4. COWBOYS ET MERCENAIRES

Semblables à d'immenses tâches d'encre qu'on aurait déversées dans la noirceur du lieu, des ombres se dessinaient dans la pénombre de la taverne, mais ces spectres auraient pu passer inaperçus tant la dextérité avec laquelle ils se fondaient dans le décor était habile, d'autant plus qu'ils demeuraient parfaitement immobiles. Toutefois, le poids que représentait leur présence fut tel que les bandits ne tentèrent même plus de se cacher, si bien que les plus effrontés d'entre eux n'hésitèrent pas à s'avancer de quelques pas vers le centre de la pièce afin de bel et bien signaler leur existence. Le trio qui venait de pénétrer dans le vieux saloon en avait parfaitement conscience à présent ; une horde de criminels les encerclaient, et, dans une frisson ne laissant présager rien de bon, les trois acolytes eurent le sentiment que s'ils tentaient d'esquisser ne serait-ce le moindre mouvement, une pluie de balle s'abattrait sur eux. Bien qu'ils soient sortis de l'ombre masquant leurs traits, les renégats s'étant avancés demeuraient inidentifiables en raison du manque affligeant de luminosité résidant au cœur de cette ancienne taverne.

- Quel honneur que celui d'avoir Sasuke Uchiha face à nous, prononça une voix rudement grave, venant amplifier l'inondante tension en brisant le morbide silence.

Un homme, d'une telle pâleur qu'on discernait à la perfection les veines courant sous sa peau translucide, ce qui lui donnait un teint quasiment bleuté, s'adressa au Uchiha :

- Ca fait un bail qu'on n'a pas vu Itachi, n'est ce pas Sasuke ?

Un spasme, invisible aux yeux de tous mais qui n'échappa au regard perçant du mercenaire, traversa l'interpellé, toutefois ce dernier ne desserra pas ses lèvres pincées, préférant laisser planer le néant du silence comme seule réponse. Ses deux amis, sourcils froncés en raison de l'incompréhension les ayant frappés, jetèrent un coup d'œil au brun qui conservait une mine fermée, avant de s'échanger un regard confus. Le bandit ricana doucement mais n'insista pas davantage, préférant laisser les plus jeunes du groupe d'adonner à ce genre de provocations. Comme il s'y attendait, Hidan ne put s'empêcher de renchérir d'un ton railleur :

- Plus de cinq mois oui, on se demanderait presque si il n'est pas mort.

En effet, ce que les membres de l'Akatsuki soupçonnaient fortement sans pour autant en avoir la preuve concrète mais que les cowboys de Konoha ignoraient en tout point, c'était que l'aîné des Uchiha n'était plus. Itachi Uchiha, ancien cowboy du village caché de la Feuille, demeurait connu dans l'entièreté du Far West comme le tireur le plus rapide de l'Ouest ; on racontait qu'il dégainait son arme avant même que son n'adversaire n'ait le temps de suivre ses mouvements du regard, mais ce n'était qu'une légende étant donné qu'aucun de ses opposants n'avait eu l'occasion de sortir vivant d'un duel contre le hors-la-loi. Nul personne à Konoha n'était au courant de la prétendue disparition du mercenaire, excepté son frère qui, visiblement, s'était abstenu d'en faire part à qui que ce soit.

- Qu'est ce que vous racontez !? s'exclama Naruto en perdant déjà patience.

- Ooh.. poursuivit Deidara qui commençait par être exalté de la situation. Alors comme ça votre cher ami a gardé tout ça pour lui ?

- Me dites pas que vous n'êtes pas au courant qu'cette pourriture d'Itachi Uchiha est morte de la main de son cher petit frère ? ne put s'empêcher d'ajouter Hidan, foncièrement intéressé par la tournure des évènements et attendant impatiemment une réaction évocatrice du brun.

Ce fut le mot de trop pour Sasuke qui, dans un élan irréfléchi confirmant alors bel et bien les dires du brigand, porta la main à son pistolet mais, avant qu'il n'eut le temps de le dégainer, un cliquetis résonna au plus proche de son oreille droite et il sentit un métal froid s'appuyer contre sa tempe. Sans pour autant ressentir une once de crainte le traverser, il s'immobilisa et entreprit de faire rouler ses iris sur le côté avec langueur afin de savoir qui avait posé le canon de son arme contre sa tête, et pouvait à tout moment appuyer sur la gâchette.

