Chapitre 4
Ash avait été collant pendant des jours, après ça. Je ne pouvais pas faire un seul pas sans qu’il ne me suive. Pas prononcer un seul mot sans qu’il n’écoute. Il surveillait les alentours comme un lion s’assurerait qu’aucun prédateur ne s’approcherait de sa proie. Je vivais chez lui à présent, sa mère étant très peu présente à cause de son travail et son père vivant à San Francisco. Il n’avait pas de lit double dans sa chambre, alors on avait posé un matelas dans le bureau et on dormait ensemble, sous de fins draps, avec la fenêtre ouverte pour laisser passer la fraîcheur nocturne. Une fois, je m’étais réveillée un peu plus tard que lui, et j’avais entendu sa conversation avec Luke dans le salon. Il y avait eu des bruits métalliques, puis des mentions de balles et de calibres. Le grand-père de Luke s’était pris de passion pour les armes à feu et à sa mort, ses parents en avaient hérité plus d’une vingtaine. Alors ce n’était pas la disparition d’une qui allait se voir. Mais même si Ash essayait de faire son méchant en menaçant de tuer Connor, il n’aurait pas les couilles pour appuyer sur la gâchette. C’est ce qui me consolait un peu.
Bella appela une fois, pour savoir comment j’allais. Je lui parlai un peu de tout sans mentionner l’important, exprimai le fait que Joyce m’avait donné de l’argent pour acheter des vêtements mais que je n’avais aucune voiture pour me rendre dans un centre commercial, le plus près se trouvant à cinquante kilomètres. Il y avait bien des magasins de vêtements à Lonesome, mais c’était si vieillot que même sans être d’un goût difficile, gaspiller de l’argent dans ça faisait mal au cœur. Alors elle me proposa de m’emmener à Los Angeles, qui se trouvait à trois heures de route. J’acceptai aussitôt mais n’en parlai pas à Ash. Il serait capable de me retenir ici contre mon gré. Le nom “Hustings” réveillait en lui une colère des plus sourdes.
Joyce était rentré deux jours auparavant, prétextant devoir s’occuper du chien de son voisin. Il m’avait demandé de le tenir au courant des événements. J’avais travaillé deux jours d’affilée chez Gorgie, complétant la petite somme qui s’entassait sur la commode du bureau. Le mercredi, à quatorze heures comme prévu, je retrouvai Bella devant le cinéma et m’engouffrai dans sa voiture. On roula trois heures avec le toit déplié, les lunettes sur le nez et les cheveux virevoltants. Je chantai Girls On the Beach à vive voix, savourant la caresse du soleil sur ma peau, la sensation de mes doigts dans le vent. Avais-je besoin de plus ? Non. Si le Paradis avait cette saveur d’été, cette odeur de ferraille chaude et d’herbe cramée, alors je ne demandais rien de plus. Bella souriait devant mon exaltation.
On se gara devant le centre commercial le plus en périphérie de la ville. Entrer dans cet immense bordel citadin demandait le temps et le courage que nous n’avions pas. Je passai devant les vitrines en dévorant du regard les jupes plissées, les tee-shirts remontants, d’autres plus souples avec de larges manches, puis des shorts de différentes couleur : orange, rouge, en jean, orange avec des fleurs, bleus, il y en avait pour tous les goûts. J’en essayai quelques uns, m’admirai dans le miroir avec des robes à points, des foulards de toutes sortes, changeai de tenues toutes les deux minutes sans jamais me satisfaire. Bella récupérait les articles selon mes demandes, me donnait des nouveautés en me disant “essaie, ça t’ira bien”. Des couleurs variées, motifs variés également. J’achetai plusieurs chemises à nouer, des shorts moulants, des bikinis fluos, jupes en jean, foulards, sneakers, talons aiguilles, boucles d’oreille et, avec ce qui me restait d’argent, du maquillage. À la fin de la journée, j’étais épuisée et il était vingt-heures. Néanmoins, j’avais passé la plus belle après-midi de toute ma vie. Sans penser argent, ni première nécessité. Seulement au plaisir.
Le coffre rempli de vêtements, Bella s’arrêta face à une pizzéria et emporta deux pizzas aux quatres fromages. Puis elle s’arrêta devant un motel, annonçant qu’on y dormirait pour la nuit. Il était trop tard pour rentrer à Lonesome.
