Chapitre 5
La première personne que j’avais vu, quand je me suis réveillée à l’hôpital de Los Angeles, c’était Joyce. Ce bon vieux Joyce, toujours là pour ramasser les morceaux brisés. Il s’était approché, avait posé une main sur mon front pour vérifier ma température, même si les machines à côté disaient déjà tout. La douleur s’était dissipée.
— Où est Ash ?
Bella était complètement sortie de ma tête, à ce moment-là. Comme si mon instinct primitif hurlait la présence de celui qui avait rendu ma vie plus heureuse pendant cinq ans, pas de celle qui l’avait changée en un jour.
— Je l’ai renvoyé à Lonesome. T’as besoin d’un peu de calme.
J’avais alors éclaté en sanglots, réclamant sa présence de manière silencieuse. Oh, pauvre Ash. La seule chose qu’il a, on le lui prend. C’était la seule chose à laquelle j’étais capable de penser.
L’hôpital m’avait relâché le lendemain, qualifiant ma blessure de “légère”. Il n’y avait eu aucune artère de touché, je m’étais évanouie seulement à cause de la douleur. Il ne posèrent pas de question sur l’arme, ou alors Joyce s’était déjà occupée de tout ça. Il m’avait emmené chez lui, dans son immense villa. Mais tout ce que je voulais, c’était retourner à Lonesome. Tracer un trait sur les Hustings, revenir au point de départ. C’était allé trop loin. Tout ce jeu, ces idées débiles de surpasser les limites. Bella avait peut-être passé des années à trouver un sens à sa vie, lui donnant mille définitions différentes. Mais pour moi, c’était simple. On se trouvait tous sur une grande plaine. À côté, il y avait une falaise. Si on poussait trop loin, on tombait.
Je passai deux jours entiers à errer dans les couloirs de sa villa, observer les peintures d’artistes morts. Deux jours à vider les bouteilles de whisky, à observer les voitures passer dans la rue, contempler les gratte-ciels au loin. Je n’avais pas le droit à la piscine à cause de mon bras. Joyce me conseilla un livre que je commençai, puis que j’arrêtai par pur ennui. J’avais besoin d’Ash. De sa présence, de ses bras autour de moi, de ses promesses de mariage. Je l’appelai plusieurs fois, chez lui, chez Gorgie, mais personne ne répondait. Quand je demandai à Joyce, il disait qu’Ash s’en voulait. Qu’il entendait sûrement sonner, mais qu’il ne répondait pas. Je le pressai de se rendre à Lonesome, de lui dire que je ne lui en voulais pas, de me le ramener. Mais il disait “repose-toi avant” et je passais la nuit à fixer le plafond.
Ce furent les deux jours les plus longs de ma vie. Le père de Joyce, quand il rentrait tard le soir, tentait quelques blagues pour me redonner le sourire. Joyce lui-même n’aimait pas me voir tourner en rond, ce fut certainement ce qui le poussa à se plier à ma demande.
Ash débarqua un jeudi après-midi.
Il passa la porte d’un air inquiet, guettant une quelconque attaque de ma part. Le soulagement me traversa quand je reconnus ses traits familiers. Il me vit lui aussi, resta immobile, bloquant le passage à Joyce qui n’osa pas le dégager. Je m’approchai doucement, me collai contre lui. Il y eut une seconde de blanc, d’hésitation, avant qu’il ne pose ses mains sur mon dos. Alors il me serra fort. Ses épaules s’affaissèrent, son nez plongea dans la racine de mes cheveux.
J’entendis un reniflement, puis il fut secoué d’un léger spasme. Il s’agrippa à ma robe de chambre comme à un rocher en pleine mer, comme s’il avait peur que je lui échappe, que je disparaisse entre ses bras. Oh, pauvre Ash. La seule chose qu’il a, on le lui prend. Je détestai ces mots.
Il se détacha à regret, détourna le visage et essuya d’un revers de main violent ses yeux. Son sourire voulut sauver les apparences, démontrer le fait qu’il avait été faible, qu’il n’avait pas été un “homme” comme son père lui avait répété plus jeune. Je n’avais pas besoin qu’il soit un homme. Juste Ash.