- Itachi est un sujet sensible ? lui souffla la voix légèrement nasillarde de l'homme à l'épiderme bleuté au creux de son oreille.

Un glacial frisson parcourut son échine à l'entente de ces mots tranchants, contrastant avec l'ardente rage bouillonnant en lui dans le plus démentiel des tumultes et qui faisait pulser les battements de son organe vital à un rythme indécent. Ses tympans bourdonnants faisaient vibrer ses pensées tandis que son sang tentait d'alimenter son cœur comme il le pouvait, faisant circuler l'hémoglobine au travers de ses veines à toute vitesse. En une fraction de seconde, le corps du brun se retrouva alors en suractivité, si bien qu'il ne sentait plus l'air s'infiltrer dans ses poumons et commença alors à suffoquer. Le Uchiha avait été frappé d'un tel accablement par la déclaration du bandit qu'il n'avait pas vu l'homme s'approcher de lui, et se retrouvait à présent dans une position de faiblesse à laquelle il n'avait jamais fait face - ayant habituellement l'avantage dans ce genre de situation. Une écrasante tension s'était installée dans ce lieu délabré, alourdissant l'ambiance qui demeurait déjà bien trop pesante.

De leur côté, Naruto et Sakura avaient été littéralement cloués sur place par ces aveux, incapables d'esquisser le moindre mouvement, et se trouvaient alors eux aussi piégés, chacun ayant le canon d'un pistolet braqué sur leur nuque. En une fraction de seconde, les trois cowboys s'étaient fait prendre au piège de la manière la plus grossière qu'il soit et, à présent, les renégats pouvaient jouer avec leur vie comme bon leur semblait. Le shérif serra des dents en laissant échapper une exclamation nerveuse, tandis que la jeune femme raffermit machinalement l'emprise de ses propres poings, et tous deux ressentirent la pression du glacial métal contre leur peau s'intensifier, comme un dernier avertissement avant que la balle de plomb ne parte se loger dans leurs cervicales.

- Sasuke, de quoi parlent-ils ? s'écria le blond, en faisant abstraction de l'objet de mort qui était pointé sur lui.

- Naruto, on a plus important à régler pour l'instant, s'interposa Sakura alors que le mercenaire la menaçant se jouait cruellement de la situation en appuyant fermement le canon de l'arme à l'arrière de son crâne.

Le shérif voulut répliquer mais, avant qu'il n'eut le temps de prononcer quoi que ce soit, une déflagration se déchaîna au cœur de la taverne. En un battement de cil, plusieurs coups de feu étaient partis à toute allure - une fraction de seconde de décalage séparant chaque tir - et nulle personne dans la taverne ne put suivre du regard les projectiles de plomb lancés à la pleine vitesse, si bien que seules les détonations des canons leur assurèrent que des coups furent tirés. Une fois les échos du déferlement essoufflés, un immense silence envahit la totalité de la pièce, si bien qu'on aurait pu penser être devenu sourd tant le blanc flottant dans l'atmosphère pesait sur les tympans des êtres présents dans la taverne. Plusieurs secondes s'écoulèrent, dans une lenteur infinie, et durant ce laps de temps demeurant aussi infime qu'un battement de cœur mais paraissant interminable, nul n'osa prononcer mot mais tous retinrent leur souffle. Les gouttes de sueur perlaient et les bouches se faisaient sèches quand, finalement, un bruit sourd se fit entendre : des corps tombants. Plusieurs victimes s'écroulèrent à terre, certains foudroyés raides morts par la balle qu'ils avaient reçus entre les deux yeux. Ceux s'en étant réchappés indemnes eurent la sagesse de ne pas poursuivre les hostilités, bien qu'il ne se firent pas prier pour garder leurs armes braquées sur leurs adversaires.

