C'est facile de repousser quelque chose une fois. Deux fois à la limite! Mais on ne peut pas se permettre de reporter tout au lendemain indéfiniment. Comme je ne pouvais pas reporter ma première rencontre avec Thomas depuis la fête plus longtemps.
Alors voilà, j'ai passé la journée à dormir chez Dylan. Une fois réveillée, j'ai été faire une promenade dans le parc devant l'immeuble avec lui, mon mal de crâne atroce allait beaucoup mieux. On a pas mal discuté et les sujets de conversation ne manquent jamais avec lui. J'avoue lui avoir tenu la main et c'était vraiment agréable de se sentir aimée, malgré les événements perturbants qui nous ont rapprochés. J'oubliais le temps de cette balade le malaise qui m'envahissait de plus en plus. Ensuite on est rentré, on a fait le soupé avec ses colocataires (pizza, Ki-hong est dans le coin.) et on a tous regardé un film. Les petits gestes affectifs du brun ont laissé des soupçons à Will qui n'était au courant de rien. C'est avant d'aller me coucher, quand Dylan m'a volé un baiser rapide que le blond a poussé une exclamation de surprise puis crié;

"Je le savais! Je le savais!"

Nous avons ris et je suis retournée me coucher. Malgré le fait que j'avais déjà dormi toute la journée, j'ai tout de même réussi à trouver le sommeil une fois de plus. On peut dire que j'ai récupéré toutes mes heures de sommeil manquée de la fête. Passons au lendemain, qui est nettement moins marrant.

***

J'ai pris une douche, je me suis habillée d'un t-shirt de Dylan et d'un pantalon prêté à l'arrache par Brenda, je me suis coiffée et maquillée; j'étais de nouveau en état de fonctionner correctement. La brume qui se propageait dans mon crâne hier s'est dissipée et je me sens renaître de ce nouveau jour. Je suis fraîche et apte à conquérir cette journée. C'est avec une bonne humeur croissante que je virevolte dans la pièce comme une personne plutôt dérangée, quand on toque à la porte. C'est Dylan qui passe la tête dans l'encadrement en me souriant chaleureusement. C'est peut-être ma bonne humeur typique qui me fait penser des choses peu communes mais il est absolument adorable! Je remarque les changements qui prouve qu'il s'est aussi bien remis de sa journée difficile que moi. Il entre et referme la porte doucement derrière lui en posant son index sur ses lèvres. Les autres doivent encore dormir. Je lui fais un sourire en coin en le regardant s'approcher de moi et me prendre dans ses bras, de façon si romantique que ça n'en a pas l'air réel. En effet, je ne suis pas habituée à la relation de couple et donc n'ai aucune expérience concernant le romantisme. Je me dis qu'il m'apprendra et que je me laisserai faire par ses gestes intentionnés.

"Bien dormi?" Me susurre t'il à l'oreille.

Je ris et embrasse sa joue en posant mes mains sur son torse pour le repousser. Malencontreusement il m'attire à nouveau vers lui pour sceller ses lèvres aux miennes et je remercie tous les dieux de l'Olympe d'avoir pensé à me brosser les dents avant. Je souris contres ses lèvres pour stopper le baiser et le pousse hors de la chambre en protestant avoir faim. Il rit en soulignant le fait que j'ai tous le temps faim. C'est la mine grave de Will qui nous accueille dans la cuisine. Oh. Mais qu'est-ce que j'ai encore fais? C'est moi où il me regarde comme si on allait m'enterrer dans quelques heures? C'est fort possible en fait.

"Thomas a appellé. Il dit ne pas avoir eu de nouvelle depuis la fête. Tu ne lui as pas dis que tu étais ici?"

Mon sourire s'efface subitement et toute ma bonne humeur s'envole. J'avais peut-être un peu oublié le rôle de Thomas dans cette histoire. Je secoue négativement la tête en fixant le combiné que Will tient à la main. Lee fait mijoter une soupe dans la casserole en nous jettant des coups d'œil suspicieux de temps à autres.

"Il y a quelque chose qu'on est censé savoir et qu'on ne sait pas?" Dis l'asiatique à la marmite.

Je fronce les sourcils et secoue à nouveau négativement la tête. Will se racle la gorge et accentue le malaise.

"Et donc, vous êtes officiellement ensemble?"

A vrai dire je n'en sais rien, je n'y avais pas pensé. Quelques baisers échangés sont-ils la preuve que nous sommes véritablement ensemble? Je jette un regard à Dylan.

"Oui, les gars, je vous présente la meilleure des petites copines." Le brun m'enlace par derrière et dépose un baiser dans mon cou.

Lee ne peut s'empêcher de siffler et Will hoche la tête et retourne à son téléphone. Il sourit en pianotant.

"Tu parles à quelqu'un de spécial?" Dis-je en m'asseyant à côté de lui.

Il hoche la tête en rougissant.

"C'est confidentiel?"

"Oh, non. C'est Aris."

Je fronce les sourcils, jamais ce nom ne m'était parvenu.

