Chapitre 13

Ho Sang se réveilla, ouvrit les yeux, s'étira, ce qui provoqua une douleur à ses poignets, et s'assit. Ensuite, elle essaya de se lever. Elle posa ses pieds à terre, poussa de toutes ses forces sur ses jambes et faillit tomber en avant. Elle se rattrapa à sa table de chevet avec ses avant-bras. Elle ouvrit tant bien que mal son armoire, prit des vêtements, puis se fit couler un bain chaud qu'elle parfuma d'ylang-ylang. Elle se coucha dans l'eau, se lavant les cheveux, avant de se relever pour s'habiller avec un débardeur noir et un short en jean court.

La Chinoise parvint à ouvrir la porte de sa chambre et en sortit après avoir vérifié que la voie était libre. Il devait à présent faire nuit, car il y avait beaucoup moins de bruit que lorsqu'elle s'était endormie. Elle continua à avancer vers la salle de combat. Elle s'arrêta derrière la porte ouverte séparant la salle du couloir dans lequel elle se trouvait et passa sa tête pour observer son père expliquer à ses élèves quelques enchainements de kung-fu, avant qu'ils ne les répètent.

David aperçut le premier la présence de la jeune fille et la montra d'un signe de tête à Shinji, avec lequel il s'entrainait, qui appela Jigoro. Il montra du doigt Ho Sang et, lorsque le Maître la vit, il la rejoignit en lui reprochant :

- Que fais-tu là, ma Gamine ? Tu devrais te reposer, tu es malade.

- Pas plus qu'un autre, père. Ils s'entrainent tous les soirs ?, et, comme son père hochait la tête, elle ajouta : Comme nous le faisions quand j'étais petite.

Elle posa sa tête sur l'épaule de son paternel. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait envie de se battre, de tester les élèves présents. Lorsque son père lui proposa de la ramener dans sa chambre, elle le supplia presque :

- Non, père, s'il te plait, je veux rester. Pour me rappeler, pour comprendre, pour maman...

Ce dernier mot fit tressaillir le Chinois, qui lui demanda :

- Pourquoi... le couteau ? Cette tentative... de suicide ?

- Je suis de trop, père. Ta famille, ce n'est pas moi, c'est Horoku, c'est... Shinji. Lui seul te ressemble vraiment, lui seul est capable de te succéder. Moi, je ne suis qu'un dragon sans intérêt. Non, ne dis rien ! Laisse-moi maintenant ! Laisse-moi penser à elle, à maman...

Jigoro, ne sachant plus quoi dire, laissa sa fille et revint s'occuper de ses élèves. Elle se rapprocha des combattants afin de mieux apprécier leurs techniques. Puis, ne tenant plus, elle avança vers un duo mal engagé dans ses prises et conseilla à l'attaquant :

- Ne te penche pas trop en arrière ou ton adversaire va en profiter pour te dégager de sa vue.

- Que peux-tu en savoir ?, lui cracha presque le deuxième. Et, qui es-tu ? On ne t'a jamais vue ici, tu ne pratiques même pas !

- Je vais te donner un indice, imbécile ! Le nom de cette école est le mien ! Je suis Lóng, et mon père te bat sans aucun problème !

- Ne te moque pas de nous, grogna l'attaquant. Ho Sang, la fille de notre Maître, a disparu depuis bien longtemps.

- Malheureusement, elle est revenue et se trouve devant toi, fit Shinji, qui venait de rejoindre le trio, toujours boitant.

- Toi, Shinji, j'attends d'être guérie pour me débarrasser de toi, railla la jeune fille.

Ils se turent. Les deux combattants, ainsi que David, semblaient former un cercle autour des deux Chinois, qui s'observaient, les yeux dans les yeux, attendant le moment propice pour attaquer. Ce fut Ho Sang qui craqua en premier. Elle fléchit légèrement ses jambes et bondit sur son adversaire avec la rapidité d'un félin, entrainant Shinji dans sa chute. Elle souffrit aux poignets en le poussant et en retombant sur lui mais, se releva et attaqua à nouveau. Ils n'arrêtèrent leur combat qu'au moment où Jigoro se plaça entre eux. Cette fois-ci, avec leurs blessures mutuelles, ils avaient bel et bien failli s'entre-tuer.