L'oppressante présence que ressentaient Naruto et Sakura - qui étaient miraculeusement exempts de toute blessure - dans leur dos depuis une poignée de minutes déjà s'était tue et, en glissant leurs pupilles floues derrière eux dans un mouvement de tête anxieusement lent, les deux compagnons purent constater que les mercenaires les menaçant jusqu'ici gisaient au sol, sans vie. Le duo s'échangea un énième regard - la confusion du saphir percutant l'incompréhension de l'émeraude - les traits froncés et les lèvres légèrement entrouvertes de part le choc de la découverte, sachant qu'aucun d'entre eux n'avaient tiré sur leur oppresseur. En effet, le shérif s'était occupé de l'homme à l'épiderme bleuté asservissant le chasseur de prime - le mercenaire avait d'ailleurs été tué sur le coup - tandis que la médecin, n'ayant guère eut le temps de presser la détente avant que les déflagrations ne cessent, s'accrochait avec force au revolver qu'elle braquait devant elle, par instinct de survie. Le cheminement de la réflexion ne mit que peu de temps à se faire, et le duo comprit vite : malgré sa position désavantageuse et le fait qu'il soit dos à eux, Sasuke avait - dans un laps de temps si bref que ces gestes demeuraient impossibles à percevoir - abattu les deux hommes menaçant leur vie auparavant. Avant que les deux compagnons ne puissent rediriger leurs iris vers le troisième membre de leur équipe, celui venant de leur sauver la vie, un grognement se fit entendre dans la faible lueur du lieu. Un lourd souffle fut expiré, venant combler le silence s'étant à nouveau installé, et un énième corps commença à, lui aussi, s'écrouler au sol. Se laissant tout d'abord tomber sur les genoux, comme vaincu, ce fut tout le buste de l'homme qui bascula vers l'avant, dans une lenteur infinie, et la joue du cowboy vint brutalement s'écraser contre le plancher où s'accumulaient poussière et sable en quantité. Sous le corps de l'homme blessé, une véritable marre ensanglanté commença alors à émerger de son abdomen meurtri et se répandre peu à peu sur les planches vieillies du sol.

Pour la première fois dans l'histoire du Far West, le sang de Sasuke Uchiha coulait.

Le plus grand chasseur de primes avait été touché.

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Semblables aux pages cornées d'un livre usé par le temps qu'on feuilletait le plus prestement du monde, d'innombrables images défilèrent à toute vitesse dans l'esprit du jeune homme, aveuglant son esprit en raison du déferlement procuré par les flashs obstruant ses pensées. L'immergeant dans le maëlstrom de sa mémoire, ces souvenirs avaient une couleur, un parfum, une texture, un goût. Tantôt un subtil zéphyr le replongeait en enfance de part ce picotement si singulier procuré par la brise fraîche sur sa peau, tantôt la moiteur de l'épais liquide écarlate prenait le monopole de ses sens, le renvoyant brutalement à cet instant qu'il aurait souhaité ne jamais connaître. Des éclats de passé, aussi tranchants que du verre en morceaux, l'assaillirent de toutes parts, oscillant entre la froideur d'un regard et la douceur des rires d'une enfance scellée, pour finir sur des lèvres formant un tendre sourire puis s'entrouvrant pour laisser un conséquent filet de sang s'échapper.

Enfin le Uchiha se revit, cinq mois auparavant.

Un silence des plus oppressants, deux corps crispés, des revolvers qu'on effleuraient du bout des doigts, des regards se croisant. Une tension si palpable qu'elle se matérialisait, infiltrant leurs poumons d'ores et déjà consumés par le tabac, glissa jusqu'à leurs estomacs qu'elle commença à ronger. Hormis sur leurs visages où perlaient quelques gouttelettes de sueurs provoquées par le stress ambiant et la moiteur de l'irrespirable atmosphère, les traits immaculés des deux hommes en plein duel offraient un saisissant contraste avec le véritable bouillonnement sévissant au creux de leurs entrailles. Les deux adversaires se jaugeaient, balayant la silhouette de l'autre de ce regard d'encre au creux duquel résidaient les plus profondes abysses de ce monde, tout en effectuant quelques pas sur le côté afin de former une sorte de ronde semblable à une arène au cœur de laquelle un combat sanglant était sur le point de se dérouler. Le sol, auquel la sècheresse avait retiré toute humidité si bien qu'il se fendillait de toutes parts, crissait sous leurs lourdes bottes et une légère quantité de sable partait se volatiliser dans l'air sous l'impulsion de chacune de leurs foulées. Un bourdonnement provoqué par un orage naissant vint faire vibrer l'épaisse couche de nuages ternes ondoyant parmi les cieux, et dans un fracas ayant - sans le moindre doute - résonné jusqu'à l'autre bout du continent, un éclair vint frapper le sol de plein fouet, mêlant à son vacarme la détonation d'un pistolet.