— Je vais appeler Ash, déclarai-je alors qu’elle se dirigeait vers la réception.
Elle hocha la tête et me laissa seule avec la cabine téléphonique. Je plaçai une des seules pièces qui me restaient et composaient le numéro de la maison d’Ash. On décrocha au bout de quelques secondes seulement, mais ce fut une voix féminine qui prononça le fameux “Allô?”
— Madame Goldstein ? C’est Candice, vous pouvez me passer Ash s’il vous plaît ?
— Oui bien sûr.
Elle l’entendit crier son prénom. Une minute plus tard, le téléphone parut changer de combiné. Un silence gênant s’installa. Par quoi commencer ?
— Ash ?
— Où est-ce que t’es ?
C’étaient des paroles froides, tranchantes. Il était en colère.
— Dans un motel près de Los Angeles.
— Et pourquoi t’es là-bas ?
— Je suis allée faire du shopping avec Bella.
Encore un silence. “Bella” avait dû être le mot de trop.
— Dis-moi l’adresse, je viens te chercher.
— Non.
C’était sorti tout seul. Non, il n’avait pas le droit de m’empêcher de vivre. Non, je ne lui appartenais pas. Même s’il était furieux pour ma nuit avec Connor, et je comprenais parfaitement, il ne pouvait pas me retenir de vivre, de bouger, de respirer.
— Je rigole pas là.
— Moi non plus.
— Putain Candice, dis-moi où t’es. J’ai pas confiance en Bella. Pas du tout.
— Tu ne la connais pas.
— Pourquoi, tu la connais toi peut-être ? Elle a laissé son frère te ramener en sachant comme tout le monde que t’étais presque inconsciente. Et après ça tu pars en vadrouille à Los Angeles, seule avec elle ?
— Elle ne me fera aucun mal.
— C’est pas parce que c’est une fille qu’elle ne va pas te faire de mal.
— Tu vois tout le monde comme des ennemis, soupirai-je, plus lassée qu’autre chose.
— Je vois les Hustings comme des ennemis, nuance. Dis-moi l’adresse, s’il te plaît.
Il avait mis le s’il te plaît pour la forme, mais je sentaiq bien qu’il se retenait de hurler au combiné. Cependant,l pouvait bien dire “s’il te plaît”, “je t’en prie” ou inclure son “bébé” destiné à m’attendrir, ça ne changerait rien. Je l’avait appelé pour l’informer que j'étais toujours vivante, pas pour qu’il vienne me chercher avec sa tête de “badboy possessif”.
— Passe une bonne soirée, Ash, soufflai-je.
— Candice merde, tu…
Je raccrochai. C’était mal. Oui. Je lui en aurais moi-même voulu s’il m’avait fait ça. Oui. Mais honnêtement, j’en avais plus rien à foutre. Je vivais, en tout cas j’avais l’impression de vivre, dans une liberté immense, dans des choses simples mais qui avaient tellement de charme et j’aimais ça. Ce n’était pas lui qui allait briser mes illusions. J’entrai dans la réception et demandai où Bella Hustings avait réservé la chambre. On me désigna la porte 34 par laquelle je m’engouffrai. Les petites lumières étaient allumées, diffusant une ambiance chaude. Il n’y avait qu’un lit double, une petite salle de bain dans le fond. Bella avait déjà englouti une part entière de pizza.
— Qu’est-ce que vous vous êtes dit de beau ? dit-elle en s’essuyant la bouche.
Je m’installai par terre, à côté d’elle et pris une part. Le fromage fondit sur ma langue et je faillis défaillir de plaisir. Je n’avais pas mangé de pizza depuis longtemps.
— Il voulait l’adresse du motel, répondis-je la bouche pleine. Je l’ai envoyé chier.
Elle eut comme un sourire de fierté.
— Il ne m’aime pas, hein.
— Et Connor encore moins.
Je déglutis bruyamment.
— Tu lui as dit ?
— J’ai pas eu le choix, fis-je, mortifiée d’avoir lâché le morceau.
Bella n’était pas censée savoir tout ça, elle allait s’en servir pour sa propre expérience. À moins que je ne devienne parano. La deuxième option me sembla la meilleure. Bella avait juste laissé son frère coucher avec moi, habituée aux filles qu’il ramenait. Puis elle m’avait confié ses idées, sans qu’il n’y ait de lien entre les deux.
