nous formons une famille.
Elle ouvrit les bras pour désigner la tablée, son regard balayant les quelques membres présents non sans omettre ostensiblement Priam.
— Personne ne doute du fait que vous lui serez d'une grande aide.
Le commentaire de Calypso fit mouche et, à l'instant où Lyssandre craignit une réaction disproportionnée de la part d'Elénaure, une entrée fracassante mit un terme aux différends. Une enfant fit irruption dans la pièce. Adorable môme âgée de six ans, elle avait probablement faussé compagnie à ses nourrices et se faufila entre les jambes des gardes. La petite Romie, fruit du mariage contracté entre Soann et Elénaure, était une véritable tornade d'énergie qui faisait l'unanimité.
— Mais qui voilà, sourit Calypso, qui n'avait pas su résister au minois de la fillette malgré une certaine aversion nourrie à l'égard des enfants.
— Tata ! s'époumona l'intéressée.
Souriant à pleines dents, sa tresse décoiffée par sa course, elle escalada les genoux de Calypso pour se percher au sommet, triomphante.
— Devine ce que j'ai fait aujourd'hui, tata ! J'ai monté mon poney ! Tornade a failli me faire tomber, mais j'ai tenu bon. J'ai hâte de recommencer !
— Félicitations, ma petite, mais ne commets pas d'imprudences.
Romie acquiesçait vigoureusement avant d'entreprendre un tour de la table. Elle ne se souciait pas de la tension environnante, ni des poings serrés de sa génitrice. Elle s'attarda auprès de Priam, dont elle appréciait la compagnie, ce qu'il lui rendait bien, puis fut congédiée par Elénaure. Aussi vite qu'elle était apparue, et après avoir ronchonné quelques secondes, elle quitta la pièce en compagnie de sa nourrice qui se répandait en excuses. Nausicaa avait convenu avec elle une chevauchée ensemble et ce n'était qu'à ce prix que l'enfant, qui savait déjà ce qu'elle voulait et comment l'obtenir, que Romie obtempéra.
Tybalt arrivait au terme de son repas. Il s'essuya les lèvres, croisa le regard intransigeant de sa mère et comprit ce qui était attendu de lui : un coup digne d'achever le roi.
— Sa Majesté me permettait-elle une interrogation ?
— Je n'ai pas souvenir que vous demandiez l'autorisation, d'ordinaire.
Cette aigreur, Lyssandre la réservait à ce beau-frère encombrant et que Soann lui avait presque préféré. S'il avait été plus conscient de l'imminence de sa fin, n'en déplaise aux jugements unanimes des médecins, feu le roi aurait sans doute donné sa couronne à Tybalt. Il s'agissait sans doute d'une des raisons qui motivait la rancœur de Lyssandre. L'envie et le dépit de ne pas avoir pu satisfaire son père et de voir celui-ci placer de plus grands espoirs en Tybalt qu'en son propre fils.
— La Cour se demande si vous avez l'intention d'honorer l'anniversaire dont la date approche à grands pas.
— Tybalt... murmura Nausicaa, après avoir refermé ses doigts autour du bras de l'homme comme pour le retenir.
— Je parle évidemment de l'anniversaire de la mort de votre frère, cela va de soi.
L'air se vida des poumons de Lyssandre et il blêmit. Le contrôle qu'il avait maintenu durant le repas se liquéfiait au même titre que ses organes. Seul son cœur palpitait douloureusement entre ses entrailles déchirées par de simples paroles. Une fois de plus, une fois encore, il se perdait dans le souvenir amer de son frère, entre jalousie et admiration, entre peine et souffrance. Il se noyait dans l'ombre qui l'avait vu grandir. L'ombre de sa magnificence.
Le silence retomba tel une chappe de plomb.
Lyssandre quitta la pièce au terme de plusieurs minutes, étouffé par ce repas qui avoisinait la catastrophe. Nausicaa le rejoignit, presque étonnée de le voir tenir debout. Elle repoussa sa propre culpabilité pour articuler, à l'égard de son ami :
— Lyssandre, je suis navrée pour tout cela. Je suis... tellement désolée ! Je n'aurais jamais pensé...
— Ce n'est rien, Nausicaa. La prochaine fois, évite seulement de proposer des idées aussi brillantes que celle-ci et empêche-moi de commettre l'erreur d'accepter.
Il était profondément injuste, mais elle se garda de le lui signaler. La douleur avait souvent cet effet, elle en avait conscience. Ce repas n'avait rien d'une réussite et, malgré elle, la baronne de Meauvoir en portait une large part de responsabilité. Prise entre deux feux, elle gisait dépitée sur les dégâts occasionnés pour avoir souhaité le meilleur et pour ne pas avoir appréhendé le pire. Qu'avait-elle espéré ?
— Va rejoindre ton fiancé, je suis persuadé qu'il se languit déjà de ta présence.
Lyssandre, à défaut de congédier son amie, s'en fut. Il abandonna celle-ci à ses remords, tremblant d'une émotion ravalée tout au long de la journée. Sitôt aurait-il retrouvé l'intimité salvatrice de ses appartements qu'il succomberait à ce trop-plein. Ce trop-plein vertigineux qui ne saurait combler un trop grand vide.
Nausicaa s'apprêtait à retenir Lyssandre, à lui exposer le fond de sa pensée et à ne pas laisser la rancœur les enliser davantage dans des rapports nocifs, lorsqu'elle croisa le regard du chevalier. Il lui en dissuada sans un mot. Elle ne devait pas le rattraper, surtout pas, et elle fit confiance au jugement silencieux de cet homme.
Elle observa le roi disparaître à l'angle d'un couloir et se désola une fois de plus, le cœur au bord des lèvres.
Quel sombre écho de lui-même Lyssandre était-il en passe de devenir ?
Je suis tellement désolée d'avoir oublié la publication d'hier. Oui, un oubli pur et simple x3
Vous notez le retour de plusieurs personnages, dont Calypso, fidèle à elle-même, et Priam. Nausicaa est présente, évidemment, mais aussi son fiancé et la mère de ce dernier. Un cocktail explosif qui commence déjà dégénérer.
Dans le prochain chapitre, un nouveau personnage va apparaître. Je vous rassure ? C'est l'un des derniers. Fille ou garçon ? Enfant ou adulte ? Qu'en dites-vous ?
Je m'excuse une fois encore, et vous souhaite de belles vacances !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top