— J’aimerais passer, si ça ne vous dérange pas.
Nous nous décalâmes un peu pour laisser passer Joyce. Il ferma la porte et nous laissa l’intimité du vestibule. Ash s’adossa contre le mur dans un soupir audible.
— Où est le flingue ? demandai-je.
— Luke l’a récupéré.
Il inspecta mon bras et fut rassuré de voir qu’aucune trace de sang n’imprégnait le tissu.
— C’était quoi ton idée, à la base ?
Il évita soigneusement mon regard.
— Te récupérer. J’ai eu peur, Candy. Après ce que Connor t’as fait, j’ai flippé. Mais je… je ne voulais pas vraiment la tuer, juste la tenir éloignée. J’avais pas prévu que tu… que tu ferais ça.
— J’ai eu peur, moi aussi.
Je ne voulais pas que tu aies les mains pleines de sang, fus-je tentée de dire. Mais le prononcer aurait rendu les choses irréelles réelles. Je préférai m’en tenir à ce qui s’était passé. Pas à ce qui aurait pu être. Je ne voulais pas que Bella obtienne ce qu’elle voulait. Je voulais que tu profites encore de ton Paradis, sans connaître l’existence d’un Enfer.
— Je t’aime, déclarai-je dans une tentative de sourire.
Il encadra mon visage de ses mains et toucha mes lèvres - délicatement, comme s’il avait peur de me faire mal une nouvelle fois.
— Je sais, bébé.
— Tu ne me perdras pas, Ash.
— J’en ai pas l’intention.
Il m’embrassa à nouveau, caressant mes lèvres avec sa langue, puis l’entortillant autour de la mienne. J’arrêtai de songer à tous ces trucs de survie, de vie, de bonheur futil, d’Enfer. Ça m'avait empoisonné l’existence, et tout était parti de travers quand j’avais commencé à y croire. S’interroger sur tout et rien rendait malade, et j’avais envie de guérir.
Joyce proposa qu’on restât à manger avant de repartir pour Lonesome. Je demandai alors où étaient passées mes courses. Ash m’informa que Bella les avait laissé chez Gorgie. Il ne parla pas de Luke, ce qui m’étonna. Quand je mentionnai son nom, il se renfrogna. Je délaissai ce sujet pour occuper le trajet retour dans la voiture.
Après manger, j’allais préparer mes affaires et les déposai dans la banquette arrière de la Dodge de sa mère. Celle-ci avait pris des congés ces jours-ci, et heureusement ou Joyce aurait été obligé de jouer au taxi. J’ouvris les fenêtres pour laisser passer l’air frais tandis qu’Ash s’engageait sur la route bitumée. La sueur me collait au siège en cuir - ces jours-ci, la chaleur s’était faite insupportable.
— Qu’en est-il de Luke ?
Il ne répondit pas tout de suite, les pouces tapotant nerveusement le volant. Ses lunettes de soleil cachaient toute l’expression qu’il pouvait avoir dans le regard.
— Il a appris que Connor t’avait donné du crack. Alors il est allé le voir.
— Mais il ne prévoyait pas de le tuer avec toi ?
“Tuer” était relatif, mais je n’oubliai pas que l’arme qui m’avait blessé au bras venait de chez les Alton.
— Si, mais tu connais Luke. Il serait capable de signer un pacte avec le Diable pour avoir un peu de drogue.
— Et donc vous ne vous parlez plus, devinai-je.
— Il est parti de chez Gorgie. Connor le tient entre ses griffes, on dirait deux potes d’enfance à les voir.
Je comprenais pourquoi l’idée de me savoir aussi proche de Bella le terrifiait. Il voyait son meilleur ami partir à la dérive avec un Hustings, il ne voulait pas laisser sa copine faire la même chose.
— Et Vodka ?
— Je m’occupe d’elle.
— Ok.