— Tu sais, il n’y a pas beaucoup de motel entre Lonesome et LA.
Je l’observai comme si elle venait de balancer une blague.
— Mais il ne peut pas me trouver, si ?
Elle haussa les épaules.
— Il a l’air intelligent ton gars. Et déterminé.
Ok, et puis ? Il débarquerait furieux, me traînerait jusqu’à la voiture qu’il aurait emprunté à sa mère durant la soirée, passerait le trajet à me reprocher milles choses et tout redeviendrait comme avant.
— On verra bien, conclus-je.
Après avoir englouti les deux pizzas, ne laissant que des miettes sur les cartons, je m’affalai sur le lit. Il n’était pas très confortable, mais c’était mieux que rien. Bella s’allongea à côté de moi, appuyée sur ses coudes.
— C’était cool cet après-midi entre filles, confia-t-elle avec un sourire sincère. Ça fait longtemps que je n’ai pas vécu un moment aussi normal.
Je fronçai les sourcils.
— Pourquoi ? Ta vie n’a pas été normale ?
— Pas vraiment. Mes parents nous ont envoyé très tôt Connor et moi dans des écoles privées. On était séparés, comme tu peux t’en douter. J’y suis restée jusqu’à mes dix-huit ans.
Elle coinça une mèche de cheveux blonds derrière son oreille, puis appuya son menton sur sa paume de main.
— C’est là-bas que j’ai eu toutes mes idées sur la nature humaine. On était tellement oppressés, châtiés, sermonnés qu’il était impossible de ne pas se questionner sur notre existence et notre utilité. Il n’y avait que des filles dans notre bâtiment. Des filles qui se mutilaient à force de se sentir emprisonnées. Il y en avait une, Sarah, elle s’est suicidée dans sa quatrième année. Après ça, toutes les portes devaient rester ouvertes et des surveillantes restaient dans les couloirs toutes la nuit.
Elle soupira.
— Quand des mêmes filles se fréquentent dans un lieu aussi fermé, il ne se passe pas que des belles choses. Si Dieu existait, il serait mort de honte devant nos “péchés”.
— Quel genre de péché ?
— Il n’y avait pas de mecs, parmi nous. Alors on s’est satisfaites comme on pouvait.
Je restai bouche-bée. Elle eut un petit rire nerveux.
— Rassure-toi, je n’ai jamais touché une fille après ça. Mais j’ai plus de sympathie pour tous les homos qui se font lyncher dans la rue.
Je n’avais jamais vu d’homo se faire lyncher dans la rue, sûrement parce qu’à Lonesome, on ne laissait pas un seul homo passer la frontière de la ville. C’était trop fermé, trop ancien pour qu’un gay puisse y construire sa vie en paix.
— Les enseignantes ont fini par l’apprendre, reprit-elle, et elles nous ont fouetté devant l’autel de la chapelle, chacune pendant une heure. Alors on a continué. Elles ont fini par prier, les pauvres. Prier pour nous, ces filles de Satan. Mais même si on souffrait, on souffrait ensemble. Et ça, rien ne pouvait nous l’enlever.
Le pouvoir de l’unité, un lien puissant qui faisait des ravages.
— C’est là-bas que j’ai compris que les limites de l’être humain était bien plus vastes qu’on ne se l’imagine. La survie peut devenir une obsession, si on y plonge assez longtemps. Et dans la survie, tout est permis. Il n’y a pas de religion qui tienne. Pas de mœurs à respecter, pas de règles devant lesquelles obéir. Juste toi et la vie. Toi qui lutte pour la vie, en fait.
Sorti de ses lèvres, on aurait dit un poème.
— Après ça, on a fui avec mon frère. Il refusait de revoir nos parents. On a travaillé dans des restaurants, des magasins, un peu de tout jusqu’à ce qu’on apprenne la mort de nos géniteurs. On héritait de leur fortune. Une belle somme. Avec ça on s’est acheté une voiture, une maison et me voilà ici.
— On dirait pas que tu as traversé tout ça.
— Il y a des blessures qui se portent dans le cœur, pas sur la peau.
Elle accompagna ses paroles par un mouvement vers ma joue. Elle toucha lentement mon hématome qui commençait à dégonfler.