Rê dormait sur le canapé, à côté de Damien, qui discutait avec le Maître et Rachelle. Vulcain, toujours solitaire, était parti se promener dans la nuit, comme il aimait le faire habituellement avec sa sœur. Tous étaient heureux de savoir que Ho Sang était vivante et, d'après son père, sauvée et soignée de sa tentative de suicide. Mais, le sujet de conversation de Rachelle ne portait plus sur la jeune fille mais sa mère. Cette dernière, du prénom d'Hinano, était morte dix-huit ans auparavant, après avoir mis au monde sa fille. Elle s'était suicidée dans l'hôpital psychiatrique où on l'avait incarcérée après son jugement. Jigoro en avait toujours voulu aux représentants de la loi présents au procès de sa femme. Il avait déjà tué son avocat et avait, malgré tout, raté le juge qui avait prononcé la sentence. Un juge parmi les plus connus de Floride, un juge dont le nom était toujours ancré dans la mémoire du vieux Maître et de son ancien élève : O'Neil.


Le juge O'Neil était installé dans son appartement, en plein cœur de Manhattan, sur la Broadway Avenue. Assis sur son divan en cuir, un verre de whisky écossais à la main, il regardait s'approcher de lui une prostituée mineure asiatique. Il ne sut si cela avait un rapport avec le fait qu'il avait retrouvé Jigoro Yoshikawa, ce chintock, mais la catin se trouvant devant lui lui rappelait le corps de l'épouse de cet homme. Quel dommage qu'elle se soit tuée. Il aurait pu en faire une poupée de luxe ; elle était cultivée, intelligente, mignonne et innocente... à tous points de vue.

Mais, bientôt, il serait tranquille. Le lendemain, il se débarrasserait du chintock, et personne ne saurait jamais que c'était lui qui avait influencé les jurés... et que c'était par sa faute que cette maudite femelle avait perdu la vie.


Ho Sang et Shinji étaient punis pour la première fois de leur vie. Leur père en avait eu assez de leurs dangereux combats et leur dernière bagarre avait achevé sa lassitude. Il les avait enfermés tous les deux dans la chambre de sa fille en espérant qu'ils se calment.

Les deux jeunes se regardaient dans les yeux, à la fois haineux et agacés ; elle, assise sur son lit, et lui, à terre, le dos contre le mur. Chacun pestait contre l'autre et contre lui-même, car cela ne pouvait être la faute de Jigoro. La haine qui les animait grandissait, flambante, et l'idée qu'ils allaient devoir rester ensemble encore plusieurs heures les laissait sur leur rage.


Vulcain venait de rentrer dans le bâtiment de Takeshi et ragea de voir son frère et leurs amis assis, sans rien faire, alors que Ho Sang était encore retenue par son père. Le Maître proposa d'aller parler à son ancien élève. Après avoir argumenté avec lui, Rê décrocha un clin d'œil à son frère et accepta la décision du vieux Chinois. Une fois que celui-ci fut parti, le jeune homme expliqua à ses amis qu'ils allaient le suivre pour récupérer Ho Sang sans qu'il ne les voit.

Le Maître avançait d'un bon pas vers le dojo de son ancien élève et les deux frères, ainsi que Rachelle et Damien, devaient trottiner pour ne pas le perdre de vue dans la nuit noire. Il n'y avait pas de lune et les étoiles semblaient briller beaucoup moins fort qu'à l'ordinaire. Pourtant, tous étouffaient sous la chaleur de cette nuit de mai. A certains moments, les rues paraissaient étroites, oppressantes, sans clarté aucune ; à d'autres, les lumières des buildings, affiches publicitaires et phares de voitures agressaient les yeux des jeunes gens et du Maître.

Enfin, ils arrivèrent devant le dojo, éclairé de l'intérieur par une lumière assez basse, comme les aimaient le Maître et son ancien élève. Takeshi frappa à la porte et un jeune homme vint lui ouvrir. Il le laissa entrer et le Maître regarda autour de lui. Il avait déjà vu cet endroit sur les photographies qu'avait Ho Sang d'elle et de son père. Il ôta ses sandales complètement arrachées et salua le tatami avant d'avancer vers Jigoro qui l'attendait, les bras croisés, qu'il décroisa pour le saluer. Avec leur ceinture rouge à la taille, on voyait qu'ils étaient du même niveau et tous les élèves avaient les yeux tournés vers eux, ignorant Horoku qui continuait son cours de kendo. Tous se demandaient lequel gagnerait si un affrontement avait lieu entre les deux Chinois, puisque tous deux étaient des Maîtres, de la même manière qu'ils s'étaient posé la même question lors du duel entre Shinji et Ho Sang. Mais, au lieu du combat que tous redoutaient, les deux Maîtres, d'un commun accord, se détournèrent et se dirigèrent vers le couloir pour pouvoir discuter tranquillement.

