chapitre 4 : passé

-T'es prête ?

Noa avait relevé la tête de son cahier, les sourcils froncés.

-Pour ?

Lewis avait plissé les yeux.

-Bah, le Grand Prix... La voiture est là dans cinq minutes.

Le visage de Noa s'était décomposé, et elle avait commencé à jouer avec ses doigts.

-Je t'ai pas dit que je venais pas ?

Lewis avait cligné des yeux plusieurs fois, essayant d'ignorer son cœur qui explosait en mille morceaux. Il venait de tomber de cinq étages juste en entendant cette phrase.

-Comment ça ? J'ai dit que si à l'équipe quand tu as accepté la semaine dernière, avait-il rappelé, un poil agacé, et Noa fait la moue.

-Je suis désolée, je pensais que je t'avais prévenu... j'ai un exam blanc qui s'est rajouté lundi matin.

Il n'avait rien répondu. Il ne pouvait rien dire, de toute façon. Evidemment, qu'elle devait rester pour réviser pendant le week-end. Il avait assez vu ses pages de cours et entendu parler du niveau de ses camarades pour savoir qu'un concours, même un concours blanc, ça ne s'improvisait pas.

Mais putain, c'était le week-end de Silverstone, le Grand Prix à domicile, et Lewis s'était imaginé vivre tout ça avec Noa à ses côtés. Il avait prévu d'arriver avec elle, main dans la main, sur le paddock, peut-être qu'ils auraient pu s'habiller dans les mêmes tons noir et blanc, aussi ? Elle serait venue au pied du podium et il lui aurait tendu le reste de la bouteille de champagne après avoir arrosé ses co-vainqueurs.

Dire que c'était elle la cinéphile alors qu'il s'était inventé un scénario digne des meilleures comédies romantiques. Le film venait de changer de genre, il était maintenant fait de retournement de situation représenté par l'absence de Noa, et aussi de dynamite, le cœur de Lewis qui explose de se savoir sans sa copine tout le week-end.

Et puis, l'écurie avait anticipé sa venue, préparé un pass paddock, et tutti quanti. Mais ça, comme le reste, Lewis le garda pour lui. Il lui souhaita un bon week-end alors qu'il allait forcément être pourri étant donné ses plans, et c'est avec cette pensée qu'il monta dans la voiture : les absents ont toujours tort, surtout ceux qui sont invités gratuitement à assister à un Grand Prix depuis le garage Mercedes.

Alors Lewis avait passé son week-end tout seul, les médias, les essais, les qualifications, le Grand Prix. Il avait terminé sur la plus haute marche du podium, pour la première fois avec cette écurie, pour la seconde dans sa carrière.

-Noa ne devait pas venir, ce week-end ?

Lewis avait froncé les sourcils avant de se retourner pour regarder Nico, surpris.

-Si. Elle a pas pu se libérer.

Son coéquipier avait rigolé.

-Et toi, tu gagnes la course, t'es pas perturbé pour un sous par une fille, c'est une bonne mentalité, ça.

Lewis n'avait rien répondu. La situation était plus compliquée que ça, il aurait aimé pouvoir prendre ce compliment. Si pendant un moment, il avait pensé que sa relation avec Noa allait durer pour toujours, il commençait à se dire qu'elle était peut-être qu'un passage dans leur vie. En ce moment, ils ne se comprenaient plus, tous les deux trop occupés à suivre le rythme de leurs propres rêves sans avoir le temps de s'intéresser à ceux de l'autre. Pourtant, ils s'accrochaient, sûrement en vain. Lewis les imaginait souvent dans un cimetière, tous deux bien vivants, en silence, près des tombes. Tuant le temps en attendant que leur relation finisse six pieds sous terre.

En rentrant, le dimanche soir, il avait trouvé Noa déjà endormie, ses affaires prêtes pour son examen du lendemain dans l'entrée. Et le lundi, quand la porte s'était ouverte, il n'avait pas couru pour l'accueillir. C'est seulement quand elle s'était assise sur le canapé qu'il avait demandé :

-Ça a été ?

-Ça a été. Et toi ?

-Ça a été.

Et c'était tout. Elle n'avait pas développé alors qu'elle aurait pu parler de son stress pendant ses révisions, seule devant la montagne de travail, ou bien du nœud dans son estomac en se réveillant le matin. Elle aurait pu lui dire qu'elle n'était pas du tout certaine d'avoir réussi la première partie de l'examen, mais très confiance sur tout le reste, et qu'elle était soulagée mais qu'elle savait qu'elle ne pouvait pas relâcher ses efforts maintenant, pas si proche du but.

Et lui, il aurait pu lui confier que le week-end avait été différent sans elle, qu'il aurait aimé qu'elle soit là pour vivre tout ça avec lui, voir ses coéquipiers, le soutenir depuis le garage. Qu'il était terriblement fier de sa victoire et qu'il avait l'impression de toucher ce championnat du bout des doigts, et qu'il savait qu'il ne pouvait pas relâcher ses efforts maintenant, pas si proche du but.

Ils étaient restés silencieux. Comme leurs squelettes au cimetière. Creusant la tombe de leur relation.

En allant se coucher, comme chaque soir, Lewis l'entend. Il pensait à une hallucination, les première fois, mais à force, il s'est rendu à l'évidence : elle marmonne bel et bien ces mots. Il est incapable de dire si elle est éveillée, à moitié dans les vapes ou bien endormi. Mais chaque soir, il balbutie en réponse :

-Tu as dit je suis l'amour de ta vie.

If you know it in one glimpse, it's legendary
What we thought was for all time was momentary
Still alive, killing time at the cemetery
Never quite buried
You cinephile in black and white
All those plot twists and dynamite
Mr. Steal Your Girl, then make her cry
You said I'm the love of your life

Si tu le sais en un coup d'oeil, c'est légendaire
Ce qu'on a cru éternel était éphémère
Toujours vivants, tuant le temps au cimetière
Jamais vraiment enterrés
Toi, cinéphile, en noir et blanc
Que de rebondissements et de dynamite
Monsieur Vole Ta Copine, puis la fait pleurer
Tu as dit je suis l'amour de ta vie

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