La porte s'ouvre sur Kaya en me coupant dans mon élan de curiosité. Elle allait nous saluer quand son regard tombe sur Will qui fait semblant de ne pas la voir. Ses yeux pourraient presque lancer dans éclaires, vous savez, comme dans les jeux vidéos. Ma curiosité grandit encore de plus belle. Puis c'est sur moi que son regard de glace tombe. De glace à cause de cette couleur rare qui est un tout dans son physique de mannequin. Son expression est soudainement plus douce, plus chaleureuse avec moi. Elle s'approche et pose une main sur mon épaule.

"Es-ce que ça va?" Me dit-elle le regard emplit de peine.

Je ne sais comment réagir, c'est étrange.

"Oui, pourquoi ça n'irait pas?"

Elle jette un regard à Dylan qui observe la scène depuis le plan de travail où il est assis paresseusement.

"Thomas s'inquiète, pourquoi tu ne rentres pas?"

Je hausse les épaules et bois une gorgée du café que Lee me sert en essayant d'ignorer Dylan qui lève les yeux au ciel.

"Mercy, pourquoi tu fuis Thomas?" Insiste t'elle.

"Je ne sais pas! Je n'ai pas envie de lui parler maintenant." Dis-je avec une repartie médiocre.

"Es-ce qu'il t'as dis quelque chose de blessant?"

J'en recracherais bien mon café.

"Mais non enfin!"

"On pourrait m'expliquer ce qu'il se passe ici?" S'insurge Lee qui perd patience.

Kaya secoue la tête.

"Tu vas bien devoir rentrer chez toi un jour..." Elle regarde un instant ce que ne porte sur le dos et remarque le t-shirt de Dylan.

Ses yeux s'ouvrent comme des soucoupes mais je fais semblant de ne pas le remarquer. Mon café englouti d'une traite, je prétends devoir occuper la salle de bain. Dylan m'intercepte au passage en posant une main sur mes hanches, enclenchant de suite un frisson dans mon échine.

"On va aller le voir. Tous les deux." Je hoche la tête avec hâte pour m'en aller d'ici le plus vite possible.

Mais Dylan augmente ma détresse en s'emparant une énième fois de mes lèvres devant nos amis.

"Je t'aime." Dit-il tout bas pour que seul moi puisse l'entendre.

Je lui souris faiblement et me presse à la salle de bain, laissant Kaya sous le choc et Dylan, un peu déçu de ma réaction.

C'est officiel, je fais tout de travers.

***

"J'ai pas envie." Dis-je tout bas à Dylan devant la porte de l'appartement de Thomas, tenant mes clés vers la serrure sans oser les insérer dedans. Il me tient dans ses bras pour me réconforter, ses yeux cherchent les miens sans grand succès.

"J'en ai pas envie non plus... C'est mon meilleur pote."

Je hoche la tête et finalement, entre la clé dans la serrure, tourne et ouvre la porte. L'entrée donnant sur la cuisine et le salon est déserte, j'en déduis qu'il est dans sa chambre. C'est tout de même le bruit de la porte s'ouvrant qui attire le blond dans le salon. Je comprends avec étonnement qu'il était non dans sa chambre mais dans la mienne. On se dévisage un instant, un instant douloureux pour moi, avant que je n'ose formuler ma phrase.

"Qu'est-ce que tu faisais dans ma chambre...?" Dis-je en fronçant légèrement les sourcils.

Bravo Mercy, on peut dire que tu sais y faire dans les situations délicates. Il esquive ma question en reposant son regard sur Dylan.

"Qu'est-ce qu'il fait ici lui?"

Le brun et moi haussons les sourcils à l'unisson en regardant Thomas. Pourquoi une telle brutalité envers son ami?

"J'accompagnais Mercy, c'est tout. Je dérange?"

Thomas sert les poings.

"Et pas qu'un peu. Pourquoi tu te pointes après presque deux jours Mercy?"

Dylan avance d'un pas, me couvrant de sa hauteur en regardant Thomas l'air incrédule.

"Mec, c'est quoi le problème?"

Celui-ci croise les bras et dévisage Dylan sur un air de défi.

"Mon problème? Et le tient c'est quoi? Coucher avec des jeunes filles bourrées, tu fais ça souvent?"

Son ami prend cette remarque comme un coup de poing en plein de le thorax; et moi, impuissante, je ne peux que refouler mes larmes. C'est une douleur immense qui se propage en moi. Je ne peux rien dire, je ne peux pas m'expliquer. Il est évident que si j'ai tant été blessée par les retrouvailles du blond et d'Isabella c'est parce qu'il me plaisait. Mais je ne peux pas me permettre de lui dire ça maintenant; pas devant Dylan. C'est pour ça que je ne voulais pas le voir. Pour reprendre à zéro et essayer d'être heureuse avec Dylan en oubliant Thomas. De toute façon, je ne plais jamais aux gens qui me plaisent réellement. Il s'en contre fiche de moi, je suis sa colocataire, son amie. C'est tout.