Luke était donc définitivement parti, sans explication, sans regret. Quand je repris le travail chez Gorgie le jour d’après, je ne le vis pas, ni la semaine suivante. Ash et moi alternions les services, faisant face chacun notre tour à ce vieux Jacky qui ne savait plus où mettre sa tête et l’officier Eytler qui nous bombardait de questions sur la désertion de notre ami. Gorgie lui-même ne parlait pas de lui, mais à chaque fois qu’il entendait son prénom, il jetait le torchon et délaissait la pièce. Luke était certainement celui qui avait passé le plus de temps ici, à l’arrière-boutique. Il avait été le premier à se réfugier chez Gorgie, l’appelant “l’oncle Gorgie” comme une sorte de remerciement à son sauvetage express. C’était dans l’arrière boutique qu’Ash l’avait connu, et dans l’arrière-boutique que j’avais connu Ash et Luke. Aujourd’hui, le bâtiment hurlait son absence. Il en manquait un et on le sentait.
Ash dit l’avoir vu près de chez lui où son père l’avait certainement dégagé en contemplant son état lamentable. Les Hustings, dans leur bienveillance exagérée, l’avaient certainement accueilli les bras ouverts. Avec de la came comme carotte au bout du nez. Je ne vis pas Bella non plus. Elle n’avait pas cherché à savoir comment j’allais après l’épisode du motel, et je ne voulais pas non plus reprendre contact avec elle, surtout après la manière dont elle m’avait utilisée pour pousser Ash à bout. Néanmoins, son témoignage me tournait dans la tête. Je me demandais ce qui s’était vraiment passé derrière les murs de son école, ce que ces filles avaient trouvé comme échappatoire à leur condition. Elles ont fini par prier, les pauvres. Prier pour nous, ces filles de Satan.
Le mois de juillet défila à une vitesse surprenante, et le soleil brûlant d’août crama ce qui restait à cramer de la Yellow Hill et des autres collines aux alentours. Dans le journal, les photos d’incendies s’enchaînaient. Coca-Cola en profitait pour mettre en avant leur fraîcheur absolue, des chiens mouraient de soif sur le bitume bouillant et la radio en profitait pour balancer leur éternel Born in the USA toutes les heures, comme si être américain devait compenser le fait de mourir de chaud. Gorgie faisait fonctionner les ventilateurs. Ash et moi travaillions tous deux à plein temps pour contenter tous ceux qui venaient se réfugier dans le bar en quête de confort. Mon salaire doubla, celui d’Ash aussi, et nous pûmes aller à tous les drive-in organisés par la ville parfois avec la Ford de Gorgie, quand la mère Golstein travaillait tard. Ce furent deux semaines épuisantes mais gorgées de satisfaction. J’avais un boulot, je dormais dans le lit d’Ash, un salaire, un ciné deux fois par semaine, je ne pouvais pas me plaindre. Eytler monta même dans mon estime quand il m’avoua avoir tenu tête à mon père au commissariat, déclarant que - au grand désespoir de ce-dernier - j’étais majeure et que j’avais le droit de quitter la maison même sans son autorisation. Je ne lui avais jamais dit que je travaillais chez Gorgie et même s’il aurait demandé, personne ne lui aurait répondu, s’étant gagné une terrible réputation à force de gueuler sur tout ce qui passait sous son nez. Bref, Lonesome me protégeait bien assez et Ash s’occupait du reste, guettant la moindre ombre qui me traversait. Tout se déroula à merveille - jusqu'à cet après-midi où Bella passa la porte du bar.
Elle s’installa sur un tabouret et demanda une bière. Ash se reposait à l’arrière-boutique, Gorgie était parti négocier avec un fournisseur. Jacky n’avait pas refait surface depuis plusieurs jours, certainement cloîtré chez lui par la chaleur. Il n’y avait qu’un pauvre gars travaillant dans l’entretien des services locaux qui profitait de ses heures de congé pour se shooter au whisky.
Je la servai sans un mot, en rien sûre de ce qu’elle allait me sortir. Elle but sa première gorgée, s’essuya la bouche d’un revers de la main.
— Luke voulait savoir comment allait son chat.
— Bien.
Elle acquiesça doucement. Finalement, je craquai et demandai :
— Comment il va ?