Un coup était parti, emportant dans son élan la vie d'un homme.

L'écho de la détonation résonna plusieurs interminables secondes durant dans la vallée, répandant son onde au delà de la ligne d'horizon si bien qu'on aurait juré que même les dieux s'étaient figés à l'entente de ce coup de feu, tandis que - une ultime fois - les deux hommes s'échangèrent un regard. Ils tenaient leurs revolvers pointés l'un sur l'autre, et tout bruissement alentour se tut pour attendre le dénouement de cette scène. Le moindre insecte se faufilant entre deux branchages se pétrifia, toute forme de vit subsistant aux alentours retint son souffle et même les imposants nimbus, qui pourtant régnaient en maître de la stratosphère en ce jour là, cessèrent leurs exhalaisons pour contempler cet affrontement avec la plus grande des attentions. L'aîné avait été le premier à appuyer sur la gâchette, pourtant lorsque l'inexorable sentence tomba, percutant de plein fouet le plus âgé, ce fut ce dernier qui tomba raide mort au sol. Son corps s'écroula sans la moindre retenu sur la terre sableuse qu'il impacta abruptement.

Le pistolet toujours tendu face à lui, le cadet contemplait le résultat de son acte, pétrifié. Tout s'était déroulé à une telle vitesse qu'il n'avait guère eu le temps de prendre conscience de se qu'il venait de se dérouler et il se voyait à présent paralysé, comme prisonnier d'une funeste sensation commençant peu à peu à prendre possession de son corps. Le brun sentit - au bout d'un certain moment de latence - quelques légères gouttes de pluie se réceptionner sur sa main contractée autour de l'objet de mort qui continuait de dégager une légère fumée en raison de la vitesse avec laquelle la balle s'était échappée du canon et, au fil des secondes, il laissa son bras ployer sous l'impact de cette averse naissante. Ne réalisant guère que le temps s'écoulait, le chasseur de prime resta planté là, une dizaine de minutes durant, sans esquisser le moindre mouvement. La quantité de flots croissante s'imprégna cruellement dans la moindre particule du tissu recouvrant sa peau, frigorifiant progressivement son corps par la même occasion, et le brun glissa l'onyx de son regard vers le plafond céleste, son éternel stoïcisme peint sur ses traits, mais avec cette fois ci une douleur prenant vie au creux de ses entrailles. A présent, l'averse s'abattait furieusement sur lui, comme si il avait commis l'irréparable et que cette pluie expiatoire n'était qu'une des dettes qu'il avait à payer ; le brun laissait alors les innombrables perles glacées impacter ses mèches ébènes et frapper son visage nacré de plein fouet, avec une telle véhémence que son épiderme semblait se briser sous ce contact. Trempé jusqu'à l'os, le chasseur de prime ne chercha pas pour autant à se mettre à l'abri, laissant cette véritable avalanche du ciel lui transpercer le corps de toutes parts comme si les gouttes se muaient en balle de plomb au fil de leur chute, et redirigea à nouveau son regard d'encre vers son opposant. Ce dernier gisait au sol, face contre terre, reposant sur ce mélange infâme de terre boueuse et de sang épais.

D'une foulée incertaine, le plus jeune des Uchiha se décida finalement à combler la vingtaine de mètres le séparant de l'homme à terre et s'avança, avec pour seule compagnie la funèbre mélopée de ses pas pataugeant dans la terre spongieuse, et des flots se précipitant follement au sol pour venir s'y écraser dans le plus sinistre des éclats. Une fois qu'il eut atteint l'homme sans vie, le visage clôt de ce dernier à quelques centimètres de ses semelles, le chasseur de prime put méticuleusement contempler le corps étendu et il s'accroupit, un genou frôlant la terre humide et l'autre plié de sorte à ce qu'il puisse disposer son coude en appui dessus, afin de détailler avec la plus grande des précisions celui à qui il venait de faire couler le sang. De toutes parts, son corps était maculé d'impurs substances. Son visage à l'éternel pâleur lotissait dans une flaque d'eau trouble s'étant formée sous sa joue, et dans laquelle trempaient, par la même occasion, ses mèches ébènes ; tandis que, sous son buste demeurant face contre terre, un poisseux liquide écarlate se déversait en grande quantité. Le moindre bout de tissu recouvrant son corps était trempé ou tacheté d'hémoglobine et de boue, si bien que seul son chapeau demeurait exempt de toute macule. Le chasseur de prime poursuivit le cheminement de son regard et buta sur le revolver lotissant encore dans la main de son opposant. Plus par monomanie que par réel intérêt, l'homme aux iris de jais empoigna l'arme de son adversaire, comme il le faisait habituellement avec tout autre malfrat afin d'éviter que ces derniers ne ressurgissent d'entres les morts et lui tirent une balle une fois le dos tourné. Bien que les flots obstruaient sa vue, il décortiqua avec précision l'objet en métal de ses pupilles d'encre, faisant coulisser ses iris sur la structure du canon pour finir par vérifier le contenu cylindrique du barillet. Bien que l'électricité palpitant dans l'air s'était tue, le tonnerre continuait de gronder dans les hauteurs divines, mais ce fut bel et bien Sasuke qui se retrouva foudroyé lorsqu'il prit conscience de la réalité.