— Chacun traverse son propre Enfer, sur cette terre. Et chacun en tire ses propres leçons.
— Les tiennes ont plus de charme que les miennes.
— Lesquelles sont tes leçons ?
— Esquiver les crosses de fusil.
Elle lâcha un petit rire.
— Tu as ce que peu de gens possèdent, ici.
— Quoi donc ? fis-je, vraiment curieuse d’en savoir plus sur moi-même.
— De l’authenticité.
Elle tomba sur le côté et s’allongea sur le dos, à mes côtés. Et à ce moment-là, sans savoir pourquoi, une chanson fusa dans mon esprit.
Born too late to have a chance
To win your love
Oh, why, oh, why
Was it my fate,
To be born too late ?
Ça n’avait rien à voir avec nous, ni avec ce qu’elle venait de me raconter, mais j’eus cet air dans la tête. Nos deux têtes côte à côte, étendues sur ce lit trop dur, avec une mélodie hors du temps, incompatible. C’était peut-être ça, le charme de l’existence. L’imprévu, l’impossible. Je repensais aux mots de Bella plusieurs jours auparavant, à sa soif de dépasser les limites, de goûter à la vraie liberté. Elle s’était battue pour cette liberté. Elle avait souffert pour être qui elle était, ne pas se laisser écraser par ce Dieu qui nous étouffait. Mais moi aussi j’avais été prisonnière. Prisonnière de mon père, de la routine, de cette ville. J’aurais aimé partir, voyager, voir le monde. Un jour, me promis-je. Un jour, j’aurais assez d’argent pour disparaître.
Le sommeil me tira entre deux visions d’avenir. Un poing tambourinant contre la porte me fit sursauter et il faisait jour. Bella se retourna en grognant. Je la secouai un peu puis me levai.
— Ouvre ! gueula une voix masculine derrière la porte.
Je l’aurais reconnu entre mille. Ash. Bella se redressa, fusilla la porte du regard. Je choisis d’ouvrir. Je ne m’attendais absolument pas à me retrouver face à une arme pointée. Il m’écarta brusquement du même bras avant de repositionner son tir.
— Mais qu’est-ce que tu fous, t’es malade ? m’écriai-je.
— Saleté de Hustings, siffla-t-il en transperçant Bella du regard.
Celle-ci ne semblait pas terrifiée du tout. Si elle avait pu, elle aurait même sorti une clope. Je crois même qu’elle se retenait de rire, comme si elle savait qu’Ash ne balançait que du vent. En tout cas, j’espérais pour elle.
— Pose ce flingue, lui ordonnai-je.
Il m’ignora complètement.
— Ne t’approche plus jamais d’elle, c’est compris ? Ni toi ni ton frère.
— Tu n’es personne pour me dire quoi faire.
— Je suis son copain ! cria-t-il, une veine pulsant sous la peau de son front.
Elle retint un gloussement, se recoiffa un peu.
— Ash, cesse de faire le con et repose ça, lui intimai-je plus calmement. C’est bon, je te suis. Arrête ton cinéma.
— Tu crois que c’est un jeu Candy, c’est ça ? Moi je peux te dire que cette fille ne joue à aucun jeu. Elle est en train de te mettre des idées débiles dans la tête.
— Des idées débiles comme le fait de vouloir m’évader pour une seule nuit ?
— Si tu avais été saine d’esprit, tu m’aurais prévenu avant !
— Et tu m’aurais empêchée d’y aller !
Sa main tremblait autour de l’arme. Son index était déjà posé sur la gâchette. Un seul faux geste et tout pourrait partir en couille.
— C’est quoi qui t’as cramé la cervelle, Ash ? fit Bella en le dévisageant. Imaginer Connor la toucher ? Ouvrir ses cuisses, s’introduire en el…
— Ta gueule !
— Ok, ok, sourit-elle en levant ses mains comme pour s’innocenter. Ça te rend malade, c’est ça ? Oh, pauvre Ash. La seule chose qu’il a, on le lui prend.
Tous les muscles de son visage se contractèrent. Je compris trop tard ce qu’était en train de faire Bella. Elle voulait le pousser au bord du gouffre. Et le voir tomber. Sa mort ne comptait pas, c’était ce que deviendrait Ash qui l’intéressait. Pas pour sa propre curiosité, juste pour lui.
Elle avait vécu l’Enfer, elle voulait que les autres le vivent aussi.