— Luke ?
— Ouais.
Elle porta le goulot à ses lèvres, déglutit bruyamment et laissa planer un bref silence, comme si la question nécessitait une grande réflexion.
— Il se plaît dans son monde.
Je fus prise d’un dégoût immense envers elle, envers Connor et leurs idées à la con.
— Vous allez le nourrir à la coke jusqu’à ce qu’il meurt d’overdose. Ce n’étaient pas les limites que tu cherchais, Bella ?
Son regard noir ne m’intimida pas.
— Ce ne sont pas ces limites là, que je cherche.
— Lesquelles, alors ?
Elle avança son buste, comme pour me confier un secret. Mais sa main s’était crispée à la bouteille, et une perle de sueur étincella au-dessus de ses lèvres.
— La folie, Candice. Vouloir vivre jusqu’à atteindre la folie. C’est ça, qui est passionnant.
Son corps se redressa, elle goûta de nouveau à la bière.
— Fais une expérience, pour moi. Prends une chaise, place la face à un mur blanc. Assieds-toi dessus et regarde ce mur. Longtemps. Des minutes, des heures s’il le faut. Tu me diras ce que tu auras vu.
— Pourquoi est-ce que je ferais ça ?
— Pour la curiosité, fit-elle avec un haussement d’épaules.
— C’est une perte de temps.
J'avais autre chose à faire que contempler un stupide mur pendant des heures.
— Oh, je t’assure que non.
Le reste du liquide passa dans sa gorge et elle reposa la bouteille dans un geste sec.
— Si des bonnes soeurs nous ont attaché à ces putain de chaises, c’était bien pour une raison.
— Et tu veux que je m’inflige ça volontairement ?
— Je veux que tu comprennes. Que tu explores le vaste potentiel de ton esprit. On comprends plus de choses face à un mur blanc que durant toute une vie.
J’en doutais fort mais ne répondis rien. Néanmoins, quand elle fut partie, je songeai à ce qu’elle m’avait dit de faire. Cela ne pourrait rien donner – ou pas. Pourquoi ne pas essayer ? Après tout, ce n’était qu’un mur. Je terminai le service à dix-huit heures, Gorgie étant arrivé pour prendre le relais. Ash était étendu sur le canapé de l’arrière-boutique, profondément endormi. La chaleur le fatiguait plus que moi, alors je le laissai dans ses rêves. Vodka était couchée sur le rebord de la fenêtre, un œil avisé posé sur lui.
— Tu le surveilles, hein ?
Elle me regarda sans comprendre puis ferma les yeux. J’esquissai un sourire puis sortis du bar. La mère d’Ash travaillait, la maison était donc silencieuse. Au lieu d’allumer la télé et de sortir le paquet de céréales, je pris une chaise de la cuisine et m’en allais vers la salle de bain – la seule pièce avec un mur blanc. D’ailleurs, le mur en particulier était celui à côté de la douche, le reste étant recouvert d’un carrelage vert. Mais ça devait suffire pour l’expérience, et si non, que Bella aille se faire voir.
Persuadée que ça n’allait mener à rien, je m’installai sur la chaise, posai mes mains sur mes genoux et collai mon regard contre la paroi. Un silence inquiétant s’empara de la bâtisse. Une goutte tomba du robinet, le cri d’un gamin s’infiltra par la fenêtre ouverte. J’attendis. Attendre quoi, je n’en savais absolument rien. L’apparition d’un ange ? La neige qui tombait ? Je retins un soupir d’exaspération mais me forçai à rester quelques minutes de plus.
Je ne sus si ces minutes étaient vraiment des minutes. Mais au bout de quelque temps, je commençais à percevoir des choses. C’était subtil. Fin. Il y avait comme de fins traits noirs qui se mouvaient contre la cloison. Je clignai plusieurs fois des yeux, persuadée d’halluciner. Ils disparurent. Mais peut-être était-ce là, le but de cette expérience.
Faire surgir l’inexistant.