L'homme qu'il venait d'achever n'avait, en réalité, jamais eu l'intention de le tuer, la preuve en était que son revolver n'était même pas chargé. Au creux de ses deux paumes qu'il tenait à plat, le brun détaillait avec effroi l'arme au barillet vide de toute balle ayant put attenter à sa vie. Si d'innombrables questions l'assaillirent, ce ne fut qu'un soudain déchirement interne qui accapara les moindres pensées du cowboy à cet instant là. Sa cage thoracique sembla brusquement bien étroite alors que ses poumons tentaient, tant bien que mal, d'acheminer convenablement son souffle. Rongé par l'effroi, il observa à nouveau le visage inanimé du cadavre, son épiderme livide, le reflet de son âme voilé par ses paupières closes, ses pâles lèvres bleuissant à vue d'œil d'où un mince filet pourpre s'évadait. Comme pour appuyer le tragique de cette scène, l'averse se déversait à présent dans toute sa splendeur sur les deux hommes à terre, purifiant le visage de l'un de ces gouttes translucides dessinant de minces filets d'eau sur son épiderme souillé par la terre humide, ternissant les pensées de l'autre de part la lourdeur de son impact, la mélancolie de son chant, et la morosité de ses teintes.

- Accroche toi, bon sang !

Subitement, Sasuke se mit à discerner des voix étouffées, paraissant si lointaines que le brun crut rêver, d'autant plus qu'il demeurait submergé par cette vague de souvenir venant de s'assaillir.

- Réveille toi, Sasuke !

Un filtre le coupait du monde extérieur, il se sentait si loin de tout, perdu dans un espace-temps inconnu.

- Naruto, arrête de le secouer comme ça !

Les éclats de voix qu'il percevait se faisaient de plus en plus distincts, comme perçant la carapace de ce voile recouvrant ses tympans et l'isolant de la réalité. Il sentit de plus en plus ses épaules se faire secouer par deux mains agrippées à son col, mais n'eut cependant pas la force de lutter contre cette agitation et se laissa entraîner par ces abruptes mouvements. Les derniers flashs défilant sous les paupières clauses du Uchiha avant qu'il ne fut entièrement tiré de ses songes furent brefs mais impactants. Des mains maculées d'un liquide écarlate, un glacial visage dont les traits demeuraient scellés à jamais, un chapeau volé à l'aîné puis disposé sur ses mèches de jais, une pluie le tambourinant avec force, une tombe creusée avec les moyens du bords, un corps pesant, une prière chuchotée, un signe de croix effectué et des larmes n'ayant jamais coulées.

Enfin, la lumière du jour vint transpercer la frontière de ses paupières pour venir frapper avec dureté ses globes oculaires, le ramenant définitivement au moment présent. Il sentait la dureté du sol sous son corps ainsi que d'innombrables cailloux exerçant une pression sur sa peau, et comprit alors qu'il était allongé à terre. Les yeux plissés, il distingua vaguement deux silhouettes le surplomber, toutes deux penchées au dessus de lui. Sasuke tenta de se redresser sur ses coudes mais fut stoppé par une violente douleur lacérant son estomac, si bien qu'un grognement s'échappa d'entre ses lèvres pâles tandis qu'il s'écroula à nouveau à terre. Une main protectrice vint se poser sur sa clavicule pour y exercer une légère pression afin de le maintenir au sol et il reconnu la voix de Sakura qui, avec douceur mais fermeté, lui intimait de ne pas bouger.