Avant que son index n’appuie entièrement sur la gâchette, je tirai sur son bras. Geste désespéré et idiot, oui, mais sur le moment, c’était ce qui me semblait être la meilleur chose à faire. Un “bam” déchira le silence. Je ne compris pas de suite. J’étais juste concentrée sur les écho de ce vacarme, la manière dont le monde répétait ce son, comme un hymne funeste. Puis quelque chose de chaud coula le long de mon bras. Le pistolet tomba au sol et Ash recula, blanc comme un linge.
— Putain de merde. Merde merde, qu’est-ce que j’ai fait ?
Je fixai mon avant-bras. La douleur glissa lentement sous ma peau, dans mes muscles, jusque dans mes os. Puis je criai. Écraser ma main dessus fut ma seule consolation. Trop de sang. Il glissait entre mes doigts, goutait sur le plancher. Il se précipita vers moi mais je le repoussai vivement.
— Ne me touche pas !
— Je suis désolé, Candice, laisse-moi…
— Dégage putain !
J’eus envie de pleurer, pas parce que ça faisait mal, juste parce que c’était lui qui m’avait tiré dessus. Ash ne m’avait jamais blessé. Il se préoccupait trop de ma santé pour ça. Et aujourd’hui, il avait pété un plomb. Oh, pauvre Ash. La seule chose qu’il a, on le lui prend.
Un sanglot me secoua. Bella me poussa vers la salle de bain, ordonna à Ash d’aller demander à la réception un kit de secours.
— Couche-toi dans la baignoire. Tu vas t’écrouler sinon.
Mes jambes étaient secouées de spasmes, elle avait raison. Je pris place dans la céramique blanche, ma main toujours agrippée à mon bras. L’odeur ferrugineuse du sang me donna la nausée. Ça me lançait jusque dans la main.
— Il t’aurait tiré dessus, déclarai-je entre deux hoquets de douleur.
— Non. Il aurait visé à côté, pour me faire peur. J’ai vu où il pointait l’arme.
Donc je m’étais pris la balle pour rien. Ash débarqua avec une mallette rouge qu’il ouvrit juste à côté de la baignoire, sortant toutes les compresses qu’il put trouver.
— J’ai pas besoin de toi, Hustings, pesta-t-il.
— T’es paniqué, tu vas faire de la merde.
— Je suis pas paniqué ! rétorqua-t-il en déroulant un bandage.
— Il faut désinf…
— Je sais ce qu’il faut faire, merci.
Je les laissai se disputer, certaine que j’allais trépasser dans cette baignoire. Ça faisait deux fois déjà que je me surprenais à penser à la mort soudaine. L’hématome de ma joue ne s’était pas encore évanoui que je me faisais transpercer le bras. Il y avait une mauvaise blague quelque part, obligé.
— Je veux aller à l’hôpital, grognai-je.
Mais ils étaient trop occupés à se chamailler sur qui allait jouer au chirurgien improvisé. La céramique se teintait peu à peu de rouge. La panique me monta à la gorge, la peur de me vider de mon sang me saisit. Je tapai du pied sous la douleur insupportable, retins un énième hurlement.
— Appelez l’hôpital ! m’étranglai-je en tapant mon crâne contre le rebord.
— Prends le téléphone ! ordonna Ash à Bella.
Il passa une main sous mon bras. Un cri franchit mes lèvres quand il le bougea un peu. Puis il serra, fort, trop fort. J’hurlai d’arrêter mais il m’ignora. Il termina son nœud. Je ne sentais plus que le sang couler d’entre mes doigts.
— Pardon, répéta-t-il. Je ne voulais pas. Je suis désolé.
Il appuya lui-même contre la blessure quand ma main glissa sur mon abdomen. Certains disaient que la souffrance, à une trop forte dose, ne se ressentait plus. Je n’avais aucune idée de la souffrance morale, mais pour la physique, ce fut véridique. Mes paupières devinrent lourdes et je me surpris même à être confortable. Je n’avais plus mal, ou peut-être, trop mal.
— Eh, non, reste avec moi.
Il posa une main sur ma joue, bougea un peu ma tête. Sa silhouette devint flou.
— Candice ! Réveil ! Non non non, eh !
Je fermai les yeux avec la certitude d’être allongée dans un cercueil.
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