C’est là-bas que j’ai compris que les limites de l’être humain était bien plus vastes qu’on ne se l’imagine. Mes mains devinrent moites. Les gouttes s’écrasant contre l’évier me rendirent nerveuse. Les traits noirs réaparurent, accompagnés cette fois-ci de tâches plus sombres. Elles se mouvaient sur le mur, glissaient jusqu’au sol. Ma poitrine se comprima. Tout était dans la tête. Tout provenait de l’imagination. Le bruit de l’eau cognant la céramique me fit sursauter. Putain de robinet. Les rideaux de douche bougèrent et j’eus soudain peur qu’il y ait quelqu’un. Tétanisée par la possibilité que je ne sois pas seule, je ne pus bouger. Les ombres prenaient forme face à moi, des yeux se formaient, les yeux du Diable. Elles ont fini par prier, les pauvres. Prier pour nous, ces filles de Satan.
Ces filles de Satan.
Mes pieds étaient collés au sol, il y avait comme une pression qui les retenait, un poids qui m’écrasait et m’empêchait de bouger, de respirer même. Le souffle que j’entendais n’était pas le mien. Je voulus crier. Il y avait des ombres de partout face à moi, noyées dans un silence terrifiant, étalant leurs longs bras vers moi. Quelque chose coula sur ma joue et j’imaginai mon visage strié de sang. Comme le sang qui avait coulé de mon bras. Le sang qui avait maculé la céramique blanche de la baignoire. Des images s’interposèrent, chacune plus réelles que d’autres. Prier pour nous, ces filles de Satan. Le sourire de Bella, le “bam” du pistolet, son corps étendu par terre, noyé dans une flaque de liquide pourpre. Je clignai des paupières humides, mais les ombres étaient toujours là, la présence toujours dans mon dos, attendant patiemment un geste, un son pour sauter à mon cou et m’étrangler. Le monde se resserra sur moi, j’étouffai, j’étouffai, j’étouffai.
Puis la porte s’ouvrit.
Je fis un bond, sautai hors de la chaise. Je me retournai vivement, inspectai la pièce en me pliant sous un sanglot, en partie soulagée de ne rencontrer aucun monstre. Le mur était vierge. Comment ? Pourquoi ? Ash mit du temps avant de pouvoir parler.
— Qu’est-ce que tu foutais ?
Il vit la chaise, fronça les sourcils. Moi, je fus plus concentrée à essayer de respirer et essuyer mes larmes qu’à lui répondre. En réalité, je ne le savais même pas. Si des bonnes soeurs nous ont attaché à ces putain de chaises, c’était bien pour une raison. Attaché. Pendant des heures. Je ne sus depuis combien de temps j’étais restée là, tétanisée, mais sûrement pas des heures, Ash ne dormait pas plus de une heure l’après-midi. Ces filles avaient certainement dû hurler face aux murs. Il y en avait une, Sarah, elle s’est suicidée dans sa quatrième année. Quelles formes avaient pris les monstres de Sarah pour qu’elle ne supporte plus leur présence ?
— Je t’ai posé une question.
— Je… rien, fis-je en essuyant mes joues. Je pensais à Luke, c’est tout.
— À Luke ? grimaça-t-il.
Je m’emparai de la chaise et le poussai presque pour atteindre le couloir. Il me suivit.
— Même quand t’agonisais dans ce foutu motel t’as pas pleuré, et tu veux me faire croire que pour une merde comme lui tu verses autant de larmes ?
— Fous moi la paix, lâchai-je en replaçant la chaise sous la table.
Il prit mon bras, m’empêchant de faire un pas en avant.
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
Ces filles de Satan.
— Rien.
Il ne fut en rien convaincu, mais quand j’allumai la télé et m’assis sur le canapé, il prit place à mes côtés sans un mot. Un bras autour de mes épaules, il fut assez concentré par l’émission pour oublier ce qui venait de se passer. Pas moi. J’avais toujours cette pression contre ma poitrine. Cette impression que tout allait se refermer sur moi, que j’allais manquer d’air. Le soir, quand Ash éteignit la lumière pour dormir, ce fut pire.
Toute la nuit, je me demandai si l’ombre derrière le fin rideau blanc n’était pas quelqu’un.
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