"ON était bourrés vieux. Et je ne vois pas pourquoi ça te dérange de savoir si on a couché ensemble ou pas."

Le blond fait de son mieux pour rester à l'écart; je le vois pincer l'arête de son nez pour reprendre son calme. Jamais je ne l'ai vu énervé, à mes yeux il est un garçon calme et plein de bonnes intentions.

"C'est pas ça. Je te connais et je sais que depuis l'épisode de Britt tu dois satisfaire ton manque. J'ai pas raison?"

"Alors moi, ton meilleur pote, tu me vois comme un espèce de pervers coureur de jupes qui couche avec n'importe qui? Et qui en plus profite de l'état d'ivresse? Et si je te dis que j'en avais envie parce que je l'aimais déjà avant cette putain de fête? Si je te dis que j'étais et je suis amoureux?"

Thomas le regarde, complètement choqué.

"Comment t'as pu me faire ça?" Dit-il tout bas.

"Mais te faire quoi bordel?!" S'insurge Dylan en hurlant presque.

"Tu savais très bien ce que je ressentais, pauvre con!" Crit-il à travers l'appartement. Il prend le temps de se calmer en posant ses mains sur le bar dans la cuisine et soupire longuement en fermant les yeux. "Sors d'ici." Dit-il d'une voix presque inaudible sans un regard vers nous. "Sors d'ici Dylan."

Dylan laisse retomber mollement ses bras le long de son tronc sans cesser de fusiller Thomas du regard. Il attrape ma main et m'attire vers la porte sans demander son reste. Nous sommes dans le couloir quand, la main sur la poignée, il crit une dernière fois à l'adresse du blond;

"On s'aime Thomas. Et je suis heureux avec elle. Et si tu ne veux pas partager mon bonheur, alors va te faire foutre." Sur ce, il claque la porte avec violence, m'entrainant à l'extérieur de l'immeuble.

***

J'ai grandement besoin d'air et Dylan de même. Je refuse donc d'aller m'asseoir à un café ou d'aller au parc comme hier. Je veux m'éloigner d'ici alors me voilà partie seule en direction de la station de métro la plus proche, sans un mot. Dylan me rattrape; je pleure. Je n'ai rien dis et je m'en veux. Les dernières paroles de Thomas laissaient-elles entendre que lui aussi m'appréciait? Es-ce que je me suis véritablement trompée sur toute la ligne? Oui, je me sens stupide et c'est comme si la fille hyperactive avec une joie de vivre sans limite s'était envolée laissant place à une traînée de brouillard noir et épais. Il essaye vainement de saisir ma main mais je le repousse; je ne veux rien savoir de personne. Il me faut juste de la tranquillité, c'est tout ce que je demande. Je respire alors une grande bouffée d'air sans prêter attention au Dylan penaud qui regarde le sol sans savoir que faire.

"Mercy, est-ce que tu aimes Thomas?" Me dit-il avec une certaine méfiance.

Je ne me retourne pas tout de suite en réfléchissant à du mille à l'heure. Peut-être. En effet, peut-être que oui. Mais maintenant il est trop tard et je ne peux pas effacer le passé, je dois tourner la page. De peur que mon silence me trahisse je me retourne vers lui et hoche la tête négativement.

"C'est juste que... C'est très gênant. Est-ce que lui il..." Ma voix se brise soudainement me donnant une voix de canard en plastique détraqué.

Il hausse les épaules et shoot dans un cailloux trainant au sol. Je suppose que cette réponse veut tout dire mais je me dois d'en être certaine. Alors j'insiste.

"Dylan?

Il soupire.

"Ouais, je crois qu'il t'aimait plutôt bien."

Mon coeur se serre. En fait c'est peut-être encore plus douloureux maintenant.

"Mais et Isabella?"

Il m'interroge du regard, j'avais oublié qu'il ne savait pas.

"Il a couché avec elle l'autre soir, je crois."

"Merde." Dit-il tout simplement en se prenant le visage entre les mains. "Ce salaud."

Je secoue la tête et enfonce mes mains dans mes poches en regardant vers le ciel.

"Tu veux... Tu veux qu'on arrête là alors? Enfin je ne sais pas, je comprendrais." Dit Dylan en venant se poster à côté de moi.

Non, non. Je ne veux pas. Cette relation peut tout changer, Dylan peut me faire remonter à la surface, je le sais. Alors je tourne la tête vers lui, les yeux remplis de tristesse et je me dresse sur la pointe de pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres avec tendresse. Ses mains viennent trouver mes hanches avec affection et tout de suite je me sens mieux. C'est aujourd'hui que je vais tourner la page et que ma vie prendra une autre tournure. J'ai perdu Thomas, c'est irréparable et la mélancolie des bons moments passés est insoutenable. Mais au moins je ne serais plus seule. Je pourrais aimer et être aimée en retour; sans pudeur cette fois. Alors je prends le visage de Dylan à deux mains et comme pour répondre à ses paroles de ce matin, je lui dis simples;

"Je t'aime."