Vulcain et Rê, qui se trouvaient derrière la porte d'entrée du dojo, avaient assisté à toute la scène. Takeshi ne semblait pas en danger, mais le souvenir de leur sœur évanouie et blessée pour avoir trop aimé son père réveilla en eux leur haine de Jigoro. Ils enfoncèrent la porte et attaquèrent ceux qui se trouvaient dans le dojo, malgré les tentatives de Takeshi pour les calmer. Bientôt, se fut un combat général qui se forma et les cris retentirent bien plus loin que le dojo lui-même.


Ho Sang et Shinji, toujours enfermés dans la chambre, entendirent soudainement des éclats de voix et des hurlements. Sans réfléchir, ils se ruèrent sur la porte fermée à clef et écoutèrent. La jeune fille crut reconnaître, un instant, un cri désespéré et suppliant de Rachelle, qui semblaient vouloir calmer les combattants. Shinji tenta d'enfoncer la porte, mais celle-ci ne bougea pas. Ho Sang s'avança vers lui et le regarda dans les yeux, mais avec un regard différent de celui qui la caractérisait d'habitude ; elle paraissait peinée et exaspérée. D'un signe de la tête, elle montra la porte et ils reculèrent côte à côte afin de prendre de l'élan et de rompre cette barrière qui les séparait des autres. Ils se cognèrent contre le mur du couloir, mais se dirigèrent en courant vers la salle de combat du dojo.


Takeshi et Jigoro se tenaient l'un près de l'autre, tous deux aussi désolés du spectacle qui s'offrait à eux. Le plus jeune fut rejoint par Shinji, qu'il empêcha d'aller combattre. Ho Sang s'arrêta un peu plus loin et regarda avec de doux yeux noirs la bataille qui s'entendait dans la salle. Vulcain prenait le dessus sur un de ses ennemis, tandis que Rê menaçait un autre lorsque les deux Maîtres parvinrent à s'interposer. Le vieux Chinois s'approcha avec ses fils et présenta le père de Ho Sang :

- Mes enfants, je vous présente mon ancien élève, Jigoro, aujourd'hui lui-même Maître.

- Le père de Lóng..., murmura Rê.

- Oui, Ho Sang est ma fille. Mon unique fille. Vous êtes Rê et Vulcain, je présume ?

- Ce sont eux. Je pense, néanmoins, qu'une alliance s'impose entre nous, Jigoro. Il ne faut pas que ta fille connaisse une telle vie, son passé est déjà assez douloureux..., avança le vieil homme.

Jigoro porta son regard noir sur Rachelle et Damien, puis sur sa fille, avant de murmurer à son ancien Maître :

- Elle allait découvrir la vérité. Cette journaliste aurait pu tout raconter. Je ne veux plus passer encore plusieurs années sans ma fille... J'ai compris ma faute.

Il regarda Ho Sang avec un regard peiné, avant de lui dire :

- Pardonne-moi, ma Gamine. J'aurais dû tout t'avouer il y a bien longtemps... et je t'expliquerai bientôt tout.

La jeune fille fut touchée par cet aveu. Elle connaîtrait enfin dans peu de temps toute l'histoire de son passé.


La nuit tirait sur sa fin. On voyait déjà, à l'Est, le ciel changer de couleur et passer d'un bleu foncé à un violet, bleu pâle, rose, orangé et jaune. Mardi onze mai 2004, un jour comme un autre pour la plupart des habitants de New-York. Le retour au travail après une soirée chaude, presque pesante, avec un mardi qui s'annonçait aussi beau que la veille. Un seul nuage à l'horizon : l'orage prévu pour la nuit. Et le juge O'Neil aimait se débarrasser de ses ennemis sous un temps orageux ; c'était une habitude qu'il ne souhaitait en aucun cas changer. Ainsi, il organisa une réunion avec ses sbires.

- Jack, Ben, prenez dix hommes et allez supprimer un maximum de ces immigrés ce matin. Mais, vous ne touchez ni à lui, ni au vieux, est-ce clair ?

Le dénommé Jack hocha la tête, en prenant soin, cependant, de ne pas lever les yeux vers son chef.

- Je me chargerai d'eux cette nuit... il y aura de l'orage !, annonça le juge, avant de ricaner, d'un rire qui déplaisait à tous, montrant des dents blanches et un gosier rouge sang.

Jack et Ben sortirent de la pièce et prirent avec eux dix de leurs hommes, tous excellents tireurs de leur mafia. Quelques instants plus tard, ils se retrouvaient en plein cœur de Manhattan. 



Et voilà le retour de ce livre ! Il sera updaté tous les vendredi jusqu'au 15 décembre !

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka

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