- Que.. que s'est-il passé ? réussit à articuler le brun du bout de ses lèvres calcinées par la sécheresse ambiante, si bien qu'elles en devenaient rugueuses.

Bien que ses paupières demeuraient à demi closes, il perçut avec netteté la mine des plus sérieuses peintes sur la peau hâlée du shérif, et ce dernier expliqua, d'un ton posé :

- Après que t'aies été touché, des renforts sont arrivés. Il désigna d'un coup de tête une poignée de silhouettes se tenant un peu en retrait, sans aucun doutes des cowboys de Konoha les ayant suivis de loin, et poursuivit : La plupart des brigands ont pris la fuite mais on en a attrapé quelques uns, sans compter ceux tués pendant la fusillade. Leurs forces sont considérablement affaiblies, on n'entendra pas parler d'eux avant un long moment, je l'espère.

La rosée opina du chef à ces paroles, conservant toutefois une inquiétude sur ses traits marqués par l'épuisement dû à leur périlleuse cavalcade, et redirigea l'aquarelle de ses iris vers le blessé qui fixait l'azur brut du ciel d'un regard vide. Son épiderme livide était parsemé de poussière, rendant son teint encore plus blafard que cela n'était permis, et le reflet de son âme éteint accentuait son apparence morne, s'accordant dans une funeste symbiose avec ses sinistres pensées. Le shérif se releva pour aller régler quelques détails avec les nouveaux arrivants de Konoha, tandis que Sakura - qui s'était occupée de stopper l'hémorragie en urgence avec le peu de matériel dont elle disposait une fois la confrontation avec les mercenaires achevée - s'affaira à arranger les bandages imbibés de sang qui enlaçaient le buste découvert du Uchiha. Des bouts de tissus chiffonnés comprimaient sa plaie, et le brun dut serrer des dents lorsque la médecin changea le textile imprégné d'hémoglobine alors que ce dernier frotta contre sa chair à vif. Une fois la tâche effectuée de ses mains expertes, la jeune femme disposa les bandages usagés sur le côté puis se releva avant de déclarer au brun :

- Ne bouge pas, je vais te chercher à boire. Continue à comprimer ta blessure en attendant.

Ce dernier se contenta d'acquiescer sans un mot, la vague de son regard continuant d'ondoyer dans le néant de la voûte céleste. Toutefois en sentant que la pluie de rayons embrasait bien trop ardemment ses iris, il commença à faire glisser une de ses mains de son abdomen meurtri à hauteur de ses arcades sourcilières afin de protéger ses pupilles de la lueur mais se stoppa en constatant la teinte qu'arborait sa main. Restant immobile - voir pétrifié - une poignée de secondes durant, il finit par disposer ses deux paumes aplaties et ses phalanges étendues face à son visage, et détailla avec effroi l'aspect rouge vif qu'elles arboraient en raison de sa propre blessure, de son propre sang. L'hémoglobine goutta sur son visage, entachant le velours ivoire de son épiderme de son sanglant carmin, tant la quantité de sang était conséquente et un frisson glacé parcourut l'échine du blessé lorsqu'il ressentit la froideur du liquide écarlate. Une douleur bien plus fulgurante que celle émanant de sa plaie vint l'assaillir en prenant conscience que la dernière fois qu'il s'était autant sali les mains, qu'il avait fait face à cette écœurante substance, son épaisseur, sa moiteur et son odeur métallique, c'était lors d'un ultime duel, où nul mot ne fut soufflé, où seule la violence écarlate s'était imposée en maître. En se destinant lui même à l'enfer, le chasseur de prime avait envoyé un être vers les cieux, s'entachant les mains de cet élixir mortel dont il ne laverait jamais ; il demeurait à présent en son âme un péché qu'il ne pourrait expier.

Celui d'avoir tué son frère aîné.


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fanart (qui me fait beaucoup trop triper) réalisé par @Himitsu-Bus sur zerochan

je suis beaucoup trop incertaine de ce chapitre abzpjqdb, aussi j'ai le regret de vous annoncer que le dernier chapitre mettra certainement un petit peu plus de temps à arriver pour la simple et bonne raison que je sèche, sorry :<

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